Les participations aux ligues souabes

D’abord en coïncidence chronologique avec les Landfrieden franconiennes, puis en relais de ces dernières, les réseaux politiques souabes ouvrirent parfois leurs portes aux villes impériales franconiennes. Ces dernières y trouvèrent un autre champ d’expression pour leur politique intercommunale et assistèrent, en actrices et en spectatrices, au développement de la fédération voisine.

C’est en 1307, sur mandat du roi Albrecht, que plusieurs villes de l’espace souabe et bavarois, telles Augsbourg, Esslingen, Ulm, Schwäbisch Hall, Nördlingen, Bopfingen ou Dinkelsbühl souscrivirent pour la première fois à une Paix territoriale à l’échelle de la Souabe. Cette Landfriede impliquait également plusieurs nobles. Cependant, dès 1331, soit 13 ans avant que les villes impériales franconiennes n’entrent elles aussi dans des réseaux politiques, les cités impériales souabes purent se fédérer dans des alliances paritaires. Il en fut ainsi de la Paix que « les bourgmestres, écoutêtes, juges, conseillers et communautés des villes d’Esslingen, Rottweil, Reutlingen, Schwäbisch Hall, Heilbronn, Schwäbisch Gmünd, Weinsberg et Weil » 1005 se jurèrent avec l’accord de l’empereur le 29 janvier 1331. Destinée à survivre d’un an à la mort de Louis le Bavarois, ses clauses étaient tout entières mises au service des intérêts urbains, à l’échelle d’un territoire qui correspondait à la somme des villes du « Nord de l’Alpe ». Dans les Landfrieden précédentes, le poids dominant des princes et des nobles forçait les villes au compromis. Mais cette ligue de paix corporative permit aux cités souabes de donner cours à une politique plus autonome et à une résistance commune 1006 . En cas d’attaques contre l’un des membres, les autres villes devaient lui venir en aide après une assemblée (Mahnung) selon les décisions du comité. Cette direction collégiale, pour laquelle chaque ville donnait l’un de ses conseillers, s’engageait à respecter l’équité entre les protagonistes et décidait des frais, ensuite répartis selon les forces de chacun. L’union restait encore sous l’égide du roi et les villes impériales souabes se prêtèrent parallèlement à des unions mêlant tous les états. Toutefois les cités souabes posèrent dès 1331 les principes de leurs futures alliances intercommunales, fondées sur le nombre important des participantes et l’égalité des membres. Cette paix de 1331 constitua la préhistoire de la ligue urbaine souabe.

Très vite, les villes impériales franconiennes s’y trouvèrent associées. Elles eurent dans les années 1340 des contacts répétés avec les réseaux politiques souabes. La coopération des Paix franconiennes et souabes dans la lutte commune contre le brigandage était inscrite dans leurs règlements respectifs. Il ne fait aussi aucun doute que l’expérience souabe fournit un modèle institutionnel et juridique pour les premières unions intercommunales franconiennes (1344).

Dès le départ, les réseaux politiques souabes exercèrent une séduction notable sur les villes impériales franconiennes et leurs projets d’alliances. Pourtant, face aux institutions souabes, les villes du pays voisin n’adoptèrent jamais une attitude commune. Nuremberg, Rothenbourg, Schweinfurt, Windsheim et Rothenbourg entrèrent ou sortirent des organisations souabes 1007 en rang dispersés, à des dates distinctes, selon l’appréciation de chacune. La participation des villes impériales franconiennes aux instances intercommunales voisines n’obéit pas à des principes simples. Les premiers pas de la ligue urbaine souabe et l’attitude des localités franconiennes dévoilent cependant quelques-unes de leurs motivations et stratégies.

Notes
1005.

Cf. Rüser, Urkunden und Akten…, n°547, 548 à 553. La ville de Wimpfen s’ajouta aux 8 villes citées dans l’édit de paix initial et prêta serment avec elles le 29 juin 1331.

1006.

Cela n’empêchait pas les villes impériales souabes de participer également à des Paix qui réunissaient tous les états du pays. Ce fut le cas le 05 décembre 1331 et le 17 juin 1340.

1007.

Il sera question avant tout de la participation des villes franconiennes à la ligue urbaine souabe. Cependant, au XIVe siècle, cette ligue strictement urbaine ne fut pas la seule à attirer les cités impériales franconiennes. Même les Landfrieden mixtes souabes ne manquaient pas d’attraits. En présence d’un semis de villes impériales beaucoup plus dense, ces Landfrieden donnaient forcément plus de place à l’élément urbain que cela n’était le cas dans une Franconie aux villes impériales noyées dans un océan territorial. Même s’il fallait faire quelques concessions aux comtes et barons, les mesures de protection des intérêts urbains avaient de grandes chances d’y aboutir. En effet, si les villes impériales souabes étaient nombreuses, les princes et nobles influents étaient plutôt rares dans la Paix souabe : entre 1307 et 1340, il y eut selon les cas (alliances strictement souabes, ou alliances bavaroises et souabes) les comtes d’Öttingen, l’archevêque d’Augsbourg, les ducs de Bavière…

Dans les organisations souabes strictement urbaines (schwäbische Städtebünde), les villes impériales franconiennes trouvèrent a fortiori une structure forte, une politique proprement corporative et des garanties de défense commune.