Secrétaires municipaux

Des secrétaires municipaux, on aurait pu n’attendre qu’une participation tout à fait indirecte aux affaires intercommunales de leur cité. Du fond de leur chancellerie, ils consignaient sur des registres les lettres échangées par Nuremberg ou Rothenbourg ou prenaient en note les décisions intercommunales émanant du conseil. C’est cependant sous-estimer leur rôle que de les confiner dans des tâches de scribes, d’archivistes, ou de simples figurants de l’intercommunalité. Luther dans ses Tischgespräche rappelle l’importance du poste de secrétaire municipal et sa dimension hautement stratégique. Un bon secrétaire était à une ville ce que les prophètes étaient aux rois.

« Es liget mechtig viel an einem gutten Stadschreyber in einer Stadt, wenn etwas sol ausgerichtet werden… die stadtschreiber thun, wie die propheten vorzceitten thetten bey den konigen » 558 . ’

A la même époque à Nuremberg, Christoph Scheurl dresse un tableau sans équivoque du Ratsschreiber lorqu’il décrit la chancellerie :

« La chancellerie nurembergeoise est dirigée par deux secrétaires municipaux (scribae senatus) en chef. Ils sont introduits dans tous les secrets du conseil. Chaque fois qu’un conseil est tenu, ils doivent être tous deux présents. Mais lorsque seuls les 7 anciens sires (le petit conseil) siègent, un seul est présent. Ils doivent écrire tout ce qui est décidé en conseil. Ils doivent aussi inscrire les lettres que le conseil a envoyées et lire les documents reçus. Au total, ils sont les yeux de l’autorité. Chacun reçoit une solde annuelle de 200 florins. 6 secrétaires de chancellerie sont à leurs ordres et doivent travailler toute la journée. Ils reçoivent annuellement près de 100 florins ». ’

Quelques articles redécouvrent aujourd’hui le rôle-clef que tenait ce personnel au sein des villes médiévales allemandes 559 . Les Stadtsschreiber comptèrent dans leurs rangs des personnalités souvent influentes et renommées, à l’image de Nicolas von Wyle, humaniste souabe, secrétaire à Esslingen, de Konrad Peutinger, figure d’Augsbourg ou de la dynastie des Neithart à Ulm.

Des villes de tous rangs et de tous statuts eurent recours aux Stadtsschreiber. Leur présence témoigne du degré d’émancipation et d’activité atteint par la commune du lieu. A l’origine, dans la plupart des villes impériales, les premiers secrétaires attestés étaient les secrétaires du juge, placés sous l’autorité d’un écoutête impérial (schultheiss). On remonte ainsi pour Nuremberg à l’année 1173, qui coïncida avec l’apparition du Schultheiss et d’un tribunal urbain (Stadtgericht) 560 . A Rothenbourg, siège d’une prévôté royale (Vogtei), dotée d’un tribunal (Landgericht) impérial, les conditions de présence d’un greffier furent réunies tout aussi précocément.

L’apparition d’un secrétaire qui soit à proprement parler le secrétaire de la ville supposait l’émancipation préalable de l’universitas civium et la naissance d’une commune. Nuremberg ne réunit ces conditions que dans les années 1260, mais le conseil partagea quelque temps son secrétaire avec l’écoutête (Conradus, notarius en 1265). Vers 1300, « Rudiger Schigo scriptor civitatis » travaillait encore à l’occasion pour les deux instances, mais il prêtait la main en majorité à des livres municipaux. On peut le considérer comme le premier secrétaire municipal nurembergeois, alors que Cologne eut son premier Stadtschreiber en 1227, Schwäbisch Hall en 1228, Würzbourg en 1235, Ulm en 1255 et Schweinfurt en 1337. Vers 1274, à Rothenbourg, le « notarius Heinricus » devait quant à lui officier de pair au tribunal impérial (Landgericht) et municipal (Stadtgericht) et œuvrer comme secrétaire de la ville (Stadtschreiber) 561 . Dès la fin du XIIIe siècle, plusieurs villes moyennes d’Allemagne du Sud bénéficiaient donc déjà des services de secrétaires municipaux. D’autres cités, telles Schweinfurt 562 ou Windsheim, pourvue d’un Stadtsschreiber seulement à la fin du XIVe siècle, durent atteindre un plus grand degré de développement de leurs institutions publiques. Elles patientèrent sans doute en utilisant les services du secrétaire du seigneur urbain ou de clercs.

Mais dans toutes les cités, grandes ou petites, il faut considérer l’affectation d’un spécialiste au poste de secrétaire municipal comme un indice du développement des affaires urbaines intérieures et extérieures. L’épanouissement et le suivi des relations interurbaines, comme de l’intercommunalité en général, étaient tributaires d’hommes qui puissent s’y consacrer à plein temps 563 . Le statut des secrétaires municipaux s’affina au reste d’une ville à l’autre grâce à la confrontation de leurs expériences. La profession s’uniformisa au XIVe siècle sur la base des coutumes, devoirs et serments du Stadtsschreiber échangés entre cités. En Souabe, en 1312, Ulm envoya ainsi son règlement sur les Stadtschreiber à la ville de Biberach qui n’avait pas encore de droit municipal sur ce point. Esslingen fit part de ses ordonnances en mai 1280 à la petite ville seigneuriale de Brackenheim et en 1300 à Reutlingen.

Dans les grandes agglomérations, au tournant du XVe siècle, les tâches du Stadtsschreiber connurent une croissance considérable. Devenu indispensable au conseil, le secrétaire municipal bénéficia d’un renforcement de son prestige et de ses attributions. Le gouvernement nurembergeois modifia à cette époque les titres et le salaire du secrétaire municipal pour en faire un Ratsschreiber, un secrétaire du conseil. En 1419, cet officier recevait le plus haut salaire de la chancellerie et commandait déjà une armada de secrétaires de plus en plus spécialisés (Losungsschreiber, Gerichtsschreiber, Ungeldschreiber…). Une relation contractuelle directe le liait avec le gouvernement urbain et la commune. Soldé par la ville, il devait se soumettre à un serment particulier. La valorisation progressive de l’office, parallèle aux développement des affaires intérieures et extérieures de la ville, se manifesta pleinement à Nuremberg au travers de Bartholomaüs Neithart. Entré à la chancellerie en 1413, il percevait un salaire cinq fois plus élevé que son prédécesseur J. Schwarz (40 fl. annuels en 1406), qui lui permettait de ne déroger en rien à son milieu d’origine, l’élite municipale d’Ulm. Pour l’assister dans des tâches de chancellerie à l’inflation galopante, un deuxième office de Ratsschreiber fut créé en 1444. Le conseil recruta par exemple Niklas von Wyle en 1447 pour 10 ans avec un salaire de 130 fl/an 564 . Les salaires des Ratsschreiber avaient alors atteint la hauteur des rémunérations avantageuses versées aux juristes. Neithart reçut même en 1440, pour ses 21 ans de bons et loyaux services, un don honorifique de 1 000 florins.

Le volume des affaires municipales eut tendance à s’accroître partout, mais chaque commune payait son secrétaire à proportion des finances urbaines. Les villes de second plan ne pouvaient offrir des salaires aussi lucratifs 565 . Tant pour l’intérêt de la cité que pour celui du secrétaire, les Stadtsschreiber gardèrent dans ces cas une double casquette : ils alliaient en une même personne des fonctions de secrétariat et de juriste ou de consultant. Ils y ajoutaient, s’ils le pouvaient, le notariat par pouvoir impérial, susceptible d’arrondir leur écot par le biais des actes privés 566 .

Avant d’être des acteurs de l’intercommunalité, les secrétaires municipaux étaient les hommes d’une commune. Le texte de leurs serments, de leurs contrats, ou plus rarement quelques ordonnances (Stadtsschreiberordnungen) rappellent leur appartenance exclusive à une cité. Ils étaient attachés à la commune qui les avait recrutés. Il n’y avait pas de Stadtsschreiber qui ne fût bourgeois de sa ville d’exercice. Cette condition sine qua non à l’obtention du poste se doubla pour certains secrétaires du conseil nurembergeois d’une obligation explicite de résidence intra muros. Pour leur ville d’exercice, les secrétaires municipaux devaient faire preuve d’une disponibilité de tous les instants. Ils juraient de participer à toutes les séances du conseil et ne pouvaient quitter la ville sans autorisation des bourgmestres. Les affaires familiales, fussent-elles dans d’autres cités impériales, passaient après les exigences municipales. Le Briefbuch 19 en atteste au travers de deux lettres du conseil à Matthaus Neithart, prieur à Zurich et Wilhelm Neithart, prieur à Ittingen, frères du Stadtschreiber nurembergeois 567 . Bartholomaus avait prié les autorités de sa ville, lettre de ses frères à l’appui, de lui accorder une autorisation de congé pour régler à Ulm des affaires familiales au début de l’année 1449. Par deux fois, le conseil y opposa son veto en arguant de la nécessité de la ville et demanda par courrier aux intéressés de ne pas en tenir grief à celui qui servait sa ville plutôt que sa famille.

Dans toutes les cités où ils furent affectés, les secrétaires municipaux étaient d’autre part astreints au silence, à la fidélité envers la ville et le conseil, et à l’obéissance face au gouvernement. Thomas Zweifel 568 jura à Rothenbourg en 1511 de conserver le « silence éternel » sur les secrets du conseil. Le devoir de réserve était de rigueur, en fonction comme au terme de la carrière. Il s’appliquait à tous les domaines d’exercice du secrétaire municipal, très diversifiés. Comme Lazarus Spengler au début du XVIe siècle à Nuremberg dont les tâches furent décrites par Christoph Scheurl, Zweifel devait consigner toutes les affaires du conseil « sans aucune modification, soustraction ou ajout ». Informé des affaires municipales les plus secrètes, le secrétaire municipal assurait le suivi des livres du conseil, des livres de bourgeoisie, des listes de maîtrise et de la correspondance municipale. Il tenait le livre des réconciliations et des aveux (Urfehdebuch), prenait des notes en séance, archivait les documents importants et établissait au besoin les actes de juridiction gracieuse. Par la rédaction d’œuvres littéraires (chroniques), des traductions ou d’éventuelles expertises judiciaires, les secrétaires municipaux servaient en outre, pour les plus brillants d’entre eux, de publicité vivante à leur ville. Leur considération à l’extérieur rejaillissait sur la cité et ses gouvernants. A Nuremberg, ce fut sans conteste le cas de Lazarus Spengler, qui, après des études à Leipzig, gagna la chancellerie municipale en 1507 et s’illustra pendant la Réforme. Le recrutement de l’humaniste Niklas von Wyle, même pour un délai de quelques mois, s’interprète peut-être dans le même sens.

Les fonctions de représentation ainsi dévolues aux secrétaires municipaux impliquaient leur participation à la politique extérieure de leur cité. Ils remplissaient déjà des fonctions de « passeurs » dans leurs tâches de correspondances. Détenteurs de l’art d’écrire les missives, premiers lecteurs des lettres adressées à la ville, ils assuraient l’interface entre leur commune et l’extérieur et devaient rédiger des réponses dans les temps et dans les règles. Leur participation aux délégations municipales et aux réunions intercommunales est moins connue. Elle les éloignait pourtant, parfois plusieurs jours durant, de l’hôtel-de-ville et de la chancellerie. Astreints à un devoir de conseils envers leurs propres dirigeants, les secrétaires l’exerçaient dans les murs et au-delà 569 . Les contrats d’Erhart et de G. Weigel avec Nuremberg au XIVe siècle passaient encore sous silence l’exercice de fonctions diplomatiques. Mais en 1467, le revers du contrat d’embauche d’H. Vischer mentionne explicitement le devoir de voyage et de représentation. Bartholomaus Neithart s’y engage quant à lui si le conseil le requiert pour cela. A Rothenbourg, le contrat du Thomas Zweifel se soucie dans une même mesure de sa participation aux « affaires étrangères » en lui demandant de recruter les courriers, de voyager lui-même comme délégué du conseil et de se faire remplacer en son absence par un assistant. Comme les secrétaires municipaux de Rothenbourg ou de Nuremberg, ceux de Schweinfurt eurent à tenir des fonctions de représentation. Johannes Volck (vers 1429-1440) apparaît dans les sources à l’occasion d’un voyage pour son conseil à Nuremberg le 29 mars 1413. En 1440, il accorde aussi, avec un conseiller de Schweinfurt, une assistance juridique à la ville de Bamberg.

A l’origine, les secrétaires municipaux assistaient simplement les conseillers de leur ville dans leurs missions diplomatiques. Ils pouvaient établir sur le champ les contrats passés avec des tiers ou tenir des procès-verbaux de réunions. B. Neithard eut ainsi à établir, le 7 janvier 1427, une copie de l’entente du conseil nurembergeois avec deux autres villes impériales 570 . Johann Marquard, qui avait déjà acquis une expérience des affaires étrangères par ses fonctions antérieures de Procurator, accompagna le conseiller nurembergeois B. Volkamer à la diète urbaine de Constance peu après sa nomination. Il prit part à la délégation municipale chargée de porter les insignes impériaux pour le couronnement de Frédéric III à Aix-la-Chapelle en 1442. Ulrich Truchsess et G. Spengler participèrent à la mise au point de la « Reformation » nurembergeoise 571 en 1479 à l’aide de textes qu’Ulrich se procura auprès du conseil de Francfort. Des secrétaires du conseil étaient présents dans toutes les rencontres interurbaines hautement stratégiques. Lors du renversement du conseil de Schweinfurt en 1446-1448, ce furent Erhard Probst, le secrétaire municipal du nouveau conseil, et un bourgmestre, qui vint définir à Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim les modalités d’un règlement amiable. Ils étaient porteurs d’une « Credenzbrief » 572 qui demandait aux trois villes d’envoyer leurs délégations à Schweinfurt pour voir si le litige né dans la ville pouvait être réglé à l’amiable. On retrouve le secrétaire quelques mois plus tard parmi les acteurs du procès mené à Schweinfurt. Mentionné aux côtés d’un notaire impérial, il authentifia et consigna les dépositions des témoins devant les commissaires nurembergeois. Dans leur service des affaires intercommunales, les secrétaires remplissaient en outre des tâches plus prosaïques, de pure intendance. C’est par exemple le secrétaire nurembergeois Bartholomaus Neithard qui se chargea en 1420 de réserver l’hébergement des délégués de la ligue souabe.

Mais les secrétaires municipaux n’étaient pas confinés à des rôles d’assistants. Leurs conseils leur confièrent aussi des charges diplomatiques qu’ils assumèrent seuls et qui nécessitaient de leur part une maîtrise de l’art rhétorique et quelques rudiments de droit. Le secrétaire nurembergeois Johann Marquard souligne par exemple que, lors d’une conférence de la ligue urbaine souabe, ceux d’Augsbourg prirent la parole en premier et qu’il leur succéda à la tribune des orateurs 573 . A leur retour de mission, les Stadtschreiber rédigeaient en outre des rapports destinés au conseil. Bartholomaus Neithard laisse plusieurs comptes-rendus pour 1415-1417 et pour 1436-1438, précieux matériaux sur les réunions de la ligue souabe à Ulm 574 . Johann Marquard dépeint quant à lui en détail en 1441 la réunion des villes franconiennes et souabes à Constance 575

Les missives municipales témoignent à l’occasion des déplacements des Ratsschreiber. En septembre 1456, Ulrich Truchsess fut envoyé à Heidingsfeld par le conseil de Nuremberg afin de recouvrer des redevances dues par les habitants du lieu. Au terme de sa mission, il rédigea un rapport détaillé destiné au magistrat urbain 576 .

Quand la banqueroute menaçait Wissembourg en 1478, Nuremberg demanda à sa consoeur franconienne d’envoyer trois conseillers et leur secrétaire municipal pour communiquer son avis et ses conseils sur la question 577 .

En 1447, pour une réunion d’arbitrage organisée par Rothenbourg entre Dinkelsbühl et son bourgeois Hans Spörlein, Nuremberg fut priée d’envoyer deux de ses conseillers et un secrétaire de chancellerie à Rothenbourg 578 .

Même les secrétaires subalternes, habituellement dans l’ombre du Ratsschreiber (ou Stadtsschreiber) voyageaient et assumaient à l’occasion des charges intercommunales. Le Nurembergeois Johann Feucht se rendit en 1456 à Rothenbourg et Windsheim pour évoquer avec eux au nom du conseil l’affaire Asmus von Eberstein 579 .

On pourrait multiplier à loisir les exemples livrés sporadiquement par les missives municipales. Mais ils ne livreraient jamais qu’une image incomplète des tâches diplomatiques confiées aux secrétaires municipaux. Aussi, pour en prendre une plus juste mesure, peut-on recourir aux comptes de Nuremberg. Les dépenses de la ville, suivies sur une dizaine d’année, entre 1431 et 1440 580 , fournissent un tableau plus exhaustif de l’intervention des secrétaires dans les relations avec l’extérieur. Le nombre de leurs missions diplomatiques respectives prouve la fonction éminente du secrétaire du conseil. Le gouvernement pouvait cependant au besoin recourir à deux autres hommes de confiance, Ulrich Truchsess (qui devint ensuite lui-même Ratsschreiber) et Johann Dümen.

Nom 1431 1432 1433 1434 1435 1436 1437 1438 1439 1440 total
A 1 1 1 1 1 7 5 8 7 4 36
B 1 2 1 4 4 / / / 5 2 16
C 1 / / 2 1 / 1 2 4 2 13
D           1 1 1 1 1 5
E               2 1   3
F               2 1   3
total 3 3 2 7 2 9 7 15 19 9 76
A : Bartholomaüs Neithard, Ratsschreiber
B : Ulrich Truchsess, secrétaire
C : Johann Dumen
D : Heinrich Steinmetz
E : Jobst Kapfer
F : Johann Schütz

L’ensemble de leurs missions diplomatiques ne se restreignait pas, bien entendu, à des réunions entre villes. Les ordres du conseil portaient les pas des secrétaires vers des rencontres avec des princes et nobles, ou vers des assemblées impériales. Bartholomaüs Neithard fut souvent requis pour accompagner les conseillers dans leurs démarches auprès du souverain et recueillir les confirmations de privilèges et les vidimi acquis auprès de la chancellerie royale. Des chiffres absolus renvoyés par le tableau, il convient donc d’extraire les missions effectuées à des fins exclusivement interurbaines, ce qui n’est pas toujours facile à distinguer. La seule mention d’un déplacement dans une autre ville n’est pas toujours garante de démarches intercommunales ; il est néanmoins possible d’inscrire les missions suivantes au service des relations intercommunales :

A Nuremberg, chaque secrétaire consacrait au moins le tiers de ses activités diplomatiques à des missions intercommunales entre 1431 et 1440. Parmi les motifs évoqués figurent peu de missions à caractère juridique. La tâche était assumée par d’autres, les juristes municipaux, puis les procuratores, les consultants ou syndics. Seuls Johann Marquard et Ulrich Truchsess, qui succédèrent à Bartholomaus Neithard, remplirent parfois des missions juridiques, que leur formation leur permettaient d’exercer pleinement.

Comme pour le reste des affaires étrangères, dans le domaine particulier des affaires intercommunales, Bartholomäus Neithard, le plus « gradé », se voyait confier le plus grand nombre de déplacements. Ils coïncidaient avec des missions particulièrement secrètes, sensibles et importantes, au point que les comptes municipaux eux-mêmes n’en révèlaient pas la teneur (als der Rat wol weiss). Associé à d’éminents conseillers, Bartholomäus Neithard prit une part active aux réunions des villes impériales et de la ligue urbaine souabe. Ses voyages se tournaient donc vers le Sud de Nuremberg, de Wissembourg, aux villes souabes (Nördlingen, Schwäbisch Wörth, de Nördlingen et Ulm, le centre des réunions de la ligue urbaine). La prépondérance des déplacements de Bartholomäus vers la Souabe n’avait sans doute rien de fortuit. Car la région était son berceau. Né à Ulm de l’ancien secrétaire municipal local, Heinrich Neithart 581 , Bartholomäus appartenait à l’élite lettrée de la ville souabe, qu’il rejoignit pour quelques années en 1441-1445. A l’époque où il servait Nuremberg (1413-1441), son frère Ambrosius exerçait les mêmes fonctions que lui à Ulm. Ce double attachement à Ulm et Nuremberg, même s’il ne pouvait être concomitant, désignait Bartholomäus Neithart comme un agent privilégié des relations intercommunales. Le conseil nurembergeois le dépêchait donc en priorité sitôt que Ulm requérait l’aide ou le prêt de conseillers et agents nurembergeois.

Les secrétaires subalternes semblent avoir été plus interchangeables. Pour aucun d’entre eux, n’apparaît une spécialisation flagrante dans les affaires intercommunales. Johann Dümen effectua plusieurs missions qui touchaient des villes du Haut-Palatinat et amenaient des tractations avec les ducs de Bavière. Il faudrait cependant davantage d’exemples pour s’assurer qu’il y a là autre chose que le hasard. Tandis que Bartholomaus Neithard prenait visiblement une part active aux négociations, le rôle des autres secrétaires nurembergeois se restreignait à des fonctions de communication. Ils partaient en quête de renseignements pour le conseil, livraient des informations demandées au gouvernement nurembergeois, ou transmettaient les aveux d’un prisonnier...

L’utilisation des contacts personnels d’un de ses agents pour faciliter les relations intercommunales n’était pas l’apanage de Nuremberg. Au travers du registre des lettres reçues par Nuremberg en 1449-1457, transparaît l’activité diplomatique du secrétaire rothenbourgeois Heinrich Steinmetz. Il fut plusieurs fois envoyé à Nuremberg au nom de son conseil (1450, 1453, 1456) 582 . Il contacta le conseiller Karl Holzschuher en 1454 à propos du droit de bourgeoisie nurembergeois et reçut rapidement une réponse 583 . Car, le secrétaire municipal de Rothenbourg n’était pas un inconnu du gouvernement nurembergeois. Il avait travaillé lui-même dans les années 1430-1440 à la chancellerie de la ville, dans l’ombre de Bartholomaus Neithart, et apprit son métier à Nuremberg avant de l’exercer à Rothenbourg.

Hors de leurs services intercommunaux officiels, les secrétaires municipaux travaillaient en sous-main à des causes qui n’étaient pas celles de leur ville. Jusqu’à la fin du XIVe siècle, les secrétaires nurembergeois purent exercer comme juges arbitres dans des litiges privés. Le conseil leur ôta cette faculté en 1464, afin d’éviter que des officiers municipaux ne se trouvassent impliqués, sans mandat officiel et sans contrôle du magistrat, dans des affaires qui pouvaient dégénérer. Tout au plus laissa-t-on au secrétaire municipal le droit de servir de tuteur, de garant, de caution, de parrain, autant de domaines où il était très demandé par sa proximité avec le conseil, sa considération sociale et son instruction. Les Stadtschreiber rendaient cependant de temps à autres quelques menus services à une ville étrangère. Le Nurembergeois Lazarus Spengler rédigea, sans doute avec l’aval de son conseil, une expertise pour la ville de Memmingen sur une affaire de délégation. En 1422, une réponse du conseil nurembergeois à Forchheim évoque aussi une occupation parallèle du secrétaire (Schreiber) Niclas Kömnitz. Requis par les maîtres de la fabrique de Forchheim pour rédiger un antiphonaire, il tardait à honorer la commande. Devant les plaintes des employeurs, le magistrat nurembergeois l’entendit et précisa en son nom les délais de livraison 584 .

Malgré le serment d’exclusivité qu’ils prêtaient à leur entrée en fonction, les secrétaires municipaux ne rompaient pas nécessairement avec leur ancienne employeuse au terme du contrat. À son retour à Ulm, entre 1441 et 1446, Bartholomaüs Neithard continua à livrer quelques renseignements à Nuremberg à la demande écrite du conseil. Son successeur, Johannes Marquard, quitta Nuremberg en 1445. Mais au cours de l’année 1447, on le voit à trois reprises correspondre avec la ville franconienne. Profitant de son retour dans sa cité natale de Deventer (Pays-Bas), le Magistrat nurembergeois demanda à son ancien secrétaire municipal des renseignements sur les troupes étrangères recrutées par l’archevêque de Cologne. Nuremberg reçut en retour deux lettres et des documents joints, tranmis par le propre messager de Johannes, gratifié pour l’occasion de 5 florins 585 . En 1451, Nicolaus von Weyle, malgré son très court séjour au service de Nuremberg, communiqua à son tour quelques informations secrètes au conseiller nurembergeois Nicolas Muffel, alors qu’il officiait déjà à Esslingen 586 .

Cette sollicitude des secrétaires municipaux à l’égard de leurs anciens employeurs, en dépit du secret éternel promis sur les affaires de leur ville, pouvait laisser craindre quelques graves trahisons. Par leurs fonctions, les secrétaires municipaux connaissaient par exemple les codes secrets employés dans les lettres chiffrées de leur ancienne ville d’exercice. Aussi les contrats posèrent-ils parfois des conditions au recrutement ultérieur de ces officiers. L’engagement de Johann Marquard par Nuremberg établissait noir sur blanc qu’il ne devait « se mettre à disposition ou donner sa fidélité à aucun prince, comte, chevalier ou écuyer ». Il lui restait donc seulement le monde des villes, et même des villes impériales, pour la poursuite de sa carrière. Incidemment, les contrats des secrétaires municipaux mettent donc au jour des clauses qui faisaient jouer une solidarité interurbaine face aux puissances nobiliaires. Mais les exceptions à la règle ne manquaient pas. Sur demande particulière de l’évêque de Trêves et du margrave de Bade, Nuremberg délivra Nikolas von Weyle d’une telle clause d’exclusivité en 1460.

En dehors de ces articles particuliers du contrat, les villes qui ne prorogeaient pas le service de leur secrétaire municipal prêtaient elles-mêmes la main à leur embauche, par des recommandations. Souvent, elles intervenaient auprès de villes de confiance, avec lesquelles elles entretenaient une correspondance régulière. Quand les clauses d’un contrat n’obligeaient pas les Stadtschreiber à servir une ville impériale, leur implantation ultérieure paraissait donc dépendre des affinités interurbaines en vigueur. Par le biais d’une recommandation officielle, ou parce qu’ils avait fait preuve de leurs capacités lors de missions intercommunales 587 , les secrétaires pouvaient espérer un travail dans une autre cité. En automne 1453, Heinrich Steinmetz, qui avait profité d’une recommandation de Nuremberg pour devenir Stadtschreiber à Rothenbourg, recommanda à son tour Hans Kreglinger, pour qu’il soit recruté par Nuremberg 588 . Le sort de Nikolas von Weyle, à l’origine secrétaire de Radolfzell, une ville du lac de Constance, se joua à Ulm, à l’occasion des rencontres de la ligue urbaine souabe. C’est là que Nicolas Muffel, un conseiller nurembergeois, régla, avec l’intéressé ou des représentants de Radolfzell, les modalités de son recrutement pour la ville impériale franconienne 589 . Il déménagea peu après avec toute sa famille et conclut avec Nuremberg en juin 1447 un contrat de 10 ans, qui ne dura que quelques mois.

En regardant le parcours individuel des secrétaires municipaux, on ne peut qu’être frappé par leur mobilité interurbaine. Outre Heinrich Steinmetz, qui navigua entre Nuremberg et Rothenbourg, et la famille Neithard, qui travaillait à Ulm et Nuremberg, Heinrich Vischer illustre cette mobilité de façon exemplaire. Il avait un père secrétaire municipal à Nördlingen et remplit pour sa part des fonctions successives à Wissembourg, Rothenbourg et Nuremberg. Georg Spengler et Kaspar Schmutterer attestent à nouveau d’une filière venue de Nördlingen. A Nuremberg, ne travaillèrent comme secrétaires municipaux qu’une minorité de natifs, tels F. Ebner et G. Weigel, tous deux issus du patriciat local. A Rothenbourg, sur 14 secrétaires connus, au moins la moitié étaient passés auparavant par une autre cité, comme Nuremberg, Wissembourg ou la ville seigneuriale de Kitzingen. Même si certains restèrent longtemps dans un même poste (10, 20 ans), les secrétaires municipaux étaient aguerris à la mobilité depuis leurs études. Plusieurs d’entre eux fréquentèrent les universités italiennes ou allemandes 590 et commencèrent à leur retour un apprentissage pratique, comme simple secrétaire, notaire, ou procurator. Le faible nombre de places disponibles les contraignit souvent à quitter leur ville d’apprentissage s’ils voulaient passer du rang des secrétaires subalternes à celui de chef de la chancellerie 591 . Leur mobilité et leur fréquentation des membres du conseil municipal leur apportaient en retour souvent des possibilités d’alliances avec l’élite.

Sur tous ces aspects, le parcours ascendant de Thomas Zweifel 592 présente un caractère exemplaire. Né en 1485 dans la ville margraviale de Kitzingen, ce fils d’artisan y fréquenta l’école latine locale. Il obtint sa première place à la chancellerie de la ville impériale de Schwäbisch Hall comme Unterschreiber (substitut) et effectua là un apprentissage « sur le tas » placé sous l’égide du secrétaire du conseil Jörg Seyboth. Une place vacante de substitut à Rothenbourg lui fit quitter Schwäbisch Hall pour sa « voisine et amie » en 1507. Autant pour le mettre à l’épreuve que par souci d’économies municipales, le conseil de Rothenbourg le maintint dans ces fonctions subalternes pendant plusieurs années. Au départ de Hans Besserer, l’ancien secrétaire en titre, Thomas remplit ses fonctions sans jouir d’un contrat officiel et du salaire correspondant avant 1511. Pour mieux convaincre le conseil de l’engager sans réserves et accroître ses revenus, il acquit le titre de notaire par pouvoir impérial en 1510 sur recommandation de Rothenbourg et du secrétaire municipal d’Augsbourg Johannes Rehlinger.

Dès son arrivée à Rothenbourg, Thomas Zweifel était devenu bourgeois de la ville et s’inséra dans la société municipale par le biais de quatre mariages. Le premier se conclut avec une Rothenbourgeoise de la famille Trüb 593 , le second avec la veuve d’un bourgeois de Windsheim, établie à Rothenbourg. Le troisième mariage scella ses liens avec la famille patricienne locale des Kumpf 594 . Le quatrième, avec une Berler 595 , veuve d’un Rothenbourgeois, témoigne quant à lui de contacts jamais rompus avec l’élite de Schwäbisch Hall à laquelle appartenaient les parents de l’épousée. Ces attaches locales favorisèrent le renouvellement de son contrat, en dépit d’accrochages fréquents avec le conseil pour des questions de rémunération.

Comme leur « maître », les substituts qui assistèrent Thomas Zweifel dans sa tâche durent chercher fortune en d’autres lieux. Rothenbourg veillait cependant moins que Nuremberg à faire recruter ses anciens secrétaires exclusivement dans des villes impériales. Gregor Spiess, engagé en 1511 par Rothenbourg, devint ensuite secrétaire de l’ordre teutonique à Francfort. Valentin Denner le rejoignit à Francfort afin de parfaire sa formation, puis devint secrétaire de l’ordre teutonique à Ellingen. Seul Johannes Grefinger, venu de la bourgade de Markt Schwaben, suivit une filière exclusivement urbaine, en devenant, après son séjour à Rothenbourg, secrétaire dans la ville seigneuriale d’Iphofen, puis dans la cité impériale « amie » de Windsheim.

Les Stadtsschreiber du bas Moyen Âge avaient des visages changeants selon les localités. Voués à des tâches exclusives de secrétariat général dans les grandes villes, ils cumulaient souvent des attributions parallèles de notaire impérial, de juriste ou de consultant dans des villes plus modestes 596 . Mais partout, on leur confiait entre autres tâches quelques missions diplomatiques et intercommunales.

La reproduction sociale était forte dans le milieu des Stadtsschreiber. Les enfants furent souvent formés au même métier que leur père, ou reçurent pour le moins les rudiments de l’art d’écrire ou du droit civil. L’apprentissage et l’évolution dans les carrières nécessitèrent dès lors une mobilité des intéressés. Pour assurer le devenir de chacun, en dépit des contrats de longue durée que leur imposaient les villes, ces dynasties de secrétaires durent essaimer dans d’autres localités. Elles jetèrent souvent des ponts entre plusieurs cités et tendirent par exemple des liens entre Nördlingen, Ulm, Nuremberg, Rothenbourg et Windsheim. Pour les secrétaires, les villes d’empire constituaient un réseau de circulation privilégié, encore conforté par un système de recommandations fondé sur les relations interurbaines. La mobilité des Stadtschreiber, les contacts avec d’autres villes que leur procuraient leurs tâches diplomatiques contribuèrent sans doute, autant que les formulaires, à la cohérence des discours urbains d’une ville à l’autre. Grâce à ces hommes de l’ombre, les cités purent tenir le même langage.

Notes
558.

« Beaucoup repose sur un bon secrétaire municipal dans une ville, quand on doit exécuter quelque chose… Les secrétaires municipaux agissent comme le faisaient il y a longtemps les prophètes auprès des rois ».

559.

Cf. Rainer Christoph Schwinges (éd.), Gelehrte im Reich. Zur Sozial- und Wirkungsgeschichte akademischer Eliten des 14. bis 16. Jahrhunderts, 1996, (Zeitschrift für Historische Forschung, Beiheft 18)

Voir en particulier dans cet ouvrage collectif : Dietmar Willoweit, « Juristen im mittelalterlichen Franken. Ausbreitung und Profil einer neuen Elite », p. 225-269 ; Urs Martin Zahnd, « Studium und Kanzlei. Der Bildungsweg von Stadt- und Ratsschreibern in eidgenössischen Städten des ausgehenden Mittelalters », p. 453-477 ; Ulrich Meier, « Ad incretementum rectae gubernationis. Zur Rolle der Kanzler und Stadtschreiber in der politischen Kultur von Augsburg und Florenz in Spätmittelalter und früher Neuzeit », p. 477-504.

L’ouvrage de référence sur les secrétaires municipaux reste : Gerhard Burger , Die südwestdeutschen Stadtschreiber im Mittelalter, Böblingen, 1960

560.

Voir Ernst Pitz, Die Entstehung der Ratsherrschaft in Nürnberg, Munich, 1956. Du même, Schrift- und Aktenwesen der städtischen Verwaltung im Spätmittelalter. Köln, Nürnberg, Lübeck, Cologne, 1959, p. 147-283 sur Nuremberg

561.

Il reste à Rothenbourg plusieurs preuves de l’activité d’un greffier et secrétaire pour la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle. Rothenbourg dispose de deux livres de lois municipales du début du XIVe, du plus ancien livre de bannissement de toute l’Allemagne (Achtbuch, commencé en 1274), de 12 livres de protocoles du tribunal municipal entre 1302 et 1462, de deux livres de protocoles du tribunal impérial et d’une série de chartes privées du second XIIIe siècle.

562.

Voir Udo Künzel, Die Schweinfurter Stadtschreiber und Ratsadvokaten von 1337 bis 1803, Würzbourg, 1974

563.

A Nuremberg, le Stadtschreiber assuma parallèlement jusqu’en 1377 les fonctions de secrétaire municipal et de greffier du tribunal urbain, ce qui augure de la modicité du travail municipal interne et des échanges journaliers avec l’extérieur. A cette époque, le Stadtschreiber jouissait d’une considération réduite, les juristes et les secrétaires chargés de l’impôt direct (Losungsschreiber) bénéficiaient d’un salaire nettement supérieur. En 1377, Heinrich von Windsheim, Stadtsschreiber, recevait moins d’1/6 du salaire du juriste Magister Johann von Heilsbronn. Sur l’office de secrétaire à Nuremberg, voir Manfred J. Schmied, Die Ratsschreiber der Reichsstadt Nürnberg, Würzbourg, 1979, (Schriftenreihe des Stadtarchivs Nürnberg, 28) ; Werner Schultheiss, Die Acht-, Verbots- und Fehdebücher Nürnbergs von 1285-1400, Nuremberg, 1959.

564.

A cette époque, les Ratsschreiber de Nuremberg étaient parmi les mieux payés de toutes les villes allemandes. Ils gagnaient autant que ceux d’Augsbourg, mais à Ulm Ambrosius Neithart recevait ¼ de moins que son frère Bartholomaus à Nuremberg. Konrad Vischer, le père de H. Vischer, gagnait en 1439, 36 florins à Nördlingen comme Stadtschreiber (soit 1/8 du salaire de son fils à Nuremberg). Les salaires étaient plus bas encore à Munich, Linz ou Schweinfurt.

565.

En 1511, Rothenbourg recrute Thomas Zweifel contre une solde annuelle de 30 florins payable en quatre termes. Il devait pourvoir lui-même au papier, à l’encre et à la cire nécessaire à la chancellerie. Il employait à ses frais un Untersschreiber, un adjoint, qui le représentait en cas d’absence. Contrairement à certains collèges, il devait payer l’impôt municipal. Ce n’est qu’à force de récriminations qu’il obtint en 1517 des conditions meilleures (exemption fiscale partielle, fournitures payées, solde de 40 florins), mais rechercha et exigea une rétribution supplémentaire pour ses activités de syndicus municipal. Zweifel était par ailleurs notaire impérial depuis 1510. Au milieu de sa carrière, on peut estimer ses revenus annuels à 120-150 florins, alors que ses collèges de Dinkelsbühl et Nördlingen gagnaient au minimum 200 florins.

Cf. W. Schultheiss, « Die rothenburger Stadtschreiber XIII.-XVI. Jhdt », Die Linde (1964), p. 65-70

Voir aussi le dossier constitué aux archives municipales de Rothenbourg : Stadtarchiv Rothenbourg, Act n°368, Alte Stadtschreiber zu Rothenbourg (1452-1551), fol. 1-465

566.

Le notariat public est attesté en Allemagne à partir de 1274, d’abord dans le cercle des tribunaux ecclésiastiques. Les premiers notaires connus étaient des clercs formés au droit romain et canon en Italie. Ils recevaient le titre de notaire public de l’empereur, qui délégua son droit au comte palatin. En 1438, une réforme de l’empereur Sigismond demanda que toutes les villes impériales aient un notaire public pour Stadtsschreiber. Mais l’alliance systématique entre les deux fonctions n’est pas observée partout jusqu’au Notariatsordnung de 1512. A Nuremberg, le notariat n’était pas une condition indispensable de recrutement comme Stadtsschreiber. Les premiers instruments conservés dans la ville furent composés par Herdegen, le Stadtschreiber, jusqu’en 1339. Des notaires résidaient cependant à Nuremberg. Le conseil recouraient à eux pour des aveux sous serment, la perte du sceau secret de la ville, des échanges de bénéfices, des dépositions de témoins dans l’affaire politique contre le conseiller Nicolas Muffel… Herdegen von Bamberg, J. Marquart, Ulrich Truchsess, Niklas von Weyle, M. Merckel, H. Vischer furent notaires impériaux et secrétaires du conseil nurembergeois. Johann Marquart établit par exemple un instrument attestant le recrutement par la ville du juriste, Dr Gregor Heimburg (StAN, 35 Neue-Laden, Urkunden n°1575). Mais d’importants secteurs d’activité habituellement conférés aux notaires leur étaient confisqués à Nuremberg par le Landgericht impérial, le tribunal municipal et un collège de membres du grand conseil, les Genannten. C’était par exemple le tribunal municipal ou les Genannten qui attestaient les mutations foncières et les inscrivaient dans les livres municipaux, en donnant une lettre aux particuliers concernés. Manfred J. Schmied évoque l’exemple d’un notaire qui fut appelé par la famille d’un prisonnier pour établir un testament en prison. Le conseil ne le laissa ni sceller les dernières volontés, ni confirmer les exécuteurs testamentaires. Cf. Manfred J. Schmied, Die Ratsschreiber der Reichsstadt Nürnberg, jur. Diss. Würzbourg, 1979, (Schriftenreihe des Stadtarchivs Nürnberg, 28). Pour authentifier ses propres actes, le conseil de Nuremberg ne semblait pas privilégier les notaires du cru et n’hésitait pas à recourir à des notaires étrangers. Il ne faisait appel aux notaires locaux que pour des affaires réclamant le secret.

A Schweinfurt, de 1436/1437 à 1665, tous les Stadtsschreiber semblent par contre avoir été également des notaires impériaux publics.

567.

Cf. StAN, BB 19, fol. 271v, 15/01/1449.

568.

Sur Zweifel, outre les références déjà citées à propos de Rothenbourg, voir Ernst Quester, Das Rad der Fortuna und das Kreuz. Studien zur Aufstandsperiode von 1525 in und um Rothenburg ob der Tauber und ihrer Vorgeschichte, Rothenbourg, 1994, p. 21 et s.

569.

Le secrétaire municipal nurembergeois, Lazarus Spengler, confectionna par exemple en 1518 une expertise préparatoire à la diète d’Augsbourg. Il rédigea également un mémoire sur le conflit qui opposa le conseil à l’un de ses membres, Tetzel.

570.

Cf. StAN, Siebenfarbigen Alphabet, Akten n° 5

571.

La « Reformation » nurembergeoise est une refonte complète du droit local. Elle servit ensuite de modèle et fut largement diffusée.

572.

Par le biais du serment prêté au conseil et des pouvoirs donnés par le gouvernement (Credenzbrief, Gewaltbrief), il existait alors une « identité de personne entre ceux qui détiennent l’autorité dans le groupe et ceux qui la représentent dans ses transactions ». Pierre Michaud-Quantin, Universitas. Expressions du mouvement communautaire dans le Moyen Âge latin, Paris, 1970, p.309-310 ; Albert Rigaudière, « Universitas, corpus, communitas et consulatum dans les chartes des villes et des bourgs d’Auvergne du XIIe au XVe siècle », Revue d’histoire du droit français et étranger (1988)

573.

Cf. StAN, Sieben farbigen Alphabet, Akten n°8, p.121 et s.

574.

Cf. StAN, Siebenfarbigen Alphabet, Akten n°6, n°7 et n°9

575.

Cf. RTA 16, p. 80

576.

Cf. StAN, BB 26, 03/09/1456, fol.211.

577.

Cf. StAN, BB 36, fol. 60v, 08/07/1478

578.

Cf. StAN, BB 18, fol.380, 03/11/1447

579.

Cf. StAN, BB 26, fol. 236v.

580.

Cf. Paul Sander, Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs. Dargestellt aufgrund ihres Zustands von 1431 bis 1440, Leipzig, 1902

581.

Heinrich Neithart fut secrétaire municipal à Ulm de 1378 à 1414.

582.

15 Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen, 1997, n°1456, n°4452, n°7220. Il écrit aussi à Nuremberg à titre personnel, à propos de Ludwig Kreglinger (1454), de H. Ortolf (1454).

583.

Cf. Dieter Rübsamen, n°5325 ( entre le 24 avril 1454 et le 22 mai). La réponse de Nuremberg figure dans StAN, BB 24, fol. 192v (15/05/1454)

584.

Cf. StAN, BB5, fol. 183v (VI post epiphanie 1422)

585.

Cf. StAN, BB 18, fol. 280v (28/06/1447), fol.304 (02/08/1447), fol.384v (07/11/1447). Nuremberg s’inquiétait manifestement pour ses marchands qui circulaient alors sur le routes de basse Rhénanie et de Flandre.

586.

Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen, 1997, n°2312 (mai 1451)

587.

En mai 1455, le facteur municipal de Rothenbourg, établi à Nuremberg, écrit à son beau-frère, le Rothenbourgeois, Adam von Rein. Informé du départ du Stadtsschreiber de Rothenbourg, Heinrich Steinmetz, il évoque le désir de candidature de Conrad, « un bon employé », secrétaire de la chancellerie nurembergeoise. Avant de rendre la candidature publique, il lui paraît plus prudent de sonder le terrain, avec la plus grande discrétion, et de s’enquérir des concurrents éventuels. Cf. Stadtarchiv Rothenbourg, Leibgedingakten, n°78 (05/05/1455)

588.

Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen, 1997, n° 4825 (octobre-novembre 1453), « umb unsern dienst werbend ». Heinrich Steinmetz devait avoir noué des liens de parenté ou d’amitié avec la famille patricienne rothenbourgeoise des Kreglinger. Il recommande Hans Kreglinger auprès de Nuremberg en 1453, puis envoie une lettre au sujet de Ludwig Kreglinger à l’automne 1454, n°5673. Ludwig Kreglinger écrit à Nuremberg en janvier 1455 à propos de son beau-fils (n°6001, réponse de Nuremberg, BB25, fol.85v), puis à nouveau en février-mars 1456 (n°7199, réponse BB26, fol.89)

589.

Cf. StAN, BB18, fol. 196 et 197, 24/03/1447. L’accord conclu, le conseil nurembergeois adressa une lettre de remerciements au gouvernement de Radolfzell en lui demandant de hâter le départ de son secrétaire. Dans la perspective d’une réunion impériale à Nuremberg, la métropole franconienne avait un besoin urgent du secrétaire pour faire face au surpoids de travail généré par l’assemblée.

590.

Jusque dans la seconde moitié du XIVe siècle, les Allemands ne pouvaient étudier le droit que dans des universités étrangères. Les matricules de cette époque ne sont que partiellement conservées et donnent donc des renseignements incomplets. Parmi les secrétaires nurembergeois, Friedrich von Feuchtwangen avait le titre de Magister. Il effectua donc un cursus complet. Bartholomaus Neithard ne porte pas de titre académique, mais son appartenance à l’élite gouvernante d’Ulm plaide en faveur d’études universitaires. Johann Marquard, appelé « Meister » dans les lettres à son adresse, mena à terme ses études universitaires. Lazarus Spengler ne fréquenta que deux ans les universités de Leipzig et de Wittenberg. Il dut interrompre son cursus en raison de la maladie de son père. Un titre universitaire n’était pas nécessaire pour être recruter à l’office de Ratsschreiber nurembergeois. Lorsqu’il s’agissait d’un titre en droit, il pouvait même constituer un obstacle à l’embauche. Le conseil de Nuremberg avait en effet interdit l’élection au petit conseil pour tous les docteurs en droit. La même condition valait sans doute pour les secrétaires municipaux dont la présence était requise lors des sessions municipales. Des villes comme Augsbourg, Berne, Esslingen, Fribourg, Schwäbisch Hall, Ulm, Zurich, Schweinfurt ou Linz avaient par contre recours à des Stadtsschreiber détenteurs du titre de docteurs en droit.

591.

Même à cette condition, ils n’entraient pas toujours directement en poste. A Nuremberg, Georg Spengler, malgré son expérience de secrétaire au Landgericht impérial de Nuremberg-Ansbach, dut d’abord faire ses preuves à la chancellerie municipale comme secrétaire (1466) avant d’accéder au poste de Ratsschreiber.

592.

Cf. Ludwig Schnurrer, « Thomas Zweifel (ca 1485-1540) », dans Alfred Wendehorst et Gerhard Pfeiffer (éd.) Fränkische Lebensbilder 10, Neustadt, 1982, p.97-114 ; Ernst Quester, Das Rad der Fortuna und das Kreuz, Rothenbourg, 1994

593.

Sur cette lignée d’ » honorables » de Rothenbourg, voir Stadtarchiv Rothenburg, Akten, n°778a « Ehrbare Geschlechtern von Rothenburg », vol.1 (1392-1560), fol.1-550

594.

Cf. Stadtarchiv Rothenburg, Akten, n°779, vol.2 (1441-1581), fol.1-505

595.

Sur les Berler, voir Stadtarchiv Rothenburg, Akten n°803, vol.26 (1493-1595), fol.1-616

596.

Leurs origines sociales elles-mêmes étaient très variées. Ulm, Schwäbisch Hall, Rottweil ou Nuremberg recrutaient de préférence parmi le patriciat, quand une majorité de villes se tourna vers des secrétaires issus du monde artisanal ou commerçant. Le poste de Stadtsschreiber permit dans des villes comme Schweinfurt l’ascension de natifs, formés à l’école latine, puis aidés dans leurs études universitaires.