La justice et le droit

« La deuxième demoiselle vêtue de vert correspond à leur justice sévère sur laquelle ils veillent au mieux envers les habitants et les hôtes. Ils ne prennent et n’affaiblissent jamais la liberté et les privilèges de personne et ils donnent à chacun son dû, ce qu’ils lui doivent en justice ».
(Eloge de Nuremberg par Hans Sachs)

A première vue, la coopération entre villes en matière judiciaire ne paraît pas une évidence. Partout, un des premiers gestes de l’émancipation urbaine, un des premiers points de la constitution municipale, consistait à proclamer l’indépendance judiciaire du conseil, des bourgeois et des sujets de la ville. Parmi les privilèges fondamentaux que cherchèrent à acquérir les communautés figurait le droit de de non evocando. Dans la plupart des litiges, les hommes de la ville ne pouvaient alors être traduits à l’extérieur par leurs parties adverses, que celles-ci fussent étrangères ou bourgeoises. De tels privilèges ont été accordés en bloc le 20 septembre 1274 aux villes d’empire par le roi Rodolphe 1er : leurs bourgeois ne pouvaient être poursuivis que devant des tribunaux urbains ou royaux. Les villes impériales prirent néanmoins la précaution d’acquérir, à titre individuel, les libertés judiciaires correspondantes. Rothenbourg en obtint confirmation en mai 1274, Windsheim en 1295, Wissembourg en 1296, Dinkelsbühl en 1309 et Schweinfurt en 1330. Ces privilèges comptaient parmi ceux que les villes faisaient renouveler régulièrement, au moins à chaque changement à la tête de l’empire. Il importait aussi de les faire respecter par les étrangers et leurs propres bourgeois, puisque la violation de ces droits risquait de remettre en cause l’autorité du conseil sur ses sujets (Obrigkeit) et se répercutait sur le fruit des amendes judiciaires. A cette fin, les libertés judiciaires étaient donc rappelées dans les statuts municipaux et souvent intégrées aux serments de bourgeoisie. A Nuremberg, au XIVe siècle, on prescrivit dans les ordonnances municipales qu’aucun bourgeois ne devait en citer un autre au tribunal ecclésiastique de Bamberg ou ailleurs pour une affaire temporelle. Tout homme qui y contrevenait, conseillait de le faire ou y prêtait la main perdait aux yeux du conseil tout droit à revendication et à accusation contre la partie adverse, il devait aussi verser 5 livres à la ville et au juge. Celui qui quittait la ville et partait en d’autres lieux pour mettre en accusation ses concitoyens devant d’autres tribunaux, contre les lois de la ville, ne devait plus être admis comme bourgeois tant qu’il n’avait pas renoncé à sa plainte 1353 .

Malgré cette recherche acharnée d’une autonomie judiciaire, l’un des domaines qui appelait le plus la concertation et la coopération des villes était celui de la justice et du droit.

Notes
1353.

Voir Werner Schultheiss (éd.), Satzungsbücher und Satzungen der Reichsstadt Nürnberg aus dem 14. Jahrhundert, 2 vol., Nuremberg, 1965 ; de même que Joseph Baader , Nürnberger Polizeiordnungen aus dem XIII bis XV Jahrhundert, Stuttgart, 1861