Des amis plus chers que d’autres ?

L’amitié admet cependant des degrés et scelle des affinités plus ou moins fortes. Aussi peut-on se demander si le conseil de Nuremberg ne déployait pas à l’égard de quelques communautés des marques d’affection plus profondes ? Puisque les adresses dépendent de la position respective d’un expéditeur et de son destinataire, peut-être suggèrent-elles des relations particulières entre certaines cités? Voyons donc comment les formules épistolaires aménagent leurs variantes selon les amis destinataires.

En 1447, les conseillers des villes seigneuriales d’Erfurt, Forchheim, Freising ou Neumarkt se trouvent respectivement qualifiés de « ersamen Herren und lieben Freunde », « ersamen weisen lieben Freunde », « erber und ersamen lieben Freunde » et « ersamen weisen lieben Herren und Freunde ».Les villes impériales de Rothenbourg, Windsheim, Schweinfurt ou Wissembourg se contentent pour leur part de simples « lieben Freunde ». Mais les Briefbücher n’adoptent pas de tournures invariables ; d’une lettre à l’autre, la salutation à une même enseigne connaît des modifications. Quant aux « très chers amis », ils ne sont pas légions. Cologne, Ulm et la lointaine Lemburg en Russie bénéficient cette année-là d’une telle distinction.

La pratique épistolaire nurembergeoise n’introduit donc, à première vue, aucune différence marquée entre les communautés jurées destinataires. Les titres ne définissent pas non plus de lignes de partage et semblent mentionner indifféremment le nom de la ville destinatrice (Ulm), les habitants de celle-ci (den von Ulm), son statut (Der Stat zu Ulme) ou son conseil (Dem Rate zu Hassfurt). Tout au plus, le gouvernement nurembergeois accumule-t-il les qualificatifs envers les villes dont il est le moins familier 488 .

Les Briefbücher ne constituent cependant pas le meilleur terrain d’investigation. Pour appréhender et comprendre les subtilités de la rhétorique épistolaire, mieux vaut se tourner vers les formulaires. Peut-être sont-ils en mesure de faire la distinction entre les amis de Nuremberg ?

Aux Staatsarchiv de Nuremberg figurent deux formulaires qui professent les règles de rédaction en usage dans la ville pendant le XVe siècle. Le premier ouvrage se désigne en couverture comme « le livre de Marquart Mendel » 489 . Ce rejeton d’une famille patricienne, établie au XIVe siècle à Nuremberg, accéda au conseil comme plusieurs de ses parents au cours du XVe siècle. Au décès de Wilhelm Mendel, il revêtit les fonctions de jeune bourgmestre, de 1429 à 1437. Pendant ces années d’exercice, Marquart fit preuve d’une importante activité scripturaire qui révèle l’ampleur de ses compétences. Il consigna ses activités commerciales dans un livre de gestion 490 connu sous le nom de Marquart Mendels Buch der Hantierung. Sur la demande du conseil, il rédigea aussi un petit livre sur l’office des forêts 491 , destiné à récapituler les droits et entorses au règlement de la forêt de Saint-Sébald 492 . Les raisons qui poussèrent Marquart Mendel à la rédaction d’un formulaire restent par contre plus obscures. Il n’avait pas de fonctions à la chancellerie dans les années 1430 et, au vu des comptes municipaux, n’a jamais été envoyé à l’extérieur pour assumer des tâches diplomatiques. Seules ses fonctions de jeune bourgmestre 493 et de marchand ont donc pu le conduire à la mise en œuvre d’un formulaire. A Nuremberg, les bourgmestres avaient pour obligation de convoquer les membres du conseil chaque fois qu’une décision s’imposait pour le bien de la ville. A cette fin, ils devaient ouvrir l’œil sur tous les événements urbains et les rapporter au plus vite au conseil. Ils recevaient les demandes des particuliers, réceptionnaient, ouvraient et lisaient le courrier adressé à la ville. En cas d’urgence, de leur propre chef, ils assuraient l’intérim et expédiaient les messages qui demandaient une réponse rapide. Plus disponible que l’ancien bourgmestre, le jeune bourgmestre était particulièrement confronté aux requêtes venues de la ville et de l’extérieur, ainsi qu’aux échanges épistolaires. C’est peut-être la fréquentation journalière des lettres municipales pendant huit ans qui amena Marquart Mendel à en consigner clairement les codes par écrit dans un formulaire 494 . On ne peut toutefois pas exclure un usage semi-privé puisque les exemples retenus par l’ouvrage n’abordent que tardivement les règles d’écriture propres à un conseil urbain. Les modèles de lettres insérés dans le « livre de Marquart Mendel » plaident pour une rédaction entre 1430 et 1437, année du décès du patricien. Son ouvrage n’a pas le soin d’un ouvrage de référence laissé entre plusieurs mains. Il forme plutôt un livre à usage personnel, offrant des modèles épistolaires tant privés qu’officiels en latin et en allemand. L’index y est incomplet, et les écritures parfois très denses. Conformément aux arts épistolaires du temps, le manuel allie les lettres-types aux formules combinatoires de salutation, de captatio benevolentia, d’exordes et de conclusions. Les premières lettres proposées s’intéressent aux correspondances entre gens de même statut échangées dans les milieux ecclésiastiques, nobles, comtaux, impériaux et princiers. Ce n’est que dans l’évocation des missives entre personnes de différents états qu’apparaissent les protagonistes qui nous intéressent ici, les communautés et les conseils. Les chapitres traités sont alors les suivants :

« comment toute une communauté demande à un roi de libérer une route
comment un conseil demande à un évêque de lever un interdit
comment on fait requête auprès d’un évêque pour que ses douaniers et contrôleurs ne prélèvent pas de douane sur une route libre
comment un conseil prie un abbé pour un congé
comment un abbé demande à un conseil de répondre en justice
comment un homme honorable demande à un maître de le conseiller au sujet de son fils. Une réponse à cette même demande
comment un homme honorable fait demande à un maître et lui recommande son fils
comment un conseil prie un artisan de faire quelque chose
comment un conseil demande à un prince de recommander ses ressortissants
comment un conseil demande à un prince de présenter ses amitiés à sa femme
comment un prince fait requête à un conseil au sujet de quelqu’un
comment un conseil écrit à un comte pour qu’il ordonne aux siens de ne pas faire de torts
comment un comte écrit à un conseil pour les (les membres du conseil) mettre en garde
comment un conseil écrit à un noble que ses membres ne peuvent pas venir à une réunion
comment un conseil demande de l’aide à un chevalier ou de porter son aide à quelqu’un
comment un chevalier demande à un conseil de lui laisser obtenir justice
comment un conseil demande à un noble de tenir quitte ses ressortissants».’

Au vu de ce programme, le formulaire laisse hors de considération les correspondances entre des gouvernements urbains. Mais à l’issue des pages ordonnées selon le sommaire, le livre a fait office de bloc note. Il consigne les puissances invitées lors de l’assemblée impériale de Nuremberg en 1431 495 . Puis, après un modèle de lettres entre marchands, il envisage les relations épistolaires entre communes et prodigue des instructions spécifiques pour écrire aux villes :

« On écrit ainsi aux villes
Nuremberg
C’est l’inscription sur la missive à l’extérieur
Aux honorables sages bourgmestres et au conseil de la ville de Nuremberg
Augsbourg
Aux honorables sages bourgmestres et au conseil de la ville d’Augsbourg
Rothenbourg
Aux honorables et sages bourgmestres et au conseil de la ville de Rothenbourg
Wissembourg
Aux honorables et sages bourgmestres et au conseil de la ville de Wissembourg
Würzbourg
Aux honorables et sages écoutête et conseil de la ville de Würzbourg
Remarque
Si tu veux écrire au nom d’un sire à une ville, salue ainsi : « Recevez notre salutation amicale, chers fidèles » ou ainsi, « Recevez notre salutation, chers bourgmestres et conseil de la ville de Nuremberg ». Ensuite, tu écris toutes les choses bien exactement à propos desquelles tu veux leur écrire et garde toi bien de ne pas prendre ou écrire deux fois un article et quand tu as fini d’écrire la lettre, relis la bien exactement comme cela est aussi écrit plus haut. Note aussi cela : si tu veux écrire à une ville au nom d’un simple noble ou sinon au nom d’un honnête homme, écris ainsi, « Recevez mon service amical et dévoué, chers sires, bourgmestres et conseil de la ville de Schweinfurt » ou n’importe quelle autre ville à laquelle tu veux écrire. Tu dois écrire ainsi et prends garde en relisant la lettre et en la fermant comme cela est écrit plus haut dans le livre selon lequel tu dois t’orienter. » 496

Le formulaire de Marquard Mendel confirme donc qu’il existe bien une façon particulière de s’adresser aux villes. Selon le degré d’autonomie de la cité, on salue les bourgmestres et le conseil, ou l’écoutête et le conseil. Les formules dépendent en sus de l’identité du commanditaire. Mais les exemples retenus sont à chaque fois le fait de particuliers. L’ouvrage reste ici muet sur les normes requises entre conseils urbains.

Trois décennies plus tard, afin de rédiger au mieux ses missives, la chancellerie nurembergeoise se dota d’un second formulaire, laissé par Leonhardus Zweng 497 en 1462 et illustré d’exemples pris entre 1449 et 1457. Plus rigoureux et soucieux de l’étiquette que le précédent, il passe en revue pour chaque état de la société les formules allemandes de salutations, de supplications et de conclusions, avant de proposer des modèles thématiques de lettres et chartes (lettres de pleins pouvoirs, quittances, lettres d’écrou, ventes de rente, prêts et dettes, sauf-conduit, recommandations, fiefs…). Les groupes sociaux énumérés suivent un ordre de préséance strict : papes et cardinaux, archevêques, évêques et maîtres de l’ordre teutonique, abbés et docteurs, moines et nonnes, roi ou Empereur, simple roi, princes électeurs, princes, margraves, princesse, sires, chevaliers, nobles. Par son respect des convenances, son souci du rang et des qualités, ce formulaire municipal cristallise les taxinomies sociales alors en vigueur en Franconie.

Les modèles rhétoriques de salutation confirment les observations empiriques auxquelles se sont prêtées les missives des Briefbücher. Les supplicationes déployées à l’égard des chevaliers et des nobles manient les adjectifs « strengen », « erbern », « vesten » et « edel ». L’adresse tournée vers les ecclésiastiques souligne leur « würdikeit ». Aux nobles, donc, la force, la solidité, l’honorabilité et la noblesse ; aux ecclésiastiques, la dignité. Puis, au folio 41v, vient le tour des villes. Cette fois, le formulaire traite effectivement de missives échangées entre deux villes, de conseil municipal à conseil municipal. Le manuel reconnaît en la matière l’existence d’une catégorie spécifique de relations épistolaires. Dans l’optique nurembergeoise, l’échange entre villes paraît irréductible à tout autre et requiert un traitement particulier. Les formules épistolaires prônées confirment les dires des Briefbücher ; entre villes, il ne saurait être question que d’amitié. Comme dans les salutations, les pétitions ou les conclusions des Briefbücher, à l’adresse d’une ville, les formules du manuel déclinent invariablement les adjectifs « ersam » (honnête, respectable), « weysen » (sage) ou les substantifs « ersamkeyt » (respectabilité), « weysheit » (sagesse), « lieb » (amour), « freuntschafft » (amitié). Toutes les villes se doivent l’amour et l’amitié, avec leurs cortèges d’échanges et de services réciproques. Toutes reçoivent en partage la respectabilité et la sagesse 498 . Un tel principe n’est pas neutre ; les villes ne peuvent en théorie se borner à de simples contacts ou à l’ignorance de leurs semblables. D’entrée, un projet plus exigeant, appelant une certaine entraide, leur est assigné. Somme toute, en prônant l’amitié partagée entre villes, les missives et formulaires nurembergeois expriment déjà une intercommunalité de projet, qui doit infléchir le comportement de chaque cité.

Les Nurembergeois, et à travers eux les cités allemandes, attribuent de la sorte au monde urbain des vertus propres et identitaires, des vertus destinées à les démarquer des « autres », les princes, les nobles ou les clercs. Ces valeurs ont aussi des fonctions d’intégration ; au sein du groupe des villes, elles luttent contre les forces disruptives susceptibles de créer des fossés et des conflits entre les cités. En théorie, entre villes de tout rang et de tout statut doit s’instaurer une civilisation de l’amitié, de l’honorabilité et de la modération. Ces termes forment des antonymies aux vertus nobiliaires. Ils opposent à la noblesse, fondée sur le sang et la naissance (edel), l’honorabilité, issue du mérite (ersam). Ils confrontent à la force physique déployée (vester, strenger) l’intelligence de la retenue et de la circonspection..

Si l’art de la correspondance insiste tant sur les qualités communes à toutes les cités, il en reconnaît aussi les partages internes. Le formulaire nurembergeois de 1462 prescrit en effet, aux secrétaires municipaux, différents usages rhétoriques pour écrire aux villes selon leurs mérites respectifs 499 . Afin d’appliquer les titres, les salutations, l’exorde et les conclusions, l’ouvrage distingue entre les « grandes villes » (grosse Steten) et les « petites villes » (cleine Steten), les « grandes villes impériales » (grosse Reichsteten), les « petites villes impériales » (cleine Reichsteten) et « les villes seigneuriales » (Herren Steten). Au sein du monde urbain, les critères de classification retenus par Nuremberg s’établissent donc sur des considération d’importance (grande/petite) et de statut juridique (dépendance à l’égard d’un seigneur, ou lien avec l’empire). Chacune des catégories urbaines distinguées par le formulaire est illustrée par des exemples nominaux, qui permettent de préciser ce qui, de l’avis du rédacteur, relevait du petit et du grand, du seigneurial et de l’impérial.

La première distinction enregistrée par le formulaire concerne les grandes et les petites villes.

A la faveur d’un changement de main 501 , le formulaire nurembergeois se préoccupe à nouveau des catégories urbaines au folio 54v. Il distingue cette fois les villes selon leur importance et leur statut, puis ajoute sans plus de précisions des exemples nominatifs.

[folio 54v]

[folio 55]

[folio 55v]

Au fil du XVe siècle, les formulaires nurembergeois font une distinction de plus en plus grande entre les villes et s’avèrent plus soucieux d’écrire à chacune selon son rang. Celui-ci relève d’abord d’un ordre de grandeur et d’importance. Selon ce critère, Aix-la-Chapelle, Cologne, Lübeck, Augsbourg, Metz, Vienne, Magdebourg et Brunswick correspondent à de « grandes villes » 509 . La liste ne se prétend toutefois pas exhaustive, de son propre aveu existaient « d’autres grandes villes du genre ». Les ingrédients de leur grandeur ne sont pas dévoilés. Mais on peut remarquer que les six premières, des villes libres et impériales, comptèrent toujours parmi les principales contribuantes dans les matricules de 1505 à 1521. Aucune de ces cités ne tomba jamais sous le 15e rang dans les listes du roi 510 . Grosses contribuables, les villes mentionnées coïncidaient aussi avec les localités les plus populeuses d’Allemagne. Les estimations démographiques donnent pour l’ensemble des noms cités une population supérieure à 10 000 habitants au XVe siècle.

Tableau 5 : Grandes villes
Localité Population estimée au Moyen Âge
Aix-la-Chapelle 10 000-15 000 hab.
Cologne* plus de 40 000 hab.
Lübeck* 25 000 hab. au XVe siècle
Brunswick*
Vienne 25 000 hab. au XVe siècle
Nuremberg 25 000 hab. au XVe siècle
Augsbourg* 18 000 hab. en 1470-1500
Magdebourg* 20 000 hab. en 1400-1430, 35 000 au XVIe
Metz* 25 000 hab. en 1325
* villes mentionnées comme impériales dans le formulaire

Nördlingen, Esslingen, Windsheim ou Donauwörth trouvent place pour leur part au chapitre des petites villes. Si toutes sont des cités impériales, c’est Donauwörth qui fournit l’archétype de la petite ville d’empire (cleine Reichstat). Pour ces petites villes, la limite d’accès à la catégorie supérieure est très haut placée par le formulaire. Nördlingen, qualifiée de « petite ville » par l’ouvrage, oscillait à la fin du XVe siècle et au début XVIe entre le 11e et le 17e rang dans les matricules impériales (440 florins de contribution totale dans les matricules de Worms en 1521) et regroupait une population d’environ 6 000 habitants. Aux yeux de la « grande » Nuremberg, peu de cités médiévales allemandes échappent donc aux petites villes. Sous le seuil approximatif de 500 florins de matricules et de 6 000 habitants, toute localité rejoint la catégorie inférieure, puisque les classements épistolaires ne reconnaissent pas les « villes moyennes ». Plusieurs cités franconiennes ou souabes, (Windsheim, Nördlingen, Esslingen, Donauwörth) se trouvent ainsi cantonnées par le formulaire dans une catégorie de second rang, loin derrière Nuremberg.

Tableau 6 : Petites villes
Localité Population estimée au Moyen Âge
Nördlingen 5 295 hab. en 1459
Esslingen 6 000 hab.
Windsheim 2 000-5 000 hab.
Donauwörth (Werde)* environ 5 000 hab.
* villes mentionnées comme impériales dans le formulaire

Faut-il pour autant voir dans cette hiérarchie et ses critères une acception partagée dans le monde des villes ?

On devine, en filigrane, combien le classement urbain professé par le formulaire nurembergeois doit aux hiérarchies impériales. Il épouse les taxinomies royales fondées sur des signes extérieurs de richesse et de population. Sur ce modèle, le gouvernement nurembergeois savait sans conteste dissocier les grandes villes libres et impériales des petites. La fréquence des assemblées réunies à Nuremberg et le devoir de convocation qui incombait alors à son conseil lui avaient donné une certaine familiarité avec les classements royaux et leurs critères 511 .

Mais comme toute norme, les catégories urbaines nurembergeoises comportaient leur part de revendications. L’inscription de Donauwörth parmi les petites villes d’empire en est la meilleure illustration. Nuremberg attribuait de la sorte à l’empire une ville qui ne cessa pourtant d’être hypothéquée et qui venait de lui être soustraite par le duc bavarois Louis le Riche. Le seuil de partage qu’admet le formulaire entre grandes villes et petites villes était tout autant contestable et contesté. En classant Nördlingen parmi les petites cités , Nuremberg maintenait dans un groupe inférieur une ville dont les foires étaient ses concurrentes et dont les prétentions à jouer dans la cour des grands étaient explicites 512 .

Au travers de ses formulaires, le conseil de Nuremberg manifestait en définitive son sentiment d’appartenance à l’élite restreinte des grandes villes et en défendait l’entrée à quelques ambitieuses.

Si le formulaire nurembergeois dissocie aisément grandes et petites villes impériales, il trébuche face aux villes seigneuriales. Dans leur ensemble, elles forment une rubrique particulière du formulaire de 1462, mais résistent à un classement par ordre de grandeur. L’auteur du manuel se voit contraint de nommer des villes seigneuriales sans pouvoir les ordonner. Il propose pour modèle les villes seigneuriales d’Amberg et de Sulzbach, puis doit se résoudre à de simples cas d’espèce pour Lauf, Erlangen, Roth, Mainbernheim, Heidingsfeld et Kitzingen. Toutes issues du milieu franconien, ces localités restent irréductibles à une partition grande ville/petite ville. En considérant de plus près leurs historiques respectifs, il semble cependant qu’elles représentent aux yeux du rédacteur des villes seigneuriales plus ou moins liées à Nuremberg. En ce sens, les salutations adressées à Kitzingen, Amberg et Sulzbach demandent une déférence supérieure à celles que peuvent espérer des villes placées sous l’emprise nurembergeoise, à l’image d’Erlangen, Mainbernheim ou Heidingsfeld.

Au cours du XVe siècle, dans le cortège des classements impériaux, Nuremberg s’appropria une logique de classement urbain fondée sur des critères quantitatifs. Mais une telle conception comportait encore ses écueils et ses limites. Au sein du royaume d’Allemagne, compter parmi les grandes villes impériales restait dans une certaine mesure une question de revendication et de débat interne entre les cités de l’empire. Les classements urbains par ordre de grandeur achoppaient en outre aux frontières des villes libres et impériales. Le statut incertain de quelques grandes villes comme Brunswick ou Magdebourg contraignait à les mettre à part. De même les villes seigneuriales restaient-elles irréductibles à une hiérarchisation par ordre d’importance, puisque de l’extérieur, on ne parvenait pas à percer leur secret fiscal ou démographique.

Notes
488.

L’archétype en est la salutation adressée à la ville de Lemberg : « aux prudents, honorables et sages bourgmestres et conseil de la ville de Lemberg en Russie, nos très chers sires et bons amis ». Cf. BB18, fol. 182, 04/03/1447

489.

Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°29

490.

Cf. Wolfgang von Stromer, Oberdeutsche Hochfinanz, p. 334. Ce livre qui couvre au moins les années 1426-1432 témoigne d’importants achats et reventes de draps de Cologne ou de futaine d’Augsbourg par Marquart Mendel. Lequel vendait également en gros des épices, comme la cannelle ou le gingembre.

491.

Signalé par Paul Sander, Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs, Leipzig, 1902, p. 267. L’original serait conservé aux StAN, Ms 526 et connu sous le nom de « Mendels Waldbüchlein ».

492.

Il a eu l’occasion d’éprouver la validité de son livre en prenant à ferme l’office des forêts de Saint-Sébald à partir de 1433. Il recevait pour cela un fixe de 120 livres avec lequel il devait entretenir un cheval et deux gardes forestiers. Il devait livrer toutes les recettes de la forêt à la chambre des finances et rendre compte annuellement de sa gestion au conseil. Son parent Lienhard Mendel lui succéda dans ses fonctions en 1438.

493.

A chaque Frage, la constitution nurembergeoise prévoit la nomination d’un jeune bourgmestre et d’un ancien bourgmestre. L’ancien bourgmestre, un homme de plus grande expérience, pouvait agir en cas de besoin sans l’aval de son associé. L’inverse n’était pas possible. Dans le protocole et dans le déroulement du conseil, l’ancien bourgmestre a la préséance sur son collègue. Il existe aussi un net partage de leurs attributions. Lors des sessions du conseil, le jeune bourgmestre prépare une liste des requêtes extérieures à traiter et vérifie la ponctualité de chaque conseiller. Si sa présence n’est pas expressément requise pour les délibérations, pendant la session, il reçoit à l’hôtel-de-ville les personnes qui veulent présenter une affaire devant le conseil, de même que les lettres et les demandes écrites. Il fait alors suivre en fonction de la situation, réglant seul les vétilles et portant les cas importants devant l’autre bourgmestre ou directement en session. L’ancien bourgmestre devait quant à lui diriger les négociations du conseil et présider au vote.

494.

Cf. StAN, Amts- und Standbücher n°29

495.

L’objectif de l’assemblée était la lutte contre les hussites. Le formulaire répertorie séparément les évêques, les ducs, les margraves, les comtes, les barons, les barons bohêmes et les officiers du roi. Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°29, fol. 46v. Au folio précédent, donc sans respect des hiérarchies sociales traditionnelles, il liste les villes libres d’empire et les villes impériales concernées. Leurs noms sont disposés sur trois colonnes et rassemblées par grands ensembles géographiques : les villes du Rhin, les villes de Basse Wetterau, les villes en Alsace, les villes du Lac de Constance, les villes confédérées, les villes de l’union de Souabe, Augsbourg, Ratisbonne, les villes en Franconie (Nuremberg, Schweinfurt, Windsheim, Wissembourg - Rothenbourg est curieusement absente -), les villes de Thuringe, les villes de la Baltique et de la Hanse, les villes « welches ».

496.

StAN, Amts- und Stanbuch n°29, fol.77v» Also schreibt man den Steten

Nurnberg

das ist die uber schrifft auff die sent briff aussen

Den ersamen weysen Burgermeistern und dem Ratt der Stat zu Nuremberg

Augsburg

Den ersamen weisen burgermeistern und dem Ratt der Statt zu Augspurg

Rotenburg

Dem ersamen weysen burgermeistern und dem Ratt der Statt zu Rotenburg

Weissenburg

Den ersamen weysen burgermeistern und dem Ratt der Statt zu Wissenburg

Wirtzburg

Den ersamen weysen dem schultheissen und dem Ratt der Statt zu Wirtzburg

An merk

Ist das du von eins herrn wegen einer statt schreiben wilst, so heb also an Unsern fruntlich gruss zuvor, lieben getrewen oder also Unsern gruss zuvor liben burgermeister und Ratt der Statt zu Nuremberg. Ytem darnach so schreib alle sach gar eygentlich von was sach wegen du in dan schreiben wiltt und hut dich da vor das in dem brieff keinen artikel zwir nemest oder setzest und wann den brieff host auss geschriben so uber lyse denn brieff gar eygentlich als vor auch geschrieben stett. Nu merk mer, ist es das du einer stat schreiben wilst von eins slechten eden mans wegen oder sust von eins eburgen mans wegen so schreib also Meinen willig freuntlichen dinst zuvor liben hern, burgermeistern und Ratt der Statt zu Sweinfurt oder welher statt du dann also schreiben wistt, solts du also schreiben und beware dich dorinnen das du in uber lesest und in eben versliesset als dann vorn an dem puch geschrieben stett do richet dich nach. »

497.

Cf. StAN, Amts- und Standbücher n°30. Zweng est probablement un secrétaire municipal originaire de la ville épiscopale de Bamberg. Il n’a sans doute écrit qu’une partie de l’ouvrage, puisqu’au folio 43 figure l’inscription suivante : « item completa est illa scriptura in die sancti Augustini an. IIII LXII per manuum Leonharden Zweng de babenberga filus civitatis etc ».

498.

Le formulaire de 1462 est plus restrictif que les missives elles mêmes. Il n’envisage pas de donner des preuves d’amitié aux communautés villageoises et aux bourgades, évincées du manuel.

499.

Cf. StAN, Amts-und Standbuch 30, fol. 41v et s.

501.

Il survient après la mention du rôle de Leonhard Zweng dans la rédaction de l’ouvrage, au folio 43

509.

Cologne, Brunswick, Metz, Lübeck, Magdebourg reçoivent les honneurs épistolaires dus aux grandes villes, mais échappent au groupe des « grandes villes d’empire » sans que le rédacteur n’arrive à définir leur propre statut. Il s’agissait en effet de villes dont le statut pouvait prêter à confusion. Cologne était une ville libre d’empire. Les villes de Lübeck et de Brunswick jouissaient au début du XVe siècle d’une grande autonomie. Elles furent invitées par Sigismond aux réunions impériales de la première moitié du XVe siècle. Si le statut impérial de Lübeck se trouva confirmé, Brunswick perdit son appartenance à l’empire en étant intégré de force à un état princier

510.

Aix-la-Chapelle, la plus mal classée, devait verser 600 florins à l’empereur en 1521. Financièrement et démographiquement, elle paraît nettement inférieure aux autres villes citées. Mais elle avait pour elle le prestige impérial, qui suffisait peut-être à en faire une grande ville. Voir graphiques en annexe

511.

Ainsi, la ville n’hésitait pas à utiliser l’argument démographique à son profit, quand sa population importante pouvait lui valoir une dérogation. Le conseil de Nuremberg décline de la sorte plusieurs demandes de rémission émises par le roi : « Quand bien même le conseil voudrait bien suivre la demande du roi, il y a beaucoup de monde dans la ville de Nuremberg. Et le conseil doit pouvoir justifier ses actes devant les gens que cette même affaire concerne et face à la communauté à laquelle l'affaire a été exposée et dont elle est bien connue. Le conseil a besoin que les méfaits et les mauvaises affaires soient bien punies et jugées, que les peines pour des affaires méritées soient exécutées et observées, afin que les méfaits et les mauvaises choses diminuent d'autant plus à Nuremberg, et que les Nurembergeois satisfassent d'autant plus leur envie de résider et habiter dans la paix ».

Cf. StAN, Briefbuch 18, fol. 121 (15/12/1446).

512.

Rappelons ici un épisode déjà mentionné : En 1485, le conseil de Nördlingen demanda à l’empereur de tenir sa cité pour l’une des principales d’Allemagne du Sud (Hauptstädte) et estimait appartenir aux 10 agglomérations impériales les plus importantes (au Sud) avec Strasbourg, Cologne, Ratisbonne, Augsbourg, Francfort, Nuremberg, Constance, Bâle et Ulm.