La scala des correspondants

Dès les années 1415, les secrétaires nurembergeois pourvurent leurs registres épistolaires d’index par correspondants. Ils facilitaient l’approche immédiate des missives et offraient une main secourable pour ne pas se disperser dans des monceaux de papier. A leur invite, suivons donc la trace des correspondants.

Les missives de Briefbücher dressent quelques embûches à qui veut faire l’inventaire des destinataires. Une même personne peut passer inaperçue, sous deux qualificatifs différents. Nuremberg écrit aux divers officiers, tantôt en leur nom propre, tantôt en leur qualité d’administrateurs. Les noms de lieux ou de personnes sont en outre soumis à des variations orthographiques parfois inattendues 1143 .

Au gré des années prolixes ou plus réservées, le conseil nurembergeois contactait un éventail plus ou moins large de correspondants. L’étude d’une année d’étiage (1405) et d’une année de crue (1447) fournit les résultats suivants :

En 1405, Nuremberg adressa 320 lettres à 172 destinataires différents.

En 1447, 718 lettres s’adressèrent à 294 destinataires. Dans les 6 mois qui précédèrent (juillet à décembre 1446, début du BB18), 375 missives partirent vers 181 destinataires 1144 .

Ces données apportent des précisions sur la nature des pics de correspondance nurembergeois. En temps de crise, Nuremberg correspondait plus intensément avec ses correspondants ordinaires et contactait aussi plus de personnes. La recrudescence du courrier s’accompagnait d’une diversification des destinataires. Entre 1405 et 1447, le volume de lettres se trouve par exemple multiplié par 2,2 tandis que dans le même temps, le nombre de destinataires est multiplié par 1,7. On peut cependant estimer que l’éventail des correspondants nurembergeois plafonnait aux environs de 300 destinataires les années exceptionnelles et s’élevait en temps ordinaires à environ 170.

En conformité avec leurs envois postaux plus modestes, Bâle et Rothenbourg/Tauber présentent un carnet d’adresse moins développé, de 70 à 80 destinatataires annuels.

Tableau 8 : Bâle 
Année Nbre de destinataires
différents
Nbre de lettres annuel
1410 77 259
1425 126 251
1439 40 56
1456 31 58
1470 71 113
1484 58 98
1500 60 144
Tableau 9 : Rothenbourg
Année Nbre de destinataires différents Nbre de lettres annuel
1501 85 176
1502 88 144
1515 76 138

L’idéal eut été de trouver dans les livres de correspondance municipale cet indice général de centralité urbaine qui fait tant défaut aux médiévistes. Forts du nombre de lettres expédiées par chaque lieu central et de l’éventail de ses destinataires, il aurait été alors facile de comprendre les logiques de fonctionnement du réseau urbain franconien 1145 . Mais les sources commandent et elles font cruellement défaut dans de nombreuses localités. Même l’absence de lettres municipales dans les archives ne peut être interprétée sans risques d’égarements. Tout juste, au-delà du cercle franconien, peut-on espérer comparer les données de livres de correspondance bien conservés et de même époque, à Nördlingen, Francfort, Cologne, Bâle ou Nuremberg. Le critère épistolaire manifeste sans équivoque le rang supérieur de Nuremberg face à Bâle ou à Rothenbourg. La ville impériale franconienne était apte à mobiliser, même les années normales, un nombre de correspondants deux fois supérieur à celui de sa consoeur impériale franconienne.

Notes
1143.

Ainsi un homme désigné par le patronyme Langenhans dans une missive peut s’avérer similaire, un peu plus loin, au dénommé Hans Langen ou à Hans Langenhans.

1144.

Cf. StAN, BB 1 (1405) ; BB 18 (1446-1447)

1145.

Sur la stimulation de Jean-Claude Perrot et de Bernard Lepetit, l’aventure a été tentée par des modernistes. Voir Philippe Guignet, « Contribution à l’étude des indices de centralité urbaine : l’activité postale des villes poitevines et charentaises au XVIIIe siècle », dans J.-P. Poussou et R. Plessix (éd.), Les petites villes du XVIII e siècle au début du XX e siècle…; René Plessix, « Activité postale et centralité urbaine en Anjou, Maine et Touraine (XVIIIe siècle-début du XIXe siècle), dans Pierre Albert (éd.), Correspondance, jadis et naguère. 120 e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, section histoire moderne et contemporaine, Aix-en-Provence, Paris, 1997, p.135-151