Parallèlement aux impôts urbains royaux, les villes libres et impériales et les autres forces de l’empire étaient sollicitées par leur souverain au travers des matricules. Ces registres existaient, en toute certitude, depuis le début du XIVe siècle. Ils fixaient les participations des membres de l’empire à l’expédition romaine du couronnement impérial ou aux efforts militaires généraux. Une première liste fut établie en 1310, d’autres virent le jour en 1422 212 et 1431. Les villes libres et impériales, alors soumises à la volonté du roi (et de plus en plus des princes) au sein des Hoftage, ne participèrent jamais à l’élaboration de ces premières matricules. Elles purent cependant exprimer leurs éventuelles réticences en n’apportant pas l’aide requise ou en la monnayant contre des remboursements de prêts.
Evénement sans précédents, à l’assemblée impériale de 1489, les états supérieurs soumirent aux délégués urbains le projet de matricules qu’ils avaient mûri pour les villes 213 , en priant chacune d’exposer ses positions à l’égard des taxations. La sauvegarde du secret fiscal municipal parut toutefois plus précieuse aux villes de l’empire que la participation à l’établissement des matricules. Elles se refusèrent à toute procédure d’auto-estimation et de publicité autour des réquisitions, si la règle ne valait pas également pour les autres états. Mais leurs réserves à l’égard de la liste produite par les princes parvinrent à réduire de 63% en moyenne les matricules prévues (les taxations baissèrent de 20% à 111% au cas par cas) et les villes souabes purent répartir entre elles à leur gré la somme qui leur avait été assignée globalement.
Devant l’échec du Gemeinen Pfennig, le roi Maximilien proposa dès 1500, lors de la diète d’Augsbourg, un retour aux matricules impériales.
Au tournant du XVIe siècle, les indications disponibles sur les contributions fiscales urbaines se multiplient donc et l’on connaît les matricules fixées à Cologne en 1505, Constance en 1507, Augsbourg en 1510 et Worms en 1521. Par les matricules, il s’agissait désormais non plus de marquer sa reconnaissance et sa déférence envers un seigneur-roi, mais de participer à l’effort de défense et de réforme de l’empire. Puisqu’elles avaient obtenu voix au chapitre de l’empire par leur curie, les villes se trouvèrent aussi contraintes à un plus grand engagement financier pour la cause commune.
Mais l’élaboration des versements pour l’empire, en argent, fantassins et cavaliers, se produisit toujours dans la première moitié du XVIe siècle sans une consultation préalable des villes et hors de leur présence. Les deux collèges supérieurs cherchèrent, dans ces circonstances, à limiter leurs propres contributions en chargeant les villes libres et impériales.
Les matricules résultent de ces considérations politiques, des listes élaborées depuis le XIVe siècle et du crédit (ou potentiel économique) prêté à chaque ville par l’extérieur 214 selon ses signes apparents de richesse. Les aides effectivement versées par chaque ville requise ne correspondaient pas nécessairement aux montants prévus par les registres. Bâle se refusa par exemple plusieurs fois au paiement, tandis que d’autres minoraient la somme à force d’atermoiements ou en fractionnant les versements.
Cf. RTA VIII, n°145, matricules établies lors de la diète de Nuremberg en juillet 1422.
En 1373, le souverain réclama une aide exceptionnelle. Ulm donna à ce titre 20 000 florins, Augsbourg 36 000 florins, Nuremberg 20 000 florins, Rothenbourg 4 000 florins, Windsheim 2000 florins et Wissembourg de même. Nuremberg versa donc 5 fois plus que Rothenbourg et 10 fois plus que Windsheim et Wissembourg. Cf. UB Windsheim, n°306. D’après les chroniques de Sprenger, en 1474, pour l’aide destinée à Neuss, Schweinfurt fut priée de participer avec 4 cavaliers et 22 fantassins. Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875. Par la suite, son contribution s’éleva à 4 cavaliers et 30 fantassins, ce dont la ville se plaignit en 1512. Selon les matricules de Worms, sa prestation augmenta cependant encore : 5 cavaliers et 36 fantassins.
Cf. RTA, Mittlere Reihe, 3, p. 1103.
Les tableaux qui suivent sont repris et adaptés à partir du travail de Georg Schmidt, Der Städtetag in der Reichsverfassung…, Stuttgart, 1984, p. 404 et s. Les registres donnaient à l’origine pour chaque ville des contributions en argent et en hommes (cavaliers et fantassins). Georg Schmidt a ramené toutes ces valeurs à un montant en numéraire, en appliquant le principe suivant, établi au début du XVIe siècle : 1 fantassin = 4 fl., 1 cavalier = 12 fl.