…à Nuremberg

Mais le XVe siècle marque surtout, en Franconie, l’émergence des éloges de Nuremberg qui est le théâtre de 19 éloges ou descriptions entre 1424 et 1532. Quand la littérature encomiastique sur Würzbourg s’essoufle, quand la célébration des mérites religieux de Bamberg se prolonge, mais dans une perspective seigneuriale, les trompettes de la renommée se mettent à résonner pour Nuremberg dans toute la Franconie. Ces nombreux éloges témoignent sans doute du bond en avant réalisé par la ville impériale dans le réseau urbain régional. Depuis sa naissance en 1050, son obtention d’un marché, d’un droit de monnaie et de douane en 1062, sa transformation en burgus dès 1163, la localité bâtie sur un morceau de fisc royal s’est développée avec l’aide des privilèges royaux et grâce à sa rente de situation. Enrichie par le commerce et l’industrie, elle gagne en autonomie dès la fin du XIVe siècle et peut racheter en 1427 les droits, les offices et le château encore détenus par les anciens burgraves de Nuremberg, devenus margraves de Brandebourg. Dans ce contexte d’émancipation politique et territoriale, les éloges de Nuremberg se mettent à chanter la gloire de la cité. Ils apparaissent à un moment où la ville se voit reconnue comme capitale virtuelle de l’empire, quand Sigismond lui confie le dépôt et la garde des reliques impériales en 1424.

Au sein du paysage littéraire franconien, les éloges nurembergeois amènent une catégorie nouvelle 406 de représentations encomiastiques et constituent l’une des formes les plus achevées dans la représentation de soi par une ville. Car, ces textes jouent sur deux tableaux, la louange en allemand et les laudes urbis humanistes ; par là ils vont à la rencontre d’un public d’autant plus large.

Les textes nurembergeois comportent le premier éloge en langue allemande, rédigé plus de 70 ans avant ceux de Ratisbonne ou de Metz. Mais ils correspondent surtout aux premières représentations urbaines franconiennes rédigées par des citadins, et non plus des nobles ou des clercs. Le tiers des éloges nurembergeois émane en effet de poètes-artisans qui vécurent durablement à Nuremberg, Hans Rosenplüt (1447) 407 , Kunz Hass (1490) 408 et Hans Sachs (1527, 1530) 409 . Le sentiment d’appartenance et la fierté qu’ils exprimèrent à l’égard de leur ville, réels ou feints, furent semble-t-il appréciés à leur juste valeur. On ne sait s’il y eut commandite, si les conseillers financèrent ces contributions au renforcement de l’idéal communautaire et de l’identité locale. Seule l’œuvre de Kunz Hass comporte une liste nominative des conseillers en 1490, qui laisse suspecter un patronage. En tout état de cause, les trois poètes-artisans eurent, dans les limites de leur milieu social, des parcours professionnels ascendants, jalonnés d’offices municipaux, modestes, mais honorifiques.

Les textes latins sur Nuremberg sont quant à eux le produit d’un groupe socio-professionnel de professeurs d’humanités (Cochlaeus, Eobanus Hessus) ou d’érudits locaux éclairés (Hartmann Schedel, Christoph Scheurl). Ces éloges scellent la rencontre entre des auteurs cherchant un public, un soutien financier ou un poste, et des notables, soucieux de légitimation politique, désireux de faire la promotion de leur ville ou de leurs propres actions au service de la cité 410 . Contrairement aux poètes-artisans, les » humanistes » n’avaient pas d’attaches dans la ville louée. Elle était pour eux un simple point d’amarrage transitoire. À l’égard de ces laudateurs, le conseil de Nuremberg, pris dans son ensemble, ne fut pas jamais d’une extrême largesse. Sigismond Meisterlin, clerc venu d’Augsbourg et prédicateur pendant trois ans en l’église Saint-Sébald, décrocha une commande officielle pour sa chronique et son éloge de Nuremberg, mais ne reçut pour son travail que 12 florins (la valeur de deux éditions luxueuses de la Weltchronik de Schedel 411 ). Le De origine, situ, moribus et institutis Norimbergae libellus de Conrad Celtis 412 ne lui rapporta d’abord que 8 florins et la perspective de voir sa belle rhétorique latine, pétrie d’humanités, traduite par un homme qu’il tenait en peu d’estime 413 . Helius Eobanus Hessus 414 trouva à Nuremberg une place d’enseignant pourvue d’un salaire annuel de 150 florins au Gymnase de Saint-Egidien (1526). Pour sa Noriberga illustrata en 1532, il reçut en outre une gratification de 70 florins, preuve de la valeur croissante que les conseillers voulurent bien reconnaître aux éloges urbains latins. A défaut d’un soutien franc et massif du conseil, les œuvres de propagande et leurs auteurs humanistes trouvèrent cependant le soutien de conseillers à titre individuel, tels Sebald Schreyer, Willibald Pirckheimer, Ruprecht Haller et Nikolaus Gross, Lazarus Spengler ou Hieronymus Baumgartner. Membres du grand conseil, officiers chargés de la collecte de l’impôt ou de la fabrique, secrétaires municipaux, ils prolongèrent tous par ce mécénat « utilitaire » leur action au service de la ville.

Au-delà de leurs différences les textes encomiastiques nurembergeois reposent finalement sur des convictions partagées et sur une utilisation généralisée – par l’auteur et le conseil urbain – de l’éloge comme d’un outil social. Louer Nuremberg rapporte pain et estime à des humanistes de passage, considération et petits offices municipaux à des poètes artisans, et légitimation à l’élite gouvernante. Les représentations de Nuremberg furent conçues ou récupérées pour fortifier la communauté urbaine, une dimension que n’avaient pas les premiers éloges de Bamberg, rédigés à la seule intention du seigneur épiscopal urbain. Cette vocation identitaire de l’éloge appelle des thèmes récurrents dans les représentations nurembergeoises. Le bon gouvernement, qui administre la ville dans la paix, l’équité et la justice, l’unanimité des bourgeois dans le culte et les bonnes œuvres 415 constituaient des traits particulièrement soulignés. Ces éloges s’inscrivirent aussi à des temps forts pour Nuremberg. Ils apparurent à des époques de gloire et d’unité, quand l’empereur Sigismond remit au conseil les insignes impériaux ; à des époques où les agressions extérieures menaçaient la ville dans son approvisionnement, dans ses droits ou dans sa foi , à des époques où la sédition risquait de gagner le cœur de la cité. Par un langage communautaire et unificateur, les éloges nurembergeois forgeaient une même identité locale auprès des habitants de la cité. La ville dans sa diversité sociale était ramenée à l’unité d’une origine spatiale commune : tous ses membres étaient « ceux de Nuremberg ». Elle représentait un idéal de paix, de prospérité et d’honneur à défendre contre ses agresseurs, nobles ou princes 416 .

Il faut donc bien reconnaître, dans tout ou partie des textes encomiastiques, l’expression de la conscience de soi propre à certaines villes. Le trait semble valoir particulièrement pour les grandes cités libres et impériales du XVe siècle, richement pourvues et pourvoyeuses d’éloges urbains. Comment douter de cette identité locale, de l’attachement à une ville, devant les accès patriotiques de Hans Sachs ?

« Je me sentais obligé/ de donner jour à cet éloge/ pour l’honneur de ma patrie/ que je trouvais aussi digne de louanges/ qu’un jardin de roses en fleurs/ que Dieu lui même aurait gardé […]. Sur ce, que son mérite verdisse, fleurisse et croisse/ C’est ce que Hans Sachs souhaite pour Nuremberg » 417  ?’

Néanmoins, comme les éloges de Bamberg, les textes laudatifs nurembergeois trahissent une évolution générale des représentations urbaines. D’un éloge à l’autre, la ville dépeinte gagne en autonomie. Elle s’affranchit progressivement de son seigneur-roi et devient elle-même une actrice de son histoire, capable d’incarner seule le droit chemin impérial :

« La troisième demoiselle, vêtue de bleu/correspond à la loyauté de ceux de Nuremberg/qu’ils observent inébranlablement/dans toute chose et sans mesure/envers le Saint Empire Romain/et de même envers les alliés/Nuremberg a gardé avec eux/ une fidélité réelle, ancienne et constante/et pour cela a souvent subi grande misère/[…] Pourtant elle ne se départit pas de la vérité, de la loyauté/en toutes choses, obligée par son serment/elle reste honnête, constante, sincère » 418 . ’

Dans les éloges du XVIe siècle, la bonne fortune de Nuremberg, liée à la présence des empereurs et de leurs reliques est reléguée au second plan. Désormais, la ville réputée et enrichie, prétend ne devoir qu’à elle même et ne pas être de ces cités prospères, parce que favorisées par l’empereur.

Pour parvenir à une telle évolution, les représentations de Nuremberg ont dû rompre avec les images traditionnelles de la ville médiévale. Ainsi, les premiers poèmes nurembergeois se bornaient curieusement à ne célébrer dans la cité franconienne qu’une ville sainte et noble, à l’image de Rome et de Jérusalem. Portrait assez incongru au vu de la réalité urbaine, puisque à Nuremberg, les fonctions religieuses de commandement étaient restées embryonnaires. La ville ne comptait que deux paroisses et relevait pour les affaires ecclésiastiques de l’évêché de Bamberg. En reprenant les sacro-saints modèles urbains, les éloges de Nuremberg payaient simplement leur tribut aux représentations collectives du temps, pour lesquelles, pendant longtemps, une ville ne pouvait se faire valoir qu’au plan religieux ou par ses murs. Dès 1447, les textes laudatifs nurembergeois instaurent une nouvelle image de la ville. Ils se mettent à défendre une noblesse de mérite, à souligner l’honneur des marchands et des artisans et à donner une connotation positive à leur travail. Plus rien n’empêche alors, dans les années 1490, de définir la ville comme une maison d’industrie et de souligner ses richesses. Les éloges nurembergeois peuvent enfin célébrer le miracle économique, qui permit à Nuremberg de prospérer « sur un sol si stérile qu’il procure à peine aliments et nourriture aux fourmis, aux sauterelles et aux grillons » 419 . Aux lecteurs des éloges, Nuremberg se donne à voir comme une self-made town, qui s’est développée sur la seule base de l’énergie et de l’argent de ses marchands ou artisans. Après un siècle d’éloges sur Nuremberg, un tel discours économique pointe enfin du doigt les fonctions fondatrices de sa centralité et de son rang en Franconie au XVe siècle 420 .

Notes
406.

Cf. Jean Lebeau, « L’éloge de Nuremberg dans la tradition populaire et la littérature humaniste de 1447 à 1532 », dans Hommage à Dürer. Strasbourg et Nuremberg dans la première moitié du XVIe siècle, Strasbourg, 1972, p.15-32. J’ai eu à traiter plus longuement des éloges nurembergeois dans le cadre de ma maîtrise. Pour plus d’informations, je me contenterai donc d’y renvoyer. Cf. Laurence Buchholzer, Une ville et ses représentations. Nuremberg 1420-1540, mémoire de maîtrise de l’université Paris 1-Sorbonne, 1993.

407.

Sur Hans Rosenplüt, voir avant tout les articles de Jörn Reichel : « Hans Rosenplüt, genannt Schnepper (ca 1400-1460), dans Fränkische Lebensbilder 9, Würzbourg, 1977 ; du même, « Handwerkerleben und Handwerker : Dichtung im spätmittelalterlichen Nürnberg : Hans Rosenplüt genannt Schnepper », dans Horst Brunner, Literatur in der Stadt, 1982, (Göppinger Arbeiten zur Germanistik 343) ; du même, MVGN 67 (1980). Hans Rosenplüt, sans doute d’origine franconienne, entre dans les registres de bourgeoisie du conseil nurembergeois en 1426 comme « sarwührt », compagnon de l’art des cuirasses. Il s’installe à ce titre dans les faubourgs, mais, maîtrise en poche, acquiert en 1429 le droit de bourgeoisie qui lui permet de résider intra muros. Dès 1440, il exerce le métier fermé de fondeur de laiton (Rotschmied), au droit de maîtrise élevé et aux procédés de fabrication jalousement gardés. Sa familiarité avec l’artillerie lui vaut l’office municipal de maître arquebusier (Büchsenmeister) en 1444, qu’il exerce parallèlement à ses fonctions artisanales. A ce titre il défend Nuremberg par les armes contre le margrave de Brandenbourg aux portes de la ville comme il le fait par les mots dans ses Sprüche.

408.

Voir l’introduction de Karl August Barack sur Kunz Hass dans son ouvrage : Kunz Hass. Ein Lobgedicht auf Nürnberg aus dem Jahre 1490, Nuremberg : Bauer und Raspe, 1858. Les données biographiques sur Kunz Hass furent complétées par E. Matthias, « Der Nürnberger Meistersänger Kunz Has », MVGN 7 (1888) p. 169-236, MVGN 8 (1889) p. 239-243, MVGN 16 (1904) p. 240-244. Kunz Hass laisse moins de traces que Hans Rosenplüt dans les sources administratives. Il apparaît en 1498 avec la mention « knappen », compagnon dans les métiers du drap.

409.

Sur Hans Sachs, voir Horst Brunner, « Hans Sachs », dans Fränkische Lebensbilder 7, Würzbourg, 1977 ; Horst Brunner, « Hans Sachs. Über die Schwierigkeiten literarischen Schaffens in der Reichsstadt Nürnberg », dans H. Brunner/G. Hirschmann/F. Schnelbögl (dir.), Hans Sachs und Nürnberg. Bedingungen und Probleme reichsstädtische Literatur Hans Sachs zum 400 Todestag am 19. Januar 1976, Nuremberg, 1976, (Nürnberger Forschungen 19). Il existe un ouvrage en français sur Hans Sachs, chose suffisamment rare pour être signalée : C. Schweitzer, Un poète allemand au XVIe siècle. Etude sur la vie et les œuvres de Hans Sachs, Paris, 1887. Hans Sachs, le plus connu des poètes-artisans, est né d’une veuve nurembergeoise et d’un maître-tailleur venu de Zwickau, devenu bourgeois nurembergeois en 1490. Hans passe par l’école latine locale, devient apprenti cordonnier et revient à Nuremberg après son compagnonnage. Dès 1520, il s’établit comme maître-cordonnier et manie en parallèle l’art littéraire, acquis sous l’égide du tisserand Leinhard Nunnenbeck et au contact des maîtres-chanteurs nurembergeois.

410.

Voir Berndt Hamm, « Humanistische Ethik und reichsstädtische Ehrbarkeit », MVGN 76 (1989), p. 65-150 ; Max Hermann, Die Reception des Humanismus in Nürnberg, Berlin, 1898 ; Wolfgang Zorn, « Die soziale Stellung der Humanisten in Nürnberg und Augsburg », dans Otto Herding et Robert Stupperich (dir.), Die Humanisten in ihrer politischen und sozialen Umwelt, Boppard, 1976, p. 35-49

411.

Cf. Paul Joachimsohn, Die humanistische Geschichtsschreibung in Deutschland, vol.1 : Die Anfänge. Sigismund Meisterlin, Bonn, 1895. Sur la vie de Sigismond Meisterlin, voir Katharina Colberg, « Meisterlin, Sigismond », dans Verfasserlexikon, volume 6, 1986, p. 356-366 (comporte d’autres indications bibliographiques).

412.

Voir, en français, les travaux de Jacques Ridé : « L’éloge de Nuremberg par Konrad Celtis », dans Les cités au temps de la Renaissance, 1977, p. 5-17. En allemand, sur les relations entre la ville de Nuremberg et Conrad Celtis, voir Bernhard Hartmann, « Konrad Celtis in Nürnberg », MVGN 8 (1889), p. 1-69 ; Albert Werminghoff, Conrad Celtis und sein Buch über Nürnberg, Fribourg, 1921 ; Emil Reicke, « Konrad Celtis und die Ehrengabe für seine Norimberga », MVGN35 (1937), p. 89-105. Pour une biographie de Konrad Celtis, cf. Friedrich von Bezold, Konrad Celtis, der deutsche Erzhumanist, Darmstadt : WBG, 1959 et Lewis W. Spitz, The German Arch-Humanist, Cambridge : Harvard University Press, 1957

413.

Une fois remaniée, pourvue de plus de détails et de données chiffrées à la demande du conseil, sa copie lui valut toutefois 20 florins

414.

Cf. Carl Krause, Helius Eobanus Hessus. Sein Leben und seine Werke, 2 vol., Gotha, 1879 ; Hans Rupprich, « Eobanus Hessus (Koch), Helius », dans Neue Deutsche Bibliographie, vol.4, 1959, p. 543-545

415.

Il s’agit du culte des reliques impériales et du Saint Patron local, Sébald. Cf. Arno Borst, « Die Sebaldslegenden in der mittelalterlichen Geschichte Nürnbergs », Jahrbuch für fränkische Landesforschung 26 (1966), p. 20-171

416.

Hans Sachs emploie à merveille ces thématiques dans ses deux éloges de Nuremberg. Cf. Hans Sachs , Der lieblich draum. Auffschlus des draums, Hartmut Kugler (éd.), « Die Stadt im Wald. Zur Stadtbeschreibung bei Hans Sachs », dans Thomas Cramer (dir.), Hans Sachs. Studien zur frühbürgerlichen Literatur im 16. Jahrhundert, Berne/Francfort/Las vegas, 1978, p. 85 et s.

« Une nuit je fis un doux rêve/ je croyais que je me promenais dans une forêt,/ je parvins à une plaine ronde/ au milieu pointait une colline isolée/ où florissait et croissait un jardin de roses […]/ alors mon cœur se mit à battre de joie/Avec sa beauté ce lieu ressemblait au paradis./ Je regardai par dessus le jardin/ là picorait un noble oiseau/ grand comme un aigle, noir comme le charbon/ son côté gauche était couvert/ de roses flamboyantes, rouges et blanches/ réparties avec soin./ Avec son aile, il forme une voûte/ et garde sous sa protection son petit […]/ j’entendis que sa voix était comme celle d’un ange/ elle résonnait par monts et par vaux/ je pensais que c’était Phénix, le pur oiseau/ quand je vis sa beauté et j’entendis sa mélopée./ Mais le noble oiseau n’avait pas beaucoup de tranquillité/ face à ses ennemis : ils s’apprêtaient à l’enserrer/ et ils le traquaient dangereusement/ par envie et jalousie à cause de sa voix / qui résonnait si clairement par delà les distances […]/ Pourtant l’oiseau chantait toujours dans son jardin/ et restait sans dommages face à ses adversaires. […]/ L’oiseau signifie la ville impériale de Nuremberg/ dans ses armes elle porte un aigle/ dont le côté gauche est rouge et blanc/ cela lui vient de l’empire romain/ la large vallée autour signifie le plat pays./ le château impérial est signifié par la colline/ toute la société est représentée par le jardin de roses […]/ son petit représente tous les bourgeois/ riches et pauvres dans la ville ici et là […]./ Sa voix représente les sermons, la parole de dieu et/ le fait que Nuremberg en tout lieu/ croisse en population, industrie, honneur et richesse/ par lesquels sa réputation est connue au loin/ C’est pourquoi Nuremberg a beaucoup d’ennemis et d’envieux […]/ ils se placent devant la ville innocente / par pure jalousie, avec des pensées hostiles […]/ quand bien même la pieuse ne leur en donne aucune raison./ Les oiseaux et les animaux doivent être nommés / certains princes ecclésiastiques et laïcs et nobles… » (1527)

417.

Cf. Hans Sachs, Ein Lobspruch der Statt Nürnberg (1530), dans Adelbert von Keller et Edmund Goetze (ed.), Hans Sachs Werke, tome 4, Stuttgart, 1870, (Bibliothek des literarischen Vereins 105), p. 189-199.

Un attachement local similaire perce également dans les autres éloges en allemand. Le texte anonyme de 1424 dit se « réjouir de bon droit pour les nobles Nurembergeois ». Hans Rosenplüt suggère quant à lui sa proximité avec la ville louée en la tutoyant dans son Spruch von Nürnberg (1447)

418.

Cf. Hans Sachs (1530), édition Keller/Goetze, supra

419.

Cf. Conrad Celtis, Norimberga, Albert Werminghoff (éd.), Conrad Celtis und sein Buch über Nürnberg, Fribourg, 1921 ; chapitre 16, p. 200. On trouve la même idée dans la plupart des éloges humanistes consacrés à Nuremberg. Cf. Johannes Cochlaeus, Brevis Germaniae descriptio, Karl Langosch (éd.), Darmstadt, 1969, chapitre IV, §. 6, « Et quand bien même plus d’une ville de Grèce, d’Italie, d’Espagne et de France la surpasse en richesse et en opulence, on peut mettre cela au compte du climat doux, de la situation avantageuse et de la glèbe fertile. Cette ville par contre ne se réjouit pas de toutes ces choses, mais seulement du zèle des citoyens, ce qu’on doit assurément estimer beaucoup plus que si elle était riche et splendide par le fait d’un don de la nature. »

420.

Nuremberg se tourne vers le commerce lointain dès le XIIe siècle comme en attestent les premières libertés douanières accordées aux marchands nurembergeois, surtout en Europe centrale et en Europe de l’Ouest. Par les négociants de Nuremberg transitent les épices acheminées d’Italie, le bétail venu de Hongrie, les textiles (d’abord les draps de laine, puis le lin de Souabe) et des produits alimentaires régionaux. Au XIVe siècle, avec l’éclosion de l’industrie minière en Haut-Palatinat, la ville développe en sus une industrie métallique destinée à l’exportation, productrice de pièces en étain, de cuirasses, d’armes, d’objets du quotidien en métal, de même qu’une petite branche de teinture des lins, une industrie du luxe et de la mécanique fine (lunettes, astronomie, miroirs). A la fin du Moyen Âge, Nuremberg ne laisse donc en partage à Würzbourg que le commerce des produits locaux d’exportation, les céréales et le vin, et le marché d’approvisionnement du Nord de la Franconie. Malgré ses trois foires et une situation favorable sur le Main, dès 1357, la ville épiscopale voit partir plusieurs de ses marchands vers Francfort ou Nuremberg. Bamberg distribue pour sa part les produits de la forêt franconienne et de l’hortillonage local (houblon). Mais ses marchands ne négocient guère qu’en Haute-Franconie.