Amies et paires, le cercle des villes libres et impériales

L’une des premières questions que soulève l’examen détaillé des destinataires urbains touche aux formes de l’intercommunalité privilégiées par Nuremberg.

Georg Schmidt 1153 montra, dans son étude sur les diètes urbaines, que Nuremberg était à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, la ville la plus impliquée dans la concertation interurbaine à l’échelle de l’empire. Pas de diètes urbaines ou impériales auxquelles elle ne participât. Les registres de missives permettent de confronter cette implication occasionnelle, au gré des grands événements de l’empire, à la réalité quotidienne des rapports entre villes. Cité impériale parmi les plus éminentes, Nuremberg rechercha-t-elle en premier lieu des échanges paritaires, avec des villes de son espèce ?

Rappelons que dans l’espace germanique de la fin du XVe siècle, les villes impériales étaient tout au plus 80 (85 avec les villes libres si l’on se fie aux matricules de Worms) pour un nombre total de villes proche de 4 000.

Annuellement, Nuremberg contactait en moyenne 16 cités libres ou impériales, soit 40% du nombre de communautés destinataires, alors que le taux de représentation de ce type de villes dans le réseau urbain allemand n’atteint pas 2%.

Ces résultats soulignent qu’il serait réducteur de ramener la communication et la coopération interurbaines à des relations strictement paritaires, entre villes impériales. Les échanges intercommunaux ne se bornent pas à des relations entre cités de même statut et à une concertation entre villes de l’empire.

Il n’en demeure pas moins que, dans les lettres envoyées par Nuremberg, le corps des villes libres et impériales occupe une place privilégiée. Ce sont des villes libres et impériales qui figurent le plus souvent parmi les premiers destinataires nurembergeois. L’importance de leurs relations transparaît dans la part des lettres adressées aux villes impériales. 62,5% des missives adressées à des « chers amis » le sont à des villes de l’empire.

Année Nbre de villes impériales destinataires % de villes impériales sur le total des « chers amis » destinataires % de lettres aux villes impériales sur le total des lettres à des « chers amis »
1405 16 50 58
1406 12 32 59
1407 13 36 49
1408 13 34 41
1409 16 37 63
1410 16 40 67
1411 18 40 90
1412 (année incomplète) 12 48 60
       
1422 20 54 73
1423 20 48 77
1424 22 32 51
1425 13 31 55
       
1446 (année incomplète) 13 32 66
1447 19 31 75
       
1469 18 47 59
1470 15 45 56
Moyenne pour les 14 années complètes 16,5 40% 62,5%

La correspondance de Nuremberg avec les villes impériales, au même titre d’ailleurs que celle de Rothenbourg, constituait une correspondance annuelle plus soutenue que ne l’étaient les échanges épistolaires avec d’autres types de villes.

Les cités libres et impériales de l’empire comptaient en outre parmi les plus fidèles amies de Nuremberg, celles que l’on retrouve dans la correspondance chaque année ou au moins une année sur deux.

Villes destinataires de missives nurembergeoises
(période témoin de 16 années, entre 1405 et 1470)
Statut Nombre d’années où un contact est constaté (sur 16)
Rothenbourg Ville impériale 16
Wissembourg Ville impériale 16
Windsheim Ville impériale 16
Schweinfurt Ville impériale 15
Ulm Ville impériale 15
Augsbourg Ville impériale 14
Dinkelsbühl Ville impériale 13
Nördlingen Ville impériale 13
Ratisbonne Ville libre 13
Bamberg Ville épiscopale 12
Eger Ville seigneuriale 12
Erfurt Ville seigneuriale 12
Francfort Ville impériale 12
Landshut Ville seigneuriale 11
Mayence Ville libre (jusqu’en 1462) 11
Forchheim Ville seigneuriale 10
Heideck Ville seigneuriale 10
Strasbourg Ville libre 10
Munich Ville seigneuriale 9
Neumarkt Ville seigneuriale 9
Prague Ville seigneuriale 9
Vienne Ville seigneuriale 9
Amberg Ville seigneuriale 8
Cologne Ville libre 8
Esslingen Ville impériale 8
Schwäbisch Hall Ville impériale 8

Les missives envoyées par Nuremberg reflètent ainsi avec grande fidélité l’existence de liens et d’institutions politiques contractés avec la ville impériale franconienne. En tête du palmarès figurent les villes qui furent le plus étroitement liées à Nuremberg dans des institutions de paix, des alliances urbaines franconiennes ou la ligue urbaine souabe. L’intensité des échanges et la fréquence des contacts coïncide avec les liens de voisinage. Schweinfurt, la plus éloignée des villes impériales franconiennes, est aussi celle avec laquelle la communication fut la moins intensive, tant en fréquence qu’en nombre de lettres échangées.

Viennent dans un deuxième temps, les villes impériales membres de la ligue urbaine souabe, auxquelles Nuremberg s’aggloméra par intervalles. Ulm est concernée au premier chef, en raison de ses fonctions de chancellerie au nom de l’ensemble de la ligue. Mais la communication s’avère également forte et régulière avec quelques électrons libres de la ligue, Augsbourg et Ratisbonne, et des membres du sous-groupe inférieur. Outre Rothenbourg, Windsheim et Wissembourg, Nördlingen, Dinkelsbühl, et à un moindre degré Schwäbisch Hall, avaient à ce titre des contacts épistolaires rapprochés avec la ville de Nuremberg.

Regardés à la loupe, les échanges épistolaires de Nuremberg avec ses alliées temporaires s’avèrent très sensibles à l’existence ou non d’accords politiques pour chacune des années considérées. Le trait est particulièrement flagrant pour Ulm. La ville souabe est en relation épistolaire avec Nuremberg 15 années sur 16, malgré une distance d’environ 140 km. Son rang annuel dans les échanges interurbains est à chaque fois très bon : Ulm est au pire la sixième ville destinataire du courrier nurembergeois. Il lui arrive même d’occuper la première place et de focaliser un nombre de lettres exceptionnellement important. Sa place dans les correspondances s’améliore vers 1442 et atteint son apogée entre 1445-1460. Mais, en dehors des périodes où Nuremberg appartenait à la ligue urbaine souabe, les relations de deux villes s’amenuisent, les lettres reçues par Ulm retombent aux environs de 5 missives annuelles.

Notes
1153.

Cf. Georg Schmidt, Der Städtetag in der Reichsverfassung. Eine Untersuchung zur korporativen Politik der Freien und Reichsstädte in der ersten Hälfte des 16 Jahrhunderts, Stuttgart, 1984