6. 3. 2. L’approche littéraire

En effet, la sociologie du groupe italien est totalement différente de celle de son alter ego français. Si, en France, la cour administrative remporte les suffrages de bon nombre des édificateurs de la norme, l’humanisme péninsulaire raille le style des gens de justice. Le pontificat percevant d’un oeil bienveillant la culture qu’ils véhiculent, les humanistes ne ressentent pas le besoin de s’allier à un pouvoir – qui, en l’absence de construction stato-nationale, ne peut de toute façon pas constituer un contrepoids à l’Église – dont ils se feraient les chantres. D’autre part, la prestigieuse culture littéraire du 14e siècle contrebalance les tentatives de constitution d’une norme en référence à un groupe social. Enfin, l’identité de ce groupe ne s’est pas construite en opposition à l’Université181. En effet, les universités italiennes accueillent favorablement le mouvement, et bon nombre de ses tenants y ont enseigné.

Notes
181.

Ce qui peut paraître paradoxal puisque ces hommes, souvent juristes ou issus du milieu juridique, avaient concouru au prestige des chancelleries italiennes à la charnière des 14e et 15e siècles. Ils avaient insufflé leur culture et stimulé l’art du style. Cependant, au 15e siècle, ils prennent le relais des historiens du 14e siècle et rédigent bon nombre de textes de propagande en vulgaire. C’est ainsi que l’on assiste à la disjonction des tâches allouées aux membres des chancelleries : à partir de 1450, l’historiographie se professionnalise, les notaires et secrétaires devenant de simples techniciens juristes (cf. Collette Beaune (1999 : 237)). Ce phénomène concourt à l’image négative de cette discipline auprès des humanistes qui usent de leur influence davantage en faveur de la rhétorique que du droit.