Consultants et juristes 631

« Notre honorable délégué du conseil, Nicolas Muffel, qui était dernièrement à l’assemblée à Ulm avec les honorables délégations des 7 villes nous a bien raconté comment votre affaire, histoire et négociation sur le sire Friedrich von Murach avait été débattue, traitée et tranchée devant les amis des susdites villes et comment, sur le chemin du retour, votre bourgmestre et quelques autres de vos conseillers lui avaient demandé, dans votre ville, de raconter cette affaire à nos docteurs chez nous, de prendre leur conseil en la matière et d’en référer par écrit à votre sagesse avec la précédente demande de conseil dès que cela sera possible, tout cela en de plus longs termes qu’il n’est pas nécessaire de rapporter ici. Nous avons alors demandé à notre conseiller par amour pour vous (ewr ersamkeit zu lieb) de faire bon zèle dans cette affaire, ce qu’il a fait […] Mais l’un de nos deux sires curés n’était pas présent chez nous le premier jour. Aussi notre conseiller a-t-il raconté au second de nos sires curés […] cette même affaire dans la limite de ce qu’il avait entendu et lui a demandé avec zèle son conseil en notre nom. » 632

Voici, au détour des missives, les « docteurs » désignés eux aussi comme des acteurs de l’intercommunalité.

En terre allemande, ils firent une apparition tardive, postérieure à l’essor juridique du Royaume de France. La lente pénétration du droit romain au-delà des Alpes et l’absence d’universités germaniques retardèrent les échéances. Les juristes allemands devaient encore au XIIIe siècle aller étudier le droit en Italie, à Pavie, Padoue ou Bologne 633 . Les princes furent parmi les premiers à recourir aux services d’experts en droit. A la cour du grand maître de l’ordre teutonique, à Marienbourg, on rencontrait de nombreux « jurista », docteurs en droit ecclésiastique, de la fin du XIVe siècle à la mi XVe. Les cours princières du temps mêlaient ces nouveaux venus aux conseillers traditionnels, détenteurs ecclésiastiques d’un office de cour comme les chapelains, ou aux prélats du voisinage, qui prêtaient leur conseil à la demande. Il est du reste difficile de les dissocier, puisque les chanoines, prélats ou chapelains poursuivirent au XVe siècle, en proportions croissantes, des études universitaires, tandis que les conseillers juridiques se voyaient gratifiés par leurs employeurs de bénéfices ecclésiastiques.

Les experts du droit, civil et canon, gagnèrent aussi les tribunaux impériaux, profitant d’une lente pénétration du droit romain. Au terme du XVe siècle, la fondation du Reichskammergericht manifeste clairement cette progression, en ordonnant que sur 16 juges, huit relèvent de la chevalerie et les huit autres soient instruits du droit commun.

Les villes participèrent à l’essor juridique et s’attachèrent elles aussi les services d’experts en droit. Dans les grandes cités, les sources évoquent une profusion d’hommes de loi et parlent de « Juristen », de « Syndicus », de « gelehrte Räte », de « Procuratores » et « Advokaten ». Pour mener à bien les arbitrages face à la cour impériale ou aux princes, pour défendre les bourgeois à l’extérieur de la cité, l’emploi de juristes, instruits au moins du droit canon, était devenu une nécessité, à laquelle n’échappaient pas des villes de modeste ampleur.

Pour ne pas trahir son rang, Nuremberg se lança bien entendu dans cette course aux hommes de loi. La trace des premiers juristes recrutés par la cité impériale franconienne 634 remonte à 1366. Le Nurembergeois Gabriel Schütz 635 fut alors nommé consultant de la ville. Docteur en droit canon (doctor decretorum), il s’engagea auprès du conseil par contrat comme « jurisconsultus ».

« Il doit être notre juriste, et doit nous conseiller et nous porter assistance à nous et à nos bourgeois contre tout homme. Et pour cela, nous devons lui donner tous les ans 110 livres heller ». ’

Quelques chiffres suffisent ensuite à jauger la présence des hommes de loi dans la vie municipale. Dans la première moitié du XVe siècle, Nuremberg n’employait encore que 6 juristes, toutes spécialités confondues. Mais dès la seconde moitié du siècle, c’étaient 21 diplômés en droit qui gravitaient autour de la communauté urbaine. En 1516, Christoph Scheurl, lui-même membre du cénacle, parle, dans son épître à Staupitz, de 9 diplômés en droit qui travaillaient en même temps pour le compte de Nuremberg et de ses bourgeois. Dès 1450, les spécialistes du droit étaient devenus indispensables dans l’exercice de la vie municipale. Une disposition de 1449 l’indique en imposant aux procureurs (ou syndics) de se rendre journellement à l’hôtel-de-ville pour s’informer à la chancellerie du cours des affaires et pouvoir représenter à tout moment les intérêts de la ville et de ses bourgeois. En 1516, d’après le témoignage de Christoph Scheurl, le conseil nurembergeois avait pris l’habitude de recourir à l’avis éclairé de ses consultants au moins trois fois par semaine pour de simples renseignements ou des expertises destinées à faire jurisprudence.

En théorie, il est possible de faire un partage strict entre les différents types de juristes qui travaillaient pour la ville. Mais l’emploi de titres distincts ne doit pas masquer la complexité de la situation juridique municipale. Les tâches des juristes se confondaient souvent et pouvaient être cumulées par une seule et même personne. Des secrétaires municipaux furent en même temps procureurs au service de leur ville. Les conseillers juridiques (ou consultants) pouvaient parfois exercer comme syndics et défendre les intérêts urbains à l’extérieur. Syndics et consultants avaient en outre en commun un devoir de conseil juridique et judiciaire envers le conseil. Sur demande écrite ou orale du gouvernement, ils délivraient des « responsa », des expertises juridiques relatives à un cas pratique. Cette fonction de consultation partagée par les deux types d’hommes de loi contribuaient à les confondre. Et le phénomène n’était pas spécifique à des petites villes, cherchant l’économie par le recrutement de « juristes à tout faire »…

La tâche première des procureurs ou syndics était de défendre la ville et ses bourgeois dans leurs procès devant des tribunaux extérieurs 636 . Le syndic devait alors leur porter assistance sur tous les points de procédure tenant du droit ecclésiastique ou civil. Ces fonctions l’amenaient à plaider, à représenter leur client (Fürsprechen) ou l’assister de ses conseils. Après son serment de procureur devant le conseil le 1er mai 1432, Maître Johann Marquard représenta par exemple à de multiples reprises les intérêts judiciaires de Nuremberg à la cour impériale. Il exerça ces fonctions jusqu’en 1441, avant d’accéder au poste plus influent et mieux rétribué de secrétaire municipal.

Dès la seconde moitié du XVe siècle, le conseil nurembergeois se dota de procureurs permanents dans les hautes cours d’appel judiciaire, au Kammergericht impérial à Vienne et à la curie romaine. Maître Heinrich Eugel, licencié en droit canon, représentait ainsi les intérêts nurembergeois à la cour pontificale en 1455. Le conseil le tenait régulièrement informé des litiges nurembergeois avec les instances ecclésiastiques et appelait son expertise.

« Cher Maître Henri, Notre bourgeois Albrecht Heugel nous a rapporté comment il a été accablé dans une affaire au tribunal ecclésiastique de Bamberg, et comment il avait pour cette raison fait appel à la cour pontificale, comme son recours en appel envoyé ci-joint vous le montrera plus exactement. Nous vous demandons avec une insistance amicale de bien vouloir conseiller et aider notre bourgeois susdit dans sa justice et de lui être favorable. Nous vous en remercions particulièrement et vous nous feriez grand plaisir. » 637

Cependant à l’exception de ces procureurs permanents, les syndics nurembergeois se trouvèrent progressivement cantonnés au fil du XVe siècle dans le traitement judiciaire des affaires courantes, de plus en plus détachées des intérêts majeurs du conseil. Leur niveau de recrutement décroissant atteste de la banalisation de leurs fonctions. A Nuremberg, les procureurs ne comptaient pas de docteurs dans leurs rangs, mais souvent des Magister, voire au début du XVIe siècle, des « demi-érudits » qui n’avaient pas achevé leur cursus universitaire juridique. Leurs salaires étaient à la mesure de leur formation et d’un rôle jugé subalterne dans les affaires judiciaires et juridiques de la ville. En 1435, le consultant Gregor Heimburg recevait une solde annuelle de 220 florins (Landwährung) tandis que le syndic n’était pourvu que de 63,70 florins (Landwährung).

Il faut dire que, par coutume, les tâches de représentation et de défense judiciaire ordinaire ne requéraient pas forcément l’intervention de juristes. La persistance du droit germanique dans beaucoup d’instances judiciaires de premier degré offrait encore au XVe siècle des possibilités de recours à des « laïcs », des hommes non instruits du droit romain ou ecclésiastique, mais formés par la pratique 638 . Fréquemment, les bourgeois recrutaient – ou se voyaient attribuer – leurs défenseurs, les Fürsprecher, parmi les conseillers de leur commune. Même la ville de Nuremberg, pour se faire représenter au Landgericht de Hirschberg, n’employait pas dans les années 1431-1440 un expert en droit comme « Verantworter am Landgericht » (défenseur au Landgericht) 639 . Elle députait ses propres conseillers, en les affectant parfois régulièrement à ces tâches. Le chevalier et conseiller Hans Stetzmann représenta ainsi le conseil au tribunal d’Hirschberg pendant plusieurs années vers 1430-1440. Les litiges entre villes ou entre bourgeois de deux villes suivaient la même procédure coutumière. Gardée dans le giron des conseillers municipaux, ces affaires échappaient aux procureurs, qui restaient ainsi hors de l’intercommunalité.

« Les docteurs » et « sires curés » de Nuremberg qui devaient conseiller Nördlingen en 1447 n’étaient cependant pas des syndics, mais une espèce d’hommes de loi plus recherchée, les conseillers juridiques (consultants ; gelehrte Räte, Consulanten ).Tenus pour des virtuoses du droit, ils étaient à ce titre consultés tant sur des détails juridiques que sur des affaires politiques et administratives délicates. Le contrat de recrutement de Gregor Heimburg par Nuremberg, qui fait l’objet d’un instrument notarié en 1435, rend compte de ce que l’on attendait d’un tel juriste. Appelé à servir les intérêts de la ville et à la préserver des dommage, le « Jurist » devait la conseiller et porter assistance à la cité, à ses bourgeois et ses sujets contre tout homme. Ces fonctions d’aide et de conseil s’inscrivaient d’emblée à l’intérieur de la ville comme à l’extérieur, étant entendu que ceux qui recouraient alors aux services du consultant s’engageaient à lui fournir tous les courriers nécessaires et à lui payer les frais de chevaux et nourriture.

« Je me suis donc lié de telle sorte que je dois être leur juriste (Jurist) et agent (Diener) et rester auprès d’eux pour 5 années complètes, qui suivront la date de cette lettre et pendant le temps susdit, je dois servir fidèlement et être au service des bourgeois du conseil et de la ville de Nuremberg, favoriser et défendre leur pieux honneur et intérêt, et prévenir et écarter leurs dommages ; et je dois aussi donner conseil, aide et assistance, contre tout homme sans exception, au conseil, à tous les bourgeois de Nuremberg, à tous leurs sujets et dépendants et les leurs, là où ils ont besoin de moi, que ce soit dans la ville ou à l’endroit où ils m’enverront. Cependant si une affaire ne concernait pas la ville dans son ensemble, ceux qui ont alors besoin de moi, doivent récompenser ma peine en conséquence et quel que soit l’endroit où on m’envoie, je dois disposer fidèlement de leur messager (botschaft) dans leurs affaires, que ce soit près ou loin, de telle sorte qu’on me donne les vivres, qu’on me prête un cheval et que je ne sois responsable d’aucun dommage » 640

A l’intérieur de la ville, au vu de leurs contrats, les conseillers juridiques devaient siéger au tribunal municipal, où l’autorité du conseil nurembergeois détrôna vers 1340 celle de l’écoutête impérial. Dès le début du XVe siècle, Wiegand von Steg officiait comme assesseur au tribunal municipal tout en étant consultant du conseil 641 . En 1516, Christoph Scheurl, lui-même consultant 642 , livre quelques précieux détails sur l’intervention des conseillers en droit au tribunal de la ville.

« Le conseil choisissait huit hommes honorables, qui devaient vivre de leurs rentes et redevances (genannten). Avec ceux-ci, il établissait le tribunal municipal en deux tables distinctes. Chaque table devait recevoir un conseiller comme assesseur. Le conseil ordonnait aussi comme assesseurs du tribunal municipal trois ou quatre docteurs en droit, qui conseillaient sur les affaires judiciaires et renvoyaient à des articles et passages du droit écrit en rapport avec celles-ci. Sur la base de ceux-ci, les échevins donnaient leurs voix et rendaient jugement ». ’

Les conseillers juridiques étaient en outre consultés pour donner leur avis sur la constitution municipale. Celle de Nuremberg consista jusqu’à la fin du XVe siècle en des statuts épars, promulgués par le conseil, selon les nécessités du moment. Vers 1470, le gouvernement éprouva le besoin de collecter de façon plus rationnelle les Satzungen qu’il promulguait depuis le XIIIe siècle sur la constitution, le marché, la police et le droit pénal…On sait, par les protocoles du conseil, que les juristes intervinrent activement dans ce travail de collecte et de réécriture qui mena à la Nürnberger Reformation 643 . Du reste, la première impression de la Reformation nurembergeoise (chez Koberger, 1484) reconnut son tribut auprès des conseillers juridiques. Elle indiquait en préface que « ces lois ont été faites d’après le conseil de beaucoup de docteurs très érudits et selon le droit commun écrit, dans la mesure où cela s’était avéré conforme à la situation, la coutume et les usages de la ville de Nuremberg ». La loi naissait de la consultation des docteurs, mais de la volonté et la décision des conseillers.

A l’égard des experts en droit qui travaillent pour lui, le conseil nurembergeois mêlait l’admiration, la reconnaissance et la défiance. Ses juristes avaient au minimum le grade de « Magister », obtenu après examen, qui autorisait à enseigner le droit. Mais la plupart étaient pourvus de la dignité académique de « Licenciat » 644 , ou du grade suprême de docteur 645 , en droit civil et/ou canon. Ces degrés universitaires et leur érudition leur conféraient une estime indéniable. Christoph Scheurl, qui parle à vrai dire pro domo, étant lui-même juriste, estime qu’à Nuremberg, les docteurs sont « tenus autant en estime que les 7 anciens sires et les anciens bourgmestres » 646 , les plus éminents des conseillers. Socialement, les hommes de lois se situaient juste derrière les patriciens et s’intègraient à l’élite de l’honorabilité nurembergeoise, parmi les « besunder erbere leut », 50 à 100 familles qui, sans être patriciennes, entretenaient des alliances avec eux et revêtaient des offices municipaux 647 . Leurs salaires atteignaient des proportions conformes à l’honneur et grossissaient à la mesure de la réputation individuelle des juristes. Les plus convoités, ceux que l’on nommait les « Gelehrte Räte », comme Gregor Heimburg et Martin Mayer, recevaient des soldes en conséquence 648 . Au XVe siècle, elles dépassaient habituellement 200 florins et se maintinrent à ce niveau jusqu’au XVIe s. S’y ajoutaient de nombreuses gratifications et les remboursements pour frais de déplacements. Au nombre des attraits du métier s’inscrivait à Nuremberg la perspective d’obtenir l’une des deux cures, Saint-Sébald ou Saint-Laurent, que le conseil s’efforçait de ménager à ses conseillers juridiques 649 . Ils pouvaient ainsi espérer arrondir leur précule de 90 Mark Silber pour la paroisse de Saint Laurent, soit environ 635 florins.

Malgré l’impérieuse nécessité de recourir aux conseillers juridiques pour assurer la sauvegarde de la ville dans un empire en mutation, le gouvernement de Nuremberg ne se laissait pas étourdir par les grades, l’aura et le succès de ses conseillers juridiques. Il existait, au moins depuis 1454, une décision du Magistrat qui interdisait l’accès au gouvernement à tout docteur 650 .Cette attitude réservée appelle plusieurs explications et mêlait sans doute plusieurs motivations. Elle exprimait en premier lieu les réticences d’hommes de la pratique, formés au droit coutumier, envers les détenteurs d’une nouvelle conception du droit, parfois mêlée à des relents d’humanisme. L’interdiction du conseil aux docteurs entra aussi en vigueur à une période où la ville recrutait pour conseillers juridiques des personnages éminents, bien mis avec les princes et les grands d’Allemagne et dotés d’une fortune rondelette. Ces traits ajoutés à leur indéniable aptitude à gérer la cité, à leur connaissance des moindres ressorts du droit, éveillaient sans doute quelques appréhensions dans les rangs patriciens. On pouvait craindre que la tolérance à leur égard ne conduisît à la tyrannie, à une oligarchie du savoir ou, pire pour Nuremberg, à la trahison contre l’empire. A la même période, l’attitude réservée du gouvernement face aux juristes perçait au travers de leurs contrats, renouvelables, mais limités à des durées courtes, de deux ans ou cinq ans. Les gouvernants veillaient en outre à inscrire dans le recrutement une clause de révocation unilatérale, présente par exemple dans le contrat de Gregor Heimburg. Quoi qu’il en soit, le conseil patricien nurembergeois barra pour longtemps l’accès au gouvernement pour les docteurs et ne révisa pas ses positions quand les conseillers juridiques furent plus massivement d’extraction patricienne locale. La règle imposait aux enfants patriciens de faire un choix entre les titres universitaires (à distinguer du savoir) et le pouvoir municipal. Willibald Pirckheimer, sur les injonctions de son père, dut ainsi interrompre ses études universitaires de droit en 1495 pour devenir conseiller dès 1496. Les patriciens entretinrent par cette clause une oligarchie fondée sur le sang, plutôt que sur les grades et le mérite universitaire. Cette fermeture partielle du conseil se confirma et se concrétisa encore en 1521 au travers du Tanzstatut, qui limita l’exercice du pouvoir effectif (au sein du petit conseil) à 42 familles expressément nommées 651 .

En dépit de leur haut niveau social, et quelque fut leur considération, les conseillers juridiques nurembergeois se trouvaient donc derrière des barrières politiques qu’ils ne pouvaient franchir dans l’exercice de leurs fonctions. On reconnaissait l’importance de leurs avis, on les consultait souvent. Mais ils devaient rester dans l’ombre, en qualité d’assistants, de sorte qu’il est finalement très difficile de savoir dans quelle mesure ils influèrent sur les affaires de la ville. Ils n’étaient instruits des affaires à traiter que par la médiation de conseillers choisis à cet effet lors des séances du conseil.

« On n’admet pas les docteurs en droit dans le conseil. Dès que les sires sont divisés dans leurs propositions ou que les cas sont difficiles et importants, de telle sorte que l’on doit interroger dessus les experts en droit, on choisit deux des conseillers qui après le petit déjeuner sondent l’opinion des docteurs et en réfèrent le jour suivant. Cela se produit 3 à 5 fois par semaine, selon que des affaires importantes se présentent. Le conseil a en règle générale 5 à 6 docteurs en droit qu’il utilise exclusivement pour des expertises et des propositions. En dehors de ceux-ci, il a quatre autres docteurs. Ils servent seulement en à-côtés la communauté comme avocat. Mais pour l’essentiel, ils sont de la même façon à disposition du conseil. » 652

Cette connexion indirecte des juristes avec le pouvoir municipal se répercutait sur leurs occupations intercommunales. Leur moindre implication dans les affaires intimes de la ville ne plaidait pas pour une action intercommunale intense.

Selon les termes de leurs contrats, les conseillers juridiques devaient aider et conseiller la ville là « où les conseillers voulaient bien les envoyer » 653 . Leur tâche impliquait donc de prendre part à diverses délégations 654 . Mais le nombre des délégations auxquelles participèrent les conseillers juridiques et les procureurs de Nuremberg dans les années 1431-1440 s’avère largement inférieur au nombre de déplacements des secrétaires municipaux.

Sur l’ensemble de ces délégations, la part des démarches intercommunales apparaît encore plus restreinte. A cette époque (1431-1440), le conseil ne confiait encore à ses hommes de lois que des affaires extérieures relevant peu ou prou du droit canon : problèmes d’héritages et de rentes, conflits de juridiction avec les tribunaux ecclésiastiques. Sous ces conditions, il ressort des comptes municipaux de 1431-1440 une unique délégation intercommunale, effectuée par Konrad Kunhofer à Venise : En 1432,

« Dr Kunhofer envoyé à Venise à cause des dettes dont K. Kress le Jeune défunt 656 est resté redevable aux Vénitiens, pour lesquelles ils ont mauvaise volonté contre nous et la ville » 657 . ’

L’intervention des conseillers juridiques hors de leur ville n’était toutefois pas négligeable et alla en s’amplifiant. Ils avaient la tâche, inavouée, de servir au dehors la réputation de sagesse de Nuremberg. Aussi, tout en se lamentant de ne pouvoir profiter de ses docteurs pour lui, le conseil de Nuremberg prêtait-il avec libéralité les « Gelehrte Räte » qu’il avait recrutés :

« Gracieux sire, votre grâce bien née nous a écrit et demandé d’envoyer l’honorable docteur Gregor Heimburg au prince bien né, notre gracieux sire, le duc Louis de Bavière etc. Nous en avons bien pris note et faisons savoir à votre grâce princière que ledit docteur Gregor a été envoyé il y a quelque temps avec certains chevaliers et d’autres docteurs réputés de nos grâcieux sires les princes électeurs d’abord auprès de notre très gracieux sire le très éminent prince le sire Frédéric roi des Romains etc et ensuite auprès de notre saint père le pape Eugène dans de grandes affaires, alors même que nous aurions eu nous-mêmes entre-temps grand besoin dudit docteur Gregor pour notre compte. Et d’après ce que nous savons, il est maintenant à Francfort à cause de ces mêmes affaires et également de l’assemblée. De sorte qu’il ne nous appartient pas, à nous pauvres gens, de le réclamer dans ces grandes affaires, comme votre grâce peut elle-même en juger. Nous ne savons pas non plus quand il sera libéré de ces affaires, c’est pourquoi nous demandons serviablement à votre grâce bien née de prendre cela gracieusement à notre égard etc. car si nous pouvons faire service et bon plaisir à votre grâce princière etc » 658

Lorsqu’ils étaient aussi réputés qu’un Gregor Heimburg, Martin Mayer, ou Konrad Kunhofer, les conseillers juridiques étaient pour la ville, tout autant les défenseurs de ses intérêts judiciaires que les garants de son prestige. Pour cela, ils n’avaient nul besoin de se pencher sur les affaires de la cité et de la représenter directement. Le conseil, qui semblait avoir compris où était son intérêt, ne retenait ses juristes éminents qu’en cas de menaces vitales pour la ville 659 et s’accommodait sinon de leurs conseils juridiques prodigués par courrier 660 . En recrutant des juristes connus et appréciés des grands, Nuremberg faisait état de sa puissance à l’égale de celle des princes, de sa modernité et de son rayonnement. Ils étaient pour la ville comme un signe extérieur de sa richesse et de sa sagesse. En 1431-1440, sur les 11 déplacements de Gregor Heimburg, trois seulement répondirent aux besoins directs de Nuremberg ou de ses bourgeois, deux servirent les légats du concile de Bâle, deux le comte de Wertheim pour des réunions à Heidelberg et Uffenheim, une le margrave de Brandebourg pour des pourparlers en Bavière sur la Landfrieden et deux les ducs de Bavière 661 .

Sans avoir recherché l’exhaustivité sur le sujet, le corpus livre un échantillon de 36 missives relatives à des experts en droit entre 1405 et 1478. Elles confirment que les Gelehrte Räte de Nuremberg passaient le plus clair de leur temps à travailler pour les autres. Gregor Heimburg conseilla les princes électeurs, le roi Frédéric, le pape 662 . Le gouvernement nurembergeois le prêta dès son retour à l’archevêque de Trêves 663 . Il reçut les demandes de prêts venues des ducs Henri et Louis de Bavière 664 et du duc d’Autriche 665 , tandis que le duc Albrecht de Bavière réclamait quant à lui le docteur Heinrich Leubing 666 .

Les villes impériales comptaient parmi les bénéficiaires de ces prêts et Nuremberg ne manquait de leur fournir, comme aux princes, ses meilleurs experts en droit. Les juristes se trouvaient être de la sorte des vecteurs indirects de l’intercommunalité, destinés à renforcer les liens tissés entre cités. Les plus éminents docteurs et maîtres apportèrent, avec l’agrément du conseil nurembergeois, une assistance juridique et judiciaire notable aux villes souabes du Nord-Est : Ulm, Esslingen, Nördlingen, Donauwörth, Dinkelsbühl 667 . Les villes intéressées par les services des docteurs écrivaient directement à Nuremberg, mais recevaient en sus l’appui d’Ulm, la présidente de la ligue. Heinrich Leubing et Gregor Heimburg furent ainsi requis à plusieurs reprises par Ulm et Nördlingen en 1447-1448. A défaut d’un déplacement physique de l’expert en droit, leurs gouvernements se satisfaisaient d’expertises communiquées par courrier ou d’une aide dans leurs affaires à la cour impériale. Présents auprès de l’empereur pour les affaires nurembergeoises, Heinrich Leubing fut par exemple prié par son conseil d’œuvrer pour Nördlingen. Gregor Heimburg dut faire de même pour l’ancien conseil de Schweinfurt renversé en décembre 1446. Le docteur Thomas Pirckheimer soutint pour sa part à la cour les affaires de la ligue souabe et de Donauwörth 668 . Heinrich Eugel, le procureur de Nuremberg devant la Curie, prodigua son assistance et ses conseils à la ville franconienne de Windsheim 669 .

Au-delà de l’aide individuelle qu’ils pouvaient apporter aux villes demandeuses, ces juristes de renom constituaient un véritable enjeu dans la compétition entre les princes et les villes. Dans les années 1455-1456, la ligue urbaine souabe et Ulm multiplièrent par exemple les démarches pour gagner exclusivement et définitivement Gregor Heimburg à la cause urbaine 670 . Une décennie plus tôt, ce problème de choix entre les princes et les villes était déjà évoqué dans une lettre de Nuremberg à Ulm (Le 31 décembre 1447) :

« Votre prudence nous a écrit au nom de vos et bons amis de l’ensemble des villes impériales de notre union et, au sujet de l’affaire qui touche nos et vos bons amis, ceux de Nördlingen. Vous nous avez demandé de charger le digne sire Heinrich Leubing, docteur en droit et curé de Saint Sébald, chez nous à Nuremberg, de s’occuper de l’affaire de ceux de Nördlingen et de se rendre aux côtés de leur délégation à la réunion fixée par devant notre très gracieux sire le roi etc. Nous en avons pris bonne note et ceux de Nördlingen nous ont aussi écrit et demandé la même chose. Nous avons alors, par le biais de notre conseiller, requis ledit sire de Saint Sébald au nom de l’ensemble des villes, de ceux de Nördlingen et en notre nom. Alors ladite éminence a fait part à nos conseillers des nombreuses demandes qui lui avaient été faites par notre gracieux sire le comte palatin et d’autres princes, sires, chevaliers et écuyers renommés pour les aider et se rendre dans plusieurs réunions importantes à plus d’un endroit, de sorte qu’il devra toutes les décliner et craint quelques mauvaises réactions. Mais il a demandé à réfléchir une nuit, et quand nos conseillers sont revenus auprès de lui, ils lui ont raconté exactement comment, pour l’ensemble des villes, et pour chacune en particulier, il y avait de gros et importants enjeux, à cause de toutes les affaires passées et à venir. Et ils l’ont prié avec tant d’insistance et se sont donnés tant de peine qu’en dépit de ses paroles précédentes, il a alors accepté par amour de l’ensemble des villes, de ceux de Nördlingen et de nous en particulier et pour faire notre volonté et il a alors demandé qu’on lui apprenne sans faute quand on s’y rendra et où l’on doit se rencontrer. Nous avons fait rapporter et raconter cela aux susdits de Nördlingen. » (BB18, fol. 419-419v)’

Quand bien même Ulm ou Nuremberg tentaient de faire de leurs meilleurs juristes les instruments d’une corporation urbaine et tissaient leurs liens en se prêtant ces experts, les hommes de loi échappaient largement à leurs désirs. Les cités impériales durent se contenter pendant une grande partie du XVe siècle de conseillers juridiques « en temps partagé ». Contrairement à la carrière des secrétaires municipaux, celle des juristes n’était en effet en rien tributaire du monde urbain. En dépit des contrats passés avec Nuremberg, ses conseillers juridiques et ses procureurs semblaient imposer à leur employeur, au moins jusque dans les années 1470, un comportement indépendant. Ils ne se laissèrent pas enfermer dans le service exclusif de la ville ou des villes. Les « Gelehrte Räte » travaillaient avant tout pour leur compte, en « free lance ». Pour assurer leur ascension sociale, ils faisaient feu de tout bois et n’hésitaient pas à multiplier les contrats de service, parfois peu conciliables, comme le montrent les biographies de Gregor Heimburg ou Martin Maier.

Sans doute apparenté à la famille patricienne des Heimburg de Schweinfurt, Gregor Heimburg 671 fut cependant inscrit comme « pauper » le 13 octobre 1413 dans les matricules de l’université de Vienne. Il acheva sa formation en Italie et étudia le droit canon à Padoue jusqu’à l’obtention du titre de doctor in juris utriusque en 1430. Recruté comme juriste par Nuremberg en 1435, son premier contrat ne fut pas renouvelé en 1439. Les relations avec la ville s’étaient tendues quand Gregor Heimburg se laissa nommer par le duc de Saxe en 1437 comme « avocat et procureur » pour un salaire annuel de 60 florins, sans que la ville ne l’ait su. Nécessité faisant loi, le conseil nurembergeois revint cependant sur ses positions et reprit Gregor Heimburg à son service en janvier 1444 alors qu’il travaillait déjà pour plusieurs princes. A défaut de se l’attacher à son service exclusif, la ville pouvait espérer être servie mieux et plus que d’autres en versant à Gregor Heimburg, de 1450 à 1455, 500 florins annuels. Mais Gregor Heimburg conservait une grande autonomie d’action. C’est par exemple avec un déplaisir certain que Nuremberg apprit en février 1448, par courrier de Schweinfurt, l’entremise de son docteur, natif de Schweinfurt, dans le litige entre l’ancien et le nouveau conseil de Schweinfurt, alors que les parties adverses avaient plusieurs fois repoussé les offres d’arbitrage de la cité impériale 672 .

Né à Heidelberg, Martin Mair 673 poursuivit des études humanistes et juridiques au moins jusqu’à l’obtention de la licence. Son premier contrat avec Nuremberg remonte au 3 février 1449. Nommé conseiller juridique de la ville dans un contexte de guerre ouverte contre le margrave de Brandenbourg, il eut d’emblée à composer plusieurs expertises sur les différends judiciaires entre les deux puissances voisines. Dès cette époque, il prêtait aussi des services à l’empereur et à Ulm et travaillait pour Ratisbonne contre salaire. Nommé chancelier par l’archevêque de Mayence en 1455, il continua à servir Nuremberg, où il avait au reste des attaches matrimoniales avec la famille patricienne Imhof (son beau-père était Pankraz Imhof). En 1458, il menait de front le service de Nuremberg, du comte palatin et de l’évêque de Würzbourg, sans observer de préférences. Il y ajouta par la suite des conseils juridiques pour le roi Georges de Bohême. Un poste à vie à la cour bavaroise de Louis le Riche le poussa finalement à s’établir à Landshut, en se réservant un droit de service pour le roi de Bohême, le comte palatin Frédéric et Nuremberg qu’il conseilla jusqu’en 1471.

Au cours du XVe siècle, Nuremberg dut ainsi consentir au prêt de ses consultants, non seulement à ses alliés, mais encore à leurs multiples patrons, avec lesquels il fallait bien accepter de composer. Pour mettre fin à cette embarrassante situation, la ville chercha les moyens de contrecarrer l’indépendance des juristes dans le dernier tiers du XVe siècle. Elle recourut alors plus massivement aux fils de patriciens locaux en leur imposant par serment une clause d’exclusivité 674 . Si les juristes municipaux du XVIe siècle continuèrent à avoir plusieurs maîtres dans leur carrière, ils furent contraints de les servir successivement. Ils s’installèrent donc durablement à Nuremberg et s’enracinèrent dans la vie locale. Né à Nuremberg en 1481, Christoph Scheurl 675 est l’archétype de cette nouvelle génération de conseillers juridiques. Fils de la patricienne Helene Tucher, il put mener les meilleures études en Italie de 1498 à 1506 et obtint à Bologne le 23 décembre 1506 un titre de doctor juris utriusque. A son retour, recruté comme professeur (1507) et conseiller (1508) par le prince électeur de Saxe, il enseigna à l’université de Wittenberg. De retour à Nuremberg en 1512, il revêtit les fonctions de conseiller juridique du conseil doublées d’un siège d’assesseur au tribunal municipal (1513-1531). Par son mariage en 1519 avec la patricienne Katharina Fütterer et son érudition, il obtint l’accès au grand conseil et l’office de Genannte, de 1520 à 1542.

Sous couvert de ne servir qu’une ville, Christoph Scheurl et ses collègues durent cependant œuvrer pour plusieurs. Au début du XVIe siècle, les conseilleurs juridiques alimentèrent en effet plus que jamais les échanges de conseils entre petites et grandes villes. Ils répondaient en cela aux ordres du conseil, qui avait manifestement trouvé un moyen de mettre davantage ses juristes au service de l’intercommunalité.

Notes
631.

A titre de comparaison, on pourra consulter quelques études portant sur le royaume de France. Voir en particulier, Noël Coulet, « Les juristes dans les villes de la Provence médiévale », dans Les sociétés urbaines en France méridionale et en péninsule ibérique au Moyen Âge, Paris, 1991, p. 311-327 ; André Gouron, « Le rôle social des juristes dans les villes méridionales au Moyen Âge », Villes de l’Europe méditerranéenne et de l’Europe occidentale du Moyen Âge au XIXe siècle, Annales de la Faculté des Lettres et sciences humaines de Nice, 1969, p. 55-67 ; André Rigaudière, « Des hommes au service de leur cité : l’essor des conseillers juridiques », dans Gouverner la Ville, p.216-249

632.

Lettre de Nuremberg à Nördlingen. Cf. StAN, BB18, fol.343’ (16/09/1447)

633.

Les premières universités allemandes remontent à la deuxième moitié du XIVe siècle : Prague ouvre ses portes en 1348, Vienne en 1365, Heidelberg en 1386, Cologne en 1388, Erfurt en 1392, Leipzig en 1408, Greifswald en 1456, Bâle en 1459 et Fribourg en 1460.

634.

Sur les hommes de loi à Nuremberg, voir Friedrich Wolfgang Ellinger, Die Juristen der Reichsstadt Nürnberg vom 15. bis 17. Jahrhundert, Diss. Erlangen, 1950, éditée dans Reichsstadt Nürnberg, Altdorf und Herbruck. Genealogica, Heraldica, Juridica, Neustadt/Aisch, 1954, (Freie Schriftenfolge der Gesellschaft für Familienforschung in Franken 6), p. 130-222 ; Helmut Wachauf, Nürnberger Bürger als Juristen, Diss. Jur., Erlangen, 1972, p. 65-93 en particulier

635.

Né en 1334 à Nuremberg, ce juriste décède en 1402

636.

Rappelons que si les privilèges urbains étaient respectés, pour les affaires strictement temporelles, les dépôts de plainte contre des bourgeois ou sujets nurembergeois devaient se faire en première instance devant le tribunal municipal de Nuremberg. Les autres villes impériales franconiennes avaient acquis des privilèges similaires et n’autorisaient les plaintes que devant leur tribunal municipal. Les affaires traitées par les procureurs correspondaient donc à des plaintes menées par les Nurembergeois à l’extérieur ou à des procès traités en appel.

637.

Cf. StAN, BB26, fol.138v, lettre du conseil de Nuremberg à Heinrich Engel, 1456

638.

Ce n’est finalement qu’au XVIe siècle, à cause de la généralisation du droit romain, que les anciens « Fürsprecher » de Nuremberg furent détrônés par des experts en droit nommés cette fois « Advokaten ». Le Doctor Michael Marstaller inaugura la longue liste de ces gradués, qui n’exerçaient cependant plus pour la ville, mais pour le compte exclusif de bourgeois confrontés à des litiges judiciaires.

639.

Les affaires traitées dans de tels cas avaient été le plus souvent déposées au Landgericht en contradiction avec les privilèges de la ville. Les Landgerichte auxquels le conseil de Nuremberg avait fréquemment à faire étaient celui de Nuremberg, détenu par les anciens burgraves de Nuremberg, les margraves de Brandebourg (qui siégeait à Nuremberg ou à Gostenhof, à Cadolzburg, à Schwabach, Neustadt/Aisch et Fürth) et ceux de Hirschberg et Sulzbach, qui relevaient des comtes palatins. Episodiquement, le conseil pouvait avoir à défendre ses intérêts ou ceux de ses bourgeois au Landgericht de Rothenbourg, de Würzbourg, de Rottweil… Aucun de ces tribunaux n’avaient au bas Moyen Âge de ressort bien délimité. Voir Paul Sander, Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs, Leipzig, 1902, p.14-15 (carte)

640.

Cf. Friedrich Wolfgang Ellinger, Die Juristen der Reichsstadt Nürnberg vom 15. bis 17. Jahrhundert, Diss. Erlangen, 1950.

641.

Conseiller juridique pour le conseil depuis 1397, ce docteur en droit ecclésiastique devient assesseur au tribunal municipal en 1413. La plupart des conseillers juridiques de la ville qui le suivirent travaillèrent aussi pour le tribunal municipal.

642.

Ses collègues étaient alors Ulrich Nadler, Petrus Totzler et Johann Protzer.

643.

Une décision du conseil en 1478 demande à G. Imhof et Ulrich Stromaier de faire diligence pour « prendre plus de conseils à propos du serment des juifs auprès des experts (Gelehrten) ». Avant d’intégrer le serment des juifs dans la Reformation, le gouvernement nurembergeois la soumit encore au « doctor Martin » (Mayer) pour conseils et lui demanda d’obtenir aussi l’avis des experts de Francfort

644.

Celui qui voulait devenir Licenciat devait fréquenter l’université deux ans après l’obtention du Baccalauréat. Il devait assister à toutes les disputes et y participer. Pendant une année, il assumait les cours et dans les deux ans devait se soumettre au moins trois fois à une « responsio ». Ses acquis étaient validés par un examen au terme de la formation.

645.

Seul le grade de docteur donnait les pleins pouvoirs et toute liberté pour instruire les autres du droit. Ce qui appelait souvent des études de 6 à 8 ans. Mais progressivement, les différences entre la concession de la Licence et du doctorat s’estompèrent.

646.

Cf. Christoph Scheurl, « Scheurl’s Epistel über die Verfassung der Reichsstadt Nürnberg » (1516), dans Carl Hegel, Die Chroniken der fränkischen Städte, vol. 5 : Nürnberg, Leipzig, 1874, p.778,

647.

Christoph Scheurl, Epistel an Johannes von Staupitz (15 décembre 1516), chapitre 3, éd. Albert Werminghoff, Conrad Celtis und sein Buch über Nürnberg, Fribourg, 1921, p. 212-227, ici 215, définit les honorables (Genannte) comme suit : « Hi dicunter nominati et sunt, qui honeste vivunt, qui victum manibus non quaeritant… ». La traduction allemande, qui n’est pas de Scheurl, mais remonte néanmoins à la première moitié du XVIe siècle permet de connaître les termes de l’époque. » Ils sont tous appelés maintenant et chacun en particulier, les genannten (les nommés), ce sont les gens de vie et existence honnête, qui assurent leur nourriture avec des activités honorables et considérées et non avec des métiers méprisés. Christoph Scheurl, « Scheurl’s Epistel über die Verfassung der Reichsstadt Nürnberg » (1516), dans Carl Hegel, Die Chroniken der fränkischen Städte, vol. 5 : Nürnberg, Leipzig, 1874, p.781-804, ici 787. Le nombre des honorables s’accrut dans la première moitié du XIVe siècle. On comptait 78 Genannten en 1330. En 1510, ils sont environ 250 dont près de 100 patriciens. En 1520, leurs effectifs atteignent 266 personnes. Voir Kurt Schall, Die Genannten in Nürnberg (=Nürnberger Werkstücke 6), Nuremberg, 1971. Le substantif « honorabilité » ne semble pas exister à Nuremberg avant la Réforme, mais on trouve un emploi très fréquent de l’adjectif « erbar », « erber ». Il désigne l’éminence sociale, les élites, mais se pare aussi d’une dimension éthique. Erbar peut être employé comme synonyme d’honnête, vertueux. Le premier docteur qui fut appelé à exercer parallèlement l’office de Genannte était Hans Lochner en 1461-1466. Il s’agit sans doute du Dr. Johannes Lochner (mort en 1491), qui obtint le titre de docteur en médecine à Padoue, mais fit aussi des études juridiques. Il devint médecin municipal à Nuremberg en 1438 et y épousa une fille de la famille Pirckheimer. Au décès de sa femme, il entra dans le couvent de chanoines augustins de Neunkirchen a. Brand (1467).

648.

D’emblée au XIVe siècle, la charge de juriste avait paru au gouvernement plus digne de paiement que celle de secrétaire municipal. Magister Erhard recruté comme juriste et secrétaire municipal, dans les années 1361/1362 (copie du contrat dans le Satzungsbuch IV) reçoit 110 livres heller pour tenir son premier rôle.

649.

La démarche ne réussit pas à chaque fois. Au décès du Dr Konrad Kunhofer le 7 juin 1452, la paroisse Saint-Laurent fut rapidement conférée par le conseil au Nurembergeois Thomas Pirckheimer. Peter Knorr, un éminent conseiller du grand adversaire et voisin de Nuremberg, le margrave de Brandenbourg, avait cependant obtenu une provision pontificale sur la même paroisse et le soutien de l’évêque de Bamberg, qui avait la tutelle ecclésiastique sur Nuremberg. Nuremberg se tourna alors vers la curie pour faire passer son candidat. L’empereur et l’évêque Enea Silvio Piccolomini se prononcèrent pour Thomas Pirckheimer. Mais Peter Knorr refusa la solution de remplacement qu’on lui proposait à Freising et s’installa dans la place nurembergeoise en septembre 1454. Il cumulait les bénéfices et était doté également à Ansbach et Hallstadt.

Chaque fois qu’il devait nommer un nouveau conseiller juridique, le conseil se livrait donc à d’importantes tractations avec les instances ecclésiastiques pour arriver à ses fins. Les missives font état de ces démarches, malgré l’obtention d’un droit de présentation par la ville impériale pour les deux paroisses le 31/12/1474 (Sixte IV). Voir par exemple StAN BB36 (1478), entre autres, fol.13, 58, 168. Au décès de Peter Knorr, docteur, curé et prieur de l’église Saint-Laurent, le conseil est sollicité par l’archevêque de Mayence pour doter de cette paroisse le docteur et prieur Jorg Pfinzing, chancelier de l’évêque. Doté du bénéfice, il décède dans l’année. Le conseil s’emploie alors, sur la base de ses privilèges pontificaux, à conférer le bénéfice de Saint Laurent et la fonction de juriste à Kilian von Bibra. C’est le syndic permanent de Nuremberg, alors Johann Polraus, qui effectue les démarches nécessaires à la curie, avec l’aide de Conrad Kranz, Licenciat.

650.

Cette indication figure dans une lettre de Johannes Rot à Gregor Heimburg du 16 mai 1454, éditée par Paul Joachimsohn, Gregor Heimburg, Bamberg, 1891. Ce rejet des docteurs hors des sphères politiques n’est pas unique. Albert Rigaudière le relève dans quelques villes du Midi à l’époque de leur émancipation. Sans allerà ces extrémités, la méfiance à l’encontre des hommes de loi semble un trait partagé dans la plupart des cités qui recouraient à leurs services. Cf. Albert Rigaudière, « L’essor des conseillers juridiques des villes dans la France du bas Moyen Âge », dans Gouverner la ville, p. 215-251, en particulier chapitre III

651.

Cette réaction défensive du patriciat local est en parfaite contradiction avec les valeurs urbaines prônées par le conseil vis-à-vis de l’extérieur. Elle s’oppose aux attributs de « sagesse », de « prudence » et d’honneur par le mérite dont se vantaient les éloges de Nuremberg. Les docteurs en droit servaient certes la promotion de la ville à l’extérieur, mais dans les faits, ils devaient se tenir loin de ses instances dirigeantes !…

L’édition du Tanzstatut figure dans Theodor Aign, Die Ketzel. Ein Nürnberger Handelsherren- und Jerusalempilgergeschlecht, Neustadt/Aisch, 1961, p. 106-113, ici p. 107 et s.

652.

Cf. Christoph Scheurl, « Scheurl’s Epistel über die Verfassung der Reichsstadt Nürnberg » (1516), dans Carl Hegel, Die Chroniken der fränkischen Städte, vol. 5 : Nürnberg, Leipzig, 1874

653.

Cf. contrat d’embauche de Gregor Heimburg, ci-dessus

654.

Quand en 1426, l’évêque de Bamberg refusa l’investiture à quelques vicaires à Nuremberg, le conseil dépêcha son consultant Konrad Kunhofer pour mener les négociations avec le margrave Frédéric et l’évêque de Bamberg. Cf. StAN, BB7, fol. 110, 114, 130, 131. Le juriste suivit cette affaire jusqu’en 1427. En 1429, le même consultant partit à la cour pontificale pour régler des affaires judiciaires nurembergeoises en suspens à la curie depuis 1425.

656.

Konrad Kress décéda le 21 janvier 1430

657.

Le déplacement de Konrad Kunhofer en 1432 à Bamberg « à cause de ceux de Wöhrd » (un faubourg de Nuremberg), tout comme les voyages de Johann Marquard en 1437, répondent quant à eux à un conflit de compétence, non avec la ville de Bamberg, mais avec l’évêque du lieu. Les plaintes déposées contre des Nurembergeois au tribunal ecclésiastique de Bamberg pour des affaires temporelles étaient nombreuses et l’officialité n’hésitait pas à les recevoir, contrecarrant ainsi les privilèges de non evocando détenus par Nuremberg. Le Dr Konrad Kunhofer se rendit en outre à Kitzingen en 1433 pour une réunion judiciaire entre l’évêque, le chapitre et la ville de Würzbourg, alors en conflit ouvert. Sa présence fut néanmoins requise par une instance supérieure au conseil nurembergeois, une délégation de prêlats venus du concile de Bâle.

Cf. Paul Sander , Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs dargestellt auf grund ihres Zustandes von 1431 bis 1440, Leipzig, 1902

658.

Lettre de Nuremberg au duc Henri de Bavière. Cf. StAN, BB 18, fol. 42v (13/09/1446). Voir aussi entre autres fol.170, 172, 173, 205, 212, 393, 402v, 403, 411, 411v, 419. En février 1447, le conseil affirme dans ses lettres que Gregor Heimburg n’est pas rentré à Nuremberg depuis la réunion de Francfort.

659.

En 1447, le gouvernement nurembergeois se mit brusquement à refuser toutes les demandes de prêts habituelles et réserva l’usage exclusif de Gregor Heimburg à la défense du sire Conrad de Heideck, allié de la ville. Nuremberg avait conclu un contrat avec Conrad de Heideck en 1445. Contre 400 florins annuels, Conrad devait servir la ville pendant 10 ans avec son corps et ses gens, mais aussi avec tous les moyens que lui offraient sa seigneurie, ses châteaux et sa ville de Heideck, des territoires qui jouxtaient les terres du margrave de Brandenbourg. Le margrave avança alors que le sire de Heideck n’était pas un sire libre d’empire, mais un vassal félon qui avait fait atteinte à ses droits par son contrat avec Nuremberg et en établissant des mines, exploitées par les Nurembergeois. Pour ne pas envenimer ses relations avec le margrave de Brandebebourg, Nuremberg recourut au docteur Heimburg, tout en lui demandant la plus grande discrétion sur l’intervention de la ville : « S’il arrivait que l’affaire en vienne à ce que le gracieux sire, le Margrave Albrecht de Brandenbourg…, nous accuse de monter cet homme (Conrad de Heideck) contre lui ou s’il voulait nous faire du tort, nous prions votre honneur avec zèle de bien vouloir dire que cette fois vous n’avez pas été envoyé par nous, mais que vous êtes venu de vous-même, et que vous ne doutez pas que si nos conseillers étaient là, ils seraient tout à fait capables de défendre notre nécessité en la matière, et en particulier de dire que nous n’avons rien entendu dire d’autre que ledit sire de Heideck est un pieux homme et qu’il se plie totalement au règlement de justice qu’il avait accepté… », Cf. BB18, fol.402v, 05/12/1447, 403, 411. L’épisode précipita cependant la seconde guerre des villes, qui opposa Nuremberg au margrave de Brandebourg.

Dans ce contexte, le 22 décembre 1450, Nuremberg prorogea le contrat de Gregor Heimburg pour 5 ans et s’engagea à lui verser une solde extraordinaire de 500 florins. C’est à la même période qu’elle recruta celui que Gregor Heimburg appelait son « praeceptor », Martin Mair. Au terme du conflit militaire, à la cour impériale, les deux conseillers juridiques menèrent pour Nuremberg les négociations contre le parti margravial de 1451 à 1453. Il s’agissait désormais de querelles d’experts, où rivalisaient les plus éminents juristes : Gregor Heimburg et Martin Mair pour Nuremberg, Peter Knorr et Ludwig von Eyb pour les Hohenzollern.

660.

Tout en travaillant pour les grands, Gregor Heimburg délivre ses conseils juridiques à Nuremberg par courrier sur un problème de rentes et des conflits de compétences avec l’officialité de Bamberg. Cf. StAN, BB18, fol.173

661.

Voir Paul Sander, Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs dargestellt auf grund ihres Zustandes von 1431 bis 1440, Leipzig, 1902. D’après les mentions fournies par l’index pour Gregor Heimburg pour les voyages que Gregor Heimburg effectua en compagnie de conseillers, et les délégations de Gregorius Heimburg seul, p.552

662.

Cf. StAN, BB18, fol.42v

663.

Cf. StAN, BB18, fol.172, 205

664.

Cf. StAN, BB 18, fol.42v, 393, 411

665.

Cf. StAN, BB18, fol.212

666.

Cf. StAN, BB18, fol. 479v, 419, 480. Les registres de lettres reçues par Nuremberg confirment ce constat. Les juristes nurembergeois travaillèrent fréquemment pour l’empereur, les ducs de Saxe, les comtes palatins et ducs de Bavière, l’archevêque de Mayence. Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen : Thorbecke, 1997. Voir les entrées correspondant aux experts en droit mentionnés.

667.

Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen : Thorbecke, 1997. Voir les entrées correspondant aux experts en droit mentionnés. De même que celles des villes citées.

668.

Cf. StAN, BB 26, 35v

669.

Cf. StAN, BB26, fol.99, 99v, 190v

670.

Cf. StAN, BB26, fol.4v, 11v, 131v

671.

Cf. Alfred Wendehorst, « Gregor Heimburg », dans Fränkische Lebensbilder, vol.IV, p.112 et s. ; Paul Joachimsohn, Gregor Heimburg, Bamberg, 1891, (Historische Abhandlungen aus dem Münchener Seminar 1), réimpression Aalen, 1983 sous le nom de Joachimsen, p. 96-143

672.

Cf. StAN, BB18, fol. 449v, « Vous nous avez écrit comment le digne sire Gregorien Heimburg, docteur en droit, a fixé une réunion amiable chez vous à Schweinfurt pour le mardi suivant dimanche invocavit prochain dans le litige qui vous oppose à ceux de l’ancien conseil de Schweinfurt. De telle sorte que vous nous demandez de bien vouloir vous envoyer aussi notre délégation du conseil pour cette réunion etc. Nous en avons bien pris note. Quand bien même le zèle et le travail que nous avons déployés plus d’une fois dans votre affaire n’ont jamais été pris en compte, nous voulons bien envoyer notre délégation à la susdite réunion amiable… » (03/02/1448)

673.

Cf. Sigmund Riezler, « Martin Maier », ADB, vol.20, 1884, p.113-120 ; Franz Josef Worstbrock, « Mayr (Mair, Meyer), Martin », dans Verfasserlexikon, vol. 6 Lief.1 (1985), colonne 241-248 ; Friedrich Wolfgang Ellinger, Die Juristen der Reichsstadt Nürnberg vom 15. bis 17. Jahrhundert, Diss. Erlangen, 1950, éditée dans Reichsstadt Nürnberg, Altdorf und Herbruck. Genealogica, Heraldica, Juridica, Neustadt/Aisch, 1954, (Freie Schriftenfolge der Gesellschaft für Familienforschung in Franken 6), p. 130-222

674.

Voir Berndt Hamm, « Humanistische Ethik und reichsstädtische Ehrbarkeit in Nürnberg », MVGN 76 (1989), p. 65-121 ; Friedrich Wolfgang Ellinger, Die Juristen der Reichsstadt Nürnberg vom 15. bis 17. Jahrhundert, Diss. Erlangen, 1950, éditée dans Reichsstadt Nürnberg, Altdorf und Herbruck. Genealogica, Heraldica, Juridica, Neustadt/Aisch, 1954, (Freie Schriftenfolge der Gesellschaft für Familienforschung in Franken 6), p. 130-222 ; Helmut Wachauf, Nürnberger Bürger als Juristen, Diss. Jur., Erlangen, 1972, p. 65-93 en particulier

675.

Cf. Wilhelm Graf, Dr. Christoph Scheurl von Nürnberg, Leipzig, 1930, (Beiträge zur Kulturgeschichte des Mittelalters und der Renaissance 43), réimpression Hildesheim, 1972.