Contrairement à ce que portent à croire quelques jugements un peu hâtifs, les villes impériales avaient commerce avec les villes territoriales. Ces dernières trouvent leur place dans la correspondance de Nuremberg comme de Rothenbourg, mais soulèvent des problèmes spécifiques.
En effet, le principe de tri selon les relations strictement intercommunales, entre « chers amis », réduit les contacts avec les localités territoriales à leur plus simple expression. Pour chacune de ces villes, ce mode d’approche occulte la part des dialogues noués au sujet de la cité avec le seigneur du lieu, son écoutête ou ses autres officiers. Ainsi, les affaires concernant les habitants de Würzbourg étaient-elles traitées auprès de Nuremberg à la fois par le conseil de Würzbourg, l’évêque, ses conseillers et ses écoutêtes, Hans Schultheiss dans les années 1430, puis Hans Hessler dans les années 1450.
En ce sens, les chiffres donnés par les missives aux « chers amis » offrent une image réductrice des contacts et litiges effectifs entretenus entre les Nurembergeois et les bourgeois de Würzbourg. Néanmoins, les « lettres aux chers amis » traduisent l’autonomie laissée par le seigneur urbain au conseil municipal. Elles montrent la part effective des relations interurbaines assumées par les bourgeois de la ville. Des données qui s’avèrent être précieuses pour beaucoup de cités seigneuriales franconiennes, dont, faute de sources municipales au XVe, on ignore souvent le partage interne des tâches administratives.
Sans trop de surprises figurent parmi les correspondantes régulières de Nuremberg les villes seigneuriales désignées dans les sources littéraires ou iconographiques comme des centres importants de Franconie et du Haut-Palatinat :Amberg, Bamberg, Cobourg, Forchheim, Neumarkt, Neustadt/Aisch, Sulzbach, Würzbourg, Eichstätt, Bayreuth, Hof…
Villes | Nbre de lettres envoyées | Nbre d’années où l’échange est attesté entre 1449 et 1457 |
Amberg | 50 | 7/9 |
Forchheim | 29 | 8/9 |
Neumarkt | 26 | 8/9 |
Hilpoltstein | 20 | 7/9 |
Würzbourg | 20 | 8/9 |
Cobourg | 19 | 7/9 |
Bayreuth | 18 | 7/9 |
Sulzbach | 14 | 7/9 |
Bamberg | 13 | 7/9 |
Neustadt/Aisch | 13 | 7/9 |
Ebermannstadt | 11 | |
Hof | 9 | |
Weiden | 8 | 6/9 |
Auerbach | 7 | 5/9 |
Baiersdorf | 6 | 3/9 |
Eichstätt | 6 | 6/9 |
Gunzenhausen | 1 | 1/9 |
Les affaires d’Eichstätt manifestent un strict partage des fonctions. L’évêque se réservait la correspondance relative à la justice ecclésiastique, traitait des litiges entre les bourgeois d’Eichstätt et de Nuremberg, s’occupait des problèmes de dettes et de rentes et défendait ses dépendants. Le conseil, à raison d’une lettre par an, était l’interlocuteur du gouvernement nurembergeois pour les affaires relatives aux métiers et à la vie économique. Il recommandait des artisans désireux de s’installer dans la ville impériale franconienne et passait lui-même ses commandes sur le marché de Nuremberg 1154 .
Un même partage des tâches se fait sentir à Würzbourg, dont le conseil était soigneusement bridé par l’évêque après plusieurs tentatives de soulèvement. Le conseil ne traitait donc en propre que des affaires de rentes et des questions relatives aux métiers. Il venait à l’appui quand l’évêque avait des services particuliers à demander au Magistrat nurembergeois. De telle sorte que toutes les demandes de rémission étaient émises en double exemplaire, l’une émanant de l’évêque, l’autre du conseil. L’écoutête, enfin, avait des attributions militaires. Il traitait dans les années 1449-1457 de la coopération des troupes würzbourgeoises et nurembergeoises, le plus souvent en correspondance directe avec l’office de guerre nurembergeois.
Alors que le conseil de Nuremberg reçut près de 130 lettres de l’évêque de Bamberg entre 1449 et 1457, la « civitas » de Bamberg n’en envoya elle-même que 13 1155
Au bénéfice d’un seigneur plus distant, absent des murs de la ville et d’une constitution plus avantageuse pour la communauté bourgeoise, la cité de Forchheim 1156 , soumise à l’autorité des évêques de Bamberg, avait tout loisir de traiter elle-même un plus grand volume d’affaires : 29 lettres envoyées à Nuremberg en 1449-1457. L’ammann n’en avait que la portion congrue. Les lettres venues des « amis » de Forchheim dépassaient donc en nombre et en fréquence celles qui venaient de la capitale épiscopale. La situation de Forchheim à une journée de marche de Nuremberg, au point d’embarquement sur la Pegnitz, contribuait encore à renforcer les relations entre les deux cités. Leurs bourgeois étaient en contacts étroits, à en juger par le nombre de litiges privés traités de part et d’autre.
La proximité n’était cependant pas gage de relations fréquentes. A l’inverse de Forchheim, Gunzenhausen, pourtant sur une route abondamment parcourue par les marchands et bourgeois nurembergeois, entrait peu en négociation avec le Magistrat nurembergeois. Tout juste relève-t-on de temps en temps une lettre nurembergeoise demandant au conseil de Gunzenhausen le conduit pour ses ressortissants jusqu’aux foires de Nördlingen 1157 .
D’une façon générale, les édiles nurembergeois prodiguent davantage leur amitié aux villes du Haut-Palatinat et de l’évêché de Bamberg qu’à celles du margrave de Brandebourg. Les missives reflètent en cela les traités d’alliance établis entre la ville impériale franconienne et les princes du voisinage. Aux alliances plusieurs fois réitérées avec les ducs de Bavière correspondent les échanges intenses et fréquents constatés entre Amberg et Nuremberg, encore appuyés par des accords commerciaux anciens et des activités industrielles complémentaires.
Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangsregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen, 1997, n° 3722 : commande d’une « image en argent ».
On sait peu de choses sur la marche interne de la ville de Bamberg aux XIVe-début XVe siècles en raison de la destruction des anciennes archives municipales par la foudre en 1440. La bourgeoisie de Bamberg était sous surveillance étroite après des soulèvements armés, en 1380 et dans les années 1430. Au reste, en 1398, le conseil municipal fut purement et simplement supprimé pour une génération par l’évêque.
Il existait à Bamberg deux entités juridiques distinctes, la « cité » et les immunistes. La civitas avait l’évêque pour seigneur et relevait de son représentant, l’écoutête. Le conseil urbain, attesté à partir de 1300 environ, n’avait pas de réelle autonomie ; l’administration revenait à l’écoutête et aux employés épiscopaux. Le conseil, composé de patriciens et établi par l’évêque, disposait d’une petite marge d’action propre dans le domaine des ponts et des chemins, de même que d’1/6 de l’impôt indirect (Ungeld). La haute et la basse juridiction revenaient à des employés épiscopaux, de même que la perception des impôts. La défense des bourgeois était à la disposition de la ville. Cf. Johannes Bischoff, « Die Stadtherrschaft des 14. Jahrhunderts im ostfränkischen Städtedreieck Nürnberg-Bamberg-Coburg-Bayreuth », dans Hans Patze (dir.), Stadt und Stadtherr,1971
A l’emplacement de Forchheim existait dès le VIIIe siècle une ancienne villa royale, qui revint à l’évêché de Bamberg après 1007. Vers 1280, une communauté bourgeoise se manifeste au travers de son sceau : « comunitas civium ». Dès 1305, l’existence d’un conseil semble attestée, au travers des « douze » qui présentent alors « leur ancienne coutume » à l’écoutête Ulrich von Wiesenthau, sur ordre du nouvel évêque de Bamberg, Wulfing. Ces statuts font état de droits avancés d’ores et déjà par la communauté et le conseil. Le juge ne pouvait dire le droit ou accorder le droit de bourgeoisie qu’avec l’accord des bourgeois. Sa nomination elle-même était soumise à l’agrément de la communauté bourgeoise. Encore en 1444, le conseil disposait de la basse juridiction, tandis que la haute juridiction revenait à l’écoutête épiscopal.
Cf. Johannes Bischoff, « Die Stadtherrschaft des 14. Jahrhunderts im ostfränkischen Städtedreieck Nürnberg-Bamberg-Coburg-Bayreuth », dans Hans Patze (dir.), Stadt und Stadtherr,1971
Cf. Dieter Rübsamen, Das Briefeingangsregister des Nürnberger Rates für die Jahre 1449-1457, Sigmaringen, 1997, registre de lettres reçues par Nuremberg n°3381 (1452) : réponse à propos du conduit aux foires de Nördlingen. Des demandes similaires étaient adressées au margrave de Brandenbourg et aux comtes d’Öttingen.