5. 2. 2. Naissance des États

La naissance de l’esprit laïc s’incarne en premier lieu dans les villes italiennes et dans le mouvement communal, puis dans les États nationaux au fur et à mesure de leur constitution. En raison des luttes intestines au sein de l’Église, celle-ci perd du pouvoir en Italie et en Allemagne. L’Espagne du début du 14e siècle rencontre quelques difficultés à s’adapter à ce changement de la société : les luttes intérieures ravagent le pays jusqu’à la fin du siècle, et l’unification du royaume ne verra le jour qu’avec l’avènement des rois catholiques102. Les rois chrétiens sont désormais des souverains qui assurent la gestion de leur pouvoir terrestre, ne craignant ni le pape, ni l’empereur, et de moins en moins les féodaux.

Le pouvoir délégué par Dieu au roi passe du domaine du sacré à celui du politique : on assiste à une intégration dans les esprits de la notion de chose publique, incarnée dans la personne royale, et à une concentration du pouvoir entre les mains d’une équipe unique. Le roi, bras de Dieu, a toute liberté sur son domaine. En effet, le droit romain, redécouvert au 11e siècle, après avoir gagné le Sud de la France à la fin du 12e siècle (cf. supra, 1. 3. 4. 1.), est désormais utilisé par les légistes et les théoriciens politiques pour affirmer l’autorité royale103. Ceux-ci établissent une définition rigoureuse de la notion de chose publique et de puissance publique déléguée à un chef unique qui représente l’État et sa souveraineté. Le prince peut ainsi refuser de se soumettre au Pape, et saper les pouvoirs de la noblesse. Le pouvoir royal, établi au prix de cette double lutte contre la papauté (et l’Empire) et la féodalité, dans un climat où resurgit le droit romain et l’aristotélisme, donnera naissance à l’idée d’État.

Notes
102.

L’Espagne serait un des premiers pays où le sentiment national se serait développé en raison du ressentiment envers les musulmans (cf. Hermet (1996 : 42)). L’Angleterre est également précoce (dès la Grande Charte en 1215) ; quant à la France, elle se définit vigoureusement avec Philippe le Bel, contre la papauté, les juifs, l’Empereur, et même les féodaux qui sont le contraire de l’État.

103.

Cependant, les canonistes l’utilisent également pour asseoir l’autorité pontificale.