Chapitre I : DE LA DEMARCHE A LA Methode

‘’L’Observation participante impose de s’immerger dans les activités quotidiennes de la collectivité ou de l’endroit qui retient l’attention. Il s’agit d’en apprendre le plus possible concernant les comportements et les processus sociaux apparaissant au sein d’une culture afin de décrire ce qui s’y passe et de proposer des notions théoriques susceptibles d’expliquer ce qui a été vu et entendu.’
Russel A. JONES - 2 000
Méthodes de recherches en sciences sociales - p. 45’

Le premier constat qui s’impose à la recherche de documentation, c’est le vide36 d’informations, d’écrits récents sur le développement urbain37 au Viêt Nam, vide d’autant plus manifeste qu’il succède à l’abondance d’articles produits durant le siècle de l’Indochine et qu’il s’oppose à la pléthore de livres publiés sur la guerre d’Indochine.

A cette absence, quelques explications peuvent être avancées. Tout d’abord, trois, voire quatre guerres se sont succédées au Viêt Nam entre 1940 et 1975. Seules les années 1946-1953 de paix relative à Saigon ont profité au développement de l’agglomération, mais le calme n’est jamais totalement revenu38 et le dynamisme des années 1920-1930 ne s’est jamais reproduit. Puis l’intervention américaine, issue de la guerre froide, s’est concrétisée sur les plans politiques et économiques. Enfin si les années 1964-1972 ont vu l’agglomération enfler, ce phénomène est un résultat de la politique générale contre révolutionnaire menée par le gouvernement du Sud et les Américains, non un indicateur synonyme de croissance équilibrée, alors que l’économie de Saigon était sous la perfusion du dollar.

Avant cela, la colonisation française, étalée sur un siècle et située dans une certaine vision de connaissance des cultures ’indigènes’ a permis la création de groupes de chercheurs et favorisé la production de savoir39. Ceci dit, en ce qui concerne l’ancienne Saigon, capitale économique, les sujets traités sont en très grande majorité centrés sur le développement économique40. Tous les articles dont le sujet se rapporte à l’organisation spatiale ou aux modes de vie des Kinh (ou Viêts41) traitent en très grande majorité du Nord du pays (alors Tonkin), puisque le delta du fleuve Rouge est le berceau de la culture vietnamienne, et éventuellement du centre (alors Annam) où s’est implantée la dernière dynastie. Dans l’introduction de son ouvrage esquisse d’une étude de l’habitation annamite 42 ... , Pierre Gourou montre bien les intérêts du moment, alors que la maison est appréhendée comme un objet indépendant.

‘’Les maisons annamites n’ont jamais fait l’objet d’une étude d’ensemble (...) La maison annamite tend (...) à s’abâtardir. Bien que cette évolution commence simplement à se dessiner, il est utile d’étudier les types purs de maisons annamites avant que l’on entre définitivement dans une période où les habitations annamites ne seront que constructions désordonnées, sans style et sans originalité, semblables aux maisons de Cochinchine.’’

Comme le souligne Françoise Choay de manière générale, l’espace ’‘est le grand absent des études historiques du 20ème siècle qui se sont intéressées à la ville du point de vue de ses institutions juridiques, politiques et religieuses (et) de ses structures économiques et sociales’’43.

Notes
36.

Il s’agit ici principalement des sources de langue française, mais à ma connaissance les sources de langue anglaise ne sont guère plus prolixes durant cette période.

37.

Ici, développement urbain est utilisé dans son sens le plus large, des travaux publics aux modes de vie.

38.

Hô Chi Minh avait décrété l’Etat indépendant du Viêt Nam dès le lendemain du départ des Japonais et avant l’arrivée des troupes alliées. Les mouvements révolutionnaires ne cesseront plus d’être présents.

39.

L’E.F.E.O. (Ecole Française d’Extrême Orient) a été créée à Ha Nôi en 1900. Trois grands domaines dominent l’ensemble des recherches effectuées (et dont les publications d’alors sont toujours des références d’aujourd’hui) :

- L’archéologie (Angkor et le Champa) ;

- L’étude des minorités ethniques qui forment une véritable mosaïque humaine dans les hauts plateaux ;

- La culture ancienne du Dai Viêt, berceau de l’actuel Viêt Nam, dont bien sur, la littérature.

40.

L’un des principaux objectifs de la France en Indochine a été ce qui a été appelé ’la mise en valeur du territoire’. Elle s’est traduite d’une part, par tous les grands travaux d’infrastructure de l’Indochine (voir à ce sujet le rapport de A. Pouyane [1926] ) et d’autre part, par toutes les exploitations (principalement agricoles) créées et gérées par les colons. Toutes ces activités ont entraîné nombres de publications à rattacher au domaine de l’économie.

41.

Le mot Viêt est utilisé comme adjectif pour exprimer l’appartenance ethnique, souvent nommés Kinh.

42.

P. Gourou - 1936.

43.

F. Choay - 1992 - p. 138.