12. 3. 1. Les systèmes morphologiques : l’analogie structurale

Humboldt, qui reprend la typologie schlegelienne, recherche les mécanismes de cette subordination. Dans sa théorie, c’est l’articulation du sensible et du non-sensible (mot et concept) qui donne sens au mot. Suivant une gradation qui va de l’iconique au sémiotique, Humboldt détermine les procédés articulatoires (iconiques) suivants :

— les onomatopées, processus jugé primitif par l’auteur436 ;

— l’imitation de propriétés déterminées des objets par des sons qui présentent une adéquation particulière à la représentation de l’idée, mais aussi par comparaison avec le reste du système. Les objets provoquant des impressions sensibles se voient assignés les mêmes sons (Wind (vent), wehen (souffler), Wolke (nuage) présentant « les incertitudes que les sens perçoivent dans le mouvement par le W qui est une contraction de la sourde U » (Humboldt, Introduction à l’oeuvre sur le Kavi, 18 ; 1835 : 219)). Les locuteurs sont sensibles à cette articulation iconique comme l’indique son usage dans la poésie ;

— la relation analogique, c’est-à-dire les familles de mots (comme par exemple pommier/pomme) ; c’est la notion saussurienne de motivation relative, une relation de ressemblance mot/mot produisant une relation de ressemblance signification /signification, que l’on trouve également dans les paradigmes verbaux. Cet ordre analogique de désignation des concepts, comme l’appelle Humboldt, est le plus fécond des trois procédés évoqués, et forme un système de motivation relative à l’image de la cohérence du monde.

Il convient d’ajouter à cette tripartition la reproduction de la réflexion par l’articulation, image de la structure de la pensée. Celle-ci présente diverses réalisations, avatars de la forme : division du mot en phonèmes, conjonction des phonèmes en mots, puis en phrases. Au plan de la liaison des structures avec la pensée, notons l’articulation de la pensée en lexèmes et morphèmes, l’union du lexème et du morphème en mots fléchis, la possibilité offerte au mot fléchi d’appartenir à la phrase et de régir celle-ci. Humboldt pose donc l’isomorphie des processus d’articulation et de réflexion, et fait de cette isomorphie un critère d’évaluation des langues : plus les catégories et les procédés grammaticaux d’une langue se rapprochent des catégories de pensée, plus la langue est aboutie.

La notion majeure à dégager de cette théorie est la notion d’iconicité du langage par rapport au monde :

‘Dans la mesure où la concordance avec le monde intérieur et extérieur est l’objet ultime du langage, celui-ci ne participe pas également de l’image et du signe mais tend en définitive à l’iconicité (Trabant, 1992 : 76).’

De l’image, le langage possède cette fonction de reproduction du monde ; avec le signe, il partage l’articulation des deux faces matérielles et spirituelles.

L’iconicité purement matérielle tend vers l’image sonore. Elle n’établit pas d’isomorphie entre la sphère du matériel et la sphère du spirituel, ce qui en fait un procédé rudimentaire aux yeux de Humboldt :

la sonorité émise dans l’objet trouve une réplique aussi poussée que peut l’être la reproduction du non-articulé par l’articulé (...) les éléments non-articulés entrent fatalement en conflit avec l’articulation (...) une telle opération (...) sera suspecte d’une rudesse grossière (...) elle s’efface peu à peu avec les progrès de la langue (Humboldt, Introduction à l’oeuvre sur le Kavi, 18 ; 1835 : 218).

Car, rappelons-le, le langage n’est rien en dehors de l’articulation. Ainsi, le symbole, qui fait fusionner les deux plans que le langage articule, n’est qu’une esquisse, une schématisation grossière de la signification. Comme l’indique le troisième élément de sa typologie, ce n’est pas dans le mot qu’il convient de chercher l’isomorphie, mais dans la langue :

‘L’intégration en un système, tel que chaque élément articulatoire contient un trait qui fait voisinage ou opposition avec tous les autres, est immanente au mode opératoire qui les produit. Chaque élément phonétique singulier est formé en relation avec l’ensemble qu’instituent les autres éléments dont le concours est nécessaire pour permettre le libre épanouissement du discours. Sans qu’on puisse déceler ici les modalités effectives, chaque peuple produit des sons articulés en un nombre et selon des relations qu’exige son système linguistique propre (Humboldt, Introduction à l’oeuvre sur le Kavi, 15 ; 1835 : 207).’

L’iconicité ultime n’est donc pas à rechercher dans la simple imitation matérielle, mais dans l’organisation des langues. Cette organisation se matérialise, comme le linguiste allemand le montre dans les deux derniers points de sa tripartition, par un système de motivation différentielle. Les différentes composantes concourent au fonctionnement de l’ensemble, la position qu’elles occupent au sein du système ainsi formé leur conférant leur valeur. L’iconicité, point de fuite du langage, est donc une iconicité intrasystémique qui reproduit les fonctions fondamentales de la pensée : division, reliure et individualisation, ou, en d’autres termes, délimitation, liaison et organisation. Les thèses des néo-grammairiens vont dans le même sens : les causes mécaniques des changements linguistiques se doublent de causes psychologiques, qui prennent la forme d’une tendance à l’analogie propre à l’être humain. Ainsi, le locuteur tend à grouper en classes les mots se ressemblant par le sens et par le son, mais aussi, à créer des mots pour enrichir ces classes.

Nous l’avons signalé, Humboldt avance des positions idéalistes en matière de terminologie. Cependant, sa conception de l’iconicité n’est pas sans évoquer au lecteur moderne les principes de la terminogénie, telle qu’elle a été inaugurée par les naturalistes, puis perfectionnée par les chimistes.

L’anatomie comparée comme la chimie post-lavoisienne conduisent à la remise en question des nomenclatures élaborées, et si conformes aux aspirations des disciplines jusqu’alors purement taxinomiques. Arguant du fait que les noms attribués par un système s’appuyant sur un état de la science dépassé risquent de propager des erreurs – différents organes étant dotés de la même fonction – Geoffroy Saint-Hilaire fils conteste la nomenclature classique et la classification. Ce n’est pas un réquisitoire sans appel contre la taxinomie, mais la mise en évidence d’un problème que Vicq d’Azyr, en homme de la période précédente, n’avait pas perçu : comment souligner les complexités de la structure, espace à trois dimensions, avec un système binaire ? Auguste Laurent, qui souhaite montrer l’arrangement polyédrique des atomes, émet les mêmes objections.

La capacité articulatoire de la langue mise en évidence par les linguistes procurera une aide précieuse aux scientifiques à la recherche d’une rationalité terminologique. Ainsi, bien que ne partageant pas toutes les vues des chimistes de son temps, Auguste Comte voit dans la nomenclature une application du principe légaliste de déduction d’un grand nombre de résultats à partir d’un petit nombre de données, qui est, selon lui, l’essence même de la science.

Si les théories chimiques de Lavoisier sont dépassées, sa conception de la nomenclature demeure. La théorie associationniste de la chimie est certes supplantée, mais il n’en est rien de son pendant linguistique, qui est pourtant un transfert de la discipline à la langue : un petit nombre de formants permet de créer un grand nombre de termes, par l’utilisation des bases classificatoires et comparatives qui constituent, pour le père du positivisme, la méthode naturelle. Certes, Auguste Comte est conscient que l’objet même des disciplines classificatoires facilite ce transfert, mais il estime que rien n’empêche de respecter une certaine rigueur terminogénétique.

Ainsi, il rejette le terme attraction, vraisemblablement trop teinté de métaphysique à son goût, et, pour les mêmes raisons, s’oppose à l’utilisation de analyse et synthèse dans le discours chimique437 :

‘Les diverses sectes des philosophes métaphysiciens ont tellement abusé, depuis un siècle, de ces deux expressions, par une multitude d’acceptions logiques profondément différentes, que tout esprit judicieux doit répugner aujourd’hui à les introduire dans le discours, quand les circonstances de leur emploi n’en spécifient pas naturellement le sens positif. Mais, en chimie, elles ont dû heureusement conserver, d’une manière tout à fait pure, leur netteté originelle ; en sorte qu’elles y sont usitées sans aucun danger ; encore serait-il préférable, pour plus de sécurité, d’adopter habituellement les mots équivalents de composition et décomposition, qui n’ont pas été viciés, et qui ne sont guère plus longs, quoique d’ailleurs ils n’offrent pas autant de facilités pour la formation des mots secondaires (Comte, Cours de philosophie positive, 35e Leçon, III, 15 n. ; in Philosophie des sciences : 98).’

La relativité de la science, qui introduit des axiomatiques partielles, est un principe également applicable au langage. Auguste Comte, rappelons-le, ne cherche pas l’unification de la science, mais son architectonique, l’articulation entre ses diverses disciplines. Il introduit ainsi l’idée de domaine dans le champ terminologique. Cependant il apparaît que ce cloisonnement ne lui semble pas être une barrière suffisamment puissante à opposer aux déficiences propres au langage, à savoir la polysémie. Les raisons présidant au choix de composition et décomposition éclairent un second principe d’Auguste Comte envers la terminologie. Ces deux termes existent dans le vocabulaire intellectuel. Comme dans le cas du terme attraction, ce n’est donc pas uniquement le problème de la polysémie qui le conduit à rejeter analyse et synthèse (en dehors de ses raisons personnelles, bien sûr), mais celui de la connotation.

Enfin, les regrets qu’il émet quant à la productivité moindre du couple composition/décomposition indiquent l’intérêt porté à la dérivation comme principe terminogénétique. Celle-ci permet de mettre en évidence et de respecter les principes classificatoires et comparatifs ; ainsi, l’opposition binaire du couple composition/décomposition est perceptible dans le signifiant au moyen du suffixe dé-, opposition binaire qui n’apparaît pas, dans les signifiants du couple analyse /synthèse.

La méthode analogique, qui satisfait au principe légaliste, constitue une application partielle des procédés de la nomenclature chimique. Auguste Comte, fidèle à sa définition de l’esprit positif (aptitude à la combinaison entre la statique et la dynamique), propose, dans la 40e Leçon du Cours de philosophie positive, la division de la biologie (dont il juge favorablement la dénomination terminologique) en biologie dynamique et biologie statique, cette dernière étant subdivisée en l’étude des structures de chaque organisme, et en l’étude de la hiérarchisation de tous les organismes. Prenant exemple sur Blainville tant pour le concept que pour les termes (Blainville divise la zoologie en zootomie et zootaxie), il nomme les branches de la science biotomie (biologie dynamique) et biotaxie (partie de la biologie statique qui étudie la hiérarchisation de tous les organismes, c’est-à-dire la taxinomie biologique) et bionomie pure (partie de la biologie statique qui étudie les structures de chaque organisme, c’est-à-dire la physiologie proprement dite)438.

Dans le domaine de la physique, il propose barologie, thermologie, électrologie, termes qu’il justifie ainsi :

‘Il m’a paru convenable, pour abréger le discours, de donner des dénominations spéciales aux branches de la physique relatives à la pesanteur, à la chaleur et à l’électricité, par analogie avec l’usage commode adopté depuis si longtemps envers les deux autres. De ces trois expressions, la première, quoique inusitée, remonte réellement au moins à quarante ans ; j’ai seulement construit les deux autres ; et, encore même, après avoir formé le mot thermologie, j’ai reconnu qu’il avait été quelquefois employé par Fourier. Reste donc uniquement à ma charge le mot électrologie, que son utilité fera, j’espère, excuser (à propos de barologie, thermologie, électrologie ; Comte, Cours de philosophie positive, 28e Leçon, II, 239 n. ; in Philosophie des sciences : 86 n.).’

Il apparaît que l’analogie sert ici d’idée directrice. L’analyse sémantique de ces termes se fait par comparaison et classification, permettant la mise en évidence de la structure et des articulations du corpus scientifique. D’autre part, il y a satisfaction du principe légaliste, à savoir la création d’un grand nombre de termes à partir d’un petit nombre de formants :

  • les formants postérieurs : -taxie, -tomie, -nomie, -logie pour désigner respectivement la branche statique taxinomique (ταξις « classification, mise en ordre »), la branche statique physiologique (τεμνω « je coupe »), la branche dynamique (νεμω « j’ai en mon pouvoir, je dirige », quasi-synonyme de -logie) et la science globale,

  • les formants antérieurs variant avec l’objet de la science (baro-, de βαρος « pesanteur » ; électr- représente électricité ; thermo-, de θερμον « chaleur » ; zoo-, de ζω(ο) « animal » ; bio-, de βιος « vie »)439.

L’analogie fonctionne également au plan de l’imitation : Auguste Comte ne crée pas, il s’appuie sur les créations qu’il juge conformes à ses vues nomenclatoriales. Dans sa nomenclature, le formant -nomie doit plus à des termes comme astronomie qu’au sens étymologique, dans la mesure où il se présente comme un quasi-synonyme de -logie. La raison de ce choix est également à imputer à une valeur oppositive phonétique -logie/-nomie. De même, le terme biotomie renvoie davantage à anatomie 440, son modèle vraisemblable, qu’à ses étymons. Ce procédé autorise d’autre part une certaine unité et cohérence terminologique441. Phénomènes paradigmatiques que Louis Guilbert souligne :

‘la création s’opère (...) non plus par référence à la motivation étymologique de chaque élément, mais par référence à un modèle fonctionnel spécifique dans un champ sémantique particulier (Guilbert, 1975 : 231).’

L’auteur de La créativité lexicale illustre sa remarque en signalant l’exemple du formant -nef, qui s’est peu à peu détaché du composé allogène aéronef, et a permis de former hydronef, hydroaeronef, etc.
Dès lors, il y a conflit entre la relation syntagmatique de composition et le rapport paradigmatique de comparaison. Les formants perdent leur motivation initiale et deviennent les éléments d’un système terminologique. Ce phénomène, n’est pas imputable à un déficit de compétences, les langues classiques étant très présentes dans les cursus universitaires du 19e siècle. Il s’agirait plutôt de la volonté d’Auguste Comte de mettre en avant le processus de comparaison afin de parvenir à un déterminisme du système, comme l’indique la valeur de représentation du formant électro-. La notion de spécialisation interne proposée par Louis Guilbert (1975 : 231) semble également valide ici.

La rupture entre le domaine de la désignation et celui de la signification introduit une troisième dimension, celle du système : le système syntagmatique, que l’étude des morphèmes flexionnels a mis en avant, mais également le système paradigmatique. On passe donc d’une linguistique unidimensionnelle à une linguistique tridimensionnelle dans laquelle la notion de domaine prend une importance majeure. On peut à ce propos invoquer la notion de structure terminologique de R. Kocourek (« ensemble des rapports qui existent entre les termes et qui sont basés sur la répétition d’un élément ou formel ou sémantique constituant les termes. » (Kocourek, 1982 : 184)), l’iconicité intrasystémique laissant apparaître ce que l’auteur de La langue française de la technique et de la science appelle un champ terminologique à base formelle.

Tout comme les allogènes savants convenaient parfaitement au système de Lavoisier, ils semblent également satisfaire aux principes du positivisme. Cependant, le simple examen des termes proposés par Comte ne peut constituer une validation de cette hypothèse. Henri Cottez (1985 : XXXI) signale que la période s’étendant de 1789 à 1893 est la plus féconde quant à la constitution du vocabulaire savant. Mais cette assertion n’implique pas les seuls allogènes. Cependant, l’analyse rapide du corpus constitué par les entrées de son Dictionnaire des structures du vocabulaire savant permet de percevoir une importante production au 19e siècle442.

La croissance exponentielle des découvertes chimiques conduit la communauté des chimistes à normaliser le chaos nomenclatural (le Mémoire sur les sulfosels (1826) de J. J. Berzelius propose la réforme de la nomenclature), quant aux biologistes, ils oeuvrent à moderniser les systèmes du 17e siècle, désormais vieillissants. Se succèdent alors les colloques où est déplorée la division babélienne de systèmes terminologiques pourtant considérés comme des modèles de rationalité443 : en 1860 (chimie), en 1867 (botanique), en 1889 (zoologie), en 1892 (chimie). Les articles des scientifiques comportent de fréquentes remarques sur les termes en usages comme sur ceux qu’ils introduisent, remarques qui font montre d’un profond souci d’harmonisation et de cohérence terminologique.

Revenons en arrière : déjà Butet de la Sarthe présente dans l’Abrégé d’un cours complet de Lexicographie (1801) une théorie qui fonde la lexicogénie sur les capacités combinatoires de la dérivation et de la composition444. Destutt de Tracy voit dans l’exploitation de principes similaires le meilleur moyen pour atteindre la langue parfaite, en laquelle il ne croit pourtant pas :

‘Il faudrait (...) que les mots de cette langue fussent composés de manière à être analogues aux idées qu’ils représenteraient, et à rappeler leur filiation et leur dérivation le plus possible. J’imagine qu’on y parviendrait en n’y faisant entrer aucun mot tiré d’une langue étrangère, mais en choisissant avec intelligence un certain nombre de monosyllabes, pour en faire les radicaux de différentes familles de mots, adaptées convenablement à autant de classes d’idées ; et en adoptant ensuite une certaine quantité de particules monosyllabiques aussi, au moyen desquelles on formerait tous les mots composés et dérivés suivant des lois constantes, de manière que la même particule employée, soit comme initiale, soit comme finale, réveillât toujours la même idée accessoire (Destutt de Tracy, Éléments d’idéologie, VI ; 1803 : 384-385)445.’

Le passage entre langue mal faite et langue bien faite se fait donc par l’entremise de l’analogie des signes, qui trouve un outil efficace dans les combinaisons compositionnelles et dérivationnelles. Cependant, les systèmes de dénomination binominaux sont tout aussi efficaces et économiques. Bien que fervent admirateur de Condillac, Lavoisier pressent cette nouvelle démarche qui trouve sa nécessité dans les disciplines chimiques (où les notions de combinaison et d’interaction sont primordiales) comme l’illustre cette explicitation de sa terminologie :

‘Les acides, par exemple, sont composés de deux substances de l’ordre de celles que nous regardons comme simples, l’une qui constitue l’acidité et qui est commune à tous ; c’est de cette substance que doit être emprunté le nom de classe ou de genre : l’autre qui est propre à chaque acide, qui les différencie les uns des autres, et c’est de cette substance que doit être emprunté le nom spécifique.’ ‘Mais dans la plupart des acides, les deux principes constituants, le principe acidifiant & le principe acidifié, peuvent exister dans des proportions différentes, qui constituent toutes des points d’équilibre ou de saturation ; c’est ce qu’on observe dans l’acide vitriolique et dans l’acide sulfureux ; nous avons exprimé ces deux états du même acide en faisant varier la terminaison du nom spécifique. (...).’ ‘Nous avons encore rassemblé ces différentes combinaisons (combinaison des substances combustibles avec des métaux) sous des noms génériques dérivés de celui de la substance commune, avec une terminaison qui rappelle cette analogie, et nous les avons spécifiées par un autre nom dérivé de leur substance propre (Lavoisier, Mémoire sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie ; 1787 : 72).’

Il signale à propos des sels :

‘Un sel, quoique composé des trois mêmes principes, peut être cependant dans des états très différents, par la seule différence de leur proportion. La nomenclature que nous avons adoptée aurait été défectueuse si elle n’eût pas exprimé ces différents états, et nous y sommes principalement parvenus par des changements de terminaison que nous avons rendus uniformes pour un même état de différents sels. ’ ‘Enfin nous sommes arrivés au point que par le mot seul, on reconnaît sur-le-champ quelle est la substance combustible qui entre dans la combinaison dont il est question ; si cette substance combustible est combinée avec le principe acidifiant, et dans quelle proportion ; dans quel état est cet acide ; à quelle base il est uni ; s’il y a saturation exacte ; si c’est l’acide, ou bien la base qui est en excès (Lavoisier, Mémoire sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie ; 1787 : 73).’

Lavoisier a mis en places trois composantes majeures de l’exogénie savante :

  • la réduction des syntagmes à un nom confixé ou affixé,

  • l’utilisation des suffixes pour indiquer les parentés ou les oppositions,

  • l’utilisation de la fonction de représentation.

Étudions maintenant l’évolution de ces innovations avec les dénominations prise par le concept d’acide, d’une importance majeure dans la théorie de Lavoisier. Signalons que dans sa théorie, l’oxygène, combiné avec un corps, convertit celui-ci en acide. L’oxygène est donc le principe acidifiant, qui détermine le degré d’oxydation des substances obtenues. En faible quantité, il crée un oxyde ; en quantité moyenne, il crée un acide faible ; en grande quantité, il crée un acide fort. Les acides, combinés à des bases ou à des oxydes, forment des sels.

  • Le terme acide apparaît tout d’abord en syntagme (acide crayeux, acide vitriolique, etc.). Il sera repris et consacré par la nomenclature de 1787, mais accompagné d’adjectifs normalisés. Ce principe dénominatoire provenant de la langue courante est issu du système linnéen (cf. supra, 10. 2. 1. 1.). Les adjectifs, seconde composante du syntagme, voient la régularisation de leur terminaison : issus du vocabulaire commun, les suffixes -ique et -eux signalent, selon les propres termes de Lavoisier, le degré d’oxygénation des acides (exemple : acide acétique/acide acéteux). En fait, ces suffixes indiquent deux choses :
    1. l’appartenance au groupe des acides,

    2. la teneur en oxygène (les acides en -ique contiennent plus d’oxygène que les acides en -eux).

  • Les acides en -ique et en -eux se voient réduits à un morphème les représentant dans les dérivés issus de leur combinaison avec une base (exemple : acide acét ique/ acét ate ; acide acét eux/ acét ite). C’est ce que Henri Cottez (1985) appelle la fonction de représentation du formant. N’est gardée ici que la valeur différentielle, celle indiquant l’origine de l’acide. Ces formants indiquent la formule de l’élément chimique, c’est-à-dire que le produit est issu d’un acide.

  • On peut ici parler de valeur in absentia du formant. Cette valeur de représentation est complétée, dans le cas des sels d’acide, par un suffixe marquant le renvoi au degré d’oxygénation des acides correspondants.
    Les acides en -ique produisent des sels en -ate, et les acides en -eux produisent des sels en -ite (exemple : acide acétique/acétate ; acide acéteux/acétite). Le suffixe apporte quatre informations sur :
    1. l’appartenance au groupe des sels,

    2. l’origine acide des sels (puisque qu’il y a correspondance avec les suffixes des acides),

    3. la teneur en oxygène des acides originels (pour les mêmes raisons),

    4. la teneur en oxygène des sels.

  • Les suffixes possèdent un sème /acide/ in absentia.

Au nombre des innovations de la nomenclature de 1787, il convient également de mentionner la dénomination du principe considéré comme acidifiant dans la théorie de Lavoisier : l’oxygène. Ce confixe est particulièrement motivé : oxy- « acide », du grec οξυς « aigre, acide » et -gène de -γεης (1787) (proposé sous la forme -gine, vraisemblablement issu du grec γεινομαι « j’engendre » (1783)). Le formant adopté est grec, ce qui le différencie de acide, issu du latin acidus, du verbe acere « être aigre ». En effet, ce n’est pas un acide, mais un catalyseur, ou, en d’autres termes, un créateur d’acide. Cette formation classique possède deux formants significatifs (bien que comportant une erreur sémantique)446.

Le terme acide donnera naissance au terme oxide. La raison avouée de cette création est la volonté d’indiquer que le métal à l’origine de cette substance est combiné avec l’oxygène (ox-), et que la substance obtenue comporte des points communs avec l’acide (-ide)447. La ressemblance des termes souligne la ressemblance des principes acide et oxyde (dans sa Mémoire sur le développement des principes de la nomenclature méthodique (1787), Guyton de Morveau parle de métaux oxygènes et de métaux oxydés ).

* En 1807, le chimiste anglais Thomas Thomson crée le terme peroxyde pour désigner un oxyde contenant plus d’atomes d’oxygène qu’un acide normal. Pour cela, il a adjoint au terme oxyde le préfixe intensif latin per-, emprunté au préverbe latin per-. Le préverbe marque la perfection de l’action exprimée par le verbe simple, et, de là, a acquis une valeur intensive. Il est utilisé pour former des mots savants dans lesquels il exprime une notion d’intensité, voire d’excès (ici, le degré d’oxygénation). Le préfixe sera réutilisé en correspondance avec le suffixe -ique afin d’exprimer le plus haut degré d’oxydation possible pour un acide (exemple : acide perchlorique). Il n’y a donc pas de création d’une affixe spécifique (per- garde le même sémantisme), mais une dénomination sur la base des classes précédemment établies. Le préfixe ne fonctionne comme suffixe spécialisé qu’en relation avec le suffixe -ique, formant ainsi un fractomorphème448. L’information apportée est triple :

  1. c’est un acide,

  2. qui contient beaucoup d’oxygène,

  3. et une quantité maximale d’oxygène.

* En 1814, un ancien assistant de Berthollet, Gay-Lussac, crée le terme hydracide pour désigner les acides engendrés par l’hydrogène. Il reprend ainsi le morphème hydro-, auquel Lavoisier avait donné une fonction de représentation de hydrogène, dans le terme hydro-carboneux (1789)449.

Il convient de noter que Gay-Lussac choisit d’utiliser le formant en confixation, et non en composition, afin de marquer la différence avec cette substance organique450. D’autre part, il le combine avec un morphème autonome, et le transforme ainsi en préfixe. C’est la consécration d’une série chimique, puisqu’un terme générique lui est attribué.

Davy, bien qu’adoptant ce terme, utilise, selon Gay-Lussac qui critique cette incohérence terminologique (in Annales de chimie et de physique, 1816), le formant hydro- dans les syntagmes désignant les acides afin de spécifier que ceux-ci contiennent de l’eau451 (exemple : acide hydronitrique, acide hydrosulfurique).

* En 1816, un physicien et chimiste, ancien élève de Berthollet, Dulong, introduit le préfixe hypo- pour désigner les acides instables qui correspondent à la série des acides en -eux et contiennent la quantité minimale d’oxygène (exemple : acide hypochloreux). La série d’acides pourvue d’une teneur considérée jusqu’alors minimale en oxygène est ainsi complétée par la découverte et la dénomination de substances moins oxygénées452. Contrairement à Lavoisier, et comme Thomas Thomson, il ne choisit pas de suffixe spécifique et définit les acides instables par rapport à la catégorie précédemment établie sur les mêmes bases.

En effet, le système préfixal indique clairement le lien avec celle-ci, dans la mesure où le préfixe régit l’ensemble du mot. Le choix du formant hypo- (de υπ(ο)- « sous » ; les acides hypochloreux ont une quantité d’oxygène inférieure à celle des acides chloreux) qui fonctionne comme un fractomorphème avec le suffixe -eux confirme cette hypothèse. Ce préfixe savant n’est pas spécialisé à proprement parler puisqu’il garde le même sémantisme ; c’est son utilisation en combinaison avec le suffixe qui en fait un morphème spécialisé. L’information apportée est quadruple :

  1. c’est un acide,

  2. qui contient peu d’oxygène,

  3. et une quantité minimale d’oxygène,

  4. il est instable.

Une extension aux sels en -ite sera pratiquée par Dulong la même année (ex. : acide hypophosphoreux, hypophosphorite).

* En 1824 Berzelius crée le terme oxacide 453, terme probablement calqué sur hydracide, afin de désigner les acides contenant de l’oxygène. En effet, comme Gay-Lussac, il utilise le formant ayant servi à créer l’élément majoritaire dans sa fonction de représentation – ici conférée indirectement à oxy- par la création du terme oxide en 1787 – qu’il associe au lexème acide, transformant ainsi le formant en préfixe.

La série se voit donc dotée d’un terme générique présentant l’intérêt de sembler plus motivé que le suffixe marqueur de l’appartenance à la catégorie. C’est, comme dans le cas de hydracide, la consécration du formant ox(y)- dans sa valeur de représentation de oxygène.

À partir de 1830, le terme oxide générera également le suffixe -ide 454 qui indique la présence d’un acide ou radical acide. Il n’était pas réellement question de parler de suffixe jusqu’alors, dans la mesure où cet emploi n’était pas systématisé : la graphie -ide d’oxide avait pour seul but de rappeler que ce terme avait été formé comparativement à acide. Il semblerait plus juste de parler d’homophonie. En 1830, Jean-Baptiste Dumas transforme ce double phonème en morphème dans oxamide (de ox(al)-, -am-, -ide). Cette morphémisation est en fait la normalisation du principe de 1787.

Ce qui n’est, dans oxide, qu’un simple rappel mnémotechnique, prend un sens et une fonction de représentation dans les créations ultérieures. En effet, il est difficile de ne pas voir dans -ide un rappel du terme acide. On peut donc parler d’une double valeur de représentation : -ide signifie la présence d’un radical acide ou d’un acide, grâce à un suffixe rappelant acide. Il s’agit donc d’une forme d’isomorphisme. L’affixe est créé de toutes pièces par autonomisation d’un double phonème. D’autre part, on assiste à la combinaison de deux principes introduits par Lavoisier et ses pairs : l’adjonction d’un sens (au sein de la terminologie) à un suffixe, et l’attribution d’une fonction de représentation à ce suffixe.

* En 1834, Berzelius, qui cherche à mettre la nomenclature en harmonie avec sa théorie électro-chimique, dote la série terminologique des hydracides du suffixe -hydrique. Il s’agit également de donner un suffixe aux acides produisant les sels et les esters en -ure, qui, depuis 1826, sont définis comme le fruit d’un halogène, corps électronégatif, avec un métal électropositif.

Henri Cottez (1985) répertorie ce double phonème comme un formant. Il semblerait qu’il s’agisse d’un suffixe complexe, dans la mesure où il résulte de la combinaison de hydr(o)-, représentant hydrogène, et de -ique, vraisemblablement en référence aux acides de Lavoisier (dont il reprend le principe de correspondance suffixale après avoir redéfini les corps en -ure).

En effet, l’article « Hydracides » du Dictionnaire universel d’Histoire naturel dirigé par Charles d’Orbigny (1841-1849), signale que dans un composé résultant de la combinaison d’un corps électro-positif avec un corps électro-négatif, le corps électro-négatif devra porter le nom générique et le second le nom spécifique. À ce confixe est associé le suffixe -ique, indiquant qu’il s’agit d’un acide. Ainsi l’acide formé par la combinaison du soufre avec l’hydrogène s’appellera acide sulfhydrique (et non °acide hydrosulfurique), le soufre étant électro-négatif par rapport à l’hydrogène .

L’hydrogène étant l’élément le moins électro-négatif, il se trouve systématiquement en position 2 et juxtaposé au suffixe -ique. Combinaison d’un ordre de composition inspiré de Linné et de l’utilisation d’un suffixe, ce principe terminogénétique forme presque incidemment un suffixe complexe. En effet, la théorie sur laquelle il était fondé s’avérant caduque, ce mode de formation se fige, et, rapidement, -hydrique ne signifie plus « engendré par l’hydrogène », mais « absence d’oxygène ». Les informations portées par ce suffixe sont triples :

  1. il s’agit d’un acide,

  2. cet acide (ne) contient (que) de l’hydrogène (et pas d’oxygène),

  3. électro-positivité et négativité des formants (valeur qui disparaît avec la théorie).

Cet examen des modes d’expression de l’acide montre clairement que les moyens terminogénétiques utilisés sont extrêmement variés, mais que le sont encore plus les supports linguistiques du sème /acide/ : suffixe, confixe, nom, formant à fonction de représentation interne et externe. C’est ainsi que l’ensemble formé par le vocabulaire chimique glisse insensiblement de la nomenclature (ensemble de termes donnés de manière systématique aux objets d’un domaine d’étude) à la terminologie (ensemble structuré de terme basé sur un système de valeurs réciproquement définies, et qui représente un système conceptuel).

Les syntagmes terminologiques de Lavoisier sont complétés, dans certains cas, par les préfixes hypo- et per-. Ces préfixes savants, en s’appuyant sur les suffixes introduits par la nomenclature de 1787, permettent de former des parasynthétiques. Le système n’est donc que complété, mais par la suite, il se verra modifié. Aux acides définis par le principe linnéen du syntagme genre/espèce, les chimistes du 19e siècle donnent des noms génériques fondés sur le principe de la brachigraphie (hydracide, oxacide), dont le premier formant donne le caractère spécifique de l’acide (suivant le principe de la formation classique). Ce premier formant possède en fait une fonction de représentation de l’élément entrant dans la composition de l’acide. Cette procédure n’est pas anodine en ce qu’elle implique sa spécialisation progressive, et, par conséquent, un éloignement de son sens étymologique. À noter également que la fonction de représentation des deux formants grecs ne s’était jusqu’alors appliquée qu’à des noms de substances, et non à une catégorie entière. Ce nouveau procédé permet ainsi la création de termes génériques motivés. Cette motivation intrasystémique n’est possible que dans la mesure où les termes bénéficient des valeurs signifiantes instaurées par la pratique du système. La combinaison peu orthodoxe d’un formant grec et d’un terme courant spécialisé change le statut morphologique du formant, le transformant en préfixe. À cette néologie passive, les innovations du siècle apportent une néologie de forme : le suffixe -ide. Celui-ci est créé de toutes pièces par l’extraction d’un double phonème d’un terme monomorphémique afin de lui attribuer une fonction de représentation. L’association de ce phonème à des formants conduit à sa morphémisation. Enfin, voit le jour un suffixe complexe (-hydrique), construit avec un formant doté d’une fonction de représentation, motivée par rapport au terme générique de la série (hydracide), et d’un suffixe préexistant et doté de sa valeur propre dans un système antérieur ; le suffixe à lui seul indique que ce terme désigne un acide contenant de l’hydrogène.

Aux simples rappels analogiques et aux suffixes créés, selon les auteurs eux-mêmes, dans le but d’éviter de froisser l’oreille, succèdent des créations d’affixes par divers procédés faisant preuve de plus en plus d’audace. Faut-il y voir l’influence des nouvelles connaissances sur les langues ? Toujours est-il qu’à la spécialisation d’affixes grammaticaux succède l’utilisation de formants qui se détachent de leur valeur dénotative pour adopter des valeurs assignatives au fil de la découverte de nouvelles classes – hypothèse émise par les comparatistes à propos des suffixes. Ces nouvelles affixes se révèlent d’une extension de plus en plus réduite, réduction qui va de pair avec l’augmentation de leur compréhension.

En résumé, il semblerait que les morphèmes autonomes (acide) ou les formants servent à construire les termes génériques. Les suffixes et préfixes sont des catégorisateurs. Les valeurs de représentation sont dotées d’une valeur indiciaire de présence, d’origine, etc. Ces dernières sont des outils puissants de consécration du sens intrasystémique des formants (hydracide/hydrogène). D’autre part, certaines affixes en impliquent d’autres :

  • -eux, -ique, -hydrique, sont des suffixes (complexes ou non) qui supposent une dénomination syntagmatique dont le premier terme est acide, et dont le radical possède une valeur de représentation,

  • les préfixes hypo- et per- sont liés à l’emploi de suffixes -eux ou -ite, qui impliquent à leur tour la présence ou l’absence du morphème autonome acide et la formation d’un syntagme. Une philosophie indiciaire de construction terminologique qui utilise toutes les ressources de la construction savante – suffixes, puis les préfixes et enfin les infixes – se met ainsi peu à peu en place.

En effet, les formants perdent progressivement leur poids dans le système. Les nomenclateurs de 1787 – ils insistent sur ce point – n’ont apporté principalement que des suffixes, et ceci par respect pour l’usage. Les radicaux restaient ceux qu’ils avaient hérités de la tradition. Ceux-ci sont appelés les éléments triviaux du système, au sens où ils ne reposent pas sur une démarche normalisée. À partir de 1836 la chimie organique adopte les radicaux numériques qui permettent indiquer le nombre d’atomes dans le radical (tétrène (1836)). Dans ses Leçons de Philosophie chimique (1836), Jean-Baptiste Dumas recommande de donner aux corps simples et assimilés des noms insignifiants (sic), le plus important

étant qu’ils se prêtent à la formation des noms composés455.

Le relevé des suffixes (annotés comme tels) dans le Dictionnaire des structures du vocabulaire savant et des différents processus qui règlent leur création nous éclaire à ce propos (cf. annexe 7).

  • Suffixes dotés d’une motivation sémantique ou flexionnelle :
    • les suffixes diminutifs ou spécialisateurs dans leur langue d’origine (-idie, -ole) gardent le sémantisme de petite dimension, mais sans référence obligatoire à une même réalité de plus grande dimension. En revanche, ils perdent leur sens hypocoristique.

    • certains suffixes sont motivés (-acé, -iase, -ides (zoologie) ; -idées (botanique) ; -ique, -ite (en minéralogie) ; -ol au sens de « huile », -yle) ; mais ils évoluent (spécification : -iase ; extension : -ite ; scientifisation : -ol) ou n’ont qu’un sens très vague et général (-acé, -ides, -ique, -yle) qui ne renvoit que de très loin à celui qu’il prend dans le système.

    • certaines désinences grammaticales sont sémantisées : l’opposition -idées/-idés différencie les familles de plantes et d’animaux (c’est cette volonté de mettre en évidence les différences qui semblent à l’origine de la convention qui donne naissance à -idés) ; signalons également le triplet -acé/-acés/-acées (botanique) et les couples -ée/-ées (botanique) ou -ide/ides (chimie). La désinence plurielle prend le sens de « ensemble de », puis de « classe de ».

Il convient de signaler une variante de ce dernier cas qui ne passe pas par l’étape intermédiaire de l’établissement d’un sémantisme à la forme singulier du suffixe : -ales (du suffixe commun latin -alis, spécialisé au féminin pluriel) permet de désigner les grands ordres de plantes.

  • Mais la plupart des termes sont formés par analogie :
    • avec une série, c’est-à-dire la reprise de paradigmes existant dans les langues d’origine (-ées, -ome 456 , -ium),

    • avec un terme matrice.

Dans ce processus, on peut constater différents degrés de motivation :

  1. Le terme matrice est motivé. Cette motivation relevant du radical est transférée, par métonymie, sur le suffixe : -ate, qui signifie « sel » vient de muri at ique « saumure » ; le sens de -one (« gras », dans la mesure où les cétols sont des liquides visqueux dont certains entrent dans la composition des huiles) vient du transfert métonymique de sa base eupione, du grec du grec ευπιον « très gras » ; -ose a emprunté le sens de « sucre » à sa base γλευκος « vin doux ».

  2. Le suffixe possède une valeur de représentation : -ène représente hydrogène dans les carbures d’hydrogène (hydrocarbures non saturés) (même si ce n’est pas le but de départ) ; -ide (indique la présence d’un radical acide ou d’un acide) représente acide, -ol représente alcool dans la série des alcools ; -one (qui marque la présence de radicaux carbonés) représente carbone ; -ane (dans le sens où l’introduit Marcelin Berthelot) représente anhydride ; -ide (qui désigne la manifestation cutanée des maladies, tiré du génitif des mots empruntés avec une influence de επιδερμιδος, de επιδερμις « épiderme ») représente en fait « maladie de la peau ».

  3. Le suffixe, au départ simple marque catégorielle, se voit attribué un sémantisme : -aires (du latin scientifique -arii, spécialisation au pluriel du suffixe commun -arius) sert, sous sa forme féminine -aria, à désigner certains polypiers (organismes aquatiques) dès le 16e siècle, puis sera repris pour désigner les animaux aquatiques (1801) ; -iens (suffixe commun issu du suffixe latin -ianus) sert à désigner les grandes classes d’animaux ; -inées (du suffixe latin -inus, suffixe servant à former des adjectifs (avec influence du suffixe taxinomique -ées)) désigne les familles de plantes ; -ine (issu du suffixe d’adjectivation -in) sert à dénommer les alcaloïdes ; -isme (du suffixe latin de substantivation -ismus) se spécialise en suffixe servant à désigner les intoxications457 ; -ite (issu du suffixe d’adjectif -ιτις) se spécialise en suffixe servant à former le nom des maladies inflammatoires, et, dans un autre domaine, les sels d’acides dont le nom est en -eux ; -ose (issu du suffixe nominalisateur grec -ωσις) sert à désigner les fonctionnements et processus en physiologie et anatomie, puis les processus pathologiques et les maladies458 ; -on (de la désinence - on, marque du neutre de certains adjectifs grecs) sert à désigner les gaz rares.

  4. Le suffixe est extrait du terme matrice et un sens lui est attribué : -ite qui désigne les sucres ne contenant pas d’alcool vient de mannite (suc végétal) ; -ure vient de sulfure (du latin sulfur), un des premiers éléments constitutifs de la classe459 ; -ile qui désigne certains sels ammoniacaux vient de nitrile, corps contenant de l’azote ;-ite vient de zoonite, terme désignant les individus élémentaires, et prend ainsi un sens diminutif.

Le troisième système de création est purement conventionnel.

  • Motivation conventionnelle et phonétique :

Enfin, certains suffixes sont extraits du terme matrice et se voient attribué un sens. Ils peuvent également être choisis de manière purement conventionnelle pour des raisons de valeur oppositive. Dans ce cas, c’est leur seule valeur à l’intérieur du système phonétique qui préside à leur choix460. Ces suffixes sont ensuite chargés d’une valeur sémantique :-idés, variante conventionnelle de -ides 461; -inés, sous-famille des familles en -idés (dans le but de mettre en évidence le lien avec les adjectifs en -in) ; -ane, issu d’uréthane dans son premier emploi, semble avoir été choisi conventionnellement et désigne un type de matières azotées, son second emploi permettant de différencier les carbures saturés des hydrocarbures (en -ène).

L’examen du corpus indique que les suffixes motivés sont souvent anciens ou le fruit de la perpétuation d’une tradition transmise par les classiques. Lorsqu’ils sont plus récents, il s’adjoignent une fonction de représentation ou sont dotés d’une valeur conventionnelle. Le suffixe -yle, motivé, échappe à cette règle. Cependant, son sémantisme étant très vague, on peut considérer que sa motivation est quasi arbitraire. De même, la motivation du suffixe -ol est supplantée par sa fonction de représentation, qui est prégnante. La sémantisation des marques catégorielles est le fait des anciens, phénomène qu’il convient d’imputer à leur parfaite maîtrise des langues classiques comme à leur approche encore très révérencieuse de celles-ci. Le 19e siècle privilégie davantage la création analogique par rapport à un terme matrice motivé, dotant parfois le suffixe ainsi créé d’une fonction de représentation. Le 19e siècle exploitera et la perfectionnera cette tradition inaugurée par Lavoisier.

Ce phénomène n’est pas à imputer à des connaissances étymologiques déficientes – les auteurs pestant contre certains « monstres » créés par leurs confrères, ou encore s’excusant des termes hybrides qu’ils forment –, mais à une recherche de formants nouveaux. En effet, ceux-ci étant en nombre restreint, et la somme des connaissances en augmentation, se créent des polysémies gênantes. En 1833, Jean-Baptiste Dumas se plaint des multiples emplois du suffixe -ine qui entraîne une absence de sens :

‘On sent assez combien il est fâcheux que la morphine, la caféine, l’insuline, la naphtaline, l’allantoïne, etc., substances qui n’ont entre elles pas plus d’analogie que le chlore et le sulfure de plomb, soient pourtant désignées par des noms qui offrent à l’esprit l’idée d’une réunion dans la même famille (Dumas, Mémoire sur les camphres artificiels, présenté à l’Académie des Sciences, 4 mars 1833 ; cité par Cottez, 1985, article « -ine »)462.’

En réponse à ce problème, l’illustre chimiste propose la diversification rationnelle et conventionnelle des suffixes chimiques. L’autre solution apportée, et que l’examen de ce corpus permet de mettre en évidence, est la néologie passive. Les formants deviennent polysémiques, polysémie interdisciplinaire, mais aussi intradisciplinaire, au grès de la structuration interne du domaine. Et, de fait, on constate que les suffixes sont majoritairement domaniaux (il n’y a qu’une dizaine de suffixes polyvalents dans le Dictionnaire des structures du vocabulaire savant). Ainsi, la grande innovation du siècle est l’utilisation des valeurs flexionnelles comme marque de différenciation : -idés se différencie de -idées, -acés et -acées de -acés 463. En effet, les meilleures connaissances des mécanismes flexionnels et dérivationnels permettent la régularisation et l’harmonisation des systèmes. Les scientifiques exploitent pleinement les suffixes afin de structurer le lexique en champs dérivationnels. Les signes s’autonomisent, et deviennent peu à peu homonymes.

À cette exploitation des suffixes succède peu à peu celle des préfixes, qui demeurent cependant beaucoup moins productifs. Le relevé de ceux-ci dans le Dictionnaire des structures du vocabulaire savant permet de constater qu’ils sont essentiellement utilisés dans le cadre de la chimie, dans une perspective de régulation des radicaux464, et doivent leur apparition au renouveau de la théorie atomistique. En effet, il s’agit essentiellement de préfixes numéraux, qui indiquent le nombre d’atomes dans la molécule. Ils permettent également une transposition des découvertes de la chimie organique : ainsi, les préfixes spaciaux mettent en évidence la disposition différenciatrice de la molécule chez les isomères, les préfixes relationnels soulignent les relations d’homologie et d’isomérie (cf. supra, 11. 2. 3).

Les systèmes de construction du vocabulaire savant pratiquent une sémantisation de la grammaire, ou du moins, des morphèmes. En effet, -ite et -ose seront substantivés pour désigner les noms de série qu’ils caractérisent (des ites, des oses (1913)) comme cis- et trans-, qui permettent la représentation spatialisée de certains domaines (position cis (1813), glycols trans (1909), et même position cistrans). Il convient de noter que ce principe est en opposition avec le lexique courant, dans lequel les radicaux sont autonomes, et les affixes liés.

L’influence de l’anglais conduit à la réexploitation et l’amélioration d’un principe introduit par Lavoisier : la fonction de représentation, ou, au plan lexicologique, l’utilisation de fractomorphèmes. Ces anglicismes gréco-latins perturbent les graphies des morphèmes et les règles de formations des mots, mais permettent également la démultiplication des informations portées par le terme, évitant les formations trop longues et imprononçables (Auguste Comte évoque ce problème). Cet emboîtement successif de l’information, cette déployabilité du signe, n’est pas sans évoquer le principe du « germe vivant » de Friedrich von Schlegel.

  • La fonction de représentation :

Cette fonction relève d’un procédé très proche de ce que nous pourrions appeler, en nous inspirant à la terminologie d’André Martinet, les synthèmes d’abréviation, à savoir les sigles, les acronymes et les mots-valises465. Ces procédés lexicogénétiques utilisent tous trois un principe de réduction syllabique (ou littérale) afin de former un nouveau lexème. L’acronyme et le sigle peuvent être classés dans la même catégorie, au sens où ils sont simplement différenciés par le mode de prononciation, qui, dans le premier cas est syllabique, et dans l’autre, lettrique466. Les procédés de siglaison et d’acronymie visent donc à la réduction graphique ou phonétique d’un syntagme figé trop long pour être utilisé aisément. Le mot-valise, en revanche, réunit deux lexèmes indépendants (franglais, de français et anglais ; stagflation, de stagnation et inflation). C’est le procédé brachygraphique qui met les deux termes en rapport. La différence entre les sigles et acronymes d’une part, et le mot-valise d’une autre, n’est, contrairement à ce qui est souvent admis, ni numérique (certains sigles ou acronymes comprennent deux unités, certains mots-valises en contiennent plus de deux), ni géographique467, mais synthématique. En terme de synthématisation, les sigles et acronymes visent au maintien du synthème dans son intégralité (qui, trop long, tendrait à disparaître ou à être supplanté par une forme plus maniable), alors que le mot-valise construit pleinement l’opération de réunion des unités, et opère sur un syntagme. Le mot-valise crée donc des nouveaux lexèmes, alors que les sigles et acronymes ne créent que des allomorphes. Enfin, au plan microsyntaxique, alors que les sigles et acronymes visent des unités hiérarchisées par l’opération de synthématisation, le mot-valise ne hiérarchise pas les unités associées. C’est ce que souligne Louis Guilbert (1975 : 248), qui, citant le Dictionnaire des mots sauvages de Maurice Rheims, relève des exemples qu’il juge caractéristiques du 19e siècle : subrexquis (< subreptice et exquis, Alphonse Daudet), éléphantaisiste (< éléphant et fantaisiste, Jules Lafforgue), noirdure (< noirceur et verdure, Thomas Couture, 1869), foultitude (< foule et multitude). Citons également les termes forgés par Lewis Carroll dans Through the Looking-glass : snark (< snail et shark), wabe (< way et be), slithy (< slimy et lithe), mimsy (< miserable et flimsy), chortle (< chuckle et snort). L’auteur de La créativité lexicale rapproche leur structure syntagmatique de celle de la composition par addition sans syntagme prépositionnel. En effet, le mot-valise réunit des unités de même ordre : (nom + nom : casseille, de cassis et groseille ; adjectif + adjectif : franglais), empêchant ainsi toute structuration hiérarchique ; les unités, placées sur un plan d’égalité, sont instituées comme équivalentes par le mot-valise, qui crée ainsi un rapport génétique entre les deux éléments de départ et le lexème produit : un snark est à la fois un requin et un escargot.

Cependant, beaucoup de lexèmes actuels cités par Louis Guilbert ne correspondent pas à cette définition : bit (< binary digit), technétronique (< technologie et électronique), eurovision (< européenne et télévision), hebdomigrant (< hebdomadaire et migrant), télébenne (< téléphérique et benne), cybernation (< cybernétique et automation), vertiport (< vertical airport) (Guilbert, 1975 : 247)468. Prenant le critère du rapport déterminant/déterminé, l’auteur de La créativité lexicale propose une double origine à ce qu’il appelle la composition par acronymie, à savoir la composition allogénique gréco-latine, et le modèle anglo-américain, qu’il estime à l’origine des mots-valises469 (Guilbert, 1975 : 248). Mais si l’on se penche sur l’histoire des mots-valises, on constate, comme l’avance Louis Guilbert lui-même, que ce procédé remonte à Rabelais en France, et qu’il a été amplement exploité par Lewis Carroll en Angleterre. Il a certes été propagé dans les langues spéciales et dans le lexique commun durant la seconde moitié du 20e siècle aux États-Unis, mais il ne semble pas pour autant qu’il faille y voir l’origine de ce modèle470.

Si on adopte le critère de la non-hiérarchisation des éléments du synthème, l’origine de ce procédé semble être la composition, procédé lexicogénétique majeur des langues germaniques. Cependant, et afin que ce critère soit valide, il convient de le restreindre à la composition d’éléments de même rang, ou de même classe grammaticale (par exemple : aigre-doux, député-maire, canapé-lit, porte-fenêtre). Les mots-valises empruntés à Maurice Rheims et Lewis Carroll correspondent pleinement à ce critère. Cependant, comme le signale Louis Guilbert (1975 : 248), on peut constater une influence plus tardive des allogènes savants, qui entraîne la formation d’unités hiérarchisées. En ce qui concerne la période qui nous occupe, c’est la définition restreinte de mot-valise qui prime. Le mot-valise, comme le composé utilisant des unités de même rang, vise donc à établir une égalité entre ces unités, mais aussi à leur fusion pour créer une troisième unité. Cependant, ce processus est mis en exergue dans la mesure où la fusion syllabique souligne la fusion sémantique comme la relation génétique. Dans ce but, la perception des deux unités constitutives est maintenue par une troncation des unités effectuée de telle sorte qu’elle permet la reconnaissance de celles-ci. Le facteur économique, qui n’est pas à écarter, joue également un rôle dans ce processus lexicogénétique.

Mais c’est dans la création des sigles et acronymes que celui-ci est prépondérant. Les auteurs se plaisent à rappeler les origines anciennes du sigle – le S. P. Q. R. romain (Senatus Populusque Romanus), le I. N. R. I. hébraïque (Iesus Nazarenus Rex Iudacorum), N. S. J. C. chrétien (Notre Seigneur Jésus Christ), mais aussi S. A. R. (Son Altesse Royale), R. P. R. (Religion Prétendue Réformée) – voire de l’acronyme (CABAL pour Clifford, Arlington, Buckingham, Ashley, Lauderdale ; membres d’un ministère de Charles II) ; ιχθυς « poisson » (pour Ιησους Χριστος Θεου Υιος Σωτηρ ; signe de reconnaissance des chrétiens) – comme ils rappellent le succès récent du procédé. Louis Guilbert estime que celui-ci :

‘reflète le processus linguistique de dénomination par spécification des bases et réduction des unités ainsi développées syntaxiquement, nécessairement mis en oeuvre pour exprimer l’évolution de la réalité objective (Guilbert, 1975 : 277).’

En cela, il représente une forme qui allie le procédé analytique du syntagme, et le processus économique de la troncation, nécessaires au double impératif de la précision dénominative et de la maniabilité communicationnelle. C’est en ceci que le sigle est proche de l’allogène savant, dont il optimise les propriétés ; ce dernier, souligne Louis Guilbert (1975 : 226), autorise la concision tout en maintenant les caractères analytique et descriptif du syntagme.

Avant d’étudier les formants dotés d’une fonction de représentation, il convient d’extraire du corpus les termes formés par des procédés proches de la brachygraphie (mots-valises) et de l’acronymie en ce sens que dans ceux-ci la fonction de représentation n’apparaît que de manière ponctuelle, effaçant la prégnance de la valeur indiciaire471.

Acronymes 
aldéhyde (Liebig, 1835) signifie al cool dehyd rogenatum, al- représentant alcool et -dehyd-, dehydrogenatum. Arguant de son étymologie mal motivée, Jean-Baptiste Dumas critique ce terme. En effet, la particule al- de alcool signifie en arabe « perfection d’une chose quelconque », et se révèle donc peu pertinente. Mais Dumas commet ici une erreur d’interprétation : -hyd-, n’est pas le radical du mot hydrogène, et il n’est question ni d’étymologie, ni de particule, mais d’un simple télescopage de termes. C’est également le cas de mercaptan (1834) qui représente mer curium captan ; pimarique qui représente pi nus mari tima (Lamarck, 1839).
Mots-valises 
aldol vient de aldéhyde et alcool (Wurtz, 1873). La série sera poursuivie par la création de aldose (1894) où le ald- de aldéhyde prendra le statut de suffixe en raison de la substantivation de -ose (1888) ; quercét-, qui représente quercitron ou quercitrine semble venir de quercus tinctoria, nom du quercitron dans la taxinomie naturaliste (quercitron vient lui-même de quercus et citron, qui sont tous deux des noms).

Il s’agit d’une application inverse de la confixation, c’est-à-dire une compression de syntagmes, une réduction syllabique visant à former d’autre mots ; ces hybrides, comme les croisements biologiques (le mulet, le bardot, le tigron), sont stériles. On peut parler d’acronymie (aldéhyde, mercaptan, pimarique) ou de mots-valises (aldol) dans leur cas.

La première catégorie de formants dotés d’une fonction de représentation est celle des formants occasionnels, tirés de termes :

  • associés à un ou des suffixes, ils deviennent ainsi des formants :

  • allant(o)- représente allantoïde dans allantoïque(1821), alumin(o)- représente alumine ou aluminium dans aluminate (1824), fluor- représente fluorescent dans fluorène (1867), cét- est tiré de spermaceti pour former cétine (Chevreul, 1816), chromat- représente chromosome (de chrome et sôma (1888)) dans réduction chromatique (1899), -glob- représente globule dans hémoglobine (Hämatoglobulin (1865), Hämoglobin (1866)),

  • associés à un autre formant, ils deviennent donc des formants :

  • -mère représente blastomère dans macromère et micromère (1893)472, thyro- représente thyroïde (cartilage) dans thyrotomie (1877). Signalons le cas de -morphisme qui représente métamorphisme dans endomorphisme (1861) et exomorphisme 473, et -bolisme qui représente métabolisme dans catabolisme et anabolisme (fin 19e siècle) qui deviennent des formants composés474, ainsi que sarc(o)- qui représente sarcome dans sarcoïde (1873),

  • en position 2 avec un formant, ils deviennent des suffixes :

  • -al représente aussi aldéhyde dans pipéronal (1835), -am- représente ammoniaque dans mél am (1834),

  • associés à un terme, ils deviennent des préfixes :

  • ar- représente aromatique, rés- représente résine dans résorcine (1864), fuso- représente fusiforme dans fusocellulaire, phlor(o)- représente phlorizine dans phloroglucine (1868), thyro- représente thyroïde (glande) dans thyroglobuline (1899). Signalons quelques termes suffixés : glut - représente gluten dans glutamique (1866), taur(o)- représente taurine dans taurocholique (1861).

En raison de leur statut de critères de différenciation, ces formants occasionnels sont peu productifs.

La seconde catégorie de formants dotés d’une fonction de représentation répond à un principe terminogénétique systématisé, propre à un domaine, faisant passer les formants dans la catégorie des affixes.

Le cas le plus courant, mais également celui qui inaugure le principe, est celui de la représentation d’un syntagme selon le principe : X = acide Xique (par exemple : acét- représente acide acét ique dans acét ate). Il s’agit en fait d’une spécialisation du principe nomenclatural de 1787, systématisé dans le système de dénomination des acides saturés :

  • acét- ; but- ou butyr- ; form(i, o)- ; fumar- ; gall(o)- ; olé- ; oxal(i, o)- ou -ox- ; prop- ; quin- ; uric(o)- ; val-475.

Ce principe, inauguré par la chimie, sera repris en médecine et anatomie. Ces disciplines emploient un moyen de composition spécifique qui consiste à réduire syllabiquement le terme et à lui adjoindre la voyelle « o », afin de l’associer à un autre terme et de former ainsi un nom composé. Emprunté à un mode de composition latin, ce procédé est repris très tôt dans les traductions (sacrosanctus, de sacer et sanctus est traduit en sacro-saint (1546)) :

  • crico- ; ilé(o)- ;ili(o)- ; sacro- ; sphéno-

Ce mode de composition permet de marquer les liaisons tant géographiques que fonctionnelles.

La troisième catégorie est constituée de formants utilisés sans logique sériaire, mais de manière quasi systématique :

  • acr- pour acroléïne, album(in)- pour albumine, ald- pour aldéhyde, anthr(a)- pour anthracène, -ars- pour arsenic, az(o)- pour azote, calc(i,o)- pour (entre autres) calcium, carb(o)- pour carbone ou carbonique, cét(o)- pour cétone, chrom(o) pour chromatine, -coque ou -coccus pour microcoque, cyan(o)- et cya- pour cyanogène, -éth- pour éther, furfur- pour furfurol, glycér(o)- pour glycérine, hydat(i)- pour hydatide, hydr(o)- pour hydrogène et hydraté, hymen(o)- pour hymenium, -ind(o) pour indigo, glyc- pour glycérine, méth- pour méthyle, osmo- pour osmose, ox(y)- pour oxygène, phtal- pour naphtalène, phago-/-phage pour phagocyte, plasm(o)- pour plasma, protoplasme, ou cytoplasme, prot(é)-/protéo- pour protéine, rect(o)- pour rectum, sclér(o)- pour sclérotique, sélén(i,o)- pour sélénium, téré-/téréb- pour térébenthine, tox(i,o)- pour toxique, tubér(i)- pour tubercule, uran(i,o)- pour uranium, ur-/uré(o)- pour urée, xyl- pour xylène.

Ces formants deviennent des allomorphes, allant, comme dans les cas extrêmes d’oxygène et d’hydrogène, jusqu’à concurrencer le formant original476. Ainsi, al- et -al ne veulent pas seulement dire « perfection d’une chose quelconque » comme le pensait Dumas, mais après avoir représenté alcool en position 2 dans éthal (Chevreul, 1823) puis chloral (Liebig, 1831), puis en position 1 dans althionique (Magnus, 1833)477 et aldéhyde (Liebig, 1835), ils représentent, à partir de 1835, aldéhyde (pipéronal ou aldéhyde pypéronylique, 1874) ; le chloral ayant été identifié comme un aldéhyde, il semblerait que par néologie passive, le suffixe soit passé de la représentation de alcool à celle de aldéhyde 478. Les sémantismes prennent donc une importance moindre par rapport à la valeur dans le système qui fait sens479, marquant la suprématie de la forme (valeur) sur la matière (signifié).

La fonction de représentation est la plupart du temps portée par le formant avant, dans la mesure où il est spécificateur, et donc désambiguïsant, contrairement au formant arrière, qui, conséquence des microsyntaxes grecque et anglo-saxonnes, est porteur de valeur générale. Ainsi, dans le cas des fonctions de représentation systématisées, le choix de -ique pour représenter acide acétique ne serait pas pertinent : s’agirait-il d’acide acétique, butyrique, oxalique, etc. ? Il ne peut servir de support à la fonction de représentation puisqu’il est l’indice de toute la classe à laquelle appartient le mot480. Les exceptions à cette règle sont de différents ordres : souvent, il s’agit de termes non suffixés ; mais ce n’est pas le seul facteur dans la mesure où on peut constater des cas d’imitation du système (-ars- ; az(o)- ; hymen- ; -eth- ; -ind(o)- ; glut- ; res- ) qui indiquent clairement que les principes analogiques soulignés par les néo-grammairiens fonctionnent pleinement. La valeur différentielle, c’est-à-dire systémique, est la plus pertinente sémantiquement, et peut être une des raisons du maintien du formant arrière au détriment du formant avant, si celui-ci est polyvalent (-bolisme (au lieu de méta-), -morphisme (au lieu de méta-), -coque ou -coccus (au lieu de micro-)), ou encore moins important sémantiquement que le formant arrière (-mère, cét-, plasm(o)-), voire de l’existence d’un concurrent (phtal-/napht-).

C’est cette même raison qui entraîne de mauvaises coupes, par nécessité de différenciation signifiante (anthr(a)- se différencie ainsi de anthrac(o)- « charbon »)481.

C’est en raison du prima de la valeur sur le sens que les éléments du système peuvent posséder plusieurs aspects signifiants. Mais le système ne se contente pas de générer de la signification par la valeur, il peut engendrer des termes. En effet, la notion de reconstruction est une conséquence directe du poids du système, qui conduit, par l’analogie, à fabriquer a posteriori les termes absents : leuc(o)- représente leucocyte, créé en 1855 (de leuc(o)- « blanc » et -cyte « cellule ») dans leucémie (adaptation de Leukämie, terme créé par le médecin prussien Virchow en 1845, introduit en français en 1851 ; de Leukos « blanc » et -αιμα , de ηαιμα « sang », -émie signifiant « présence normale ou anormale d’une substance »), la leucémie se caractérisant par l’altération et la prolifération anormale des leucocytes. Le terme n’est donc pas créé par l’addition de formants dans le but de donner un support sonore ou graphique à une idée (démarche sémasiologique). Dans le cas de leucocyte, c’est le formant, doté d’une fonction de représentation qui donne naissance à un terme dans le but de combler un trou lexical (démarche onomasiologique).
Comme August Schleicher avait tenté de reconstruire l’indo-européen, comme Cuvier avait reconstitué avec plus ou moins de succès les espèces animales disparues, des reconstructions de termes apparaissent. L’analogie n’est donc pas seulement un facteur de production en aval (dérivation, confixation), elle peut également fonctionner en amont (reconstruction). La fonction de représentation introduit ainsi une troisième dimension dans le système, la dimension génétique, particularité qu’elle emprunte au mot-valise482.

Le parallélisme avec les disciplines comparatives (anatomie comparée, grammaire comparée) ne s’arrête pas à ce type d’épiphénomènes. Par des indices de forme et de sens, on peut non seulement déceler la composition de l’élément chimique, mais aussi sa généalogie, faisant se rejoindre, comme l’a fait l’étude des langues, les dimensions synchronique et diachronique. Nous avons évoqué le fait que oxamide est constitué de trois formants dotés d’une valeur de représentation. Cette déployabilité du signe – qui en fait un porteur d’une masse non négligeable d’informations – permet à l’utilisateur de procéder à un déchiffrement du terme. À ce titre, citons le cas de amide : en 1830, Dumas crée le terme oxamide, simplification de oxalammide composée de ox- pour oxal-, formant qui représente acide oxalique, de am-, qui représente ammoniaque, et de -ide, qui représente acide. La motivation de ce terme est génétique :

‘J’ai cru pouvoir le désigner par le nom d’oxalammide ou oxamide, nom qui indique à la fois qu’il est formé aux dépens de l’acide oxalique et de l’amoniaque et que, sous diverses influences, il reproduit de l’acide oxalique et de l’amoniaque (Dumas, Mémoire d’août 1830 à l’Académie des sciences ; cité par Cottez, 1985, article « -am- »).’

Le second formant et le suffixe s’autonomisent conjointement pour produire un formant composé (par exemple : benzamide, de benz- et -amide (Woehler & Liebig, 1832)), puis un substantif (amide (Boutron-Charlard et Pelouze, 1833)) désignant des composés organiques dérivant de l’ammoniac (-am-) par substitution à l’hydrogène d’un radical acide (-ide). En 1833, il sera employé comme substantif par Dumas et Pelouze. Les amides sont les dérivés de la fonction acide (-ide) par substitution du groupe hydroxyle OH par NH2. Ils peuvent également être considérés comme les dérivés de l’ammoniac (-am-). La fonction de représentation permet de nommer les absences comme les présences, et de retracer la genèse des substances. C’est le cas de l’acide glutamique, « diacide aminé des milieux organiques » (PR). Le terme glutamique est composé de glut- qui représente gluten, de -am- qui représente -amine, et de -ique qui indique qu’il s’agit d’un acide saturé. L’acide glutamique est donc un acide comportant la fonction amine (ou acide aminé) que l’on a trouvée dans le gluten. Cette fonction amine étant issue de la substitution à l’hydrogène de l’ammoniac (-am-) d’un radical hydrocarboné (-ine). La fonction de représentation permet ici de signifier, in absentia, l’origine organique (-ine) de l’acide glutamique. Cette philosophie indiciaire est également à prendre au sens peircien du terme.

Plus que tout autre moyen de construction terminologique indique que le terme possède une structure interne483. Celle-ci implique des règles signifiantes de lecture et de formation comme l’ordre (souvent modificateur/modifié), l’utilisation d’un préfixe en liaison avec un suffixe (formations parasynthétiques), la fonction de représentation de certains formants. Ainsi, la chimie utilise des règles syntagmatiques spécifiques à chaque type de construction moléculaire : les modifications se font par addition d’un affixe, les fusions se signalent par une juxtaposition, les additions par la création d’un syntagme ou un composé. La découverte du caractère signifiant des modifications de radical peut également servir de modèle : ribonique, de l’allemand Ribonsäure (1891) est formé sur acide arabonique par déplacement des lettres, la métathèse traduisant une inversion stéréochimique dans l’orientation des atomes autour de l’un des atomes de carbone (cf. Henri Cottez (1985, article « Ribo- »))484. Plus généralement, les règles de formation des composés savants suivant toujours l’ordre déterminant/déterminé, les formants n’ont donc pas la même fonction microsyntaxique à l’intérieur du syntagme s’ils sont en position 1 ou 2 :

-métope 
« front [caractérisé par le formant initial] ». Le formant a produit cyclométopes (Milne-Edwards, 1834) et signifie littéralement « à front rond », (avec peut être influence de cyclope), terme est composé de μετοπον « front » et χυχλ(ο) - « rond, circulaire »,
métop(o)- 
« front ». Le formant a produit méto(po)page, formé de μετοπον « front » et πηγνυμι « je fixe, j’assemble » et signifiant littéralement « j’assemble le front ». Il s’agit d’un terme de tératologie désignant un monstre formé de deux animaux unis par le front (Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 1832). Ce phénomène ne manque pas, dans un système fondé sur la condensation de l’information, de modifier leur sens :
algési(o)-  
« sensation douloureuse » de αλγησις « douleur ». Ce formant a produit algésimètre en 1886 (« [appareil qui] mesure (de) la douleur »),
-algésie  
« sensibilité à la douleur [caractérisée par le formant initial] ». Ce formant a produit hyperalg(és)ie en 1897 (« grande [sensibilité à la] douleur »).
ou encore 
blast(o)- 
« germe, embryon » de βλαστος « germe, rejeton ». Le formant a produit blastoderme (Pander, 1818), blastomère (Huxley, 1877),
-blaste  
« noyau cellulaire, cellule-mère [de ce que désigne le formant initial] » de βλαστος « germe, rejeton ». Le formant a produit cytoblaste (Schleiden, 1838), ostéoblaste (Gegenbaur, 1864), hématoblaste (Hayem, 1878), neuroblaste (His, 1889).

Ce principe de sémantisation des positions est systématisé par Berzelius :

‘Berzelius établit en règle que, dans un composé résultant de l’union d’un corps électro-négatif avec un corps électro-positif, le premier doit donner le nom générique, et le second le nom spécifique. Le composé acide que forme le soufre en se combinant avec l’hydrogène s’appellera acide sulfurique et non hydrosulfurique, parce que le soufre est électronégatif relativement à l’hydrogène (Duponchel, Hydracides, in Dictionnaire d’Orbigny, VI, 1834 : 733 ; cité par Cottez, 1985, article « -hydrique »).’

La microsyntaxe des termes fait donc sens, comme fait sens leur morphologie : on distingue le caractère classificateur des suffixes, le caractère modificateur du préfixe, le caractère individualisant du radical, ou encore la valeur de représentation que possèdent également certains formants. Nous pourrions parler à ce propos de physiologie des termes, son fonctionnement interne lié au rôle de ses éléments constitutifs.

Le système terminogénétique par formants savants est donc constitué de deux niveaux distincts en interaction. Nous appellerons le premier niveau, constitué de trois classes, S-1 : la classe des préfixes, celle des formants, celle des suffixes.

Ces classes sont relations les unes avec les autres, mais aussi, dans le cas des radicaux, avec elles-mêmes. Ces relations constituent ce que nous appellerons la syntagmatique (composition, dérivation, confixation, combinaison485). Cette syntagmatique permet d’engendrer des éléments d’un niveau supérieur, les composés savants, qui appartiennent au système des termes que nous appellerons S.

Ces termes sont regroupés dans des classes dont le critère de constitution est la structure commune de leurs éléments, et la présence d’au moins un élément commun dans le terme (par exemple : les termes désignant les acides en -ique sont regroupés dans une classe dont la structure commune est acide Xique, les termes désignant les intoxications possèdent le suffixe -isme). Ces classes entretiennent ces relations spécifiques que sont les fonctions de représentation, ainsi que les rapports locaux de construction (par exemple : les acides en -ique formeront des sels en -ate, les sucres en -ite se différencient des sucres en -ose, les intoxications en -isme sont en relation avec des adjectifs en -ique).

Ce sont ces fonctions de représentation, nées d’une ontogenèse hors système, qui permettent d’engendrer de nouveaux éléments intégrés dans les classes de S-1. Il en est de mêmes des formants complexes (comme -hydrique), des formants extraits (comme -ure) ou des fractomorphèmes (comme hypo- et -eux). Ainsi, les nouveaux éléments créés, à l’intérieur de S sont réintégrés dans S-1 par le biais de la paradigmatique. En d’autres termes, ce qui appartient à l’ontogenèse dans S relève de la phylogenèse dans S-1. L’analogie au niveau S devient paradigmatique dans S-1.

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Les éléments de S ne sont donc pas uniquement définis par la phylogenèse de la classe à laquelle ils appartiennent (construction à partir des éléments des classes p, r et s de S-1), mais aussi dans leur opposition avec les éléments de leur propre classe, comme dans leurs rapports avec les éléments des autres classes. En effet, le sens du composé se déduit du sens des éléments avec plus ou moins d’approximation :

‘La reconnaissance du signifié global du signe complexe n’implique pas la reconnaissance immédiate de sa référence précise à telle ou telle réalité de l’univers extralinguistique, et c’est pourquoi nous parlons d’approximation. Mais cette approximation, si elle est indéniable quand nous abordons des cas isolés, se dissipe de plus en plus quand on replace les signes considérés dans l’ensemble du code : plus on avance dans la maîtrise du code et l’identification de ses structures, plus on reconnaît qu’un certain type de référence est inséparable d’un certain type de signifié (Cottez, 1985 : XII).’

L’explicitation des termes passe non pas par l’étymologie de chaque élément du composé, mais par l’étude de l’évolution des formants. Henri Cottez propose donc une méthodologie morpho-étymologique. Ce point différencie les allogènes terminologiques des allogènes du lexique : le terme n’est pas étudié dans sa totalité, mais décomposé, chacun de ses constituants étant analysé indépendamment, puis en combinaison avec les autres. Cette notion de morpho-étymologie est la résultant directe du fait que le composé savant n’est pas réductible à la somme de ses parties, en ce qu’il constitue une structure, intégrée à un système. Il est certain qu’il est difficile de comprendre le signifié des formants en dehors de leur système de référence :

‘on peut pratiquement réduire le signifié d’un mot comme gastéropode à une relation de référence à un certain type de mollusques comme l’escargot ou la patelle, mais on ne peut linguistiquement exclure du signifié ce qui tient à la structure sémiotique que Cuvier a donnée à ce mot en le créant à la fin du XVIIIe siècle (Cottez, 1985 : VIII).’

La génération de sens et de termes par le phénomène analogique peut dépasser les limites du système que nous avons décrit, qui possède des frontières poreuses. Citons, à titre d’exemple, les substantivations de formants que nous avons décrites plus haut : par une transposition du phénomène terminogénétique au référent, Berzelius écrira en 1832 que l’on pouvait poser « Amide = NH2 » (Cottez, 1985, article « -am- »)486..Nous avons évoqué plus haut un phénomène de sémantisation de la grammaire à propos de la substantivation des affixes. La substantivation de formants issus de néologie passive ou active en est un autre signe.

La langue constitue un système, telle a été la démonstration des linguistes du 19e siècle, théorie dont le Cours de linguistique générale est le point d’aboutissement. Un élément de la langue ne peut être défini que différentiellement, et ne prend sa valeur, sa fonction et son sens qu’au sein du système auquel il appartient. La langue est donc un système de relations entre éléments, dont les propriétés dérivent des dites relations. De sorte, et cette idée est mise en avant par l’algèbre ensembliste du 19e siècle, que c’est la structure, les propriétés formelles du système qu’il convient d’étudier, et non l’élément, les qualités isolées d’un être. Ce principe est pleinement appliqué dans la construction des termes de la fin du 18e et du 19e siècles. Certes, entre les premières taxinomies qui prétendaient dépeindre l’intégralité du monde vivant aux travaux de chimie organique, les ambitions affichées se sont restreintes, et l’axiomatisation partielle des champs terminologiques est un état de fait que chacun est contraint d’accepter.

Conséquence de la croissance exponentielle des découvertes, le lexique scientifique se doit de diversifier ses modes de formation et ses formants (au sens large). Aux syntagmes, confixations et affixations succèdent les fonctions de représentation, les substantivations, les fractomorphèmes et les parasynthétiques systématisés, pour ne citer que les procédés les plus répandus. Aux formants puisés dans le fond classique sont associés les formants créés de toutes pièces par combinaison ou extraction d’un terme matrice.

En effet, la recherche de l’iconicité, à l’origine des taxinomies et nomenclatures, ne doit pas laisser entrer par la fenêtre ce qu’elle a chassé par la porte. La réponse viendra de la structuration de plus en plus marquée du champ. Il se tisse alors un réseau de plus en plus dense et complexe de relations signifiantes. Les modes de construction, l’ordre des morphèmes, les liens spécifiques, tout fait désormais sens, tant la recherche de la condensation de l’information devient vitale. Les formants sont désormais de plus en plus spécialisés, et s’éloignent davantage de leur sens étymologique. Les motivations ne sont désormais plus sémantiques, mais paradigmatiques, l’assignatif succède au dénotatif.

Notes
436.

la sonorité émise par l’objet trouve dans le mot une réplique aussi poussée que peut l’être la reproduction du non-articulé par l’articulé (Humboldt, Introduction à l’oeuvre sur le Kavi , 18 ; 1835 : 218).

437.

Vraisemblablement aussi parce qu’il rejette les avatars de l’Idéologie qui confine, selon lui, à la métaphysique.

438.

Les termes créés par Blainville sont attestés en 1839 (zoonomie) et 1843 (zootaxie). Zoonomie est enregistré au sens de « lois de la biologie animale », puis, depuis environ 1970 « science qui s’occupe de la protection et du respect du droit de l’animal » (RHLF). Zootaxie a le sens de « systématique animale » (PR). En revanche biotaxie n’a pas été adopté, alors que bionomie est enregistré en 1842 au sens d’« étude des rapports des êtres vivant avec le milieu » (RHLF).

439.

Électrologie, attesté en 1864, a actuellement le sens de « partie de la physique qui étudie tout ce qui se rapporte à l’électricité » (PR). Les autres termes ne sont pas attestés.

440.

En effet, ce dernier terme, que le Petit Robert définit comme l’« étude scientifique, par la dissection ou d’autres méthodes, de la structure et de la forme des êtres organisés ainsi que des rapports entre les différents organes ».

441.

Comme le signale Louis Guilbert (1975), il y a peu de créations ex nihilo. L’individu a besoin de s’appuyer sur des formes linguistiques antérieures, ce qui est une forme de sécurisation.

442.

En cela, le 19e siècle est la troisième grande période d’utilisation de formants gréco-latins, la première s’étendant du 14e au 16e siècle, durant laquelle ils sont utilisés pour des raisons sociolinguistiques d’aménagement de la langue (cf. supra, 1ère partie), la seconde coïncidant avec les grandes taxinomies naturalistes et nomenclatures chimiques des 17e et 18e siècles (cf. supra, chapitre 10).

443.

Il existe, dans le système de la méthode positive, une partie fort importante, quoique jusqu’ici trop peu appréciée, et que la chimie était, ce me semble, spécialement destinée à porter au plus haut degré de perfection. Il s’agit, non de la théorie des classifications, assez mal entendue par les chimistes, mais de l’art général des nomenclatures rationnelles, qui est tout à fait indépendant, et dont la chimie, par la nature même de son objet, doit présenter de plus parfait modèle qu’aucune autre science fondamentale (Comte, Cours de philosophie positive, 35e Leçon, III : 29-31 ; in Pages choisies : 99-100).

444.

Dans son dictionnaire des synonymes de 1809, François Guizot présente la première liste des affixes français. En ce qui concerne l’Allemagne, si les Idéologues n’eurent que peu d’influence sur la communauté intellectuelle – à l’exception de Humboldt –, il convient de préciser que durant la Renaissance, des hommes tels que Clajus (Grammatica Germanicae Linguae (1578)) contribuèrent à élaborer des transferts grammaticaux conceptuels qui conduisirent à l’adoption des cas latins pour l’allemand :

Alors que le latin était progressivement abandonné et qu’il allait faire face à la concurrence du français, la théorie de la formation des mots devait faciliter l’adaptation du vocabulaire allemand à des besoins linguistiques croissants. De la tradition latine, on retint deux principes de formation, le premier morphologique (déverbatifs, dénominatifs) et le second sémantique (possessifs, diminutifs, etc.) (Auroux & Clericot, 1992 : 390-391).

445.

Mais il explique que la langue des sciences constitue la partie la plus impossible des langues impossibles ; si celle-ci existait, elle serait orale, et dériverait des signes naturels.

446.

On a critiqué avec assez d’amertume cette expression hydrogène parce qu’on a prétendu qu’elle signifiait fils de l’eau, et non pas qui engendre l’eau (Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, I, 94 ; cité par Cottez, 1985, article « -gène »).

Cette remarque s’applique aussi à oxygène.

447.

Nous avons formé le mot oxide, qui d’une part rappelle la substance avec laquelle le métal est uni, qui d’autre part annonce suffisamment que cette combinaison de l’oxygène ne doit pas être confondue avec la combinaison acide, quoiqu’elle s’en rapproche à plusieurs égards (Guyton de Morveau, Mémoire à l’Académie, 2 mai 1787 ; cité par Cottez, 1985, article « -ide »).

448.

C’est-à-dire un morphème discontinu.

449.

De hydrogène et carbone, le suffixe -eux renvoyant au degré d’acidité. Ce terme est construit sur le modèle de la série acide pyro-Xeux, où X représente la substance dont est issu l’acide (ex : acide pyro-tartareux, acide pyro-ligneux, acide pyro-muqueux). Dans ces formations, pyro- est un préfixe qui indique que l’élément est issu d’une distillation sèche. Lavoisier s’en justifie ainsi :

Les acides que l’on retire, par distillation, du tartre ..., du bois, ont été nommés par les chimistes esprits empyreumatiques ; il nous a paru important de faire entrer ce caractère dans leurs dénominations ; mais pour en rendre l’expression d’un usage plus commode, nous l’avons réduite au dissyllabe pyro. L’esprit empyreumatique du tartre devient de cette matière, l’acide pyrotartareux, et ses sels des pyrotartrites ; l’esprit empyreumatique du bois, l’acide pyroligneux et ses sels des pyrolignites (Mémoire du 18 Avril 1787 ; cité par Cottez, 1985, article « Pyro- »).

À noter que dans le tableau, Lavoisier et consorts utilisent les composés, alors que dans le Mémoire, Lavoisier utilise les confixes.

450.

En fait, on constate une certaine hésitation dans les formations : hydrure (Lavoisier, 1789), hydro-sulfure (Berthollet, 1798), hydrocarbure (Henry, 1807).

451.

À noter, à propos de cette remarque de Gay-Lussac, qu’il y a peut être erreur « étymologique » de sa part. En effet, Humphry Davy, prouve que les substances en solutions libèrent des particules d’hydrogène électrifiées qui font d’elles des acides. Il y a là une ambiguïté, le formant hydro- utilisé par Davy renvoie-t-il à hydrogène ou à eau ?

452.

Achevant ainsi une série (par ordre décroissant d’oxygénation) : acide perchlorique (Cl O4 H), acide chlorique (Cl O3 H), acide chloreux (Cl O2 H), acide hypochloreux (Cl O H). On peut supposer dans le cas présent l’influence probable de Thomas Thomson dans le principe terminogénétique de Dulong. Cependant, il aurait été logique d’utiliser le préfixe prot(o)- , correspondant à per-. Introduit par Thomson en 1807 pour exprimer le degré minimal d’oxydation et adopté aussitôt par les chimistes, et servira à former le nom d’un composé contenant le minimum du corps désigné par le corps ainsi préfixé ; de πρωτος « premier » en grec (protoxide, tritoxide, pentoxide:, hectoxide, etc.). Pourquoi Dulong utilise-t-il un préfixe spécifique ? Est-ce en raison de l’instabilité de ces acides ?

453.

En fait, au plan étymologique, ce terme est redondant, dans la mesure où ox(y)- signifie « acide » (de oxus grec, « aigre, acide »). À noter que le formant ox- devient ici un préfixe. On constate que le sens étymologique cède peu à peu la place au sens intrasystémique.

454.

À noter qu’en latin, -id- joue le rôle de suffixe aspectuel : aceo « être aigre »/acido « devenir aigre ». Acidus est dérivé de aceo, mais a été influencé par acido. Soulignons que le suffixe chimique -ide respecte la morphologie comme la sémantique latine, puisque sa présence dans un terme souligne la présence d’acide, et signale donc que la substance représentée par le radical devient acide.

455.

À propos de la création de margarone, terme préféré à esprit pyro-margarique :

cette dénomination a l’avantage de se prêter avec facilité à la formation de noms composés et rappelle en même temps la substance primitive. D’après cet exemple de nomenclature, les esprits pyro-acétique, stéarique, oléique devront être désignés par les expressions de acétone, stéarone, oléone. (Bussy, Sur quelques produits nouveaux obtenus par l’action des alcalis sur les corps gras  ; Annales de Chimie et Physique, T. III : 1833 ; cité par Cottez, 1985, article « -one (1) »).

456.

Pierre Guiraud (1968 : 83) y voit une création par extraction du terme carcinome.

457.

-Isme est en fait actif en médecine en relation avec les adjectifs en -ique bien avant cette période (ex. : rachitique/rachitisme).

458.

Pierre Guiraud (1968 : 83) estime pour sa part qu’il est extrait du terme ecchymose.

459.

Pierre Guiraud (1968 : 83) propose une autre explication : pour lui, sulfure est un dérivé régressif de sulfureux.

460.

Bien que Henri Cottez marque de manière différente les deux principes de formation, il est difficile, étant donné le caractère succinct des articles, de différencier les deux techniques.

461.

Mais aussi pour marquer de manière plus appuyée l’opposition entre les animaux et les oiseaux.

462.

À noter qu’il a facilité la dénomination et la commercialisation de substances.

463.

Seul le suffixe -ées apparaît sous Pitton de Tournefort, le suffixe -ée n’étant adapté qu’au 19e siècle (lui était préféré jusqu’alors le suffixe latin -ea). La valeur n’existe que par l’opposition singulier/pluriel.

464.

Henri Cottez (1985) les répertorie comme des préfixes, mais ils sont employés comme des bases.

465.

L’ensemble des définitions de sigle, acronyme, abréviation adoptées ici sont celles de Dubois & alii. Cependant, signalons que Dubois commet une erreur de traduction lorsqu’il renvoie à Lewis Carroll et à sa théorie des mots-portemanteaux. En effet, Lewis Carroll a créé le terme portmanteaux words, du mot français portemanteau, qui désigne une grosse valise de cuir, selon une acception ancienne du lexème en français (1547). Mot-valise est donc bien le calque de portmanteaux words, le terme mot-portemanteaux n’a donc aucune pertinence en français. Pour une discussion sur ces différents termes, cf. C. Germain & A. Lapierre (1982).

466.

La différence entre l’acronyme et le sigle est une différence de but : le sigle n’est pas construit avec une volonté de prononciation syllabique, bien que celle-ci puisse apparaître avec l’usage (U. R. S. S. est prononcé syllabiquement comme lettriquement). En revanche, l’acronyme est clairement construit en vue d’une prononciation syllabique. Dans ce but, contrairement à la rigueur épellative du sigle, qui n’utilise que la première syllabe des monèmes dépendants, et exclut les monèmes fonctionnels, l’acronyme fait feu de tous bois pour obtenir une prononciation syllabique (ex : SOFRES : So ciété fr ançaise d’ e nquêtes par s ondages, REXFOR : Société de cupération et d’ ex ploitation for estière). Les aspects connotatifs ou humoristiques ne sont pas à exclure (ex : SCALP : Sections Carrément Anti-Le Pen, ATTAC : Association pour une Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens).

467.

La définition des acronymes et sigles mentionne souvent les lettres ou syllabes initiales du figement d’origine. Certains acronymes, pour des raisons phonétiques, utilisent les lettres et/ou syllabes initiales et finales des syntagmes figés (ex : SIDBEC : Sid érurgie du Qué bec).

468.

La première remarque que l’on peut faire, c’est que certaines des unités constitutives sont ambiguës : électronique dans technétronique, téléphérique dans télébenne, cybernétique dans cybernation sont-ils ici des noms ou des adjectifs ? D’autre part, notons que le redoublement des syllabes facilite la brachygraphie (éléphantaisiste < élé phant et fan taisiste ; musicassette de musi que et c assette ; transistor de trans fert et re sistor) selon le principe de l’haplologie.

469.

Se référant en cela à l’étymologie du terme : acro- vient du grec αχρον « extrême » (p. 245). Il suppose donc que le formant acro- réfère aux deux extrémités du mot. Mais on peut également envisager qu’il ne réfère qu’à l’une d’entre elles, et lui donner le sens le plus courant du terme acronyme, à savoir « sigle prononcé ».

470.

Louis Guilbert (1975 : 246) rapproche le procédé de l’agglutination, puis rejette cette hypothèse en raison du caractère conscient de la brachygraphie, d’une part, et de l’absence de troncation dans l’agglutination, d’une autre part. Cependant, nous pourrions rapprocher le mot-valise de l’haplologie, tendance naturelle d’origine phonétique et qui est à l’origine de certains mots-valises comme éléfantaisiste ou transistor.

471.

À noter aussi les fausses valeurs de représentation, c’est-à-dire :

— les variations phonétiques facilitant la prononciation : ergo- (disparition du s) ; orch(id)- (disparition du s) ; tellur- (suppression du e) ; fluo- (disparition du r),

— la disparition de la voyelle de liaison : hydr(o)- ,

— les changements de forme liés à des raisons étymologiques : astro- (par différenciation des autres formants en usage (aster, astre, astéro) ), chorio- (altération de chorioïde, du grec χοριοειδης de χοριον), chromat- (à cause de l’existence de chrom(o)-, qui représente chromatine (de chromat(o)- et -ine car c’est une aniline)),

— les allomorphes (disparition de la flexion casuelle) :ar(o)- (de aron, -i ou arum, -i) ; herpét- (de herpes, -etis , du grec ερπης, -ητος) ; latéro- (de laterus) ; -spir- (qui représente spirée dans aspirine (de spiraea ; 1853, Gerhardt)),

— la réduction zéro : thé- qui représente thé dans théine (1831), théisme (1871).

472.

Le cas de macromère et micromère est particulier : macro-, micro- sont des adjectifs. Or, il est difficile de savoir si ceux-ci caractérisent -mère ou à blasto- (s’agit-il d’une grosse/petite partie de la cellule obtenue par la segmentation du germe ou la cellule obtenue par la segmentation d’un gros/petit germe ?). Cette ambiguïté hiérarchique, à attribuer à la composition nom + nom du terme de départ, n’est pas sans évoquer le principe du mot-valise.

473.

Ces formations sont proches du procédé du mot-valise. En effet, endo-, exo- et méta- sont des adverbes et prépositions.

474.

Ces formations sont proches du procédé du mot-valise. En effet, ana-, cata- et meta- sont des adverbes et prépositions.

475.

L’apocope succède à la brachygraphie, signe de l’intégration du principe (butyr-/but- ; oxal-/-ox-). Dans le cas de butyr-/but-, l’emboîtement des formants but-, qui représente acide butyrique dans butyle, puis butyle dans butane est vraisemblablement dû à des raisons phonétiques (°butyryle porte à l’haplologie). Précisons que la différence de coupe de l’adjectif propionique est due à la formation du radical propion- (de pro- et -pion- ).

476.

Il ne s’agit pas de phénomènes d’usure ou de troncation mécanique, dans la mesure où les fonctions de représentation apparaissent souvent la même année ou peu après le terme.

477.

À noter que la série thionique (de theion : soufre) est le nom de la série des acides du soufre à 5 équivalents d’oxygène, alors que la série sulfurique est réservée à ceux dont le radical ne varie pas (1847).

478.

L’autre raison en serait la systématisation du suffixe -ol pour désigner les alcools à partir de la création de glycol (de glyc érine et alco ol (C. Wurtz, 1856)).

479.

Ce sens intrasystémique dépasse parfois son propre cadre et se matérialise par la substantivation de formants libres ou associés. C’est le cas de gel et sol (respectivement apocopes de gélatineux et solution, permettant de caractériser l’état d’un colloïde (Graham, 1864)) dans des termes (hydrogel, c’est-à-dire « hydrate gélatineux » et hydrosol, c’est-à-dire « hydrate en solution »). Ces deux formants seront ensuite substantivés, avec le succès que l’on sait dans le cas de gel. Telle est l’explication de Henri Cottez (1985), mais l’acronymie semble une hypothèse tout aussi envisageable.

480.

Comme le souligne Louis Guilbert à propos du syntagme :

Cette vocation du déterminant à représenter (...) découle du fait de sa fonction et non de sa place (Guilbert, 1975 : 273).

481.

Qui sont souvent liées à des problèmes de longueur : ar- pour aromatique ; téré-, téréb- pour térébenthine.

482.

En effet, le maintien de fragments signifiants des éléments du mot-valise qui vise à leur reconnaissance, a avant tout pour but de mettre en évidence la généalogie du référent (tigron « Félin, hybride d’une lionne et d’un tigre » (PR)).

483.

Nous avons certes étudié principalement les termes de chimie, ce domaine étant le plus abouti en matière de terminogénie, mais la fonction de représentation est un procédé exploité dans nombre de domaines (médecine, physiologie, anatomie, biologie, botanique, sciences naturelles, physique).

484.

Il est intéressant de noter le caractère iconique de ces syntagmatiques et altérations de radical : la métathèse linguistique traduit une métathèse chimique, la modification d’un nom fondamental traduit une modification de structure, la juxtaposition de deux termes traduit la fusion de deux composés fondamentaux, les syntagmes traduisent les associations de molécules. Il y a donc isomorphisme entre le terme et la molécule.

485.

Dans le cas de plusieurs affixes associées.

486.

La fonction de représentation, et la substantivation qui lui est parfois associée permet donc de donner des noms à une découverte de la chimie : les radicaux. Au nombre des substantivations, soulignons le cas du terme imide. L’explicitation de celui-ci à la lumière du terme amide montre le poids de la paradigmatique : introduit en 1835 par Auguste Laurent dans benzimide, puis naphtalimide (1836) pour différencier ce corps hypothétique des amides (imide = NH), il est substantivé en 1841, puis utilisé sous la forme -ime par Meyer dans oxime (1863) (Cottez, 1985, article « -im- »). Citons également le terme tropisme (1899) issu du formant -tropisme utilisé dans héliotropisme (Candolle, 1831), géotropisme (Sachs, 1872) et valence (1879), issu de la spécialisation chimique d’équivalence.