Evolution générale sur le moyen terme (1449-1457) 1134

Pour la tranche chronologique de référence (1449-1457), le nombre de lettres enregistrées à l’entrée comme à la sortie n’excède pas 180 par Frage (4 semaines). La chancellerie recevait donc tout au plus 6 à 8 missives par jour, tous expéditeurs confondus, et élaborait quotidiennement un nombre de missives approchant. L’évolution générale constatée entre 1449 et 1457 manifeste une certaine constance des échanges. Ces derniers ne connaissent pas une croissance chronologique linéaire et oscillent, tant pour les lettres reçues qu’envoyées, entre 50 et 100 unités.

Entre 1449-1453 l’activité épistolaire de Nuremberg présente plusieurs pics. A cette époque, les lettres entrent en plus grand nombre dans les recueils épistolaires. Les bourgmestres font même preuve d’une assiduité épistolaire sans pareille. Sous leur égide, à plusieurs reprises, la ville envoie plus de missives qu’elle n’en reçoit.

Cette soudaine activité ne traduit pas le comportement particulier de quelques dirigeants. On ne constate pas ici la traduction du zèle exceptionnel de certains bourgmestres, qui auraient tenu pour primordiaux les échanges épistolaires avec l’extérieur. Les mêmes hommes, Berthold Pfinzing, Wilhelm Ebner, Jörg Derrer, Paulus Grundherr ou Peter Mendel, pour n’en citer que quelques-uns, présidèrent aussi bien à des excédents qu’à des déficits de lettres envoyées.

Il faut donc plutôt chercher dans les événements extérieurs l’explication des soudaines ardeurs épistolaires du conseil nurembergeois. En 1449-1453, la cité franconienne se trouva prise au cœur de la deuxième guerre des villes (encore appelée « première guerre margraviale »), née d’une atteinte supposée contre le droit de régale minier des anciens burgraves de Nuremberg. Une centaine d’alliés du margrave déclarèrent Fehde contre Nuremberg au cours de l’année 1449. La ville se mit alors en devoir de répondre à chacun. Mais l’excédent épistolaire au profit de Nuremberg traduit surtout sa volonté d’étendre et renforcer ses liens vers l’extérieur. Par ses missives, la ville de Nuremberg manifesta sa présence plus intensément et à un plus grand nombre de destinataires. Elle s’inséra davantage dans un système de relations pour connaître la douceur d’être inclue. En temps de crise, bien loin de s’isoler derrière ses remparts, la ville multipliait les ouvertures et les contacts. Avec les uns, elle entrait en tractations pour obtenir la paix ou un soutien, avec les autres, elle cherchait à activer les liens de l’intercommunalité pour ne pas rester isolée 1135 . Dans cette œuvre de représentation et de rapprochement vers autrui, chaque lettre était déjà un premier lien symboliquement tissé.

Notes
1134.

Voir graphiques en annexe

1135.

On peut rapprocher cet accroissement de la parole urbaine en temps de crises d’un phénomène observé par Gerd Althoff à propos des nécrologes et de la mémoire cultivée par les communautés religieuses. Les malheurs des temps eurent un impact très net sur les entrées dans les nécrologes. Les fidèles se pressaient alors davantage pour s’assurer le salut par des prières : « Le besoin apprend à prier ». Cf. Gerd Althoff, « Zur Verschriftlichung von Memoria in Krisenzeiten », dans Otto Gerhard Oexle et Dieter Geuenich (dir.), Memoria in der Gesellschaft des Mittelalters, Göttingen, 1994, p. 56 et s.