Le lien impérial

Les chroniques comme les éloges montrent qu’en chaque ville impériale s’épanouissait le sentiment d’incarner l’empire. Heinrich Schmidt a dégagé cette identité à Augsbourg comme à Lübeck ou Nuremberg, Pierre Monnet l’a confirmée à Francfort 546 . Contre l’accusation d’égoïsme émise par les princes, les villes impériales affirmaient la solidarité des intérêts urbains et de l’intérêt impérial. Face aux engagères royales ou aux conquêtes princières, chacune protestait de sa fidélité et de son amour pour l’empire, arguant que de tels gestes était pour lui une trahison. On se disait dans ces villes « prêts à verser son sang » pour rester au sein de l’empire romain 547 , avec le sentiment d’être les derniers bastions d’un édifice prêt à s’effondrer, car atteint dans ses fondements.

Etre villes d’empire les invitaient au minimum à observer dans leurs relations une bienveillante neutralité. Puisqu’elles croyaient individuellement incarner l’empire, l’idéal chrétien de paix impériale devait régner en elles et entre elles.

Rothenbourg traduisit cette idée en 1502 dans une lettre à Nuremberg, qui la soupçonnait de trahison. Alors que la guerre de succession bavaroise faisait rage, la rumeur colportait que Rothenbourg avait fourni du grain au parti margravial ennemi. Pour se laver de tout soupçon, Rothenbourg invoqua successivement l’appartenance à l’empire, le voisinage et sa longue amitié avec Nuremberg.

« Votre prudente sagesse peut être totalement assurée que nous tenons pour inamicaux les sires qui nous accusent ainsi et que même si nous avions connu ces faits, nous n’aurions pas agi volontiers contre une ville de l’empire, même si elle était éloignée de nous ou nous était contraire, nous n’en connaissons au reste aucune, et nous aurions d’autant moins de raison de le faire contre votre prudente sagesse qui s’est toujours montrée jusque là bonne voisine, amicale et bienveillante et active dans toutes nos affaires en cours… » 548 . ’

La solidarité de l’empire devait régner entre les villes qui en formaient les membres. En s’alliant de son côté avec la chevalerie franconienne en 1423, Schweinfurt n’ignorait pas qu’elle risquait de manquer à ses devoirs d’amitié envers les villes impériales. Aussi veilla-t-elle à faire inscrire dans l’alliance une clause d’exception  ; elle ne devait prêter son aide militaire que si les villes impériales agissaient en contradiction avec ce qu’elles prônaient, en rompant elles-mêmes la paix ou en agissant contre le droit 549 .

« Et si tous ou une partie de notre union avions maille à partir ou étions en Fehde avec une ou plusieurs villes d’empire, les susdits de Schweinfurt ne seraient pas obligés ou tenus de nous aider ou d’aider celui qui aurait un tel combat contre les villes impériales, à moins que ces mêmes villes d’empire ne veuillent attaquer quelqu’un de notre union et ne veuillent monter le siège ou ne veuillent lui faire une injustice. Dans ce cas, les susdits de Schweinfurt devraient lui venir en aide et renfort avec leurs équipements à cheval et pas plus, comme cela est écrit avant, et à leurs coûts et dommages, comme notre union le prévoit sans arrière-pensée. » 550

Leur appartenance commune à l’empire fixait cependant aux villes royales des impératifs bien supérieurs à une simple pacification de leurs rapports. Beaucoup de ces obligations furent évoquées lors du renversement du conseil à Schweinfurt en 1446-1447, de sorte que l’événement peut prendre une valeur d’exemple 551 .

Etre de l’empire autorisait chaque ville à agir contre ce qui, à ses yeux, en menaçait l’existence. Cette règle, qui se retournait souvent contre des nobles, confortait aussi le droit d’ingérence des villes d’empire chez leur semblable. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agissait d’agir » pour l’honneur du saint Empire ». C’est fortes de ce bon droit que Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim se mêlèrent du litige intra-urbain de Schweinfurt.

« Nous racontons à votre grâce royale cette susdite histoire et affaire au titre de sujets obéissants, comme nous l’aurions fait aussi sans faute si le travail et le zèle de nos susdites villes s’étaient avérés plus capables de règlement, pour que votre éminence royale puisse s’occuper de cette même affaire et la régler au mieux et selon la nécessité de l’empire romain […], afin que le désordre et les dommages là-bas ne s’aggravent pas, mais se résorbent et que cette même ville de Schweinfurt qui est un très bon bastion pour le saint empire ne soit pas enlevée au saint empire... » 552 .’

Les trois délégués dépêchés sur place, Karl Holzschuher de Nuremberg, Jobst Zettler de Windsheim et Heinrich Schultheiss de Rothenbourg tinrent aux émeutiers de Schweinfurt le même langage :

« alors ils leur dirent que tous trois, chers amis, avaient été envoyés chez eux au nom de leurs sires et amis des trois villes de Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim, comme des gens qui avaient à cœur l’honneur de la ville de Schweinfurt et le bien du saint empire, et pour leur intérêt, ils leur auraient recommandé de dire qu’ils devaient considérer que la ville de Schweinfurt était depuis si longtemps dans une grande honnêteté et grande fidélité envers les princes, sires, chevaliers, écuyers, villes et envers tous les roi et empereurs romains, et ils avaient coutume d’être au sein du saint empire, de sorte qu’ils ne devaient pas s’acharner pour ne pas sortir du saint empire et ne pas perdre leur bonne fidélité que leurs ancêtres avaient longtemps conservée […] tous trois espéraient ramener l’affaire au calme et au mieux et il fallait qu’ils considèrent qu’ils sont de l’empire. Comme eux aussi étaient de l’empire, comme il ne s’était pas encore passé tant de choses que cela, on pourrait sans doute régler cette affaire. » 553

Au nom de l’empire, les villes impériales appelaient chacune d’entre elles à rechercher, en cas de besoin, le secours exclusif de ses pairs. L’impératif était d’autant plus grand à Schweinfurt que la cité pouvait préférer aux villes ses alliés de la chevalerie ou son protecteur princier.

« [ceux de Schweinfurt] ne pouvaient pas bien s’aider eux-mêmes dans ces affaires ; pour pouvoir arranger ces dernières, on devait les y aider. Et ils pouvaient faire confiance aux villes plutôt qu’à tout autre, car elles réfléchiraient en anticipant et tenant compte de ce qui pourrait advenir de leurs affaires » 554 . ’

Sous couvert de l’intérêt impérial, les villes d’empire partisanes de l’intercommunalité tentaient ainsi d’inculquer dans leurs rangs une discipline de groupe et de rappeler ses règles de fonctionnement. Un comportement identitaire était à leurs yeux le seul garant du maintien de chacune dans l’empire. Ensemble, les villes du roi se posaient en gardiennes des coutumes de l’empire comme de la constitution de chacune d’entre elles 555 . Leur coopération, surtout en matière judiciaire, offrait d’autre part une assurance de secret sur les affaires politiques locales.

« Tous trois avaient entendu dire […] qu’ils voulaient mettre en place un autre conseil et faire des corporations, ce qu’ils n’avaient aucun droit de faire, car cela n’était pas coutumier avant, […] ils voulaient le faire de leur propre force, mais cela ne leur avait été permis ni par les papes ni par les empereurs ni par les rois, s’ils le faisaient quand même, ils feraient injustice à l’empire et à notre sire le roi et à eux-mêmes, ils savaient bien quelles coutumes, quels conseils et ordonnances la ville de Schweinfurt avaient depuis de longues années […] de sorte qu’ils prenaient à cœur tout cela et les trois ajoutèrent qu’ils devaient leur laisser juger l’affaire, ils étaient des bourgeois de l’empire et étaient du même bois qu’eux qui étaient aussi des bourgeois de l’empire et ils estimaient particulièrement la ville parce qu’elle était un bastion (ortschloss) du saint empire, et ils sauraient traiter l’affaire pour les deux partis, il valait mieux qu’ils leur expliquent leur affaire du point de vue des deux partis, plutôt que de devoir se prêter à une réunion judiciaire en d’autres lieux où ils n’aimeraient pas le faire. Car, cela ne pourra pas rester ainsi, on voudra savoir comment et pourquoi cela s’est passé […] Même s’ils ne voulaient pas faire connaître leur affaire et la dire, on en arrivera à ce qu’ils soient obligés de la dire […] Si, chers amis, il y avait dans l’affaire et dans le litige des choses qu’ils aimeraient mieux ne pas communiquer, ils pouvaient leur faire confiance à ce sujet, ils leur donneraient leur parole par un serment ou autre sur ce qu’ils devaient taire ; et ce qui serait à taire, ils le tairaient. Ce qu’ils faisaient, ils le faisaient pour le saint empire et pour eux, aucun homme ne pouvait imaginer quel mal et désordre pourraient résulter de leurs affaires. […] ils leur demandèrent de considérer leur propre honneur et intérêt et de songer aux nombreux dommages qui pouvaient leur arriver de ce fait à eux et à la ville de Schweinfurt, si de telles émeutes et conflits se propageaient dans d’autres villes. » 556

Les discours des délégués rothenbourgeois et nurembergeois exprimaient ainsi leur conscience d’une identité de statut et d’intérêts entre les villes impériales. Au fond, pour « ceux de Nuremberg » ou « ceux de Rothenbourg », peu importaient les murs, on était partout « des bourgeois de l’empire ». Sur la base de cette appartenance commune, la coopération urbaine se voulait avant tout défensive. Ensemble, les villes impériales entendaient rester envers et contre tous des membres de l’empire, des conservatoires des libertés et privilèges impériaux. Mais, si dans leurs discours, Nuremberg et Rothenbourg mettaient en avant une « bourgeoisie de l’empire », l’attitude de Schweinfurt marquait dans le même temps les limites de ce mot d’ordre urbain. Face à ses voisines, Schweinfurt protesta de son appartenance à l’empire et de sa volonté d’y rester, sans pour autant s’attacher à l’identité « bourgeoise ». Les membres du nouveau conseil de Schweinfurt remercièrent leurs homologues venus des villes voisines et leur rétorquèrent « qu’ils espéraient bien, avec l’aide de Dieu, conserver le château (sloss) à l’empire et qu’ils se comporteraient en pieuses gens ». Pour rester dans l’empire, ils ne voyaient pas la nécessité de remettre leur sort entre les mains des autres villes.

Chaque ville cultivait en discours et en gestes une identité locale, destinée à mieux souder sa communauté. Au sein de la région, entre les cités les plus directement en concurrence, ces propos revêtaient même des accents de compétition. Mais il y avait place pour les relations interurbaines. Leur légitimation passait déjà par leur mise en récit. Les chroniques municipales en faisaient une partie intégrante de l’histoire de la ville et en montraient les bénéfices. Selon les cas, les autres cités fournissaient l’exemple à ne pas suivre dans la politique locale ou apportaient la résolution de problèmes internes. L’intercommunalité pouvait de ce fait paraître légitime aux yeux de la communauté. Des sentiments d’appartenance, de force graduelle, venaient par ailleurs à l’appui des relations intercommunales. Entre villes, on légitimait l’action commune par l’amitié, le voisinage ou l’intérêt du pays. Quand ces sentiments s’accumulaient et s’additionnaient à l’intérêt de l’empire, ils contribuaient à souder les coopérations les plus appuyées, contractées entre des villes impériales. Parmi ces dernières, celles qui entendaient former un corps des villes s’approprièrent l’idéal de défense de l’empire. On retrouve leurs propos militants dans tous les manifestes urbains visant à la réforme impériale.

« Songez d’abord que les villes impériales ont été établies pour la consolation de la sainte église, la protection de l’empire, la conservation de toute justice et la consolation de toute la communauté, que toutes les villes d’empire conserve encore aujourd’hui leur serment et sont liées par l’honneur pour monter la garde, là où elles constatent que quelqu’un veut changer les choses justes comme cela arrive malheureusement de nos jours » 557 . ’

L’appartenance à une « bourgeoisie de l’empire » devait imposer dans les rangs un comportement pacifié et donner aux leaders de l’intercommunalité un droit de regard sur chaque ville impériale. Il reste, qu’à l’image de Nuremberg auprès de ses voisines, les villes les plus partisanes avaient des difficultés à créer un véritable comportement de corps. Pour se défendre en justice, pour recruter leurs « voisines et amies », beaucoup de cités impériales sortaient du cercle de leurs semblables. On pouvait être bourgeois sans être de l’empire, ou être de l’empire sans se fédérer avec des « bourgeois ». Les mots d’ordre urbains n’avaient pas la force des liens d’homme à homme qui parallèlement structuraient le groupe noble, ils n’arrivaient pas non plus à masquer en suffisance les écarts entre les cités.

Notes
546.

Cf. Heinrich Schmidt, Die deutschen Städtechroniken als Spiegel des bürgerlichen Selbstverständnisses im Spätmittelalter, Göttingen, 1958 ; Pierre Monnet, Les Rohrbach de Francfort. Pouvoirs, affaires et parenté à l’aube de la Renaissance, Genève, Droz, 1997, (travaux d’humanisme et de Renaissance, 317).

La littérature polémique de la guerre margraviale exprime fortement cette même identification des villes impériales à l’empire tout entier. « On a dit et chanté/ bien noté dans tous les pays/ que le prince et margrave Albrecht/ combat le saint Empire contre justice/ avec l’aide de plusieurs princes/ Il en veut à ceux de Nuremberg : / ils ne lui ont cependant pas fait de tort/ la ville du saint Empire:/ ils lui ont offert considération et honneur/ à lui et son semblable… » Cf. Rochus von Lilienchron, Die Historische Volkslieder der Deutschen…, Leipzig, 1865

547.

L’expression est employée par le conseil de Schweinfurt au cours de ses pourparlers avec ses voisines en 1447. Cf. Stadtarchiv Rothenbourg,

548.

Stadtarchiv Rothenbourg, Mis 216, fol. 201

549.

L’argumentaire urbain ne cessait de reprocher aux nobles leur turbulence fauteuse de troubles et leurs actions illégitimes. Les sources urbaines procédaient à « une criminalisation » des actes nobles, en soulignant par exemple toutes les Fehde commencées sans respect des délais et des procédures. Le contrat d’union de 1423 dicté à Schweinfurt par la chevalerie renvoie donc les villes à leur propre argumentaire. Le sort de Schweinfurt y est subordonné au fait que les villes observent elles-mêmes ce qu’elles exigeaient des autres, au fait qu’elles respectent elles-mêmes la règle qu’elles imposaient aux autres au nom de « l’empire commun ».

550.

Johann Christian Lünig, Des Teutschen Reichs-Archiv, vol. 7 et vol. 12, Leipzig, 1712 et 1713, p. 232, Union des comtes, sires, chevaliers et écuyers de Franconie avec la ville impériale de Schweinfurt (1423) : « Und ob wir alle oder unser ein Theils aus unser Ainung, mit einer oder mehr Reichstetten zu schicken hetten oder zu Vehden kemen, so sollen die offt genanten von Schweinfurth uns oder dem der solche Bevehdung gen Reichstetten hetten, nicht pflichtig oder verbunden seyn zu helffen, es were dann, dass die selben Reichstett, jemands aus unser Ainigung überzogen und sich uf ihn lägerten oder verunrechten wolten, so solten ihm die vorbenanten von Schweinfurth zu Hülff und Statten komen mit ihrem gewöhnlichen täglichen Reysigen Gezeug, und nicht mehr, als vorgeschrieben stehet und auf ihr Kost und Schaden, als unser Ainung ausweiset, ohne Gefehrde ».

551.

Rothenbourg conserve sur les événements de Schweinfurt un dossier très détaillé qui présente les développements de l’affaire, les interventions des autres villes et tout le cours de l’instruction menée par les commissaires impériaux. C’est à mon avis une pièce fondamentale pour la connaissance des litiges intra-urbains et des mécanismes d’intervention entre villes. Il serait bon de l’éditer. Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, A258, Memorabilia der Stadt Schweinfurt

552.

Cf. StAN, BB 18, fol. 169 (16/02/1447), « Söllich obgemelt ergangen geschicht und sachen verkünden wir ewrn küniglichen gnad als gehorsam untertan als wir denn auch onvertziehen getan hetten so unserer vorberürten stetten arbeyt und fleiss ausstregenlicher darynnen gewesen were daz ewr künigliche durchleuchtikeit dieselbe sachen nach des heiligen reichs notdurfft und bestem fürtzunemen und aussrurichten wisse als denn ewr küniglichen grossmechtikeit wol zu fursehen waiss und gern tut ,des wir nicht zweifeln. Damit der unrat und schade daselbs icht grösser sunder gebessert und dieselbe stat Sweinfurt die dem heiligen Reich an dem ende ein mercklichen gut Ortsloss ist dem heiligen Reicht icht empfremdet werde. Wir bitten auch ewr küniglichen gnade unterteniclich söllichs von uns armen lewten gnediclich und in gut als wir das in guter maynung tun zu vernemen uns und die unsern ewrn küniglichen gnad demütliclich befehlende. Das begern wir gehorsamclich zuverdienen umb ewr küniglichen maiestat die der allmechtig got mit seinen gnaden glückseliclich fristen und bewaren welle. Geschrieben von unserer dreyr untengeschriebenen stett wegen unter der von Nüremberg insigel ».

553.

Ces propos furent rapportés par le conseiller rothenbourgeois Heinrich Schultheiss à son conseil. Ils figurent dans un dossier constitué par Rothenbourg sur le renversement du conseil de Schweinfurt : « da würben sie auff meynung Sie lieben freunde sie drey weren von Ire herren und freunde von den dreyen Stete Nuremberg Rotemburg und Winssheim aber zu in gesandt worden als von den die der Stat zu Sweinfurt eren und gutz gëndten dem Heiligen Reiche und in zu nutz die hetten in bevohlen zu werben daz sie ansehen daz die Stat Sweinfurt so lange lag in so grosser redlichkeit und grossem gelauben gein fürsten, herren rittern knechten Stetten und gein allermeinclich bey Römischen keysern und künigen an dem heiligen Reiche herkomen weren, daz sie sich nicht vertyeffen damit sie von dem heiligen Reich kömen und iren guten gelauben verlieren möchten den ir vorfarn lang herbracht hetten, und daz sie in zu erkennen geben was doch die irrung zwischen in wer und in gönnen wölten mit den Alten Reten darauss auch zu reden […] und hofften die sache in rwe und zu gutem bringen und daz sie ansehen daz sie des reichs wern. So weren sie auch des reichs, sich hett noch sovil nit erganngen, es were wol in die sache zu komen. ». Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, A258, fol. 87 à 92. Tous les extraits suivants sont tirés de la même source.

554.

« Sie kondten in selber in den sachen nit wol helffen, solt es gut werden, so müst mann in darein helffen. Nu möchten sie ye den Stetten bass getrawen den andern, dass sie dem ennd nach gedechten, was auss iren sachen werden möcht , und daz sie sich bass bedechten, so wölten sie des andern tags hinwider komen, do hetten sie in antwurten lassen und danckten und sagten in, die Sache were gericht, würd es aber not tun, so wölten sie nyemants dartzu vordern denn die Stett. »

555.

Ce rôle était conforté par les empereurs eux-mêmes. Quand l’affaire de Schweinfurt trouva un règlement devant les commissaires impériaux, la nouvelle constitution établie pour la ville fut confiée à la garde de Rothenbourg.

556.

« Sie drey hörtten sagen, sie giengen domit umb und wölten einen anderen Rate setzen, und zunnft machen, des sie kein macht hetten zu tun, wan es were also vor nicht herkomen, daz sie ein sollichs tun möchte durch recht, sie möchten es auss iren gewalt tun, es were in aber von bapsten noch keysern noch kunigen nie erlaubt, tetten sie es darubern, so tetten sie dem Reiche und unsern herren dem künig und inselbs unrecht, sie wussten wol, wie die Stat Sweinfurt vor lange jare mit sollichem herkomen und mit Reten und andern ordnungen […], daz sie das alles zu hertzen nemen und volgten noch und liessen sie drey die sache richten, sie weren des reichs burger und weren des holtzs, des sie weren, und auch des Reichsburger und göndten der Statt in sünderheit gütz, wann es ein ortsloss des heiligen Reichs wer, sie wölten auch die sachen mit beidertail wissen handeln, es were in nützer, sie geben in Ir sache zu erkennen von baiden tailen, denn daz sie es eins tags andern öffnen müssten, an den ennden daz sie es nit gern tetten. Es würd also nit ligend beleiben, man würd wöllen wissen, wie und warumb es beschehen wer […] wölten sie in aber ir sache nit zu erckennen geben und sagen, so würd es noch dartzu daz sie sagen müsten, warumb und was sie sache wer, darumb sie es getan hetten und würd in nit als nütz werden als es yetz wer ; sie, lieben freunde, weren im sache in dem handell und sachen, der sie nit gern öffnen wölten, wölten sie in denn darumb getrawen, sie wolten in ein gelauben machen mit aiden oder anderem, was sie versweigen solten, daz zuversweigen wer, daz wölten sie versweigen, was sie tetten, daz tetten sie von des heiligen Reichs und iren wegen, kein mensch kond bedencken, was übels und unrats auss iren sachen komen mocht. »

Devant la persistance du nouveau conseil de Schweinfurt à vouloir régler l’affaire seul (ou avec l’aide de son protecteur noble du moment, le margrave de Brandebourg), les délégués de Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim se firent ensuite plus menaçants : « il était nécessaire qu’ils réfléchissent bien à l’affaire et qu’ils se comportent sagement, car si la ville était enlevée au saint Empire par ce conflit, ils ne pourraient pas bien s’en défendre […] Et il serait regrettable qu’ils puissent encourir de sévères peines et punitions, si l’affaire arrivait à notre très gracieux sire le roi. »

557.

Ce sont là les paroles de propagande insérées dans la Reformatio Sigismundi, rédigée en 1439. Ce manifeste reprit les solutions préconisées par Sigismond et les mêla à un projet de réorganisation religieuse et sociale. Il appelait à l’éveil des villes impériales : « A présent, cela dépend des villes d’empire : si elles dorment et ne veillent pas, la chrétienté sera ôtée à Dieu et à tous ses grâces… C’est pourquoi, vous, nobles villes d’empire, soyez appelées… faites comme si vous étiez le membre suprême sur lequel en ce moment est construite la chrétienté ». Cf. L. Graf zu Dohna, Reformatio Sigismundi. Beiträge zum Verständnis einer Reformschrift des 15. Jahrhunderts, Göttingen, 1960, p. 134-135.

Le texte connut un franc succès après 1480. Il servit à cette époque de manifeste aux membres du corps des villes, qui y trouvèrent un outil de légitimation approprié. Imprimé et remanié par un laïc d’Augsbourg, cet écrit assouvissait les désirs de réforme et fut souvent confondu avec la Reformatio Frederici.