La désignation d’une ville-mère en matière de droit urbain amenait des liens entre cette dernière et les villes-filles, quand bien même les circonstances politiques pouvaient avoir évolué pour l’une ou l’autre. Pour conférer ses privilèges à Nabburg, Amberg dut par exemple négocier avec Nuremberg la transmission de libertés douanières entre sa « fille » et sa « mère ». L’enrichissement des privilèges et statuts dans la ville d’où provenait le droit créait donc des échanges, qui pour être espacés n’en étaient pas moins importants. C’est ainsi que l’on voit en 1383 les 12 du conseil et de la bourgeoisie de Cobourg recevoir de la ville désormais impériale de Schweinfurt 1388 une confirmation des droits et libertés de leur cité. Des échanges similaires, générés par le droit de Schweinfurt, sont attestés entre la ville impériale et la cité de Meiningen, passée des comtes de Henneberg à l’évêque de Würzbourg. La ville-mère était la gardienne et la dépositaire du droit quand la ville-fille devait faire preuve de ses statuts face à ses détracteurs, ou qu’elle ne parvenait plus à en retrouver trace écrite dans ses archives. Le conseil de Meiningen demanda ainsi en 1454 à celui de Schweinfurt de lui transmettre une copie du règlement d’héritage élaboré à Schweinfurt en 1299 1389 . Cette double détention d’un même droit offrait une garantie pour les villes-mères elles-mêmes. Détruite en 1554 lors de la seconde guerre margraviale, Schweinfurt perdit une bonne partie de ses archives dans l’incendie de son hôtel-de-ville ; il ne lui resta plus qu’à écrire aux villes détentrices du même droit pour reconstituer les statuts perdus. Meiningen lui communiqua en retour une copie du règlement d’héritage susmentionné. Les Annales de Sprenger laissent deviner que les relations entre ces deux villes apparentées par le droit ne se restreignirent pas à quelques contacts épistolaires. Schweinfurt disposait d’un bon degré d’information sur la politique interne de Meiningen. C’est peut-être aussi la parenté juridique, qui explique l’admission de plusieurs bourgeois de Meiningen dans la communauté de Schweinfurt en 1393 : « seindt etlich Burger von Meynungen alhie Bürger worden sie zuversprechen ». A n’en pas douter, sur la base de cette filiation juridique, Schweinfurt prodiguait aussi ses conseils à Meiningen, quand bien même cette dernière était passée sous l’autorité de l’évêque de Würzbourg. C’est sans doute un service de ce genre que le conseil de Schweinfurt fut payé d’un saumon en 1433.
Souvent, l’appartenance à une même famille de droit créa des réflexes de recours à la ville-mère. Quand un point de droit manquait pour régler un problème rencontré dans la cité-fille, la ville qui était à l’origine du droit faisait office d’experte juridique et de donneuse d’avis. Ses conseils formaient alors jurisprudence et venaient compléter les livres de droit locaux. Quand la demande d’avis portait sur un statut de droit pénal, privé ou judiciaire, ces relations brouillaient les règles habituelles du recours judiciaire. Tout en n’étant pas nécessairement le lieu d’appel pour ses « filles », la ville-mère pouvait de fait exercer des attributions judiciaires très proches d’une cour supérieure (Oberhof) en prodiguant des sentences de droit. Malgré tous les efforts des seigneurs territoriaux pour faire disparaître ces recours, qui jouaient souvent au profit de villes impériales, les habitudes de consultation restent attestées au cours des XIVe-XVe siècles, par delà les appartenances politiques des villes. Elles animaient par exemple en large part les relations intercommunales de Nuremberg avec plusieurs villes seigneuriales 1390 .
Rappelons que la ville de Schweinfurt se libère justement d’engagère à titre définitif en 1383. Ce changement de situation juridique appela une confirmation des droits détenus par ses villes-filles.
Friedrich Stein, Monumenta suinfurtensia historica, Schweinfurt, 1875, n°325.
Cette question est abordée par Rudolf Wenisch dans une étude portant sur les Ratsverlässe nurembergeois. Mais il s’intéresse surtout aux conseils juridiques et judiciaires prodigués par le conseil de Nuremberg à partir du XVIe siècle. Cf. Rudolf Wenisch, « Nürnbergs Bedeutung als Oberhof im Spiegel seiner Ratsverlässe », Mitteilungen des Vereins für Geschichte der Stadt Nürnberg 51 (1962), p. 443-467