L’art épistolaire

L’un des reproches couramment exprimé contre les missives municipales réside dans leur caractère protocolaire et répétitif. Qui en aurait parcouru une les aurait toutes lues…

De fait, chaque missive se construisait sur un modèle implicite, puisé à la source de l’ars dictaminis. Les lettres municipales, comme celles des humanistes, obéissaient à une technique épistolaire prônée par des guides de correspondance. Celui qui écrivait une lettre au XVe siècle épousait une norme rhétorique dictant et établissant des règles culturelles et sociales, puisqu’il fallait écrire à chacun selon son rang et selon le sujet abordé.

Alain Boureau fit l’historique de ce protocole épistolaire et l’identifia comme une invention proprement médiévale. Du haut Moyen Âge au XIIe siècle se mirent en place des mécanismes qui conduisirent à la nécessité conjointe d’écrire des lettres et d’adopter pour cela des règles spécifiques 352 . Le recours à la lettre s’épanouit d’abord dans le cadre de l’Eglise, entre les hommes et Dieu 353 , ou entre le clergé et les fidèles ; les décrétales, la pastorale épistolaire d’Yves de Chartres en constituent plusieurs témoignages.

L’usage courant de la lettre se doubla au XIIe siècle d’une injonction d’écrire selon les normes. Le premier traité de rhétorique épistolaire provient du bénédictin Aubry du Mont-Cassin (1057-1086) 354 . Pour la première fois, on tenait la missive pour un genre écrit spécifique et on transposait à la lettre les règles de composition des discours de Cicéron. Le milieu des juristes et notaires bolonais s’empara alors de ce nouvel art d’écrire. Dans les règles épistolaires, plusieurs maîtres bolonais trouvèrent un outil de distinction et un lieu d’expression de leurs compétences politiques, juridiques et littéraires 355 . La proximité des maîtres épistoliers avec les pouvoirs urbains, autant que l’aspiration des podesta à maîtriser la parole persuasive, firent ensuite entrer la lettre dans le champ du politique 356 . Elle devint ainsi, d’abord dans les cités italiennes, puis dans le gouvernement de l’Empire, un « véhicule de la décision politique ».

La discipline épistolaire fit donc son entrée en Allemagne au cours du XIIIe siècle. Pierre de la Vigne, Ludolf d’Hildesheim (1239) et Konrad de Zurich furent parmi les premiers émules germaniques des maîtres épistoliers italiens. C’est au XIVe siècle que l’art épistolaire allemand connut sa première efflorescence manifestée par une éclosion de formulaires en allemand dans tout le royaume 357 . Les premiers formulaires de langue allemande sortirent en masse des chancelleries épiscopales. Le seul évêché de Würzbourg se trouvait par exemple en possession de 10 formulaires vers 1370, dont ceux de Thymon d’Erfurt et de Ludolf d’Hildesheim 358 . Très vite, les grandes cités du Sud de l’Allemagne durent elles aussi s’instruire de l’art d’écrire, qu’elles acquirent directement en Italie ou par leurs contacts avec les milieux impériaux et princiers 359 . Les secrétariats municipaux apprirent de ce fait à écrire à chacun selon son rang et les règles de l’art.

Tous les manuels de technique épistolaire de l’époque épousent une construction intangible qui allie les propos théoriques sur les caractéristiques des lettres, un inventaire des titres selon la condition sociale du destinataire, et une collection de formules modèles. L’un des ouvrages les plus répandus dans l’Allemagne du XVe siècle, le Formulare und Deutsche Rethorica d’Anthonius Sorg 360 , peut en fournir l’illustration :

« Dans ce formulaire sont notées toutes sortes de lettres et aussi la rhétorique des missives au travers de questions et de réponses, avec les titres à donner à tous les états, les synonymes et les nuances qui peuvent toutes servir à faire une lettre. »’ ‘ « En premier il est question de la rhétorique par laquelle on apprend à faire des missives, qui sont des lettres envoyées, et de la manière dont on a coutume de les écrire.
Ensuite suivent les titres de tous les états ecclésiastiques et laïques, et la manière dont il faut écrire et honorer chacun selon sa dignité.
Ensuite sont notés dans ce livre les synonymes que comportent de nombreux mots et quand bien même les mots sont interchangeables, ils ont quand même chacun un sens.
Ensuite suivent les missives qui sont des lettres envoyées, et on indique sous quelle forme on doit écrire pour chaque chose à chacun selon sa dignité.
Suivent aussi ensuite les colores rethoricales dans un bel allemand châtié qui sert et orne la rhétorique et les missives
Puis en dernier lieu sont notées les formes de toutes sortes de lettres ». ’

A l’image des formulaires, les missives elles-mêmes adoptent une composition normée, qu’expose par exemple Fabri von Höningen en 1572 :

« Règles communes à toutes les lettres
Pour commencer, ‘comment toute missive et lettre écrite selon les règles et par amitié est constituée et divisée en général en 5 parties, à savoir, la salutation de celui auquel on écrit appelée Salutatio en latin / et sinon un bonjour’. Juste après, ‘la raison pour laquelle nous lui écrivons appelée Benevolentia ou exorde’. En troisième, ‘l’affaire elle même pour laquelle nous écrivons appelée narratio’. Ensuite nous exprimons notre souhait, ce que nous voulons voir régler ou faire dans les affaires évoquées précédemment, cela s’appelle Petitio ou demande. Alors nous concluons la lettre avec une expression de gratitude et une offre de service / en annexe, la date et le jour de rédaction, et c’est la conclusio ».’

Les missives des Briefbücher nurembergeois et des Missivenbücher rothenbourgeois obéissent peu ou prou à ce modèle de rhétorique. La salutation, l’exorde, la narration, la demande et la conclusion s’y distinguent aisément, quand bien même les doubles épistolaires vont parfois à l’économie.

Les titres n’apparaissent pas systématiquement dans toute leur longueur. Dans les ébauches de lettres, les secrétaires les plus pressés raccourcissent la Salutatio et il leur arrive de ne donner aux rois que du « Künig. Gnediger fürste und herre » (Roi. Gracieux prince et sire), alors que des brouillons plus extensifs n’épargnent pas leur peine et se rapprochent davantage du texte qui figurait in extenso sur la lettre originale :

« Dem kunig von Ungern. Dem durchleuchtigisten hochgebornen fürsten und herren hern Sigmunden K[ünig] zu Ungern etc. und margrafen zu Prandenburg, unserm gnedigen herren.
Aller durchleuhtigister, hochgeporner fürste und herre. Unser willig undertenig dinst etc. Gnediger furst und herre… » 361

Même si les missives des Briefbücher témoignent de la réelle maîtrise de l’art épistolaire par la chancellerie nurembergeoise, le lecteur ne peut donc pas toujours en attendre, comme des lettres-modèles des formulaires, une véritable sociologie médiévale. Les secrétaires veillaient certes à refléter la position sociale et hiérarchique de chaque destinataire dans l’adresse et dans la salutation, mais ils le faisaient plus sûrement sur les lettres que dans les livres de chancellerie.

Le statut de nombreux lieux et personnages échappe à l’observateur qui se penche brièvement sur les Briefbücher. Les titres des adresses ne répondent pas à une inscription normée. Le duc Jean de Bavière peut y figurer sous le titre « Herzog Johann » ou « Herzog Johann von Bayern », les officiers apparaissent sous leur nom de famille ou au travers de leur fonction. La désignation des localités elle même est sujette à variations : elle va de la simple mention du lieu (Kitzingen) ou de ses habitants (den von Kitzingen, ceux de Kitzingen) à l’indication de son statut (Stat zu Kitzingen).

Passée l’adresse, le corps du texte épistolaire est soumis à de moins fortes fluctuations. L’écart majeur qui existe entre les lettres des registres et les originaux réside dans l’emploi des abréviations. Ces dernières abondent dans les registres, au niveau de la salutation et dans les formules finales répétitives. Les interpellations au destinataire et la pétition subissent des coupes similaires, de sorte que la lecture des Briefbücher requiert d’abord de rétablir les passages tronqués ou d’en élucider les abréviations, à l’image de E.F., pour Eure Fürsichtigkeit, ou de E.W., pour Eure Würdigkeit.

Les lettres inscrites dans les Briefbücher développent par contre à loisir l’exorde, l’exposition des faits qui ont amené la rédaction du message. C’est cette captatio benevolentia qui permet en effet, au fil du livre, de faire le lien entre chaque missive pour un même destinataire. C’est elle aussi qui pallie la perte de la lettre ou renoue le dialogue entre les deux correspondants. Cette rapide entrée en matière s’avère très riche et donne des précieux renseignements sur la communication des protagonistes. A savoir :

Sur la trame de l’exorde, il est ainsi possible de replacer la missive dans l’ensemble des formes de communication usitées à la fin du Moyen Âge. Grâce à l’exorde, la lettre donne prise non seulement à l’interactivité épistolaire entre deux correspondants, mais révèle aussi celui qui suscite le plus souvent l’échange. Les villes qui se contentent de réponses polies, mais n’entretiennent pas elles-mêmes la relation apparaissent au grand jour dans la captatio benevolentia. Des renseignements sporadiques informent aussi sur le fonctionnement du système postal et les conditions des échanges. Les expéditeurs nurembergeois y montrent leurs hésitations à mettre sur papier des nouvelles stratégiques ou expriment leurs défiances à l’égard de certains messagers.

Les relations par courrier ne forment donc pas un système clos et autonome, elles ouvrent des perspectives sur des formes non écrites de communication intercommunale. Les délégations, les rencontres dans des assemblées 365 , les réunions de concertation trouvent leur expression dans les échanges épistolaires. La part de l’oralité n’échappe pas à celui qui lit attentivement les missives. Les textes épistolaires signalaient les discours en amont comme les compléments oraux apportés en sus par le messager (« Nous vous prions de bien vouloir croire et suivre ce que notre agent vous dira en notre nom »). Ces renseignements posent toutefois des difficultés d’exploitation. Leur contenu demeure masqué ou exprimé en termes voilés ; la part respective des échanges écrits et oraux des villes s’avère également une donnée non quantifiable 366 .

Les lettres des registres épistolaires, tout en étant très prometteuses et prolixes au regard d’autres sources, comportent malgré tout leur cortège de déceptions.

Les missives originales se doublaient fréquemment de documents joints (expertises juridiques, aveux, résumés des démarches d’un messager, réponses à l’ordre du jour d’une réunion, copie de la lettre d’un tiers…). La nature des pièces fournies en annexe était alors toujours mentionnée dans la lettre… mais jamais les Briefbücher n’en résument la teneur ou n’en restituent le contenu. La frustration n’en est que plus grande : instruit de l’existence d’un document important, il faut aussitôt en faire son deuil. A Nuremberg, peut-être une quête obstinée au cas par cas dans le répertoire du Siebenfarbigen Alphabet permettrait-elle de remettre la main sur quelques-uns de ces documents annexes, mais au prix de combien de temps ?

En comparaison des renseignements fournis par l’exorde, la teneur de la narration et de la demande s’avèrent parfois décevantes. Les mêmes formules reviennent telles une rengaine lassante. Il arrive aux missives municipales de déployer de grandes phrases et de nombreux détours pour un contenu banal sur le fond, une simple lettre de sauf-conduit ou la recommandation d’un agent nurembergeois auprès d’un prince. Cette monotonie n’est heureusement pas une règle générale 367 . Le recours généralisé aux formulaires au sein des chancelleries municipales générait des discours unifiés, harmonisés, quelquefois répétitifs. IL n’existe donc pas de différences fondamentales entre les lettres et les registres produits à Nuremberg, Ulm ou Nördlingen.

Mais l’uniformité n’est qu’un vernis. A force de compulser les missives des Briefbücher, son lecteur devient vite sensible à d’infimes et nombreuses variations. Rudolf Wenisch parle en spécialiste de la langue quand il souligne que « conformément à la palette colorée du contenu, le vocabulaire [des Briefbücher] s’avère extrêment coloré », au point qu’il n’existe « guère d’autre source qui offre leur richesse et leur diversité ». Ce linguiste a relevé environ 14 000 expressions courantes dans les missives municipales ébauchées par le conseil de Nuremberg aux XVe et XVIe siècles 368 . Selon leur objet, il les a groupées en 12 rubriques et 200 sous-groupes. Une grande partie des expressions et des concepts composent des ensembles de synonymes, déclinant les thèmes les plus fréquemment abordés par les lettres municipales. Le résultat est étonnant, en comparaison de la réputation routinière des missives : les lettres employent 230 synonymes de « Mitteilen » (communiquer), 205 de « recht und billig » (juste et légitime), 194 de « den Rechtsweg suchen » (chercher une solution judiciaire), 193 de « helfen » (aider). La chancellerie avait aussi 186 façons de dire « Rechtshilfe gewähren » (garantir une aide judiciaire), 156 manières de demander (« bitten ») ou environ 140 moyens de décliner les expressions « überfallen », « Vergehen und Verbrechen » (attaquer, délit et méfait) 369 .

Le palmarès de ces expressions synonymes offre une esquisse de ce qu’étaient les missives des Briefbücher, si l’on admet que la chancellerie déclinait le plus grand nombre de synonymes pour les champs lexicaux les plus sollicités dans les lettres. Au travers des expressions développées dans les Briefbücher, se dessinent leurs principales fonctions et leurs objets de prédilection. Le tableau suivant présente les champs lexicaux les plus déclinés dans les lettres. Entre ( ), figure le nombre d’expressions brodant autour de la même idée. Elles sont regroupées par grandes catégories thématiques, sachant que certains éléments peuvent s’inscrire dans plusieurs colonnes.

communication
recherche d’un compromis dimension
judiciaire
évocation de méfaits affaires financières commerce
Mitteilen (230)
bitten (156)
befehlen (113)
in Erfahrung bringen (113)
Wort halten (90)
Rat und Tat (85)
erwähnt (74)
sich erkundigen (71)
Befehl (71)
überbringen (70)
versprechen (64)
erlauben (59)
Bitte (52)
erweisen (54)
helfen (193)
zum Vorteil (137)
Vergleich (95)
nützlich (92)
Rat und Tat (85)
hilfsbereit (66)
sich vergleichen (65)
ungefährdet (64)
hilfsbereitschaft (63)
vertrauen (60)
bereitwillig (56)
behilflich (51)
Rat und Tat (85)
Wort halten (90)
versprechen (64)
erweisen (54)
recht und billig (205)
rechtsweg such (194)
rechtshilfe gewähren (186)
unrecht (106)
Urteil gefällt (66)
Klage einbringen (61)
pfänden (61)
glaubwürdig (56)
Urteil (50)
Bürgschaftsleistung (50)
Vergleich (95)
sich vergleichen (65)
überfallen (148)
vergehen
und verbrechen (145)
Streitigkeiten und Tätlichkeiten (117)
unrecht (106)
Raubüberfall (84)
zum Nachteil (63)
sorgenvolle Zeiten (53)
nachteilig (50)
rückzahlen (104)
rückstellen (61)
pfänden (61)
rückerhalten (55)
Bürgschaftsleistung (50)
Geleit (72)
pfänden (61)
geleiten (58)
rückerhalten (55)
Strassenbenützen (52)
Bürgschaftsleistung (50)
total d’expressions 1302 total d’expressions 1320 total d’expressions 1195 total d’expressions
766
total d’expressions
331
total d’expressions
348

Les résultats de ce tableau confirment la définition des missives comme des lieux de compromis où le rédacteur cultivait la recherche de l’équilibre. Le don et le contre-don, l’échange, l’arbitrage forment les leitmotiv des lettres municipales médiévales. Elles se définissent ainsi comme un média, souvent oublié, de règlement des conflits et de rapprochement. Elles sont un territoire et un effort de paix, qui se traduit aussi dans un emploi sans réserve de l’euphémisme et de la litote ; ou si l’on préfère de la langue de bois et du langage diplomatique. Une caractérisque des Briefbücher réside dans leur amour des formes de négations (par un- ou on- ), souvent employées pour exprimer le contraire. Lorsque le conseil de Nuremberg décline la demande d’un correspondant, il mesure les risques d’éclatement d’un conflit et prie par exemple de ne pas le prendre en inamitié (in unfreundschaft nit verdenken). Unbeschatzt, unerklagt, unbetrachtet… font partie du même arsenal lexical diplomatique destiné à protester ou refuser sans trop froisser son correspondant.

Sans surprise, le vocabulaire de la communication triomphe dans les lettres nurembergeoises, qu’il s’agisse de termes neutres (communiquer, souligner, se renseigner, transmettre…) ou plus engagés (demander, recommander, ordre, promettre, permettre) 370 .

Le troisième champ lexical de la liste est moins attendu. Le domaine judiciaire émerge fortement au travers des ébauches de missives nurembergeoises. Les lettres municipales sont ainsi définies comme un outil primordial dans les affaires judiciaires médiévales. Elles font partie intégrante des procédures et de la recherche d’une solution judiciaire. C’est par leur biais, autant que par des rencontres, que le contact rompu est renoué, que les parties adverses se fixent des réunions judiciaires ou s’entendent sur le choix d’un arbitre. Les lettres découlent souvent de démêlés judiciaires, placent ces affaires au cœur de leurs propos et regorgent du vocabulaire correspondant 371 .

A un niveau moindre, les champs lexicaux mettent en exergue d’autres thèmes préférentiels des missives. La dénonciation de méfaits – on serait presque tenté de dire la lutte contre le crime –, les affaires financières ou commerciales constituent visiblement des thèmes de prédilection des Briefbücher, ou, en tout cas, des sujets pour lesquels la chancellerie déploya les plus grands trésors d’ingéniosité dans la recherche de synonymes.

Au travers de chacun des champs lexicaux déployés, la chancellerie nurembergeoise prouve en définitive que le langage administratif n’engendrait pas nécessairement la monotonie et pouvait se décliner en de multiples expressions 372 . Les doubles de lettres consignés dans les registres municipaux révèlent un usage intense des formules combinatoires proposées par les manuels de technique épistolaire 373 . L’inventivité du conseil commanditaire et du rédacteur s’exprimaient dans ces combinaisons multiples comme dans toutes les innovations permises en allemand par les préfixes ou les suffixes.

Employée pour communiquer vers l’extérieur, normée par les formulaires, la langue diplomatique des missives municipales n’obéit pas à des influences linguistiques extérieures. Le nombre des mots étrangers dans les lettres nurembergeoises apparaît très faible. Seul émerge un latin de cuisine dans des termes tels que « pene », « rumorisch » ou « appelierung ».

La langue de rédaction ordinaire des Briefbücher est l’allemand. Au besoin, quelques lettres reçoivent une ébauche en latin. 9 missives latines s’insèrent ainsi dans les 1106 documents dépouillés pour 1446-1448 374 .

Les puissances étrangères, contactées à titre épisodique, se trouvent parmi les destinatrices de telles lettres latines. Le latin est alors employé comme une langue universelle et solennelle. Le Royaume de Naples, le roi de France, celui de Pologne, le chancelier du Brabant, le duc de Venise et bien sûr le pape reçoivent des lettres en latin. Parmi les villes, ce sont des localités éloignées et étrangères qui font l’objet de missives latines dans les Briefbücher, à l’image de Pera en Grèce, de la Valence espagnole ou des flamandes Louvain et Mecheln.

De façon étonnante, l’abondant échange de nouvelles avec la Bohême n’appelle guère de lettres latines, répertoriées comme telles dans les Briefbücher. Les messages à l’adresse de Prague, d’Eger, de Tachau, Brüx ou Pilsen, y figurent en allemand et l’usage du latin reste exceptionnel 375 . On ne peut toutefois exclure, en aval des registres, une traduction des lettres destinées à la Bohême. Le registre des lettres reçues entre 1449 et 1457 montre en effet que les intéressées répondent à Nuremberg, selon les cas, en allemand, en latin ou en tchèque. En décembre 1453, Prague évoque par exemple l’une de ses bourgeoises, Vitta Vincentzin, dans la langue de Cicéron, mais passe au tchèque en octobre 1455 pour parler d’un ophtalmologue nurembergeois 376 . Les comptes témoignent aussi dès les années 1430 de divers travaux de traduction du tchèque à l’allemand 377 .

L’usage du latin, même marginal, n’est pas réservé aux contacts avec l’étranger. Au sein du royaume d’Allemagne, Nuremberg communique en latin avec les grandes villes du Nord, comme Lübeck 378 . Dans les premiers volumes des Briefbücher, les secrétaires prennent la peine d’inscrire successivement le texte allemand et sa traduction latine. Ce double enregistrement témoigne du peu de familiarité du personnel municipal nurembergeois avec les lettres latines 379 . Dans les années 1430, la chancellerie nurembergeoise doit au reste recourir à un recueil de tournures et modèles épistolaires latins pour rédiger ses missives latines convenablement. Le conseil utilise ensuite dans ce domaine les compétences d’experts familiarisés avec la langue de Cicéron par leurs études juridiques ou notariales. Le juriste et secrétaire municipal Johann Marquard remplit de telles fonctions de traducteur, à l’égale du juriste Alberto Koch ou de Bartholomeo de Butellis.

La barrière de la langue, la nécessité d’écrire en latin aux grandes villes d’Allemagne du Nord révèle déjà le fossé qui existe entre le Sud et le Nord de l’empire. Du point de vue de Nuremberg, Lübeck appartient déjà à un autre monde avec lequel la communication est de toute façon freinée par la distance et par une langue d’expression différente 380 .

On dissocie souvent les lettres administratives et les lettres « intimes » en ne reconnaissant qu’aux secondes la faculté à exprimer des sentiments. Pour qui connaît un peu les lettres municipales, une telle ligne de partage semble cependant caduque. Anne Zink, qui travailla sur les lettres envoyées au XVIIIe siècle par la municipalité de Bayonne, admet même avoir choisi ces sources à cause de leur ton.

« La ville et ses correspondants font état de leurs sentiments réciproques. La ville aime certaines personnes et elle sait qu’elle est payée de retour. Elle s’exprime et elle est perçue non seulement comme une entité juridique, mais comme une vraie personne. J’ai voulu comprendre en interrogeant cette source si cette façon de rédiger n’était qu’une convention épistolaire ou bien si elle traduisait la nature d’être de la ville et l’importance de ses responsabilités » 381 .’

Même en termes mesurés, le conseil de Nuremberg ou de Rothenbourg exprimaient abondamment leurs sentiments dans les lettres. Les termes employés laissent autant percer la bonne volonté que l’hostilité ou la réserve. Dans un cas, les chefs du gouvernement urbain se disaient prêts à l’aide et à l’amitié, enclins à toute demande (zu aller furderung wol geneigt). Dans l’autre cas, ils « n’autorisaient pas volontiers » (ungern erlauben), ils tenaient une requête pour inutile (nit not bedunken), pour illégitime (etwas fremd) ou mauvaise (fur übel halten). Inversement, devant les difficultés de certains correspondants, les querelles internes de la maison de Bavière ou un soulèvement urbain, le conseil n’hésitait pas à exprimer sa peine et sa compassion (aus getrewem mitleiden).

Ces sentiments exprimés de missive en missive se joignent au nombre de lettres échangées avec chaque correspondant pour qualifier les relations nouées de part et d’autre. Ensemble, ils corroborent l’existence d’affinités électives ou d’une distance polie.

Notes
352.

Cf. Alain Boureau, « La norme épistolaire, une invention médiévale », dans Roger Chartier (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au XIXe siècle, Fayard, 1991, chap. 2

353.

Ce modèle de communication épistolaire entre Dieu et les hommes se traduit par l’apparition entre le VIe et le XIIe siècle de lettres du christ, de la vierge ou du diable, que l’on retrouve dans les recueils d’exempla.

354.

Aubry du Mont-Cassin laissa deux traités épistolaires qui furent diffusés dans les milieux pontificaux et à Bologne : les Rayons des arts épistolaires (Dictaminum radii) et le Bréviaire épistolaire  (Breviarum de dictamine)

355.

Une lettre modèle de l’élève au maître par Hugues de Bologne dans le Rationes dictandi prosaice (vers 1120) révèle cet orgueil corporatif : « Auprès de vous, tout de suite, les incultes sont cultivés, tout de suite, les balbutiants sont éloquents, tout de suite, les hébétés s’illuminent, tout de suite les tordus se redressent…C’est pourquoi j’implore en suppliant votre clémence, en demandant que votre bonté m’instruise, moi qui vient d’arriver auprès de vous ignorant en l’art épistolaire », cité par Alain Boureau, dans « La norme épistolaire, une invention médiévale », dans Roger Chartier (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au XIXe siècle, Fayard, 1991, chap. 2. L’ars dictaminis accompagna et servit la constitution des juristes et notaires bolonais en un corps de métier aux compétences spécifiques.

356.

Je pense ici aux propos tenus lors d’un séminaire commun du CIHAM, Lyon 2-Lumière, Les notaires dans le paysage culturel de l’Italie communale : Odile Redon, « Le notaire comme intermédiaire culturel » et Massimo Vallerani, « La culture graphique des notaires publics au XIIIe siècle : seings et dessins des archives de la Commune de Bologne ». Bruneto Latini, Lorenzo Valla, Boncompagno (1170-1240) évoluèrent par exemple dans les sphères du pouvoir communal et furent d’abord des maîtres épistoliers qui exaltèrent le pouvoir de l’art rhétorique, oral ou épistolaire. Cf. le Boncompagnonus de Boncompagno da Signa (1215) et Lorenzo Valla, De conficiendis epistolis libellus, dans Lorenzo Valla, Opera omnia, vol. 2, p. 97-115, réimpression, Turin, 1962 (édition de Florence, 1486)

Dans l’Empire, Pierre de la Vigne qui fut juriste et maître épistolier devint aussi le chancelier et principal conseiller de l’empereur Frédéric II.

357.

Le relevé et l’étude de ces formulaires ne sont que très incomplets en Allemagne. La dernière analyse systématique sur ce thème remonte au XIXe siècle : Ludwig Rockinger, Briefsteller und Formelbücher des XI.. bis XIV. Jahrhundert, 2 tomes, Munich, 1863. Voir aussi K. Burdach, Schlesich-Böhmische Briefmuster aus der Werke des Vierzehnten Jahrhunderts, Berlin, 1926

358.

Cf. Alfred Wendehorst (éd.), Tabula formarum curie episcopi. Das Formularbuch der Würzburger Bischofskanzlei von ca. 1324, Würzbourg, 1957, (Quellen und Forschungen zur Geschichte des Bistums und Hochstifts Würzburg, vol. 13) et du même, « Die Würzburger Formularbücher des 13. und 14. Jahrhunderts », Würzburger Diözesangeschichtsblätter 16/17 (1955), p. 170 et s.

Sur Ludof d’Hildesheim, cf. Ludwig Rockinger, Briefsteller und Formelbücher des XI. bis XIV. Jahrhundert, 2 tomes, Munich, 1863 ; pour Thymon d’Erfurt, voir P. Wolff (éd.), Der Briefsteller des Thymo von Erfurt, Bonn, 1911

359.

Dans le cas nurembergeois, on soupçonne par exemple des échanges avec la chancellerie de Würzbourg. L’un des secrétaires épiscopaux du XIVe siècle se nommait « Albertus Vihberger de Nurenberg », tandis que le manuscrit du formulaire würzbourgeois de 1324 est attesté au tournant du XVIe siècle dans la bibliothèque du conseiller municipal nurembergeois, l’humaniste Willibald Pirckheimer.

360.

Cf. Johannes Müller, Quellenschriften und Geschichte des deutschsprachigen Unterrichtes bis zur Mitte des 16. Jahrhunderts, Gotha, 1882, p. 362 ( éd. d’Augsbourg, 1484)

361.

Cf. StAN, BB 1, fol.9 recto

365.

Ces échanges oraux apparaissent aussi dans les comptes municipaux.

366.

Plusieurs lettres peuvent se référer à une seule et même réunion sans que cela soit explicite. Il faut aussi compter avec un grand nombre de réunions avortées, où ne se présentait qu’un des interlocuteurs.

367.

Le premier exemple qui me vienne à l’esprit est une lettre du conseil de Rothenbourg à Nuremberg. Les circonstances d’un meurtre commis dans une ferme, racontées par les deux jeunes garçons de la victime, y sont exposées avec de multiples détails. Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, Missivenbuch 216, fol. 71 verso (01/09/1501)

368.

Voir Rudolf Wenisch, « Aus dem Wortschatz der Nürnberger Ratsbriefbücher des 15. und 16. Jahrhunderts. Eine Anregung zur systematischen Sammlung und kritischen Beleuchtung der älteren Nürnberger Amtssprache », MVGN 46 (1955), p. 140-261.

369.

Cf. Rudolf Wenisch, « Aus dem Wortschatz der Nürnberger Ratsbriefbücher des 15. und 16. Jahrhunderts. Eine Anregung zur systematischen Sammlung und kritischen Beleuchtung der älteren Nürnberger Amtssprache », MVGN 46 (1955), p. 140-261.

La fin de la liste est la suivante :  zum Vorteil  (de préférence, 137 synonymes), Streitigkeiten und Tätlichkeiten (différends et voies de fait, 117),  befehlen  (recommander, 113),  in Erfahrung bringen  (porter à connaissance, 113),   unrecht (injustement, 106), rückzahlen (rembourser, 104), Vergleich (arbitrage, 95), nützlich (utile, 92), Wort halten (tenir parole, 90), Rat und Tat (conseil et fait, 85), Raubüberfall (brigandage, 84), schleunig (prompt, 81), erwähnt (mentionné, 74), Geleit (sauf conduit, 72), sich erkundigen (se renseigner, 71), Befehl (ordre, 71), überbringen (remettre, 70), Urteil gefällt (jugement rendu, 66), hilfsbereit (prêt à aider, 66), sich vergleichen (s’entendre à l’amiable, 65), ungefährdet (en toute sécurité, 64), versprechen (promettre, 64), zum Nachteil (à son désavantage, 63), Hilfsbereitschaft (disposition à l’aide, 63), rückstellen (61), Klage einbringen (porter plainte, 61), pfänden (saisir, 61), vertrauen (espérer, faire confiance, 60), erlauben (permettre, 59), geleiten (escorter, 58), glaubwürdig (digne de foi, 56), bereitwillig (disposé, 56), rückerhalten (restituer, 55), Bitte (demande, 54), erweisen (accorder, 54), sorgenvolle Zeiten (temps troublés, 53), Strassen benützen (utiliser les routes, 52), behilflich (secourable, 51), nachteilig (préjudiciable, 50), Urteil (jugement, 50), Bürgschaftsleistung (accord d’une caution, 50).

Bien plus que le dictionnaire de Matthias Lexer, le petit dictionnaire lexical ainsi établi par Rudolf Wenisch sur les Briefbücher m’a permis de me familiariser avec l’allemand du conseil de Nuremberg et ses particularités. Pour les mots et expressions absents chez Lexer ou dans l’allemand actuel, Wenisch fournit, au travers de son inventaire lexical, des synonymes précieux.

370.

On pourra comparer ces résultats à la typologie des formes de communication écrites proposée par Bruno Delmas dans « Correspondre : esquisse d’une typologie des formes individuelles et collectives de la communication écrite », dans Pierre Albert (dir. d’éd.), Correspondre, jadis et naguère : 120 e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, section histoire moderne et contemporaine, 1995, Paris, 1997, p.13-29. Cette typologie croise des formes de communication écrite (privée, professionnelle, publique, judiciaire) et des catégories de communication (informer, relater, attester, demander, répondre, autoriser/interdire, ordonner, transmettre).

371.

J’ai d’abord pu faire cette constatation empiriquement, puisqu’il m’a fallu, pour comprendre la plupart des missives nurembergeoises, apprendre tout un vocabulaire judiciaire médiéval, qui n’est plus forcément en usage dans l’allemand contemporain. Par exemple, toutes les nuances dans la recherche d’une solution judiciaire entre l’arbitrage et le règlement devant une cour de justice.

372.

Il ne s’agissait pas forcément d’éviter des répétitions pour alléger le style. Le grand nombre de synonymes déployés autour d’une même idée résulte aussi de leur juxtaposition dans une même phrase. Rudolf Wenisch a relevé un tel usage sur près d’1/3 du nombre d’expressions étudiées. Le conseil de Nuremberg juxtaposait par exemple » vehde, veintschaft, stösz, zwitrecht und geprechen » (Fehde, hostilité, heurt, litige et forfait), « handel und wandel üben und treiben » (mener et exercer commerce et existence), « quitt frei ledig und los sagen und zählen » (dire et tenir pour quitte, libre, libéré et sans liens).

Cf. Rudolf Wenisch, « Aus dem Wortschatz der Nürnberger Ratsbriefbücher des 15. und 16. Jahrhunderts. Eine Anregung zur systematischen Sammlung und kritischen Beleuchtung der älteren Nürnberger Amtssprache », MVGN 46 (1955), p. 140-261.

373.

Les formules combinatoires des formulaires proposaient, sous forme d’arbres, toutes sortes de combinaisons possibles pour décliner chaque type de lettre, de la salutation à la conclusion.

Voir par exemple la Pratique ou usage de l’art épistolaire rédigée par Laurent d’Aquilée vers 1300.

374.

Missives en latin relevées dans les Briefbücher nurembergeois lors du dépouillement :

StAN, BB 6, fol. 125 ; BB18, fol. 64v, 104, 138v, 182, 221v, 284, 321, 342v, 343 ; BB 19, fol. 25v, 179 ; BB26, fol. 233v ; BB36, fol. 45, fol. 58v.

Il est possible de comparer ces données avec l’inventaire réalisé pour Bâle par Christoph Grolimund. Le nombre de lettres latines envoyées par le conseil de Bâle n’excédait pas 11 par volume. Cf. Christoph Grolimund, Die Briefe der Stadt Basel im 15. Jahrhundert…, Tübingen et Bâle, 1995, p. 146-147. Les Missivenbücher de Rothenbourg sont quant à eux quasiment dépourvus de lettres latines. Outre les lettres de présentation ecclésiastique, une seule lettre adressée au comte de Hohenlohe dans le Missivbuch 216 adopte étonnamment la langue latine. Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, Mis 216, fol. 2v

375.

J’ai relevé dans mon corpus une lettre latine adressée à Prague :

StAN, BB 26, fol. 233v

376.

Cf. Lettres et documents reçus par Nuremberg en provenance de Prague dans Dieter Rübsamen, Das Briefeingangregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen : Jan Thorbecke, 1997, (Historische Forschungen, 22). Par exemple, n° 4981 et n°6768.

Sur les lettres échangées avec des puissances bohêmes, voir Miloslav Polivka, « Nürnberg als Nachrichtenzentrum in der ersten Hälfte des 15. Jahrhunderts », dans Heinz-Dieter Heimann, Kommunikationspraxis und Korrespondenzwesen im Mittelalter und in der Renaissance, Schöningh, 1998, p.165-178.

377.

Les travaux de traduction répertoriés au registre des dépenses entre 1431 et 1440 consistent à traduire des écrits pontificaux latins et des lettres tchèques en allemand. Johann Dürrschmid paraît spécialiste des traductions du tchèque à l’allemand et de l’allemand au tchèque. Il sert également à l’occasion de messager pour la ville de Nuremberg en 1433. Cf. Paul Sander, Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs dargestellt auf Grund ihres Zustandes von 1431 bis 1440, Leipzig, 1902, p. 441, p. 556

378.

Sur la communication entre le Nord et le Sud de l’empire, voir Ulf Dirlmeier, « Zu den Beziehungen zwischen oberdeutschen und norddeutschen Städten im Spätmittelalter », dans Werner Paravicini (dir.), Nord und Süd in der deutschen Geschichte des Mittelalters, Sigmaringen, 1990, p. 203-218

379.

Encore à la fin du XVe siècle, à l’exception de quelques conseillers « éclairés » et ouverts à l’humanisme, les magistrats nurembergeois ignorent le latin. Ils font systématiquement traduire les éloges latins composés sur leur ville par les humanistes Conrad Celtis ou Sigismond Meisterlin. Le conseil écrit en 1495 à Conrad Celtis : « La qualité de ce petit livre nous ayant été vantée par ceux qui comprennent le latin […], nous voulons le faire traduire en allemand et en profiter nous aussi », d’après B. Hartmann, « Konrad Celtis in Nürnberg », Mitteilungen des Vereins für Geschichte der Stadt Nürnberg 8 (1889).

380.

Sur l’impact des langues sur la communication voir Albert Müller, « Mobilität-Interaktion-Kommunikation. Sozial- und alltagsgeschichtliche Bemerkungen anhand von Beispielen aus dem spätmittelalterlichen und frühneuzeitlichen Österreich », dans Kommunikation und Alltag, Vienne, 1992, p. 219-249

381.

Cf. Anne Zink, « La ville de Bayonne et ses correspondants au XVIIIe siècle », dans Pierre Albert (dir.), Correspondre, jadis et naguère : 120 e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, section histoire moderne et contemporaine, 1995, Paris, 1997, p. 243-254