I - 1 Chinatown et Villes Marchandes d’Asie du Sud-Est - Cholon

Au Viêt Nam, les trois colonies chinoises sous la protection de la cour de Huê, toutes trois portuaires85, sont finalement antérieures à la colonisation du territoire par les Vietnamiens.

Pour comprendre l’émergence et la prospérité de Cholon, il est nécessaire de la replacer au sein d’un contexte global : celui des implantations chinoises dans cette région de l’Asie, et des réseaux commerciaux qu’elles forment. A travers une analyse diachronique du phénomène urbain en Asie du Sud Est, Denys Lombard86 distingue quatre périodes87 et conclut à une grande instabilité des sites urbains dans cette région du monde. Effectivement, aucune des cinq grandes métropoles actuelles (Manille, Bangkok, Jakarta, Singapour, Hô Chi Minh Ville) n’est antérieure au 16ème siècle. Une coupure importante s’articule autour du 15ème siècle, qui voit le déclin définitif des grands royaumes agraires et l’éclosion de villes-comptoirs. Les capitales quittent les riches territoires rizicoles pour s’implanter en relation avec les réseaux maritimes. Les Chinois profitent de ces échanges commerciaux auxquels ils participent activement. Ils s’expatrient, et implantent dans toutes les villes marchandes des communautés prospères et leur environnement construit : les chinatowns88.

A Cholon, ils ont créé leur propre agglomération, les Vietnamiens développant la leur à quelques kilomètres.

Notes
85.

Deux fluviales : My Tho, (Biên Hoa puis) Cholon et une maritime : Ha Tiên.

86.

D. Lombard - 1970.

87.

Les connaissances de la première, tributaires des fouilles archéologiques et des inscriptions, avancent doucement. Elle est principalement intéressante en ce que le phénomène urbain existait déjà, bien avant Angkor. A partir du 9ème siècle apparaissent des ’cités agraires’. Situées près d’un cours d’eau, mais à bonne distance de la mer, elles sont au coe ur de riches régions rizicoles et vivent par le territoire agricole qu’elles administrent. Centres politico-religieux, Elles sont des capitales spirituelles généralement construites sur des plans géométriques d’inspiration cosmiques. Le 15ème siècle est à la fois le témoin du déclin définitif de ces royaumes agraires et de leurs cités et l’éclosion de ’cités marchandes’, ou comptoirs, situées sur les rives des états de l’Asie du Sud-Est ou à proximité, sur le bord de grand estuaires. Carrefour commerçant, elles reposent sur des réseaux maritimes et se désintéressent de leur arrière pays. Enfin, à partir du 19ème siècle s’imposent les capitales coloniales, futures cités modernes. Développées pour le commerces, elles possèdent toutes des ports maritimes.

88.

Ce terme est employé de manière générale pour les villes (ou quartiers de ville) chinoises édifiées et habitées par des Chinois, sur une terre étrangère. Pour cette raison, j’utiliserais ce terme anglais et non sa traduction française ’ville chinoise’, qui prête à confusion.