7. 2. Les limites du latin

L’alliance des pouvoirs avec l’un ou l’autre des courants de la chrétienté, le rôle adopté par les princes, antagonistes ou protagonistes de Rome, chefs du culte nouveau ou défenseurs du rite ancien, permettront la coïncidence des sentiments de fidélité envers le roi et envers le Christ. Au nationalisme des villes italiennes et allemandes du 15e siècle succéderont alors les patriotismes espagnols, hollandais et anglais du 16e siècle213. Cette période verra l’émergence de la notion de citoyenneté et l’épanouissement de la notion d’État-nation. L’image du souverain alors exaltée – majesté, justice, beauté, bonté étant fortement liées à la notion de puissance royale – sert de ciment à une communauté dans laquelle ne se projettent réellement que les intellectuels comme Érasme ou Du Bellay214. Ce sont ces mêmes intellectuels, artisans des langues communes étatiques, qui en seront les défenseurs et illustrateurs.

Notes
213.

Le rôle de chef de l’Église nationale explique la précocité de l’État-nation-patrie en Angleterre.

214.

Quoique les positions des deux hommes divergent. Si Érasme évoque le sentiment identitaire, c’est avec ironie : « Si la nature fait naître chaque homme avec cette Philautie, qui est Amour de soi, elle en a muni également chaque nation et chaque cité. » dit-il dans l’Éloge de la folie (p. 52). Suivent alors les diverses revendications qu’Érasme attribue à divers cités et pays : les Français revendiquent l’urbanité, les Parisiens la connaissance théologique, les Italiens s’estiment le seul peuple à ne pas être barbare, etc.. Du Bellay est l’un des représentants de cette littérature nationaliste (Heureux qui comme Ulysse), où le sentiment national se teinte d’amour pour le terroir.