Evolution générale sur le long terme (1405-1467) 1136

Observée cette fois sur le long terme, entre 1405 et 1467, la parole épistolaire urbaine croît d’un bout à l’autre du XVe siècle. Jusque dans les années 1430, la production de missives nurembergeoises connaît une pente légèrement ascendante, en oscillant entre 200 et 350 lettres annuelles. Un premier seuil est franchi en 1433, avec 538 missives. L’année 1435 culmine avec près de 735 lettres annuelles.

De 1436 à 1443, la correspondance se stabilise à un niveau élevé, de 500 à 600 lettres par an. Mais dès 1444, la communication écrite s’envole, pour plafonner pendant la guerre margraviale (1448-1450) à plus de 1 000 lettres annuelles.

Une décroissance rapide commence alors, jusqu’à retrouver dans les années 1460 des volumes épistolaires proches de ceux des années 1430.

A l’échelle d’une soixante d’années, le recours aux lettres municipales n’affiche donc pas une progression linéaire. Le développement de l’administration municipale et l’accès à l’écriture d’une plus large partie de la société ne se reflètent guère dans le léger accroissement observé d’un bout à l’autre de la période. Un nouveau seuil dans l’activité épistolaire intervient sans doute plus tard, au tournant du XVIe siècle. Le seule partition des Briefbücher suffit à le montrer. Au début du XVe siècle, les missives de deux années tiennent dans un volume d’environ 250 folios. Vers 1450, le même nombre de folios suffit tout juste à enserrer les lettres rédigées en un an. A partir de 1499, d’abord temporairement, puis constamment, ce ne sont plus que 5 à 8 mois que parviennent à contenir les registres de 250 folios.

En dépit des variations annuelles, entre 1405 et 1467, Nuremberg envoie chaque année un nombre incompressible de 200 à 300 lettres, qui semble correspondre à ses contacts réguliers, aux échanges entretenus sur la durée. Des pics soudains de l’activité épistolaire interviennent dans les contextes de crise politique. La capacité de mobilisation de la chancellerie nurembergeoise, l’intensification ou la diversification des échanges ordinaires s’expriment alors très fortement. Mais ces lettres sont des écrits de circonstances, appelés à se restreindre dès la crise surmontée.

Les événements stimulants relèvent de l’insertion de la ville dans un milieu féodal et nobiliaire, plus que de faits « urbains ». Alors que le projet de Tierce Allemagne ou les faveurs obtenues par Nuremberg sous Sigismond ne se traduisent guère sur l’évolution globale des correspondances, les conflits de la ville avec l’extérieur cristallisent l’expression écrite. La guerre margraviale s’illustre, nous l’avons vu, par un sursaut des lettres reçues et envoyées. L’année 1435, point haut pour la production épistolaire, coïncida à Nuremberg avec une période de Fehde intenses 1137 . Ces tendances globales doivent conduire à interroger notre lecture des sources municipales dans leur ensemble. Au XVe siècle, dans la ville de Nuremberg, mais peut-être est-ce valable pour d’autres cités allemandes, les phases de relations apaisées entre les villes et leur entourage furent finalement moins mises en valeur et documentées que les situations de conflits.

Notes
1136.

Voir graphique en annexe sur l’évolution du nombre de lettres envoyées par Nuremberg entre 1405 et 1467.

1137.

Cf. Paul Sander, Die reichsstädtische Haushaltung Nürnbergs, Leipzig, 1902, p. 21 et s. Nuremberg dut affronter en particulier Werner Rosshaupter, un ressortissant d’Ulm, qui s’estimait lésé dans une affaire de dettes avec un Nurembergeois.