Nuremberg et sa famille de droit

Le grand privilège conféré par Frédéric II à Nuremberg le 8 novembre 1219 1355 fit expressément du lieu une « civitas ». Les 16 articles promulgués statuaient tant sur la vie interne de la cité que sur les activités de ses habitants. Il y était affirmé que le seul advocatus (seigneur) de Nuremberg était le roi ou l’empereur et que, pour ne pas violer la paix, aucun bourgeois ne devait s’engager dans des liens de service et de clientèle (sich zum mundmann einer andern Person zu machen). La personnalité juridique de la ville étant reconnue, elle n’avait à répondre que globalement de l’impôt royal. Si les bourgeois pouvaient librement détenir des fiefs à la campagne, ils échappaient désormais aux tribunaux vassaliques et ne devaient être jugés que devant le tribunal municipal ordinaire. On ne pouvait en outre les saisir, au nom du droit, ou appliquer un principe de responsabilité d’un marchand pour un autre. 6 articles, déjà évoqués à propos des privilèges douaniers, venaient enfin clore le privilège, ainsi largement tourné vers la pratique et le droit commercial. A partir de 1240, la communauté des bourgeois obtint la personnalité juridique (universitas civium) et un sceau de la ville. Elle reçut une confirmation de ses privilèges en 1287 de Rodolphe de Habsbourg et put dès les années 1280 participer aux côtés de l’écoutête à la sécurité urbaine en bannissant les indésirables 1356 . De cette première expérience naquit vers 1302 un livre de statuts (Statutenbuch I/A) tourné essentiellement vers des règles de sécurité et de paix, des règles de police industrielle et des conditions de bannissement. La « légalisation » de ces ordonnances n’intervint cependant qu’en 1313, au travers d’un privilège accordé par Henri VII aux Nurembergeois, lors de son voyage en Italie 1357 . Le diplôme royal renforça notablement les attributions des «  consules et scabini ». Si le juge ordinaire de la ville était toujours l’écoutête, il devait prêter un serment annuel devant le conseil qui l’engageait à dire le droit sans différences entre les riches et les pauvres selon le jugement des échevins. L’écoutête, les conseillers et les échevins étaient libres de prendre comme bourgeois celui qui le demandait. Par l’article 6, les échevins et conseillers reçurent en outre confirmation de leur droit de statuer pour la paix dans la cité. Leurs attributions touchaient également la régulation du commerce et des prix (pro moderatione rerum venalium) et les règles promulguées devaient être valides tant pour les étrangers (extraneis) que les bourgeois de la ville. Dès l’année suivante, le conseil enrichit son lot d’ordonnances et de statuts, alors consignés dans le Satzungsbuch III/C 1358 . Aux dispositions sur la sécurité, le bannissement et la police artisanale ou commerciale s’ajoutèrent le texte du serment prêté par l’écoutête et une description des procédures ordinaires dans les affaires criminelles (Halsgerichtordnung : « wie man über einen menschen richtet  ») 1359 .

La ville continua de renforcer par des privilèges sa propre juridiction dans les années 1320-1340, gagnant par exemple en 1341 l’autorité sur l’ensemble des possessions rurales de la cité et de ses bourgeois. L’activité législative du conseil s’amplifia tout au long du XIVe siècle. Un Satzungbuch de la fin du siècle 1360 récolta ces prescriptions en faisant d’ores et déjà la séparation entre les ordonnances de police (Polizeiordnungen, fol. 32-183), qui constituaient la majorité des entrées, les statuts d’ordre constitutionnel (fol. 1-31) et les protocoles du conseil (fol. 186-214) 1361 .

Cette formation des ordonnances nurembergeoises par strates successives et leur ampleur facilitèrent sans doute la filiation avec le droit d’autres cités. Pour avoir adopté quelques-unes des dispositions nurembergeoises ou un ensemble plus vaste de règlements, beaucoup de localités pouvaient s’inscrire dans un lien « familial » avec le droit nurembergeois.

Si les spécialistes du droit relèvent déjà des influences directes ou indirectes entre le privilège nurembergeois de 1219 et ceux de Ratisbonne en 1230 ou d’Eger en 1279, c’est bien avec les dispositions prises par le conseil nurembergeois que semblent s’établir les ressemblances les plus décisives. La prodigalité du droit nurembergeois tient sans doute à de multiples facteurs. Outre les qualités intrinsèques des statuts jouèrent sans doute la centralité de la ville, l’implantation précoce dans ses murs d’une administration impériale qui avait tutelle sur d’autres localités (Vogtei chargée de la tutelle sur les biens impériaux) et les relations commerciales nouées très tôt avec d’autres cités, proches ou lointaines.

Ainsi l’influence du droit nurembergeois est sensible dans plusieurs cités impériales franconiennes. L’appartenance commune au « Reichsgut » et la soumission de Wissembourg à la Vogtei de Nuremberg formaient un terrain propice à une filiation entre le droit des deux cités. « Civitas » à partir des années 1240, Wissembourg s’inspira très tôt des prescriptions nurembergeoises et se fit communiquer par l’écoutête de Nuremberg l’ordonnance des juifs de Nuremberg en 1288 1362 . La solidarité du droit des deux villes correspondait à l’époque à la volonté du roi Rodolphe de relever l’empire. Le même désir de restauration impériale commanda sans doute cette année-là l’attribution du droit municipal de Wissembourg à la localité de Pappenheim, alors aux mains d’un fidèle du roi, le maréchal d’empire Heinrich von Pappenheim. Les premiers statuts constitutionnels et législatifs de Wissembourg virent le jour en même temps que ceux de Nuremberg, dans les 20 premières années du XIVe siècle. Wissembourg se dota alors de cinquante articles, consacrés en large part au droit civil et pénal, tandis que seuls 10 paragraphes s’intéressaient à la constitution 1363 , à l’administration et à la police municipale. Pour autant qu’on puisse en juger, leur parenté avec le droit nurembergeois était étroite. Même si le conseil de Wissembourg formait un cénacle plus restreint que dans la grande ville voisine, la marche du gouvernement urbain et les dénominations elles-mêmes présentaient d’étroites similitudes avec la constitution nurembergeoise. En 1377, le conseil oligarchique de Wissembourg essuya sans doute une révolte des métiers et de la communauté, à l’image de ce qui s’était passé à Augsbourg en 1368. Mais les modifications constitutionnelles qui suivirent n’induisirent pas de rupture dans la filiation juridique entre Nuremberg et Wissembourg. La nouvelle « Einigungsbrief » (lettre d’entente) entre les bourgeois du conseil et ceux de la communauté établit un grand conseil (äusserer Rat) de 26 membres aux côtés du petit conseil (innerer Rat) 1364 . Le changement annuel de conseil intervenait le même jour qu’à Nuremberg (le 1er mai) et reposait dans les deux cas sur 5 électeurs chargés de composer les conseils 1365 . La nouvelle constitution wissembourgeoise n’était pas pour autant une copie servile de son modèle nurembergeois, elle donna plus de compétences au grand conseil que cela n’était le cas à Nuremberg.

Cette faculté d’émancipation d’une ville-fille de Nuremberg se manifesta dans l’attribution du droit wissembourgeois à d’autres localités. Outre Pappenheim, le droit municipal de Wissembourg devint celui d’Ellingen en 1322, de Nennslingen (1324), de Wolfram-Eschenbach (1332), Konstein (1345), Stopfenheim (1349) et Ostheim (1357). Mais ces octrois eurent lieu sans doute au corps défendant de la ville inspiratrice. La plupart des concessions juridiques citées intervinrent pendant les phases d’engagère de Wissembourg, aux burgraves de Nuremberg ou aux ducs de Bavière, et touchèrent des villages ou des bourgades qui n’accédèrent pas pour autant à la dimension urbaine. Si elle ne put empêcher l’application de son droit à plusieurs lieux qui relevaient de l’ordre teutonique, Wissembourg œuvra de toutes ses forces pour freiner le développement juridique, économique et politique de ses « clones » et n’eut par exemple de cesse de retarder la construction de murailles autour de la toute proche Ellingen.

Faute de témoignages d’archives suffisants pour les XIIe-début XIVe siècles, une parenté entre le droit de Nuremberg et ceux des villes impériales franconiennes de Rothenbourg et Windsheim reste plus difficile à établir. Mais, dans d’autres cas, l’appartenance commune à l’empire constitua effectivement un terreau propice à des filiations juridiques. C’est sur cette base que Neumarkt et Eger obtinrent des statuts apparentés à ceux de Nuremberg. Les deux localités revinrent à l’empire en 1149 1366 et à ce titre firent l’objet d’une politique territoriale franconienne.

Neumarkt focalisa l’attention royale de Frédéric 1er. Elle correspond, par son nom et son plan, à une bourgade de fondation fortifiée, installée sur une route stratégique entre Nuremberg et Ratisbonne. Le privilège douanier obtenu par les bourgeois de Nuremberg et Neumarkt en 1235 confirma la vocation de partenariat entre les deux villes, voulue au départ par les souverains, puis prorogée par les conseils. Arrêté quelques années par une engagère de Neumarkt au duc Louis de Bavière (1263-1268), le processus reprit son cours en 1301. Albrecht I, à la demande des bourgeois de Neumarkt, conféra à la communauté du lieu tous les droits et libertés dont jouissaient ses bourgeois de Nuremberg. Ce qui pouvait n’être qu’une simple réitération du privilège douanier de 1235 apparaît bel et bien comme une attribution intégrale du droit nurembergeois. Un Stadtgerichtsbuch du XIVe siècle, conservé par la ville de Neumarkt, présente des statuts similaires à ceux de Nuremberg sur l’écoutête, les échevins, les Gennante. 29 des 69 premiers articles sont en outre explicitement désignés comme des « droits et jugements étrangers qui ont été apportés et pris en provenance du conseil de Nuremberg ». Loin d’être cantonnés à un secteur, ils traitaient indifféremment du droit privé, du droit pénal ou des règlements des métiers et industries 1367 .

La ville d’Eger ne devint définitivement bohême qu’en 1322, par son engagère à Jean de Bohême contre 20 000 mark argent. Malgré des concessions répétées, elle fut considérée dès la deuxième moitié du XIIe siècle comme une possession de l’empire et figure pour la première fois au titre de civitas dans un document de 1204. Le large privilège urbain reçu en 1279 présente des similitudes avec les libertés nurembergeoises de 1219. Les statuts du début du XIVe siècle vinrent encore renforcer ces traits communs dans les domaines du droit constitutionnel, privé, pénal, criminel 1368 , tandis que les deux villes se retrouvèrent parfois au sein des mêmes organismes régionaux de paix. La ville d’Eger était elle-même un centre politique et culturel pour plusieurs villes de Bohême et de Haut-Palatinat. Son propre droit devint un modèle pour toute une série de localités : Wunsiedel dont le droit fut communiqué ensuite à Kirchenlamitz, Selb (1426), Weissenstadt, Redwitz ; Bärnau (droit d’Eger en 1343). Choisie par Charles IV pour former le centre de ses territoires bohêmes, Eger garda ces fonctions d’inspiratrices et de recours juridique pour les villes nouvellement fondées ou constituées, comme Elbogen en 1352 1369  ou Luditz en 1375. Les localités appartenant à la famille de droit d’Eger, concentrées pour la plupart sur la route menant à Prague entretenait ainsi un lien juridique, fût-il ténu et indirect, avec la ville impériale de Nuremberg.

Le passage, même fugace de plusieurs localités sous administration impériale, à l’époque des Staufen ou sous Charles IV, favorisa donc l’attribution de droits urbains plus ou moins apparentés. Siège du Reichslandvogt dans le cadre de la rénovation impériale, la ville de Nuremberg servit souvent d’inspiratrice. Outre Neumarkt, Eger, Amberg, il semble que Hof ait elle aussi profité de prescriptions nurembergeoises au cours du XIVe siècle, avant son acquisition par les burgraves de Nuremberg en 1373.

La propagation des libertés et statuts nurembergeois ne se restreignit cependant pas aux anciennes terres d’empire, placées plus ou moins durablement sous l’administration des officiers impériaux de Nuremberg. Les seigneurs territoriaux eux-mêmes se laissèrent séduire par le droit municipal nurembergeois pour leurs propres fondations urbaines des XIIIe-XIVe siècles. Cet état de fait ne résidait sans doute pas dans les seules qualités intrinsèques des statuts et libertés nurembergeois. La reconnaissance des fondations urbaines seigneuriales réclamait une confirmation royale. Dans quelle mesure, l’attribution du droit d’une cité impériale aux villes ou bourgades seigneuriales nouvellement fondées, ne fut-elle pas un geste de séduction ou une concession nécessaire envers le souverain ? Les seigneurs territoriaux manifestaient ainsi leur Königsnähe tout en poursuivant leur stratégie patrimoniale, tandis que le roi avait l’assurance de voir ces nouvelles cités relever en dernière instance du ressort nurembergeois (Oberhof).

Du XIIIe siècle à la première moitié du XIVe siècle, les seigneurs les plus actifs dans la construction de leurs territoires franconiens, comme les ducs de Bavière ou les burgraves de Nuremberg, attribuèrent souvent aux villes qui structuraient leurs territoires le droit de Nuremberg. Ils donnaient de la sorte à leurs possessions des armes égales à celles de la cité impériale qui dominait la région politiquement et économiquement.

Dans le domaine commercial, dès 1163, l’évêque de Bamberg obtint pour les marchands d’Amberg et de Bamberg des droits commerciaux inspirés de ceux des négociants nurembergeois. La vieille ville de Bamberg put alors jouir des libertés douanières obtenues par les Nurembergeois dans plusieurs places commerciales relevant de l’empire. Mais un livre de droit de la cité épiscopale, constitué au XIVe siècle, présente de plus amples ressemblances 1370 entre les statuts des deux localités. Ville-centre de la principauté ecclésiastique de l’évêque de Bamberg, la cité épiscopale servit à son tour de référence pour plusieurs villes et bourgades de l’évêché. En 1328, Baunach se vit ainsi conférer, de même qu’un marché hebdomadaire, les droits et libertés de Bamberg 1371 .

Amberg, encore détenue par l’évêque de Bamberg en 1163, profita elle aussi des précédents commerciaux nurembergeois 1372 . L’appartenance politique de la localité fut cependant plusieurs fois modifiée par la suite. Elle quitta les mains de l’évêque en 1188 pour revenir temporairement en fief à l’empereur Frédéric Barberousse avec d’autres biens du Haut-Palatinat, puis échut par engagère en 1269 au duché de Bavière. Parmi les terres bavaroises, elle acquit alors valeur d’exemple et de modèle juridique, sans que sa dette initiale envers le droit nurembergeois ne s’efface totalement. L’ensemble de son droit urbain fut conféré entre 1296 et 1300 aux bourgeois de Nabburg. Comme ils impliquaient des libertés douanières réciproques avec Nuremberg, il fallut en obtenir confirmation auprès du conseil de la cité impériale franconienne 1373 . Cette reconnaissance indirecte d’une dette juridique envers Nuremberg trouva à nouveau confirmation en 1324, quand Nabburg reçut un droit des Juifs hérité des dispositions nurembergeoises. C’est sans doute de la même façon que les localités bavaroises de Lauf (1298), Schwandorf (1299), Kastl (1323), Viechtach (1337), Sulzbach (1305), Velburg (entre 1361 et 1410), Kemnath 1374 (1375) et Bärnau (1405) devinrent juridiquement parlant des filles d’Amberg, et des petites-filles de Nuremberg. La situation politique dans cet espace à l’est de la Franconie était au reste si changeante 1375 que certaines villes renouèrent directement avec le droit nurembergeois. En créant la Nouvelle-Bohême, Charles IV confia un rôle central aux villes de Sulzbach et d’Auerbach et leur attribua les mêmes statuts douaniers et commerciaux que Nuremberg. Sulzbach donna alors son droit à plusieurs lieux de fondation de ce nouveau secteur, comme Prichsenstadt et Heidingsfeld en 1367 1376 .

Lors de la construction de leur territoire, les burgraves de Nuremberg reprirent entre leurs mains quelques villes existantes comme Bayreuth (1260), Kulmbach (1340), ou Münchberg (1373). Mais les Hohenzollern structurèrent aussi leur espace politique à l’aide de fondations de villes neuves. A l’exception de Wunsiedel qui reçut le droit d’Eger en 1326, les cités burgraviales obtinrent le droit municipal de Nuremberg pendant une large partie du XIVe siècle. En 1328, Louis le Bavarois donna son accord pour faire de Bergel, Rosstal, Grossgrundlach, Kasendorf, Mussen, Wonsees des « civitas ». Les burgraves avaient loisir de les fortifier, de les doter d’un Halsgericht et d’un marché hebdomadaire. Leur vie constitutionnelle et juridique devait emprunter « tout le droit » de Nuremberg.

Cette filiation juridique de plusieurs localités burgraviales avec une cité impériale exprimait la « Königsnähe » des burgraves. Il en fut de même pour des cités de fondation nobiliaires, créées par des lignées baronales proches des souverains successifs. Leur droit, souvent très composite, empruntait aux statuts des principales villes franconiennes. Conrad II von Schlüsselberg, conseiller de Louis le Bavarois, put par exemple fonder sur son territoire trois villes. A la bourgade de Waischenfeld, née au pied d’un château et au centre d’une ancienne circonscription juridique, il donna par diplôme royal en 1315 toutes les libertés fiscales dont jouissait la ville de Bamberg. Le village reçut aussi le droit de marché « habituellement et honnêtement conféré aux autres bourgades » 1377 . La seconde ville fondée par le seigneur de Schlüsselberg s’appuyait sur un village attesté dès le Xe siècle. Cette cité, Ebermannstadt, reçut du roi le droit de la ville de Nuremberg et un droit de fortification par des murs et des fossés 1378 . La troisième ville, Schlüsselfeld, fut la seule véritable ville de fondation, érigée à proximité du village de Thüngen, que les Schlüsselberg tenaient en fief impérial. Elle hérita du droit municipal de Nuremberg en 1336 1379 .

Outre l’échec de certaines de ces fondations seigneuriales 1380 , le lien juridique avec Nuremberg n’était pas sans poser des problèmes de compétence. Il représenta bientôt une entrave à l’unification des territoires aux mains des Hohenzollern ou des évêques. Car, en adoptant « tout le droit » nurembergeois, il semble que les centres burgraviaux aient admis en même temps une certaine autorité de la ville impériale comme instance supérieure (Oberhof) 1381 . Le Landbuch (censier) burgravial de la seigneurie de Plassenburg note par exemple à propos de Kulmbach en 1398 : « Les bourgeois du conseil cherchent le droit, dont ils ne seraient pas instruits, à Nuremberg » (Die Burger des Rats holen ihr Recht, daran sie unweise wären, zu Nürnberg).

Afin de mieux assurer la cohésion de leur ensemble territorial et de garantir l’indépendance de leurs villes face à Nuremberg, les Hohenzollern changèrent de politique juridique dans la deuxième partie du XIVe siècle et au XVe siècle. Dès 1353, l’acte d’élévation de Baiersdorf au rang de cité se contenta de référer à un droit « de même sorte que celui qu’ont leurs autres villes ». En 1358, Creussen fut quant à elle pourvue « du droit des autres bourgades et marchés burgraviaux ». A la ville nouvellement fondée de Neustadt am Kulm, les burgraves firent concéder les droits et libertés de Bayreuth 1382 . L’orientation vers une indépendance juridique et judiciaire se confirma au XVe siècle. En 1434, le margrave Frédéric promulgua un règlement municipal et judiciaire qui devait valoir pour toute sa principauté ; elle prévoyait par exemple les modalités de renouvellement du conseil, par cooptation, avec la participation de l’officier municipal princier. Afin de remplacer un privilège brûlé en 1388, Langenzenn reçut en définitive en 1443 un nouvel ensemble de droit, mais ce furent les statuts d’Ansbach, la nouvelle ville de résidence des margraves de Brandebourg qu’elle se vit conférer.

Notes
1355.

Cf. Nürnberger Urkundenbuch n°178 ; Ernst Theodor Gaupp, Deutsche Stadtrechte des Mittelalters, Breslau, 1851, vol. 1, p. 171 et s.

1356.

Il semble que ces progrès décisifs dans la faculté de décision de la communauté soient liés à un édit de paix promulgué pour la Franconie en 1281 et inspiré de la Paix de Mayence de 1235. Cf. MGH Constit. III, p. 280, n°279 ; Nürnberger Urkundenbuch, n° 631. Le conseil parvint à limiter l’influence de l’écoutête sur les décisions de bannissements dès la fin du XIIIe siècle, à s’appuyant sur les dispositions d’une nouvelle paix impériale en 1298. Cf. Wernher Schultheiss, Die Acht-, Verbots- und Fehdebücher Nürnbergs von 1285-1400, Nuremberg, 1959, (Quellen und Forschungen zur Geschichte der Stadt Nürnberg). On dressa alors un livre de bannissement (Achtbuch, 1285-1337). Ce dernier est le 5e plus ancien du genre conservé en Allemagne, après ceux de Lübeck, Iglau, Wismar dans le Nord de l’Allemagne, d’Augsbourg et de Rothenbourg (1274-1304) au Sud.

1357.

Cf. MGH Constit. IV/1 n°999, p. 1042 et s. – Voir aussi Ernst Theodor Gaupp, Deutsche Stadtrechte des Mittelalters, Breslau, 1851, vol. 1, p. 171 et s.

1358.

Voir Werner Schultheiss (éd.), Satzungsbücher und Satzungen der Reichsstadt Nürnberg aus dem 14. Jahrhundert, 2 vol., Nuremberg, 1965. 5 Satzungsbücher nurembergeois ont été conservés pour le XIVe siècle : 1302-1315 (I/A) ; 1314-1332 (II/B) ; 1320-1360 (III/C) ; 1330-1390 (IV/E) ; 1380-1424 (V/D) ; Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°227 (2e Satzungbuch) ; en usage jusque dans les années 1330

1359.

La juridiction autonome de la ville dans les affaires pénales est confirmée par privilège royal le 29 juin 1320.

1360.

Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°228 et 229. Le livre de statuts de la fin du XIVe siècle (1380) et ses successeurs reçurent une nouvelle dénomination. Dans la mesure où ils servaient de base au contrôle du respect des ordonnances, ils furent ensuite appelés « Wandelbücher », du nom de la punition en argent exigée en cas d’entorses contre les statuts.

1361.

Un siècle plus tard, vers 1496, le conseil ordonna la collecte de toutes les ordonnances de police dans un vaste codex. On laissa de côté toutes les ordonnances qui se rapportaient à la constitution générale de la ville. Les règles d’organisation et de fonctionnement du conseil étaient en effet inscrites dans des livres spécifiques au conseil, le Ratsbuch, tandis que les ordonnances relatives au tribunal (Halsgericht) étaient inscrites dans des ouvrages particuliers. Quant aux ordonnances somptuaires, elles trouvèrent place elles aussi dans un registre spécifique, un « Hochzeitsbüchlein » (petit livre du mariage), établi en 1485, puis remanié en février 1526. Des prescriptions particulières sur les incendies, la construction municipale, les règlements des quartiers et la guerre furent de même consignées à part et conservées par les officiers concernés. Cf. Ernst Pitz , Schrift- und Aktenwesen der städtischen Verwaltung im Spätmittelalter. Köln-Nürnberg-Lübeck, Cologne, 1959

Cf. StAN, Amts- und Standbuch n°231

1362.

Cette demande s’inscrit dans un contexte d’oppositions entre les bourgeois et les juifs du lieu.

Cf. Rudolf Nagel, Das Recht der Reichsstädte Weissenburg und Nürnberg, Dissertation Erlangen, 1963 ; Alois Schönmetzler, Das Stadtrecht von Weissenburg in Bayern, Diss. Erlangen, 1948 ; Dietrich Kerler, « Zur Verfassungsgeschichte der Stadt Weissenburg », Archivalische Zeitschrift 6 (1881), p. 199-202 ; voir Friedrich Blendinger, « Weissenburg im Mittelalter », Jahrbuch der historischen Vereins für Mittelfranken (1962/1963), p. 18 ; Voir L. von Rockinger, « Zwei Urkunden aus dem Jahren 1288 und 1312 über Rechtsverhältnisse zwischen Christen und Juden », Archivalische Zeitschrift 5 (1894), p. 93-101

1363.

Il y avait alors un conseil de 12 membres et un « Frager » qui présidait les sessions du conseil et collectait les votes de chacun. Ce Frager restait 4 semaines en exercice, puis cédait la place à un autre conseiller, de telle sorte que dans l’année, tous les conseillers étaient une fois chacun « Frager ». On retrouve le même terme de « Frage » dans l’organisation municipale nurembergeoise.

1364.

Dietrich Kerler, « Zur Verfassungsgeschichte der Stadt Weissenburg im Nordgau », Archivalische Zeitschrift 6 (1881), p. 195-205

1365.

Le grand conseil choisit dans ses rangs et dans le petit conseil 5 hommes qui deviennent les électeurs. Ces 5 élisent au sein des grand et petit conseils 8 personnes et forment avec eux le nouveau petit conseil de 13 membres. Les 26 membres du grand conseil sont désignés par le petit conseil parmi les bourgeois réputés de la cité. Une fois le gouvernement urbain désigné, 2 à 6 sessions étaient tenues par mois, le plus souvent le mercredi et le vendredi.

1366.

Cf. Heinz Dannenbauer, Die Entstehung des Territoriums der Reichsstadt Nürnberg, Stuttgart, 1928, (Arbeiten zur deutschen Rechts- und Verfassungsgeschichte, 7).

1367.

Cf. W. Schultheiss, « Die Einwirkung Nürnberger Stadtrechts auf Deutschland, besonders Franken, Böhmen und die Oberpfalz (der Nürnberger Stadtrechtskreis) », Jahrbuch für fränkische Landesforschung 2 (1936), p. 30 ; En 1349, Charles IV autorisa Albrecht von Wolfstein à ériger une ville autour de son château en lui donnant les coutumes et les libertés de Neumarkt. Mais cette fondation fut un échec.

1368.

Le premier livre municipal d’Eger remonte à 1352.

1369.

Elbogen eut ses propres villes ou localités-filles, à l’image de Karlsbad à partir de 1370 et de Schlackenwerth dès 1387. Le droit de Luditz fit quant à lui tâche d’huile à Buchau à partir de 1366.

1370.

Cf. Zöpfl, Das alte Bamberger Recht, 1837. Voir W. Schultheiss, « Die Einwirkung Nürnberger Stadtrechts auf Deutschland, besonders Franken, Böhmen und die Oberpfalz », Jahrbuch für fränkische Landesforschung 2 (1936), p. 18 et s.

1371.

Cf. Böhmer, Regesta Imperii (reg. Ludw.) 992, voir aussi n° 2171 (1341).

1372.

Ils restèrent précieux pour la ville d’Amberg, puisqu’en 1355 ses conseillers se firent confirmer à nouveau les libertés commerciales nurembergeoises par Charles IV et les défendirent face à Strasbourg et Francfort en 1414.

1373.

Cf. Gerhard Hirschmann, « Nürnbergs Handelsprivilegien, Zollfreiheiten und Zollvreträge bis 1399 », dans Beiträge zur Wirtschaftsgeschichte Nürnbergs, Stadtarchiv Nürnberg (éd.), vol. 1, Nuremberg, 1967, n° 9 : demande exprimée par le duc de Bavière et comte palatin rhénan, Rodolphe, pour les bourgeois de Nabburg.

1374.

Les droits d’Amberg concédés à ces cités ou bourgades ne correspondaient pas forcément à l’ensemble des libertés d’Amberg. Kemnath reçut simplement ses droits de marché et ses droits judiciaires, Kastl son droit de marché, mais Lauf hérita de l’ensemble du droit municipal d’Amberg en 1298.

1375.

Ces changements entraînaient à chaque fois des modifications de statuts afin de mieux intégrer la nouvelle possession dans l’ensemble territorial du nouveau seigneur. A ce titre, la localité de Bärnau reçut en 1343 du monastère de Waldsassen le droit d’Eger. Passée sous domination bohême, elle releva ensuite du droit de Tachau et des villes « de la Forêt » bohême. Son intégration aux possessions bavaroises en 1405 se traduisit à son tour par la concession à Bärnau des libertés et statuts d’Amberg.

1376.

L’attribution d’un même droit n’excluait pas des nuances. Prichsenstadt reçut en 1367 la version originelle du droit de Sulzbach, celle que Sulzbach avait elle-même hérité d’Amberg. Plus distante géographiquement du cœur de la Nouvelle-Bohême, Heidingsfeld hérita en sus des évolutions juridiques intervenues dans le droit de Sulzbach après 1305. De ce fait, Heidingsfeld était dirigée conjointement par le conseil et la communauté, alors que Prichsenstadt présentait une structure plus oligarchique, un conseil soumis à l’écoutête et au juge municipal. Cf. Johannes Bischoff, « Die Stadtherrschaft des 14. Jahrhunderts im ostfränkischen Städtedreieck Nürnberg-Bamberg-Coburg-Bayreuth », dans W. Rausch (éd.), Stadt und Stadtherr im 14. Jahrhundert, Linz/Donau, 1972, p. 97-124, (Beiträge zur Geschichte der Städte Mitteleuropas 2)

1377.

Après la mort du seigneur de Schlüsselberg et en l’absence de succession masculine, la localité passa entre les mains de l’évêché de Bamberg en février 1348.

1378.

Après le décès du seigneur de Schlüsselberg, la ville fut tenue pour moitié par l’évêque de Würzbourg et pour moitié par celui de Bamberg à partir de 1349. Elle passa définitivement dans l’évêché de Bamberg en 1390.

1379.

La ville nouvellement fondée semble avoir une existence dès 1342 ; elle eut le même destin qu’Ebermannstadt après la disparition de son seigneur fondateur. Détenue par les deux évêques de Bamberg et Würzbourg, elle revint à l’évêque de Würzbourg en 1390, qui confirma les droits urbains en 1396, mais engagea la localité plusieurs fois.

1380.

Les Hohenzollern se firent confirmer le privilège de Louis le Bavarois par Charles IV en 1355. Sur les 6 villes planifiées en 1328, seules quatre sont encore évoquées dans l’acte de 1355 : Mussen, Bergel, Wunsees et Rosstal. Mais elles n’y apparaissent que comme des « oppida ».

1381.

La réserve est de rigueur, dans la mesure où les sources sur les villes burgraviales sont très limitées pour les XIVe-XVe siècles.

1382.

Dans la mesure où la ville de Bayreuth a été détruite par les Hussites en 1430, on sait peu de choses sur le développement de ses statuts et libertés au cours du XIVe siècle. Un conseil y existait depuis le début du XIVe siècle, sur la base du collège des échevins.