Archives d’anciennes villes seigneuriales franconiennes :

Les prospections menées auprès d’anciennes villes seigneuriales franconiennes révèlent des gisements épistolaires beaucoup plus ténus que leurs homologues de l’empire. Le statut de dépendance dans lequel furent maintenues longtemps les villes seigneuriales a sans doute hypothéqué les chances de survie du matériel municipal.

La ville de Schwabach ne garde pas de traces de correspondances médiévales dans ses archives municipales. Le constat est identique pour les lettres émises au Moyen Âge par Bamberg, Ansbach ou Neustadt/Aisch. A Gunzenhausen, seuls quelques projets de lettres du conseil à d’autres villes et au gouvernement margravial d’Ansbach attestent d’échanges épistolaires municipaux médiévaux. Ces quelques vestiges s’insèrent dans des séries thématiques sur les états territoriaux du margraviat (Fach 1, n°1, 1511-1616), sur l’économie locale (Fach 5, n°1, teil 1, 1464-1734), les limites territoriales (Fach 6, n°2, 1492-1773), l’hospice (Fach 14, n°1, 1487-1759) ou le marché (Fach 16, n°1, ‘1401’-1730).

Le dépouillement des livres du conseil de Würzbourg (Ratsbücher 2-9) amène quelques rencontres avec des copies de lettres médiévales, mêlées à diverses copies de serments, quittances, contrats ou privilèges. Mais le titre « Missivenbuch » ou « Liber conceptorum » n’apparaît qu’avec le livre du conseil n°12, pour 1576-1597. Des lettres originales isolées se glissent quant à elles dans un fonds d’archives d’environ 480 documents antérieurs à 1520.

La ville d’Amberg est finalement l’une des rares à avoir conservé, dans ses archives municipales, des livres de correspondances, ou des livres de doubles épistolaires. Ces registres, qui consignent les relations d’Amberg avec les puissances voisines, de même qu’avec ses seigneurs, ne débutent cependant qu’en 1535-1537 (Stadtarchiv Amberg n°562, 273, 274, 275).

Disparité, profusion et hétérogénéité sont en définitive les maîtres-mots qui caractérisent les fonds épistolaires municipaux du bas Moyen Âge. D’une ville à l’autre, les ressources épistolaires médiévales varient du tout au tout.

Si quelques originaux témoignent encore d’une participation des villes seigneuriales franconiennes aux réseaux de correspondances, aucune n’a eu, comme les villes libres et impériales, le souci ou la possibilité d’immortaliser la parole municipale envoyée vers l’extérieur. Dans aucune de ces villes seigneuriales, la constitution de registres épistolaires ne semble avoir débuté avant la première moitié du XVIe siècle. Fruit du hasard ou marque de la subordination municipale, dont la parole écrite n’était rien au regard des textes du maître des lieux ? En tout état de cause, les lettres conservées par les anciennes cités seigneuriales franconiennes ne peuvent témoigner de leurs relations intercommunales. Les voilà sur ce point réduites au silence ou condamnées à n’être approchées que de l’extérieur, au travers de bribes de correspondances inscrites dans les registres de leurs voisines impériales.

Les hasards de la conservation ne peuvent expliquer à eux seuls la richesse des villes libres et impériales en matériaux épistolaires communaux. L’envergure de la communication écrite de ces cités, la densité de leurs réseaux épistolaires, le prix attaché dès le Moyen Âge à la conservation de leur courrier jouent une part importante dans leurs legs épistolaires médiévaux.

Il faudrait encore dresser un inventaire exhaustif des correspondances municipales à l’échelle de l’empire, mais le contraste entre les ressources disponibles et les textes édités à ce jour est d’ores et déjà saisissant. La profusion même des missives communales médiévales semble avoir encouragé l’inaction des éditeurs. Par où commencer ? Dans la masse des registres épistolaires conservés, que choisir et privilégier ? Les livres de correspondance de Nuremberg constituèrent ainsi « l’Arlésienne » des sociétés d’érudition locales, qui revirent peu à peu leurs ambitions à la baisse jusqu’à ne rien éditer du tout.

L’hétérogénéité des fonds de missives municipales représente un second frein à l’étude ou à l’édition. Même en partant d’une définition restreinte de la lettre, le chercheur se trouve confronté à une extraordinaire diversité des matériaux et doit composer selon les cas avec des originaux de brouillons ou de lettres reçues, des registres de correspondance active ou passive, ou des copies circonstanciées de missives.

Les originaux consistent la plupart du temps en lettres reçues par la ville considérée. Mais il ne faut pas espérer, même avec les missives les plus précoces, remonter au-delà du XIVe siècle (Cologne : 1320). La conservation de ces missives originales, sur feuille volante, est aussi trop lacunaire pour pouvoir reconstruire grâce à elles l’éventail des correspondants de la cité à une période donnée. En tenant compte de l’histoire mouvementée des archives municipales allemandes, combien de villes visiter pour reconstituer cet immense puzzle ?

Les missives originales qui transitèrent par les chancelleries municipales ne sont restées bien en vue que dans les localités où il exista assez tôt une volonté de créer, à partir de ces documents isolés, des liasses cohérentes de correspondances. Les lettres furent alors regroupées par périodes ou par partenaires épistolaires. Si toute correspondance constitue un lieu de mémoire, les originaux actuellement conservés dans les archives ne reflètent pas souvent les choix de classement et les volumes épistolaires médiévaux.

Certes, les missives originales représentaient un des liens concrets qui unissait une ville à l’autre au Moyen Âge. Elles furent un vecteur matériel des relations interurbaines. Mais leur dispersion et leur discontinuité se prête mal aux nécessités d’une étude systématique sur l’intercommunalité. Il faut donc, à défaut, se tourner du côté des copies et des registres épistolaires.