Première Partie : LE CADRE DU DEVELOPPEMENT URBAIN

La mise en place du questionnement, puis de la problématique, a tout d’abord établi comme cadre d’étude les ’secteurs d’habitat’ de l’agglomération de Hô Chi Minh Ville. Comme nous le verrons dans le troisième chapitre, cette dénomination rassemble sur les différents master plan la presque-totalité de l’agglomération urbaine existante. Les discours officiels, comme une première observation de ces secteurs, ont mis en évidence deux types d’habitat prédominants et presque exclusifs : la maison individuelle et privée et les immeubles de logements collectifs gérés par des organismes publics. Puis, l’appropriation par les habitants des espaces urbains induits par les formes d’habitat et la dualité constatée dans leur production, se sont révélées caractéristiques des pratiques urbaines actuelles à Hô Chi Minh Ville.

Cette première partie, a pour objectif de caractériser le cadre du développement urbain à Hô Chi Minh Ville.

Afin de revenir sur ce constat de la dualité de l’habitat, le chapitre II est consacré à l’habitat dans l’urbain. Il s’agit de mettre en évidence, par une typologie, les deux types d’habitat cités et de montrer leur exclusivité, de particularise r leurs caractéristiques à travers les liaisons de la forme bâtie à l’espace public et la vie des habitants induite par cette relation, puis par l’identification des acteurs producteurs voire gestionnaires de ces habitats.

Cela mènera à constater tout d’abord l’importance d’un modèle très répandu en Asie du Sud-Est : le compartiment chinois, et la difficulté de son évolution. Puis, il faudra interpréter l’absence de copropriété, d’immeubles de rapport et de condominiums. Enfin, nous verrons que cette absence d’alternative proposée aux deux types d’habitat correspond à l’émergence de deux types d’acteurs. Ce sera le thème du deuxième chapitre que d’apporter une explication à l’exclusivité de ces deux acteurs : administration-public et individu-privé.

Avant cela, et afin de comprendre le rapport que les différents types d’habitat introduits entretiennent avec la ville dans sa globalité, le dernier paragraphe identifie les différents tissus urbains que ces habitats ont produits ou qui les ont induits. Les strat es de l’histoire, très récente en ce qui concerne Hô Chi Minh Ville, montrent la succession des différents groupes dominants (Vietnamiens, Chinois, Français, Américains, Vietnamiens) suivant les quartiers et les époques. Elles permettent de discerner l’urbanité à Hô chi minh Ville.

Les différents plans de la ville soulignent l’adéquation entre les décideurs, l’habitat, et l’environnement construit, produit à travers l’imbrication des différentes périodes de forte croissance de Cholon et de l’ancienne Saigon ; jusqu’à ce que la taille des deux villes jumelles ne transforme l’agglomération en métropole où le terrain à bâtir manque. C’est à partir des années 1960 que la croissance de la ville par densification de l’existant se généralise. C’est pendant cette pé riode de la guerre qu’apparaissent les barres de logements collectifs comme réponse au problème de la pénurie d’habitat. C’est également pendant cette même décennie que se creusent de manière très profonde les différences entre Ha Nôi au Nord et Hô Chi Minh Ville au Sud.

Ainsi, si les différents gouvernements et groupes de population ont créé des habitats dans des tissus urbains correspondants très différents et typés, c’est à partir des années 1960 et de la guerre du Viêt Nam, lorsque la ville explose et se densifie sur elle-même, que la production de l’habitat devient formellement duale. Mais à ces dix années d’expansion démesurée succèdent, après la réunification, dix années d’immobilisme. Lorsque enfin, à partir de 1986 et l’établissement de la đ message URL ocircaccent.gifi m message URL oqueueaccent.gifi, la croissance reprend et avec elle les constructions, la production bâtie est le résultat du système en place : l’Etat ou l’individu, il n’existe pas d’autre alternative. La production de l’habitat est alors exclusivement duale. Suite à ce nouveau régime économique, qui se cherche et se met en place tout à la fois, et aux fortes croissances des années 1990, les dernières années du 20ème siècle voient quelques apparitions de nouveaux types d’habitat. Ceux-ci pourraient se généraliser, si la croissance continue, mais il ne s’agit pour l’instant que de prospectives.

Après cette approche de l’environnement construit par les formes urbaines, le chapitre III s’attache à reconstruire, puis à analyser pour le caractériser, le cadre institutionnel. Il s’agit de comprendre l’organisation des institutions gouvernementales dans leur rapport au développement urbain. A travers les discours, les attitudes, les processus institutionnels relevés et les documents produits, le propos est de mettre en évidence la politique du Viêt Nam dans sa maîtrise de l’évolution de l’agglomération de Hô Chi Minh Ville, et à travers elle d’appréhender ce qu’est la ville pour l’Etat.

Une certaine vision de la société émerge de l’organisation et du fonctionnement de la pyramide administrative mise en place pour gouverner.

A travers l’organisation du système administratif et ses conséquences entre 1995 et 199968, sont d’abord interrogées sa légitimité et celle de ses acteurs. Cette légitimité amène à replacer rapidement en premier lieu le rôle d u Parti communiste. Parti unique, il possède des ramifications à tous les niveaux de l’administration. Il existe en parallèle mais invisible dans la hiérarchie institutionnelle, il la recoupe en permanence pour s’imposer à elle. Dans la conclusion j’avance qu’au Viêt Nam, la Nation est plus forte que l’Etat la suprématie de la communauté sur la collectivité apparaît à travers le sentiment d’appartenance voulu et développé par les dirigeants vietnamiens.

Ces deux termes reviendront régulièrement jusque dans la conclusion de cette recherche.

L’organisation des institutions administratives (du moins celles qui intéressent la ville, sa planification et sa gestion) dessine une pyramide hiérarchique très rigide où chacune d’elle se doit d’avoir une place. En fait, il s’agit d’un système où chaque service, chaque comité, chaque organisation dépend d’une institution référente et responsable de chacun d’eux devant l’autorité supérieure.

Sans introduire les intercessions du Parti 69, l’analyse de cette pyramide, met en évidence d’abord, un double système de contrôle vertical, administratif et idéologique, à travers l’organisation des comités populaires et des ministères, mais aussi un dispositif horizontal d’interdépendance, à travers la pyramide des conseils populair es. Cet ensemble d’apparence très rigide produit une inertie efficace ou redoutable suivant l’angle de vue recherché. Pour pouvoir avancer en accord avec cette machine administrative, l’analyse des pratiques montre d’une part, la création systématique d’un nouveau maillon au sein de l’organisation hiérarchique pour chaque nouveau projet d’envergure ; et d’autre part, un traitement au cas par cas quasi systématique dés que l’objet traité s’écarte de la norme. In fine, le système peut être d’une extrême souplesse. Et nous verrons que l’ouverture à une certaine économie de marché, à l’intérieur d’un système qui ne reconnaît pas le capitalisme (donc ne se dote pas de règles pour le réguler ou le maîtriser) transforme la souplesse en anarchie qu’un gouvernement autoritaire70 réinterprète à son profit (du moins à court terme) ou à celui de ses compatriotes.

Une fois le cadre administratif vietnamien mieux connu, le chapitre IV aborde la projection de la ville et questionne les outils dont s’est dotée l’administration vietnamienne afin de maîtriser l’évolution de Hô Chi Minh Ville. Dans le but de dégager les objectifs, effectifs ou non-dits, de ces outils, des allers-retours sont réalisés entre les déclarations d’intentions officielles, les outils produits et les résul tats apparents sur le terrain.

De ces différentes confrontations émergent d’une part des politiques urbaines très techniques par rapport aux réalités sociales, et d’autre part l’importance de l’influence des pays occidentaux. Cette attitude techniciste qui permet de séparer les différents domaines pour arriver à les maîtriser, permet également de séparer les enjeux humains et le quotidien vécu des choix effectués pour la gestion et la planification de la ville. Cette alternative permet de laisser s’exprimer une certaine critique (toujours circonscrite) sans risquer de voir remettre en cause les vrais choix politiques effectués. La planification spatiale est finalement subordonnée à la planification économique et n’intéresse l’agglomération existante qu’à travers les potentialités de transformation de l’hypercentre de la ville en quartier d’affaires (central business district).

Pour autant, malgré son formalisme rigide, le master plan joue un rôle primordial. Outil instauré sur des modèles exogènes, une inter prétation non vietnamienne de son utilité le classe très rapidement du coté de l’inutilité. Ce serait oublier qu’il est le support physique de toutes les discussions sur l’agglomération, il projette au centre de toutes les réunions l’image voulue de la vil le future et possède au bout du compte un pouvoir suggestif qu’il est difficile de quantifier.

Après une approche assez générale de l’administration, l’analyse se focalise donc progressivement sur les politiques urbaines puis sur la planification de la v ille et de ses quartiers vécus au quotidien. La deuxième partie de la recherche se concentrera sur les réalités de l’évolution de la ville, les pratiques, à travers le développement des quartiers d’habitat de l’agglomération urbaine et ses dynamiques.

Notes
68.

Période correspondant à mes séjours à Hô Chi Minh Ville.

69.

Dont le poids vient d’être évoqué, mais également l’impossibilité de définir l’impact qu’il possède à chaque niveau.

70.

Il faut rappeler que la constitution de 1980 définissait, dans son article 2, la république socialiste du Viêt Nam comme un Etat de dictature prolétarienne. cf. annexe p. 124 [Les constitutions du Vietnam - 1].