Sans être systématiquement répandus, les registres de correspondances actives forment une source présente dans plusieurs chancelleries municipales du bas Moyen Âge. Pour le XVe siècle et le début du XVIe, ils offrent donc des perspectives de comparaison, sur le sol franconien, (entre Nuremberg et Rothenbourg) ou au-delà (par exemple, avec Bâle ou Cologne).
Comme les registres de correspondances passives, ces livres de doubles ont le tort de ne relater qu’un versant des relations épistolaires. Mais quelle qu’en fût l’officine rédactrice, les Briefbücher prodiguent de multiples détails. Ils prennent note du destinataire des lettres, de ses titres, des échanges antérieurs et de leur forme (rencontres, lettres), du sujet, des formules de rhétorique, de la datation…
Rudolf Wenisch fit ainsi l’éloge des registres épistolaires de Nuremberg :
‘ « Les Briefbücher sont le seul type de livre municipal et même la seule source urbaine qui saisisse sans exception et dans les détails les relations vers l’extérieur, depuis les environs proches jusqu’aux contrées les plus éloignées et qui du coup livre d’importantes connaissances non seulement sur les relations de Nuremberg vers toutes les contrées mondiales dans des domaines extrêmement différents, mais encore des contributions précieuses sur d’autres contrées, en particulier sur l’Allemagne orientale, où les sources des temps les plus anciens sont rares ou absentes. Ils sont le type de livres municipaux et de source urbaine qui présente le contenu le plus coloré, puisqu’ils considérent l’histoire politique, religieuse et l’histoire des guerres autant que tous les secteurs de l’histoire juridique, économique, sociale et culturelle, tandis que toutes les autres sources urbaines se cantonnent largement dans la plupart des cas à des domaines tout à fait limités, par exemple les privilèges, les règlements corporatifs, les jugements, les ordonnances, les achats et ventes, les testaments, les comptes et les descriptions de biens » 335 . ’Ces qualités des Briefbücher, ajoutées à leur complétude,offrent des garanties de sérieux et permettent d’y puiser en large part pour étudier l’intercommunalité franconienne. Il convient toutefois de ne jamais oublier que ces sources abordent l’intercommunalité du point de vue de la ville qui dominait la hiérarchie régionale. Le recours aux registres des missives envoyées par Rothenbourg, plus tardifs et moins complets, n’infléchit que partiellement cette déformation induite par le corpus.
Cf. Rudolf Wenisch, « Aus dem Wortschatz der Nürnberger Ratsbriefbücher des 15. und 16. Jahrhunderts. Eine Anregung zur systematischen Sammlung und kritischen Beleuchtung der älteren Nürnberger Amtssprache », MVGN 46 (1955), p. 140-261.
Je passe volontairement sous silence la dernière qualité avancée par Rudolf Wenisch, qui me semble plus discutable et que voici : « Ils sont, à côté des documents d’archive et des récits chronistiques, la seule source municipale qui dépeint les conditions, en particulier les conditions juridiques, économiques et sociales, telles qu’elles se présentaient dans les faits, qu’elles aient été favorables ou défavorables, qu’elles aient rencontré de faibles ou plus grandes résistances et qu’elles aient été conservées en l’état ou qu’elles aient dû être changées, tandis que les autres sources présentent ces conditions telles qu’on les envisageait, telles qu’elles devaient évoluer ou rester ».
Dans la mesure où chaque lettre est un compromis cherché avec son correspondant, elle n’est pas un exact reflet de la réalité. Elle offre comme tout autre source une représentation des choses et une interprétation des événements.