Quelques mots d’ordre de l’intercommunalité

L’amitié de principe que les villes se vouaient dans leurs missives forma ça et là en Franconie le terreau de relations plus étroites. Pour conforter leurs liens et légitimer leurs rapprochements, les villes concernées ajoutèrent dans ce cas à l’amitié d’autres mots d’ordre de l’intercommunalité.

Le voisinage

Afin de mieux motiver leurs actions communes, certaines villes franconiennes invoquèrent au XVe siècle l’appartenance au voisinage. En 1447, Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim justifièrent de la sorte leur intervention dans les affaires de Schweinfurt 519 . Au nom des trois cités, Nuremberg donna publicité aux événements, avertit le roi de l’affaire et justifia son attitude dans une lettre adressée au roi des romains le 16 février 1447 520 :

« Nous avons entendu dire il y a quelques jours comment dans la ville de votre grâce royale et ville impériale de Schweinfurt, la communauté ne serait pas en union avec le conseil du lieu, mais en conflit, ce que nous avons tenu pour préoccupant en tant que partisans de l’amélioration du saint Empire. Comme nous sommes l’une des villes impériales les plus proches de ceux de Schweinfurt, donc pour l’honneur du saint Empire et aussi à cause du voisinage, nous avons écrit à nos bons amis ceux de Rothenbourg et ceux de Windsheim, qui appartiennent aussi à votre grande puissance royale et au saint empire, d’envoyer sans faute leurs délégations du conseil auprès de notre délégation à Schweinfurt pour y apprendre si un conflit s’y était produit et quelle était son allure et pour noter s’il y avait là quelque litige où il faudrait travailler avec zèle afin de voir si ces conflits pourraient être calmés et l’ordre ramené. Les susdits de Rothenbourg et de Windsheim, pour honorer votre grâce royale et aussi à cause du voisinage, étaient prêts à le faire et leurs délégations et la nôtre arrivèrent à Schweinfurt. Là ils constatèrent que certains de la communauté s’étaient unis et que la communauté avait mis en place plusieurs commandants qui se sont emparés des gens du conseil et les ont contraints à jurer, à s’engager et à souscrire à ce que ces derniers leur demandaient au nom de la communauté. Les délégations des conseils de nos villes susdites travaillèrent alors quelques jours auprès des commandants de la communauté pour apprendre la nature de l’affaire qu’ils avaient envers les gens du conseil et ils demandèrent aussi à entendre la réponse des gens de ce même conseil.» 521

Au fil des registres épistolaires, d’autres missives municipales manient à leur tour l’argument du voisinage. Le 10 janvier 1502, le conseil de Rothenbourg, contraint de décliner une demande venue de Windsheim, souligne néanmoins son attachement au « bon voisinage, à l’amour et à l’amitié » entre les deux gouvernements :

« Vous nous avez écrit suite à la demande faite dernièrement par votre agent Endres Waldenfelsser au sujet de Weygand Wittner placé en prison chez vous et vous nous avez demandé d’interroger ledit prisonnier sérieusement au vu des affaires consignées dans votre document, etc, nous en avons pris note et avons récemment fait savoir à votre agent et d’autres que Weygand Wittner n’est pas en prison de notre fait, mais de celui de notre grâcieux sire de Weinsberg, de sorte que vous devez considérer qu’il ne nous appartient pas de l’interroger selon votre demande, quand bien même nous sommes toujours prêts à vous faire preuve de bon voisinage, amour et amitié » 522 .’

Les missives de Nuremberg témoignent des mêmes sentiments vicinaux, à l’égard de Rothenbourg, Schweinfurt, Windsheim et Wissembourg 523 .

« Comme notre sire le roi des Romains est malheureusement décédé, ce qui nous peine de tout cœur, nous nous demandons ce que vous pensez faire à ce propos et si cette affaire vous est parvenue. De telle sorte que si vous croyez que nous et les autres villes de votre et de notre voisinage devons nous réunir, faites le nous savoir en retour car nous sommes volontiers prêts à faire une assemblée chez nous. Si nous apprenions quelque chose à ce sujet qui semble le requérir, nous voulons volontiers réunir une assemblée » 524 . ’

Au gré des références au voisinage dispersées dans les missives se dessine donc peu à peu le cercle des « voisines » de Nuremberg et Rothenbourg. Nuremberg recrutait ses « voisines » jusqu’aux limites de la Franconie. Elle y comptait Rothenbourg, Windsheim, Wissembourg et Schweinfurt, la plus lointaine, à plus de 100 km de là. Quand les missives nurembergeoises mêlaient l’amitié au voisinage, c’était sans faute aux villes impériales de Franconie que ces deux notions renvoyaient.

« Nous avons récemment reçu une missive en réponse de notre très gracieux sire le roi des Romains, qui est adressée à votre sagesse, à nous et à certaines autres villes impériales franconiennes, vos et nos bonnes amies et voisines » 525 .’

Seules les villes impériales du pays se trouvaient ainsi admises dans le voisinage de Nuremberg. Les horizons vicinaux de Rothenbourg présentaient par contre une plus grande variété. Ils étaient aussi d’une envergure plus restreinte. Les « bonnes amies et voisines » de la cité sur la Tauber s’inscrivaient tout au plus dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de la ville. Parmi ces voisines, des villes d’empire : Schweinfurt, Nuremberg, Windsheim 526 et Schwäbisch Hall. Les missives municipales de Rothenbourg surmontaient cependant les différences de statut et admettaient sans façon les villes seigneuriales de Creglingen et Uffenheim 527 dans le voisinage.

Lettre à Creglingen

« Nous avons lu tout le contenu de la lettre que vous venez de nous adresser au sujet du recours en justice de notre bourgeois Steffan von Mentzingen. Nous vous faisons savoir sur ce, que même si le recours en appel de Steffan von Mentzingen va à l’encontre de notre privilège et liberté, vous avez tout de même dans ces mêmes affaires les causes et les points sous les yeux, de sorte que pour l’instant nous ne procédons et recourons pas à l’exequitation. Nous ne voulions pas vous le cacher, car nous sommes enclins à vous rendre service en voisins. » 528

Lettre à Uffenheim :

« Nous avons lu le contenu de votre lettre au sujet de Hans Geyssendorfer d’Habelsheim et il s’avère dans cette affaire que ledit Weyssendorffer a jusque-là vécu comme habitant de notre ressort (vogtei) auprès de son père à Habelsheim et il a tenu des propos injurieux et commis d’autres délits envers notre curé à Orembach et envers d’autres personnes, de telle sorte qu’il a été contraint et forcé pour cela de répondre en justice face aux plaignants et d’obtenir un règlement devant notre tribunal zum Rod où ces mêmes affaires ont eu cours. Comme vous pourrez vous-mêmes facilement le constater, cela s’est fait conformément à l’union existant entre notre gracieux sire et nous, et non à l’encontre de celle-ci, sinon nous ferions en sorte qu’il relève de vous. Nous ne voulions pas vous cacher cela dans la mesure où nous sommes enclins à une bonne volonté vicinale. » 529

Aux yeux de Rothenbourg comme de Nuremberg, la proximité aidait au voisinage, mais n’y suffisait pas. Dans un rayon qui variait au gré de la centralité de la ville, les voisins étaient avant tout des proches choisis, des partenaires avec lesquels les liens d’amitié se concrétisaient et dont on pouvait faire des alliés. Libre à chaque ville ensuite de choisir ses voisins à sa guise. Nuremberg les recrutait parmi les villes de son espèce, tandis que Rothenbourg semblait moins regardante. Jusque dans le choix de ses « voisines », Nuremberg appliquait une logique corporatiste qui privilégiait les villes d’empire. Elle ne fut manifestement que peu suivie par les petites villes impériales franconiennes, qui à la discipline de corps préférèrent sans doute le pragmatisme.

En Franconie, le voisinage ne formait pas un simple idéal dont quelques villes se réclamaient. Des textes normatifs et des pratiques venaient en effet à l’appui du sentiment d’appartenance. On a jusqu’ici peu souligné la place du principe de proximité et de secours entre voisins dans les édits de paix (Landfrieden) et les ligues urbaines. Il y est pourtant omniprésent et essentiel.

Le premier édit de paix franconien, établi le 1er juillet 1340 sous l’égide de l’empereur Louis le Bavarois 530 établit une règle reprise ensuite dans la plupart des Landfrieden postérieures 531 . En cas d’attaque ou d’atteinte à leurs droits, les membres de l’union, sires et villes, pouvaient porter leur plainte au comité de la Landfrieden. Si ses neuf membres reconnaissaient l’existence d’une injustice, ils devaient requérir le secours des sires et des villes les plus proches, astreints à l’aide jusqu’à règlement satisfaisant de l’affaire (article 2). Les articles 5 et 8 précisaient encore les devoirs nés de la proximité. Si un partenaire de la Landfrieden ou d’autres gens innocents subissaient des torts, étaient emprisonnés, blessés, volés ou tués lors de leur traversée du pays, le sire ou la ville les plus proches devaient dépêcher leur aide. Si, suite à une attaque, le comité décidait d’entreprendre un siège, les dépenses devaient être avancées et couvertes par les 3 sires et villes les plus proches.

Les édits de paix suivants reprirent les mêmes principes en les enrichissant. En 1371, il s’agit par exemple d’aider le voisin en difficulté « comme un autre soi-même ». Les textes introduisent aussi une notion de proximité décroissante 532 . En cas de besoin, ils prônent la coopération dans des cercles de plus en plus éloignés. Ainsi, si le comité reconnaît le fait d’atteinte à la paix, il doit d’abord demander l’aide des sires et des villes les plus proches. Mais si le comité estime la victoire impossible avec l’unique secours des autorités les plus proches, il doit impliquer à leur tour des seigneurs et villes un peu plus lointains, selon l’ampleur de l’aide nécessaire.

Pour ne pas accabler outre mesure des voisins démunis, les édits de paix admettent cependant une restriction. Ils rappellent que, hormis la règle de proximité, les sires et les villes les plus proches contribuent à l’aide selon leurs forces respectives, leurs matricules coutumières aux édits de paix (nach markzal). Progrès de l’armement aidant, le secours demandé aux voisins est en effet de plus en plus onéreux. Il implique un soutien humain, mais aussi logistique et matériel. Selon la version franconienne de la Landfrieden d’Eger en 1389, les sires et villes proches, disposant de l’équipement militaire et des canons pour un siège, avaient à prêter leurs engins sur demande pour servir la paix.

Quand les villes souabes et franconiennes nouèrent des unions spécifiquement urbaines, elles firent preuve d’un même pragmatisme, en imposant la solidarité aux villes les plus proches. Les trois villes les plus proches se trouvaient astreintes à la divulgation des informations, ainsi qu’à une aide militaire et financière. Afin d’empêcher que les liens du voisinage ne se détournent des intérêts généraux de la ligue, les autres communes exigeaient cependant qu’on s’en remette dès que possible aux volontés de l’assemblée générale des villes :

« S’il arrivait, que Dieu nous en préserve, qu’une ville parmi nous ou plusieurs soit occupée ou assiégée, de telle sorte qu’elle ne puisse avertir les autres villes parmi nous, dès qu’une ville parmi nous ou plusieurs s’en aperçoivent ou en sont averties, cette ville ou ces villes doivent alors sans faute et sans réserve avertir les trois villes les plus proches, que cela soit par une réunion ou sans réunion, pour qu’elles puissent venir en aide à la dite ville assiégée à leurs frais, avec leurs engins de guerre et toutes autres choses afin qu’elles puissent alors sauver et prémunir la ville, et quoique ces trois mêmes villes, les premières averties, qui sont les plus proches parmi nous, fassent et entreprennent, aussitôt qu’elles le peuvent sans danger, elles devront nous convoquer le plus vite possible dans une ville qui est la mieux située pour ces affaires » 533 .’

Aux villes proches, les textes réglementaires dictaient ainsi depuis le XIVe siècle un comportement normé. Elles devaient se comporter en bonnes voisines, ce qui, au demeurant, ne différait guère du voisinage entre particuliers, promiscuité en moins.

« Le voisinage (Nachbarschaft) est un concept issu de la communauté de vie villageoise et paysanne, mais il s’est appliqué également avec l’apparition des villes à la vie commune plus étroite bourgeoise. Il s’est aussi élargi en sus et fut même utilisé pour l’union étroite des localités d’une région homogène donnée. Dans ce sens, depuis la fin du Moyen Âge, on en vint à des voisinages de villes, en large majorité entre des villes impériales établies à proximité les unes des autres : Non seulement le faible éloignement, mais encore bien plus les problèmes, les menaces, les destins et les requêtes communs encourageaient une coopération plus étroite » 534

D’après les édits de paix ou les textes d’union, la ville « voisine » avait par définition un accès privilégié aux informations. Elle était souvent la première au courant, que ce soit grâce à ses citoyens ou grâce à la simple rumeur. Il en découlait pour elle une obligation de divulgation des informations aux autres personnes concernées. Avertie de la mort du roi, Nuremberg se devait par exemple de l’apprendre à ses amies, Ulm et Nördlingen, comme à ses amies et voisines Wissembourg, Windsheim, Rothenbourg et Schweinfurt 535 . Le voisin dit ce qu’il sait, il fournit des renseignements sur ce qui se passe. Mais là où l’amitié n’induit qu’une simple communication d’information, le voisinage implique aussi l’action. Instruites des événements, les deux ou trois villes voisines doivent se réunir et se concerter. Avertie du renversement du conseil à Schweinfurt, c’est fortes de leur légitimité de voisines que Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim partent sur les lieux en quête de nouveaux renseignements.

« Le voisin devait avoir ouverts une oreille, un œil, pour surprendre ce qui pouvait se tramer contre l’honneur, la sécurité, la fortune de la ville ; et une bouche pour donner l’alarme. Mais cette bouche, cette oreille, cet œil devaient par contre demeurer clos sur les secrets de la ville. » 536

Le voisinage implique aussi l’entremise et l’intercession. Il est des devoirs du voisin de se mêler de ce qui ne le regarde pas. De l’avis de tous, il est le mieux placé pour intercéder. Les voisins sont donc des arbitres tout trouvés dans les tentatives de conciliation amiable entre les deux partis concernés. Ils définissent un espace de règlement des différends à l’amiable, souvent étendu à deux ou trois villes. De l’intercession au droit d’ingérence, il n’y a qu’un pas. Et, dans les textes de Landfrieden par exemple, on semble considérer que le voisin a une responsabilité à l’égard de ce qui se passe à côté. Il peut avoir à rendre des comptes si la ville la plus proche se détourne du droit chemin, et devient un foyer de sédition. L’aide offerte, l’immixtion parfois imposée contre la volonté du voisin, se mêlent alors à la peur d’être gagné par les troubles que connaissent les villes proches. L’intervention en est d’autant plus efficace et prompte 537 .

Les règles instaurées par les édits de paix ou les ligues urbaines renforçaient les liens et devoirs du voisinage. Il ne s’agit peut-être que d’un hasard du corpus, mais dans les missives de Nuremberg, le sentiment de voisinage s’exprime sur une durée, qui coïncide avec la grande période d’activité des Landfrieden franconiennes. Dans cette première moitié du XVe siècle et jusqu’au rapprochement des villes impériales prôné par Sigismond en 1424, le soutien du souverain aux alliances locales ou urbaines autorisèrent et ravivèrent la manifestation des sentiments de voisinage entre villes. Dans l’empire, le recours aux plus proches voisins, qu’ils fussent des nobles ou des villes, fut une habitude instillée par les institutions impériales et perpétuée par les ligues urbaines. La coutume impériale perdura au-delà des édits de paix. Dans la deuxième moitié du XVe siècle, on retrouve la règle de proximité dans les principes de désignation des commissaires impériaux. Pour représenter sa justice localement et arbitrer en son nom des conflits, le souverain avait gardé l’habitude de puiser dans le voisinage. En 1448, lors du renversement du conseil à Schweinfurt, Frédéric III désigna ainsi au titre de commissaires impériaux de proches voisins de la ville, Nuremberg, Rothenbourg, le comte de Henneberg et l’Erbschenken Conrad de Limbourg.

En Franconie, les injonctions impériales encourageaient depuis le XIVe siècle le développement d’un sentiment de voisinage aussi bien entre villes impériales qu’entre villes et seigneurs territoriaux. Aussi ne faut-il pas s’étonner de rencontrer, dans les missives municipales, une référence au voisinage envers quelques nobles, princes ou villes seigneuriales. Certains correspondants demandaient parfois à Nuremberg d’intercéder pour eux auprès de ses « voisins » nobles comme le comte palatin 538 . Dans les litiges opposant une ville et un noble, il n’était pas rare non plus de voir les villes voisines de ce dernier intercéder pour lui auprès de la cité concernée.

« Nous avons récemment reçu trois lettres de plusieurs nobles et renommés chevaliers et écuyers et de vos et nos bons amis les conseils de Ratisbonne et de Straubing où ils nous écrivent sagement et nous font demande pour Caspar von Aw zu Brennberg leur parent, ami et voisin » 539 . ’

La ville de Schweinfurt sollicita quant à elle de l’empereur le droit d’alliance avec ses nobles voisins au motif que les villes impériales franconiennes étaient trop éloignées pour la secourir efficacement.

« En considération de leur besoin, à savoir qu’ils sont situés trop loin et à une trop grande distance de nos autres villes et villes du saint Empire et qu’ils sont fortement imbriqués dans des territoires et contrées, de telle sorte qu’une aide et un soutien leur seraient nécessaires, nous leur faisons la grâce particulière par pouvoir et exécution royale, pour notre bien, aide et soutien, pour celui de l’empire et le leur, de s’unir et s’allier envers et avec qui ils veulent parmi nos sujets et amis et ceux de l’empire et où cela leur semblera le plus aisé et le plus utile, pour qu’ils puissent ainsi rester dans leurs droits et conserver le droit, la justice, la liberté, les coutumes et anciens usages de la ville » 540 . ’

L’appartenance au voisinage pouvait donc autoriser et sceller des rapprochements qui n’avaient rien d’intercommunaux. Elle est cependant essentielle pour comprendre les mécanismes de la coopération urbaine franconienne. Non content de fournir un mot d’ordre aux villes en quête d’union, le voisinage a renforcé les liens de certaines cités. La règle de proximité inscrite dans les édits de paix et les ligues urbaines appelait des villes proches à une coopération plus forte que celle qu’entretenaient communément les contractantes d’une même alliance. Les pratiques liées au voisinage créèrent avec le temps des noyaux durs de l’intercommunalité, des pôles de solidarité intense organisés selon des considérations de proximité. Sur le terrain favorable de l’amitié urbaine, des groupes de deux ou trois villes virent ainsi leurs destins encore plus étroitement imbriqués. Schweinfurt était vouée à remettre son sort entre les mains de Rothenbourg, Windsheim et Nuremberg, comme Rothenbourg était liée à Dinkelsbühl, Windsheim et Nuremberg.

Notes
519.

La nouvelle d’un renversement du conseil à Schweinfurt parvint à Nuremberg dans les premiers jours de janvier 1447. Nuremberg et Rothenbourg furent alors les premières à envoyer leurs délégations sur place pour constater de visu l’étendue de l’émeute. Des délégations de Nördlingen et d’Augsbourg, dépêchées par la ligue souabe, les suivirent de peu. Mais la ligue souabe convint rapidement de laisser le suivi de l’affaire aux villes de Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim.

520.

Cf. StAN, BB18, fol.169

521.

Cf. StAN BB 18, fol. 169 et s. : « Uns hat bey etlichen tagen angelangt, wie die gemayn in ewrer küniglichen gnad und des hailigen Reichstat zu Sweinfurt mit dem Rate daselbs nicht aynung sunder in zwytracht seyn sölten, daz wir als liephaber bessrung des hailigen Reichs sachen betrüplich vernamen. Wan wir nu denselben von Sweinfurt der nehstgelegen Reichstett aine seyn, also dem hailigen Reich zu eren und auch von nachpawrschaft wegen schryben wir unsern guten freunde den von Rotemburg und den von Windsheim auch zu ewrer küniglichen grossmechtikeit und dem heiligen reich gehörenden ire ratsbotschefft zu unserer Ratsbotschaft on vertziehen gen Sweinfurt zu schicken daselbs zu erlernen ob zwytracht da ergangen und wie die gestalt und mit namen ob etwas zwayung da were sich alsdenn mit fleiss darunter zu bearbeyten ob sölliche zwytracht gestillet und wider zu guten stande bracht möchten werden. Als nu die gemeldten von Rotemburg und von Windsheim ewrn küniglichen gnad zu eren und auch von nachpawrschaft wegen willig waren und ir und unser ratsbotschefft gen Sweinfurt kamen, die funden daz ettliche von der gemaynen eynung da gemacht und die gemayne ettwievil hawptlewt gesetzt die sich do der vorgemelten lewt des Rats gemechtigt und genötigt hetten zu sweren sich zu verpinden und zuverschreiben wes dieselbe von der gemeyn gewölt haben. Darauf sich do unserer vorgenanten Stett Ratsbotschefft gen der gemayn hawptlewten etliche tag mit fleiss bearbeyten zu erlernen was sache sie zu den lewten des Rats bey in hetten, sie baten auch derselbe lewt antwort zu hören. »

522.

Cf. Stadtarchiv Rothenbourg Missivenbuch n°216, fol.123v ; n°221, fol.83v « Als ir uns uff die werbung so Ewer diener Endres Waldenfelsser nechst Weygandt Wittners halben by ewrs in fanckniss ligend gethan jetzo geschriben und gebetten genannten gefangen angezaigt sachen halb in Ewer schrifft verliept ernstlich zu fragen etc hand wir vernomen und nechst genannten Ewrn diener und ander zu erkennen gegeben, daz Weygand Wittner unns nicht sonndern unnsern gnediger Herren von Weinsberg in gefancknus lige uss dem ir abzunemen hapt daz uns nicht gepuren wil in laut ewer bith zu fragen, wie woll wir allezeit willig sind euch gute nachpawrschafft und lieb und freuntschafft zubewyssen ».

523.

L’évocation du voisinage figure aussi dans les lettres suivantes : Cf. StAN BB3, fol.59 ; BB5, fol.249v, fol.264v; BB6, fol. 22v, 60v, 78, 97, 109v, 110v, 111v, 112, 119v, 131, 150, 162v, 163 ; BB18, fol.169

524.

Cf. StAN BB 3, fol.59.

525.

Cf. StAN, BB 6, fol. 97 (10/07/1424). Nuremberg emploie ce raccourci dans ses lettres aux villes impériales de Franconie. Il figure aussi dans des missives adressées à Ulm quand Nuremberg raconte à la cité souabe son action auprès de ses homologues franconiennes On trouve ainsi au fol. 162v : « nos bons amis et voisins, les villes franconiennes » (guten freunden und nachbaren den fränkischen Stetten). Les expressions employées par les missives peuvent parfois prêter à confusion. Si les « fränkischen Stetten » désignent ici les villes impériales franconiennes, ce n’est pas le cas dans une lettre adressée à Würzbourg dans le BB1, fol. 27v. L’expression « Stetten in Franken » y renvoie aux villes de l’évêché de Würzbourg.

526.

Rothenbourg manifeste ses relations de bon voisinage avec Windsheim dans une union contractée en décembre 1397. Cf. HstA München, Rst Ro U819-823 ; Rst Windsheim U75-76 ; UB Windsheim, p. 329 et s., n°682-684

527.

Uffenheim se situe à une vingtaine de kilomètres au nord de Rothenbourg, sur la route de Würzbourg. La localité faisait encore figure de bourgade en 1347. Elle reçoit le qualificatif de ville pour la première fois en 1349. Après avoir longtemps appartenu aux comtes de Hohenlohe, la ville fut vendue aux burgraves de Nuremberg en 1378.

528.

Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, Mis 221, fol.83 : « Ewr Schreiben, unns jungst gethan unsers burgers Steffan von Mentingens Appellation betreffend, haben wir alles inhalts verlesen und geben euch darauff zu erkennen, wie wol Steffan von Mentzingen vermaynte appellation beschehen ist wider unser privilegium und freiheit, so sein doch ir in der selben sachen dermassen ursachen unnd puncten voraugen, das wir noch zur zeyt mit der Exequitation nit procedirn und furfaren kond, das wolten wir euch guter maynung nit verhalten, dan euch nachparlich dinst zu thun sind wir genaigt »

Rothenbourg traite Creglingen en « voisine »aux pages suivantes : Stadtarchiv Rothenbourg, Mis 221, fol. 11v, 83 et 153v (à l’ammann de Creglingen)

529.

Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, Mis 221, fol. 130. Rothenbourg à Uffenheim : « Ewer schreyben, unns yetz gethan Hanns Geyssendorfer von Habelsshaim betreffend, haben wir irs innhalts verlesen und hat die sach die gestalt, genanter Weyssendorffer hat bisher als ain inwoner unser vogtey bey sein Vatter zu Habelsshaim gewont und gegen unserm Pfarrer zu Orempach und andern personnen mit schmehwortten und andern freventlichegehandelt, dermassen das er darumb gerengt und zupflichten genomen worden ist den clegern umb sollichs an unserm gericht zum Rod daryn sich dann die selben sachen verloffen haben rechtlich zu antworten und austrags zu gewartten, alls ir dan selbs kond achten, pillich beschicht ist auch der aynung zwischen unserm gnediger Herren und uns wesende gemess unnd nit wider, sunst lassen wir geschehen, das er nochfuligennds Ewr hinderst werd. Wolten wir Euch als den wir zu nachparlichen willen genaigt sind gutter maynung nit verhalten. »

530.

Cf. Gerhard Pfeiffer (éd.), Quellen zur Geschichte der fränkisch-bayerischen Landfriedensorganisation im Spätmittelalter, Munich, (Schriftenreihe z. bayer. Landesgesch. 69), 1975, p. 28

531.

Cf. Gerhard Pfeiffer, même ouvrage. Voir les Landfrieden de 1349, 1353 (p. 39), de 1368 (p.53), de 1371 (p.60), de 1378 (p.81), de 1389 (p.90)

532.

Cf. Gerhard Pfeiffer, même ouvrage, par exemple dans l’édit de paix de 1349, p. 34 et s.

533.

Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°47, fol. 7v et s., « Die eynigung mit gemeynen Steten », 1446. Cette union correspond à l’union des villes impériales franconiennes de Windsheim, Wissembourg, Nuremberg et Rothenbourg avec les villes de la ligue souabe : « Geschee auch das, das got nit enwölle, das dhein Stat under uns one anderer eine oder mer besessen wurden oder mit belegere also verkümert weren, das sie die andern stete under uns nicht gemanen möchten, als bald denn wir andern stete unnser eine oder mer ald welich das denne des ersten inwesen oder gewar würden, es beschee mit manung oder one manung die oder die selben Stete oder Stat sullen dann unvertzogenlich und on alle geverde die nechsten drey Stete dabey manen, das sie derselben belegen Stete zu hilf komen mit coste, mit getzeug und mit allen andern sachen damit sie dann irer Stat geretten und versehen mügen und das auch denne dieselben drey Stete die nechsten under uns tun und volle furen sullen als verre sie vermügen on alle geverde. Dartzu sullen die selben Stete die des ersten innen und geward sind worden, uns alle andere Stete uf das kurtzest auch zusamen manen an ein Stat die denne den sachen aller beste gelegen ist… »

L’union de 1452 entre Nuremberg, Nördlingen, Rothenbourg, Dinkelsbühl, Windsheim et Wissembourg comprend une clause similaire en cas de siège. Les 2 ou 3 villes les plus proches doivent aider ; la plus proche doit avertir les autres. Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°47, fol. 19 et s.

534.

Cf. Ludwig Schnurrer, « Schwäbisch Hall und Rothenburg. Die Nachbarschaft zweier Reichsstädte in der Geschichte », dans Württembergisch Franken – Jahrbuch des Historischen Vereins für Württembergisch Franken 65 (1981), p.145-176

535.

Cf. StAN, BB 3, fol.59

536.

Extrait de Pierre Toulgouat, Voisinage et solidarité dans l’Europe du Moyen Âge, Paris, 1981.

Sur le voisinage entre villes, voir Ludwig Schnurrer, supra et du même, « Benachbarte Reichsstädte : Windsheim und Rothenburg », Windsheimer Zeitung (sept.-oct. 1983)

Sur le voisinage en ville, voir Yvonne-Hélène Le Maresquier-Kesteloot, « Le voisinage dans l’espace parisien à la fin du Moyen Age : bilan d’une enquête », Revue historique janv./mars 1998, p. 47-70. Voir aussi J.P. Leguay, La rue au Moyen Age, Rennes, 1984 ; Claude Gauvard, « De grâce especial ». Crime, Etat et société en France à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Paris : Publications de la Sorbonne, 1991, ici vol. 2, troisième partie ; Christiane Klapisch-Zuber, La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l’Italie de la Renaissance, Paris : EHESS, 1990, en particulier chap. III : « Parents, amis et voisins », p. 59 et s.

537.

On peut ainsi remarquer que Nuremberg et Rothenbourg proposent leurs services à Schweinfurt en 1447, alors que cette dernière ne fait plus partie de la ligue urbaine souabe et n’est plus en alliance avec les autres cités impériales franconiennes. La surveillance des conflits internes dans les villes est un des domaines d’action des ligues et unions urbaines. Les villes prêtaient une attention particulière au moindre foyer de sédition dans les cités seigneuriales ou impériales, qu’il s’agisse de la destitution mouvementée d’un conseiller ou d’une émeute de la communauté. Elles intervenaient aussitôt pour entendre le récit des événements et proposer leur arbitrage.

538.

Cf. StAN, BB 18, fol. 453. Nuremberg est chargée par les membres de la ligue souabe d’établir le contact avec le comte palatin (11/02/1448).

539.

Cf. StAN, BB 18, fol.448v et 449 (03/02/1448) ; fol.453

540.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suifurtensia historica, Schweinfurt, 1875, n°239, p.217, privilège accordé par Sigismond à Schweinfurt le 5 novembre 1427.

Le même argument de l’éloignement est invoqué par la ville de Ratisbonne quand elle désire rester en dehors de l’édit de paix pour la Franconie et la Bavière en 1396, après avoir pris part pendant 6 ans. Ceux de Ratisbonne seraient trop « mal situés et difficilement visitables (ungeleglich und zu suchen swere gewesen), parce qu’ils étaient trop loin et que de la sorte « l’aide et la protection convenues » leur faisaient défaut. L’argument fut suffisamment fort pour obtenir du roi Wenceslas la garantie de ne pas tomber en disgrâce. Cf. Gerhard Pfeiffer (éd.), Quellen zur Geschichte der fränkisch-bayerischen Landfriedensorganisation im Spätmittelalter, Munich, (Schriftenreihe z. bayer. Landesgesch. 69), n°332, p. 177