Les logiques d’alliance

La participation massive des villes impériales aux édits de paix régionaux n’est pas en soi une singularité franconienne. Dans toutes les régions, elles furent les animatrices des associations de paix et y trouvèrent une voie de rapprochement. Mais l’époque tardive où les villes impériales franconiennes entrèrent dans des réseaux politiques donne à leurs alliances un tour particulier.

Dans l’empire, la première génération des alliances politiques urbaines, à l’image de la ligue rhénane, fut concomitante de la construction municipale à l’intérieur des cités 892 . Elle survint à un « moment où la position des conseils dans les villes ne pouvait pas encore passer pour confortée » (Gerhard Pfeiffer). Outre la paix dans l’empire, la sécurité sur les routes et la lutte contre les brigands, les ligues servirent donc, à cette époque, la constitution de l’unité interne dans chaque ville-membre. Odile Kammerer 893 souligne combien ces premières associations politiques furent un « élément essentiel de pédagogie unitaire ». Elles apportèrent une aide extérieure au renforcement des structures internes. Au XIIIe siècle, la communauté des villes confortait la communauté dans chaque ville. La paix recherchée entre les cités n’était autre que le prolongement de la paix interne, sans laquelle la ville n’existait pas. Les communautés bourgeoises des villes liguées fusionnaient en une même communauté interurbaine. L’union conclue vers 1230 entre Hambourg et Lübeck était donc un accord passé entre « communia », tandis que Worms et Mayence n’hésitaient pas, en concluant leur ligue, à se qualifier de « concives ».

En Franconie, cependant, quand les villes commencèrent à former des réseaux pour la paix, leurs conseils respectifs avaient déjà conforté leurs positions sur les communautés bourgeoises. Certains, à force de grignoter les pouvoirs des officiers royaux, étaient même parvenus à détenir, de droit, la faculté régalienne de contracter des alliances.

Nuremberg 894 , « locus imperiali potestate assignatus », depuis 1112, abritait à la fin du XIIe siècle un écoutête (schultheiss) qui administrait la ville pour le roi, un burgrave chargé de la protection militaire 895 et un bouteiller (butigler) auquel étaient confiées l’administration et la justice sur les domaines royaux environnants 896 . La communauté des bourgeois, ou les meliores qui agissaient en son nom 897 , dut se faire une place parmi eux au cours du XIIIe siècle.

Le grand privilège de Frédéric II en 1219 évoque pour la première fois la « civitas », la soustrait aux tribunaux extérieurs et lui permet de répondre globalement de l’impôt royal. Vers 1240, la communauté bourgeoise, fortifiée par ses activités commerciales et liée par serment (universitas civium vers 1245), a déjà acquis une certaine marge d’action, elle dispose d’un sceau et d’un secrétaire. En 1256 au plus tard, elle se dote d’un conseil qui œuvre aux côtés de l’écoutête et sous son autorité : « scultetus, consules et universitas civium ». En parallèle, subsiste cependant un collège d’échevins issus de la bourgeoisie, lui aussi soumis à l’écoutête. Ces « nominati », « jurati » ou « Genannten », qui témoignent en justice au tribunal municipal et peuvent sceller des actes, ne se fondent parmi les consules qu’à la fin du XIIIe siècle. Peu à peu, le conseil est en effet parvenu à gagner en influence sur le tribunal de l’écoutête. Depuis les années 1260, il a un droit de regard sur les actes du tribunal et y appose son sceau. Vers 1285, il commence aussi à émettre des ordres de bannissements, preuve d’une faculté de décision judiciaire autonome, à laquelle ne manque plus que la force exécutoire du jugement, toujours détenue par l’écoutête.

La bourgeoisie nurembergeoise parvient à franchir le pas décisif au tournant du XIIIe siècle en dépit du renforcement du burgraviat dès 1273 898 . A partir de 1298, les Consules disposent de leur propre pouvoir de contrainte sur les bourgeois et peuvent donc faire exécuter directement leurs jugements et décisions, sans passer par le tribunal de l’écoutête. L’autorité communale ainsi constituée se met à administrer elle-même la communauté. Dès la fin du XIIIe siècle, apparaissent un impôt direct (le Losung) et des ordonnances du conseil (Gebot und Verbot). Après 1302, le conseil dispose à sa guise de l’attribution ou du retrait du droit de bourgeoisie. Un privilège accordé par l’empereur Henri VII en 1313 confirme les évolutions décisives du pouvoir municipal. Il établit la dépendance de l’écoutête à l’égard du conseil, confirme le contrôle des Consules sur la juridiction municipale et confie le droit de légiférer aux conseillers et aux échevins (Satzungsrecht). 12 consules, 12 schöffen et 53 Genannten s’associent par conséquent à l’écoutête en 1319 pour prononcer un bannissement hors de la ville.

Une fois son autorité sur la communauté bourgeoise acquise, il ne reste plus au conseil qu’à conforter ses droits au cours du XIVe siècle. Il obtient la juridiction sur ses sujets hors de la ville dès 1343, en les soumettant au jugement exclusif de son Bauerngericht. A l’intérieur de la cité, la surveillance des métiers et la protection des juifs complètent les attributions du gouvernement municipal vers 1350. Ce comité de 13 consules et de 13 échevins pose les bases symboliques de son pouvoir en achetant en 1332 la parcelle destinée à la construction d’un hôtel-de-ville. Parallèlement, il mène bon train la « communalisation » de l’office d’écoutête. De 1339 à 1365, les burgraves concèdent la charge en engagère au bourgeois nurembergeois Konrad Gross, membre du conseil. En 1343, le « sceau de l’écoutête » (sigillum sculteti) n’est déjà plus que le « sceau du juge » (sigillum judicii). Le conseil récupère l’office en engagère en 1385, puis l’achète définitivement aux burgraves en 1427, avec les anciens droits royaux qui pesaient sur la ville 899 .

Rothenbourg parvint à une émancipation plus rapide encore que celle de Nuremberg. Siège des fils du roi à l’époque des Staufen, Rothenbourg fut, comme Nuremberg, un centre d’administration des biens impériaux. La gestion de ce patrimoine royal revint à la fin du XIIe siècle à des ministériaux liés par ailleurs à l’évêque de Würzbourg, les Reichsküchenmeister de Nordenberg. L’impulsion que les Staufen donnèrent à la bourgade fortifiée de Rothenbourg entraîna cependant l’épanouissement d’une bourgeoisie formant civitas en 1227. L’administration municipale relevait dès 1269 d’une quadrilogie semblable à celle de Nuremberg, associant l’écoutête, les échevins, les conseillers et la communauté bourgeoise (scultetus, scabini, consules et universitas civium). Aux lendemains de l’interrègne, afin de restaurer le patrimoine impérial et d’en améliorer la gestion, le roi Rodolphe de Habsbourg remit au goût du jour les anciennes Reichslandvogteien. Celle qu’il créa à Rothenbourg fut l’une des plus précoces et des plus actives de la région. Par un privilège du 15 mai 1274, le roi établit un Landgericht royal (judicium provinciae) dans les murs de la ville. Il incomba à la ville de tenir un livre de tous les bannissements prononcés là au nom du roi, tandis qu’un Landrichter royal devait présider le tribunal, protéger et administrer les biens impériaux dans et autour de Rothenbourg (il était donc à la fois Landrichter et Landvogt) 900 . A côté du Landgericht se développa aussi un Stadtgericht, un tribunal municipal, où l’écoutête présidait le collège des échevins. Le privilège royal de 1274 en fit l’unique instance judiciaire apte à recevoir des plaintes contre les bourgeois de Rothenbourg 901 . Un siècle plus tard, en 1368, ce tribunal municipal fut pourvu du Blutbann qui lui permettait de poursuivre au dehors les hommes nuisibles 902 , puis de les juger. Dans l’intervalle, une fois libérés de la tutelle de l’évêque de Würzbourg, le 14 juillet 1352, le conseil et la communauté de Rothenbourg avaient reçu de Charles IV le droit de choisir à leur guise le juge municipal (schultheiss) et le Landrichter. Leurs fonctions respectives revinrent rapidement à un seul et même homme. Le conseil obtint le tout en engagère en 1387, avant d’en avoir la possession définitive en 1409. A partir de 1430, ce fut un membre du petit conseil de Rothenbourg qui occupa systématiquement la charge de Landrichter. L’autonomie législative de la ville fut quant à elle acquise au début du XIVe siècle. Un diplôme de Louis le Bavarois confirma aux conseillers en 1331 « que, pour l’utilité et la piété de leur ville, ils peuvent établir et ordonner selon leur volonté les droits municipaux, loi et ordonnances mis au préalable par écrit qui ne sont pas contraires…à l’empire et au droit, de même qu’ils peuvent les abolir, et les augmenter quand et aussi souvent qu’ils le veulent et que cela leur convient » 903 .

Wissembourg, siège d’une ancienne villa royale et donc d’un intendant du domaine attesté jusqu’à la mi XIIIe (villicus) 904 , scella des actes au titre de « civitas » à partir de 1241 905 . A cette date, l’intendant avait cédé la place à un « minister » 906 mentionné aux côtés de l’union jurée des bourgeois en 1288 (minister et universitas civium). Dès 1296, l’universitas civium obtint par privilège royal le droit de n’être traduite que devant le tribunal local et put participer au choix du juge et officier royal (minister, ammann). Un conseil fit son apparition vers 1302 907 (scultetus, consules et universi cives) et soumit la nomination de l’ammann à son accord préalable à partir de 1318. On ne parlait déjà plus à l’époque que du « juge de la ville » 908 et le conseil émettait des actes en son nom propre dès les années 1340 (vom Rat und der Gemeinde). C’est dans la première moitié du XIVe siècle qu’apparurent des actes législatifs du conseil 909 , preuve de son autorité souveraine sur la communauté bourgeoise. Wissembourg eut cependant à défendre sa législation au cours de ses engagères successives, en l’occurrence face aux burgraves de Nuremberg 910 . La première confirmation explicite du droit législatif de la ville n’intervint qu’en 1495 dans un privilège de Maximilien.

Les pouvoirs juridictionnels du conseil à l’extérieur des murs s’étendirent en 1431. Pourvu à cette date du Blutbann et donc de la pleine juridiction dans les affaires criminelles, le Magistrat urbain put alors poursuivre au dehors les « hommes nuisibles », les emprisonner et les juger. Dans son appropriation progressive des anciens droits de l’officier royal, le conseil de Wissembourg échoua cependant en partie. Il dut renoncer à l’autorité sur une partie de la Reichspflege, plusieurs villages des environs tombèrent ainsi entre les mains des maréchaux de Pappenheim en 1441, puis de la ville de Donauwörth en 1531, avant de revenir à Wissembourg en 1534.

La marche de la bourgeoisie de Windsheim vers l’autonomie politique offre moins de détails. Un écoutête, ministérial de l’évêque de Würzbourg, était présent à Windsheim dès 1210 911 alors que le lieu n’était encore qu’une bourgade. Le roi Adolphe prononça en 1295 l’exclusivité du tribunal municipal pour toutes les plaintes contre les bourgeois. Par la même occasion, il désigna le lieu comme une ville (civitatem) et souligna la présence de conseillers (consulibus) aux côtés de la communauté bourgeoise (universis civibus) 912 . L’oppidum de Windsheim connut cependant sa première engagère à l’évêque de Würzbourg Manegold de 1297 à 1302 913 . Visiblement libérée par ses propres deniers, la ville obtint en retour en 1302 une confirmation de ses libertés judiciaires et d’un droit de perception dans les murs, en usage du temps du roi Rodolphe. Le conseil disposait déjà d’un pouvoir de décision en 1303 quand il accepta pour concitoyen Magister Hademar, notaire du roi Albrecht 914 . L’extension des droits municipaux se poursuivit au cours du XIVe siècle au gré des engagères et des rachats opérés par la ville. A la sortie d’une engagère aux burgraves de Nuremberg (1325-1341), l’empereur Louis accorda au conseil et aux bourgeois de la ville le droit de poursuivre devant le tribunal municipal celui qui lésait les bourgeois ou les sujets de la campagne 915 . Même s’il ne reste aucune trace de la législation du conseil 916 , ce dernier enregistra ses décisions dans un livre municipal à partir de 1350. Cependant l’écoutête, dont il n’était plus question depuis la mi-XIIIe, fit sa réapparition dans les documents des années 1310 917 . Issu de la chevalerie voisine, il prononça en 1313 l’exemption fiscale du monastère d’Heilsbronn en compagnie de 12 « cives notati civitas Windesheimensis » et reçut avec les « consules » et les « cives » une confirmation des privilèges judiciaires de la ville 918 . L’autorité du roi dans la cité semble donc avoir été réaffirmée aux détriments du conseil. Elle amena aussi à Windsheim la résurgence des engagères (1325-1341, 1347-1360). Le gouvernement municipal ne parvint finalement qu’en 1524 à s’emparer à son compte de l’office de Schultheiss, il revint alors au bourgmestre Michel Bernbeck.

A Schweinfurt, le roi Henri VII parlait déjà en 1234 de sa « civitas nostra » et de ses « officiati » 919 . Détruite pendant l’interrègne, la ville ressuscita de ses cendres sur un nouvel emplacement et se trouva confirmée dans son statut de cité impériale par Rodolphe de Habsbourg en 1282 920 . La nouvelle ville fut alors placée sous l’autorité d’un « Vogt » (advocatus, officiatus) 921 , conformément aux réformes entreprises dans l’empire par le souverain. Louis de Bavière alla dans le même sens en transformant l’ancien tribunal de la centène (Zentgericht) 922 en Landgericht en 1330. La présidence de ce tribunal s’ajouta alors aux attributions du Reichsvogt tandis que les bourgeois obtinrent la garantie de ne pas être traduits devant d’autres cours de justice que le tribunal municipal et le Landgericht local. Quand la ville racheta sa demi-engagère à l’évêque de Würzbourg en 1361, Charles IV lui accorda le libre choix de l’amtmann local (Vogt) 923 . Cet office finit sans doute par se confondre avec celui des Schutz- und Schirmherren que la ville choisit pour sa défense tout au long du XVe siècle et jusqu’en 1569 924 .

Un écoutête secondait le Reichsvogt pour l’exercice de la justice municipale, au moins depuis 1309 925 . L’acte qui en fait mention l’associait à l’universitas civium. L’officier présidait les 12 échevins issus de la communauté bourgeoise sans que l’on sache exactement depuis quand existait ce conseil. Depuis 1299 au moins, si l’on en juge par l’inscription à cette date d’un statut municipal sur le droit d’héritage 926 . Jusque dans les années 1360, l’écoutête émit avec les échevins les actes du conseil (nos scultetus et scabini in Swinfurt 927 ). Par la suite, les bourgmestres, mentionnés parmi les 12 échevins depuis 1323, prirent sa place à la tête du conseil et les références à l’écoutête disparurent.

Les gouvernements municipaux qui coopérèrent dans la paix franconienne à partir de 1340 avaient donc atteint des stades de développement et d’autonomie inégaux. Certes, il y avait alors dans toutes les villes impériales du pays des conseils aptes à légiférer. Mais à Windsheim, Wissembourg et Schweinfurt, leurs droits restaient précaires. Ils n’étaient pas parvenus à disposer pleinement des anciens offices royaux locaux ou n’avaient pas obtenu de preuves écrites tangibles de leur droit législatif. La réforme des territoires impériaux avait même renforcé la sujétion de Wissembourg et de Windsheim, les soumettant pieds et poings liés aux volontés du souverain. Elles entrèrent en union, moins de leur propre chef, que par allégeance à leur seigneur. Mais dans les unions de paix ou dans les alliances interurbaines, elles pouvaient espérer trouver auprès de Nuremberg et Rothenbourg des modèles et des soutiens précieux pour parfaire leur entité.

La logique d’union était autre pour Nuremberg et Rothenbourg. Dès les années 1340 à Nuremberg et 1352 à Rothenbourg, les conseils municipaux eurent la mainmise sur les pouvoirs de l’écoutête. Ils étaient donc en mesure de mener une véritable politique extérieure. Leur participation aux unions régionales en est la traduction. Elle était moins motivée par le souci de garantir l’existence de la ville que par des considérations strictement diplomatiques. La participation aux Landfrieden fut pour ces deux cités l’occasion de rompre leur isolement dans une région où les villes impériales se faisaient rares. Dans les unions de paix, les conseils de Rothenbourg et Nuremberg purent aussi acquérir de nouvelles prérogatives utiles à la construction de leurs territoires, telles le droit d’alliance ou le Blutbann, le droit de pourchasser, juger et condamner en toute souveraineté les hommes nuisibles bien au-delà de leurs murs. Entre toutes les villes membres de la Paix, Nuremberg et Rothenbourg furent sans conteste celles qui recoururent le plus souvent aux instances communes. Elles en usèrent pour défendre les droits fonciers de leurs bourgeois ou de leurs institutions municipales. Mais elles y recoururent aussi comme à un instrument de criminalisation de leurs adversaires. La reconnaissance d’un homme nuisible comme tel comptait sans doute autant pour elles que les mesures répressives alors engagées. Une fois la faute commise reconnue par la Landfriede, elle devenait une faute générale, répréhensible non seulement par la ville, mais encore par la société entière. Chaque fois qu’elles obtinrent cette reconnaissance, les villes purent conforter leur image de place forte injustement agressée et faire valoir en conséquent un droit à l’autodéfense préventive. Se plaçant du côté de la légitimité, elles pouvaient mieux revendiquer une extension de leurs droits militaires et judiciaires au dehors de la cité 928 .

Les villes franconiennes réunies dans des alliances et institutions communes conservèrent aux XIVe-XVe siècles l’argumentaire et la rhétorique communautaires qui avaient marqué la première génération de réseaux politiques urbains, au XIIIe siècle. L’amitié et la fraternité qu’elles se prodiguaient 929 se référaient à l’idéal d’une communauté unissant les bourgeoisies par-delà leurs murs. Il reste qu’en Franconie, les logiques d’union qui animaient les villes impériales étaient en profond décalage. Pour les unes, il s’agissait tout simplement d’exister en tant que villes. Pour les autres, il était peut-être déjà question d’asseoir une autorité et d’occuper une position géopolitique éminente.

Dans l’ensemble des villes impériales franconiennes, en tout état de cause, l’entrée dans les institutions intercommunales ne rimait plus avec la « communitas ». Dans leurs démarches de paix et d’alliances, les conseils urbains agissaient sans devoir rendre de comptes à leurs communautés, quand bien même ils établissaient des règles applicables à l’ensemble des bourgeois. A l’égale des délégués princiers, les légats urbains qui participaient aux Landfrieden disposaient d’un pouvoir de décision, détaché de la nécessité d’en rapporter chaque fois à la communauté tout entière. Comme les comtes, les barons ou les princes, ils s’engageaient par serment au nom de leurs sujets et communautés. Cette faculté reposait en partie sur la raison d’Etat et la légitimation par la paix. Puisqu’il s’agissait, dans ces alliances, de sauvegarder la paix, toute personne était en devoir de se soumettre aux décisions prises, sous peine d’être un Friedensbrecher 930 . C’est donc souverainement que quelques conseillers engageaient l’ensemble de la communauté urbaine dans l’intercommunalité et les alliances étrangères. Tout au plus prenait-on la précaution de faire jurer la Landfriede aux auxiliaires indispensables du pouvoir urbain, tels les mercenaires, sergents et agents de l’ordre 931 .

Notes
892.

Voir Gerhard Pfeiffer, « Die Bedeutung der Einung im Stadt- und Landfriede », dans Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte 32 (1969), p. 815-831.

893.

Odile Kammerer, « Réseaux de villes et conscience urbaine dans l’Oberrhein (milieu XIIIe siècle-milieu XIVe siècle), Francia. Moyen Âge 25/1 (1999), p. 123-175 ; Voir aussi Odile Kammerer, « Le dedans et le dehors à l’échelle des petites villes impériales de l’Oberrhein », dans Mélanges offerts à Francis Rapp, Revue d’Alsace 122 (1996), p. 159-169.

894.

Pour Nuremberg, voir Ernst Pitz, Die Entstehung der Ratsherrschaft in Nürnberg im 13. und 14. Jahrhundert, Munich, 1955 ; Hanns Hubert Hofmann, « Nobiles Norimbergenses. Beobachtungen zur Struktur der reichsstädtischen Oberschicht », Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte 28 (1965), p. 114-150

895.

La présence de burgraves à Nuremberg est relative à l’implantation d’un fort royal. Le burgrave (aussi appelé praefectus, castellanus, advocatus dans les actes du XIIe siècle) en avait la garde et la défense. Voir Heinz Dannenbauer, Die Entstehung des Territoriums der Reichsstadt Nürnberg, Stuttgart, 1928

896.

Un Tafelgüterverzeichnis royal datant de 1065 présente Nuremberg comme un centre d’administration des biens royaux. Les Staufen créent l’office de bouteiller à Nuremberg à la fin du XIIe siècle en lien avec l’extension des biens royaux autour de Nuremberg. Le Butigler est un officier de rang ministériel d’empire. Il remplit des fonctions d’administration et de perception des droits royaux. Il exerce à la place du roi la protection sur les églises et détient des fonctions judiciaires sur les biens impériaux. Il forme une instance supérieure pour les employés qui administrent les forêts impériales autour de Nuremberg et pour le Zeidelgericht à Feucht. L’office de bouteiller disparaît de façon sporadique en 1246-1258, les fonctions correspondantes semblent alors tenues par l’écoutête impérial (Schultheiss). Après 1265, l’office du Butigler se mêle à celui du Landrichter, nouvellement mis en place et aux compétences similaires.

897.

Voir Les élites urbaines au Moyen Âge, XXVIIe congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public, Paris, 1997

898.

En 1273, Rodolphe de Habsbourg étend les pouvoirs du burgraviat en le transformant en fief héréditaire au bénéfice des Zollern. Le burgraviat implique alors des droits d’administration du territoire impérial et de la ville impériale. Les burgraves récupèrent ainsi en leurs seules mains des pouvoirs qui étaient autrefois détenus par différents administrateurs royaux (bouteiller, écoutête, burgrave). Une charte d’investiture du 25 octobre 1273 précise les droits et devoirs incombant aux burgraves de Nuremberg à la fin du XIIIe siècle. Le burgrave reçoit en fief la « Comicia burcgravie » à Nuremberg, le fort, la garde des portes, le « judicium provinciale » (Landgericht) à Nuremberg, une participation au tribunal de la ville avec l’écoutête et 2/3 du produit des amendes judiciaires, un Solidus sur chaque forge, un cens pour chaque cour dans le quartier saint Laurent ; dans la forêt, le troisième arbre, le troisième gibier, tout le bois mort, l’office des forêts du côté saint Sébald, les villae de Wöhrd et de Buch, l’oppidum de Schwant, le castrum de Creussen au Sud de Bayreuth, l’avouerie sur le couvent de Münchsteinach, 10 Pfund Pfennige de l’office d’écoutête et l’équivalent des douanes.

Parmi les pouvoirs essentiels ainsi acquis par les burgraves de Nuremberg, figure l’office de Landrichter et la tutelle sur le Landgericht, créé entre 1249 et 1265. Ce tribunal prend la suite du tribunal domanial royal que présidait auparavant le Butigler.

899.

Les burgraves de Nuremberg, devenus margraves de Brandebourg, conservent néanmoins le « Landgericht impérial du burgraviat de Nuremberg ». A la fin du XVe siècle, les juges y sont des nobles vassaux des margraves et des patriciens nurembergeois. Un privilège de Henri VII en 1313 au bénéfice de la ville établit qu’à côtés des chevaliers, ne pouvaient siéger au Landgericht que des cives honesti de Nuremberg. L’usage existait déjà à la fin du XIIIe siècle.

900.

C’est le roi Albrecht qui créa finalement à Rothenbourg une véritable Landvogtei, confiée à Heinrich Küchenmeister de Nordenberg en 1303. Dès 1311, elle fut cependant rapprochée de celle de Nuremberg et fondue en un même ensemble franconien en 1335 avant de disparaître vers 1362.

Sur Rothenbourg, voir Heinrich Wilhelm Bensen , Historische Untersuchungen über die ehemalige Reichsstadt Rothenburg, Nuremberg, 1837 ; Rudolf Walter von Bezold, Die Verfassung und Verwaltung der Reichsstadt Rothenburg ob der Tauber (1172-1803), Nuremberg, 1915.

901.

Les protocoles de ce tribunal municipal sont conservés à partir de 1302. Ce sont les plus anciens protocoles judiciaires municipaux connus en Allemagne du Sud.

902.

Rothenbourg obtient la juridiction sur ses sujets de la campagne au tournant du XVe siècle. La ville dispose d’un Bauerngericht à partir de 1403. Cf. Hans-Joachim Grembowietz, Das Bauerngericht der Freien Reichsstadt Rothenburg ob der Tauber vom späten Mittelalter bis zu seinem Niedergang 1403-1678, Jur. Diss. Würzbourg, 1974

903.

Cf. Theodor E. Mommsen, « Die ältesten Rothenburger Königsurkunden. Ein Beitrag zur Geschichte des Landgerichts und der Landvogtei in Rothenburg von Rudolf I. bis zu Ludwig dem Bayern », Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte 10 (1937), p. 34 et s. ; Christoph Hinckeldey, Die Polizeiordnungen der ehemals freien Reichsstadt Rothenburg ob der Tauber, Rothenbourg, 1964

904.

Il est connu par son sceau rond qui porte la mention « S(IGILLVM) VILLICI DE WIZENBURG » et présente un fort placé sous l’aile de l’aigle royal, tête tournée vers la gauche.

Sur l’évolution politique à Wissembourg, voir Gerhard Pfeiffer, Weissenburg als Reichsstadt, Würzbourg, 1968 ; Friedrich Blendinger, « Weissenburg im Mittelalter », Jahrbuch des historischen Vereins für Mittelfranken (1962/1963), Ansbach, p. 1 et s. ; F.B. Fahlbusch, « Weissenburg. Werden und Wachsen einer fränkischen Kleinstadt », Jahrbuch für fränkische Landesforschung 48 (1988), p. 19 et s. Gustav Mödl, « Entwicklung der Gerichtshoheit in der Reichsstadt Weissenburg », dans R.A. Müller (éd.), Reichsstädte in Franken, vol. 1, Munich, 1987, p. 320 et s. ; Peter Friedrich Haberkorn, « Weissenburg : Die städtische Verwaltung (Rat, Ämter und Dienste) im Spätmittelalter », dans R.A. Müller (éd.), Reichsstädte in Franken, vol. 1, Munich, 1987, p. 308 et s. ; P.F. Haberkorn, Weissenburg in Bayern. Stationen seiner Geschichte vom römischen Zentralort zur spätmittelalterlichen Reichsstadt, Mammendorf, 1996

905.

Ce sceau de la ville propre à la bourgeoisie est divisé en deux, à droite figure un demi-aigle impérial ; à gauche, un château fort avec une demi-tour.

906.

Comme l’écoutête, l’ammann ou minister est un officier royal. Il est responsable au nom du roi de l’administration de la ville impériale et des terres impériales voisines. Il exerce la justice sur la ville dans les affaires criminelles et civiles et détient en cela le Blutbann régalien. Il perçoit les droits fiscaux impériaux et doit protéger la ville, la Reichspflege (dont les forêts impériales) et les monastères. En tant que représentant du seigneur, il se prononce sur l’acceptation de nouveaux bourgeois dans la ville

907.

Dans les diplômes royaux d’Adolphe de Nassau, de Henri VII et de Louis IV en 1302, 1310 et 1316, l’adresse est formulée « prudentibus viris…sculteto, consulibus et universis civibus in Weissenburg ». Le conseil paraît être dans les trois cas sous la présidence de l’ammann.

908.

Dès 1362, l’ammann doit jurer un serment de fidélité à la ville et doit promettre de respecter ses libertés. Cela ne limite pas pour autant les possibilités d’intervention du roi dans les affaires de sa ville. Lorsque Frédéric III apprend la situation financière catastrophique de la ville en 1461, il reprend possession de l’office d’ammann et nomme dans la place un de ses conseillers. Les protestations de la cité impériale restèrent vaines.

909.

Les premiers statuts (Satzung) de la ville datent de la première moitié du XIVe siècle. Ils se composent de 50 articles dont 20 se consacrent à des points de justice pénale et civile, 10 traitent de la constitution, de la policie et de l’administration municipale.

910.

Wissembourg est engagée aux burgraves entre 1347 et 1360, après l’avoir été en 1325-1341. Dans un document du 20 mars 1358, l’empereur Charles IV demande à la ville de révoquer ses nouvelles lois (Satzungen).

911.

Cf. Werner Schultheiss (éd.), Urkundenbuch der Reichsstadt Windsheim (751-1400), Würzbourg, 1963, à l’avenir UB Windsheim, n°9 ; en l’absence d’une synthèse sérieuse sur Windsheim, quelques renseignements dans Alfred Estermann , Bad Windsheim… et un ouvrage ancien de Christian Wilhelm Schirmer, Geschichte Windsheims und seiner Nachbarorte, Nuremberg, 1848, réimpression Neustadt/Aisch, 1984.

912.

Cf. UB Windsheim n°34

913.

Cf. UB Windsheim n°38, n°46 et 47

914.

Cf. UB Windsheim n°50

915.

Cf. UB Windsheim n°145

916.

Les ordonnances, décrets et droits de la ville ne sont conservés qu’à partir du XVIe siècle, quand le secrétaire municipal de Windsheim, Johann Grefinger, en établit une révision et une nouvelle codification en 1521 sur ordre du conseil.

917.

Cette réhabilitation de l’office est sans doute à mettre sur le compte d’une administration royale améliorée et plus présente depuis la fin du XIIIe siècle. Faut-il y voir aussi la marque d’un affaiblissement de l’autonomie municipale, mise à mal d’autre part par les engagères ?

918.

Cf. UB Windsheim n°63 et 66

919.

Cf. Otto Meyer, « Wie Schweinfurt Reichsstadt wurde », dans R.A. Müller (éd.), Reichsstädte in Franken, vol. 1, Munich, 1987, p. 262 et s. ; Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, p. 38

920.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, p.42

921.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, p. 42, voir aussi n°53, 57, n°68, n°91

922.

La centena est une ancienne circonscription rurale comprenant un village et sa marche. Elle allait de pair avec un tribunal qui réglait des litiges de basse justice.

923.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, n°103

924.

Les bourgeois de Schweinfurt pouvait par là exercer une certaine influence sur le Landgericht. Ils disposaient en outre de plusieurs sièges dans ce tribunal. On sait par un Zentbüchlein de 1470 qu’au Landgericht de Schweinfurt, 4 échevins sur 12 venaient du conseil de Schweinfurt.

925.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, n°36. Par moments, les deux offices ont pu être détenus par la même personne. Pendant l’engagère de la moitié de Schweinfurt au profit de l’évêque de Würzbourg, l’écoutête de la ville était Fritz Smit (n°83 ½, 84, 93). L’évêque lui confia par surcroît l’office d’Amtmann (ou Vogt) en 1359 (n°92b)

926.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, n°33. Ce n’est cependant qu’en 1361, que la ville reçoit expressément de Charles IV le droit d’augmenter, d’améliorer ou de supprimer des droits, lois, ordres et coutumes.

927.

Cf. Friedrich Stein, Monumenta Suinfurtensia Historica, Schweinfurt, 1875, n°52, voir aussi n°48, n°56, 57, 60, 63, 70. Sur l’ensemble des villes impériales franconiennes, voir Reinhard Heydenreuther, « Reichsstädtisches Recht », dans R.A. Müller (éd.), Reichsstädte in Franken, vol. 1, Munich, 1987, p. 191 et s. ; Karl Borchardt, « Die Ratsverfassung in Rothenburg, Dinkelsbühl, Weissenburg, Windsheim und Schweinfurt », dans R.A. Müller (éd.), Reichsstädte in Franken, vol. 1, Munich, 1987, p. 205 et s. ; Hans-Ulrich Ziegler, « Die Siegel und Wappen der Reichsstädte », dans R.A. Müller (éd.), Reichsstädte in Franken, vol. 1, Munich, 1987, p. 217 et s.

928.

Cf. G. Pfeiffer, Quellen…, n°40, n°46a, n°69, n°79, n°99, n°100, n°104, n°105, n°106 etc.

Nuremberg recourut à plusieurs reprises au tribunal de la Landfriede pour faire reconnaître les droits et biens fonciers de l’hôtel-Dieu (Neues Spital). Elle fut aussi aux prises avec le chevalier Hilpolt von Stein dans les années 1372-1373. Né pour une affaire de rente viagère réclamée par Hilpolt von Stein, leur querelle est portée par le conseil de Nuremberg devant la Landfriede pour Fehde illégitime et attaque de grand chemin. Cf. G. Pfeiffer, Quellen…, n°91 et 93, de même que K. Ruser, Die Urkunden und Akten der oberdeutschen Städtebünde vom 13. Jahrhundert bis 1549, n°1280 à 1293, 1295-1297, 1299-1300.

En décembre 1373, Rothenbourg obtient de même la reconnaissance des sires de Bernheim comme hommes nuisibles. Rothenbourg obtient alors le droit de saisir leurs biens à hauteur des dommages subis.

929.

Voir chapitre sur le sentiment d’appartenance.

930.

Une telle dissociation entre la communauté et les instances actrices de l’intercommunalité expose chaque ville àdes litiges recrudescents avec certains de ses bourgeois peu enclins à suivre les règles de l’intercommunalité fixées par ses dirigeants. Comme l’intercommunalité contemporaine, on peut peut-être dire que l’intercommunalité franconienne du bas Moyen Âge commençait à souffrir « d’un déficit de citoyenneté ».

931.

Les listes de prestation de serments montrent qu’il en est ainsi à Nuremberg.