5. 2. Une affirmation centripète : les traductions juridiques

Le principal moteur de la période fut la réflexion politique, et peu à peu, le platonisme évince l’aristotélisme, la vision sociale du destin de l’homme supplantant la vision naturaliste de celui-ci. Émerge alors le concept d’État.

L’augustinisme politique, vision rassemblant les pouvoirs de l’Église et de l’État, et qui place l’unité de l’empire sous la dépendance de l’unité chrétienne a fait son temps. L’esprit de saint Thomas, qui prône l’autonomie du pouvoir politique, refusant de le confondre avec la puissance de l’Église, fait des émules. Cependant cette indépendance de l’État est contingente d’une relation de bonne intelligence entre les deux pôles du pouvoir.

Le lexique entérine ce nouvel état de fait :

Les emplois politiques du terme status sont tardifs en latin. Sous la plume de Cicéron, il désigne des associations dans des expressions telles que status civitatis, status rei publicae ; chez Tertullien qui parle de romanus status, status Iudaeorum, le substantif status remplace les traditionnels imperium, civitas et autres res publica.

Les langues européennes empruntent le terme au latin, et utilisent prioritairement les sens non politiques :

En anglais, le terme state apparaît en moyen anglais avec un sens proche du sens latin (condition, mode d’existence, étape de la vie). En français, le terme estate emprunté en 1213 signifie d’abord « manière d’être d’une personne » ; en 1376, il prend le sens de « condition politique et sociale »(qui subsiste dans l’expression tiers état). En moyen haut allemand, le terme stat a surtout le sens « rang, niveau social, classe » voire « situation, circonstances ». C’est le premier sens qui se répand au 15e siècle.

Le latin médiéval, par un glissement sémantique du sème /stabilité/ lui donnera le sens de « comptes de la cour, gestion, comptabilité », sens qui réapparaîtra, par la contamination du sémème /état juridique/ en moyen haut allemand où stat prend le sens de « état de droit, d’équipement juridique ». Mais celui-ci restera peu usité, si ce n’est dans les chartes, et pièces juridiques de la Hanse (à partir du 14e siècle). Cependant, les utilisations politiques du terme demeurent sans suite jusqu’au 17e siècle, sous l’influence de l’italien et du français qui les actualisent.

C’est en italien, que l’utilisation politique du mot apparaît le plus tôt : dès le début du 14e siècle (1300-1313), Dante lui donne le sens de « forme de gouvernement ». Depuis la fin du 14e siècle, le français l’utilise pour désigner tout groupement humain soumis à la même autorité ; et c’est en 1549 que le terme réfère, par métonymie, à l’« autorité souveraine qui s’exerce sur l’ensemble d’un peuple et d’un territoire ». À la même époque, l’anglais lui donne le sens de « corps politique organisé en vue du gouvernement », et par spécialisation, l’utilise pour désigner le pouvoir civil gouvernant un pays ou une nation (1538). Par un phénomène métonymique inverse au français, c’est en 1568 qu’il désignera le peuple organisé par un gouvernement souverain et occupant un territoire défini. En 1589, le terme se distinguera du terme church et de toute forme d’organisation et d’autorité ecclésiastique, marquant ainsi l’autonomisation de l’État.