Un espace favorable aux échanges

Les traits franconiens, un alliage de diversité et de cohésion, trouvent leur expression dans l’histoire comme dans l’espace 156 .

Le cœur du milieu naturel franconien se constitue autour d’un réseau hydrographique très abondant où dominent au Nord, le Main et au Sud, le Danube. Ces deux axes Est-Ouest, distants d’environ 180 km, sont reliés par la vallée de l’Altmühl puis de la Tauber, ou par l’axe de la Regnitz puis de l’Aisch. Si les affluents du Main ou du Danube ne se prêtent pas toujours à la navigation, comme la Pegnitz, leurs vallées offrent de nombreuses possibilités de parcours Nord-Sud, Nord-Ouest/Sud-Est, et dans une moindre mesure à partir de Nuremberg, Sud-Ouest/Nord-Est.

Dans cet espace, la circulation est encore facilitée par le relief. Les pas du voyageur ne rencontrent pas d’obstacles majeurs et parcourent en alternance des plateaux calcaires, qui culminent à 643 m au Sud-Est dans le Jura franconien, et des dépressions sablonneuses ou alluvionnaires hérissées de collines. Les plus hauts massifs s’élèvent aux confins et dessinent un encadrement de montagnes autour du bassin hydrographique. De l’autre côté du Main, au Nord-Ouest et au Nord, s’amorcent le Spessart et le Rhön qui atteignent presque 1000 mètres. Mais la frontière géographique majeure se présente à l’Est. Là les massifs boisés de la Forêt Franconienne, de la Fichtel (1051 m) et de la Forêt Bohême créent une barre montagneuse néanmoins dotée de plusieurs voies de passages naturelles vers la Bohême. Certaines, au nord de la Fichtel, donnent accès aux monts métallifères, annoncés par plusieurs gisements miniers au nord-est de la Franconie. Au sud, avant de déboucher sur le Danube, le plateau du Jura franconien forme une dernière bordure, peu contraignante, prolongée en direction du Neckar par le Jura souabe.

Le milieu géographique franconien forme donc une zone où les relations sont aisées, un espace ouvert aux échanges pour les habitants du lieu comme pour les transits lointains d’Est en Ouest et de Sud au Nord. Des rebords de basse et moyenne montagne octroient à cet ensemble des contours nets, à l’exception d’une façade occidentale dépourvue de discontinuité géographique 157 .

Le substrat géologique et l’action des hommes conférèrent à l’ensemble franconien médiéval une grande diversité de paysages et de terroirs. La vallée du Main, de la Saale et l’aval de la Tauber, bordées de côteaux, se prêtaient naturellement au vignoble dont la présence et la qualité étaient réputées depuis le Haut Moyen Âge. Le Keuperbecken franconien, la vallée de la Rednitz ou celle de l’Aisch offraient leurs terres fertiles à la céréaliculture. Dans des zones alluvionnaires à proximité de Bamberg, l’hortillonage s’était abondamment développé et des documents médiévaux désignent les lieux en termes d’hortus ou d’ager. Le houblon prospérait en Haute-Franconie vers Spalt, Kulmbach ou Lichtenfels. Vers Forchheim, le Knoblauchsland (littéralement, le pays de l’ail) formait le jardin maraîcher de Nuremberg. Les mauvaises terres du Jura franconien et de la Fichtel présentaient une couverture forestière aux ressources abondamment exploitées. La force économique de Wissembourg/Nordgau reposait par exemple sur les forêts reçues de l’empereur Louis de Bavière en 1338. Nuremberg, établie dans un site infertile, le Neurodungsland, administrait avec soin les forêts impériales de Saint-Sébald et de Saint-Laurent. L’élevage ovin battait son plein de Rothenbourg à Schweinfurt, complétant l’éventail des denrées variées produites en Franconie.

Véritable mosaïque de terroirs complémentaires, le milieu franconien appelait aux échanges internes comme externes, pour peu que les productions agricoles fussent excédentaires ou spéculatives à l’image du vin du Main. Les liens tissés autour de l’économie agricole locale se trouvaient encore renforcés par la demande et la consommation de villes marchandes.

« A cela s’ajouta peu à peu un artisanat qui adopta progressivement des formes d’organisation industrielle sur la base des richesses du sol local. Ce qui créa des condition qui influencèrent le rapport des villes avec le plat pays d’une manière particulière » (Heinz Quirin).  ’

Au-delà de sa diversité, la Franconie put s’affirmer économiquement comme un espace cohérent, où chaque partie contribuait au tout et où l’intégration villes-campagne ne jouait pas un moindre rôle.

Notes
156.

Cf. Carte en annexe

157.

Les caractéristiques géographiques de l’espace franconien rejoignent ainsi les représentations frontalières qu’on pouvait en avoir au Moyen Âge. La frontière resta imprécise là où le relief n’induisait pas une séparation.