Tous les témoignages94 écrits pendant le siècle qu’a duré l’Indochine sont unanimes pour souligner le caractère exclusivement chinois de Cholon. Déjà, sous l’administration vietnamienne, l’agglomération avait un statut à part qui laissait une large marge de manoe uvre aux congrégations95 chinoises, tant que l’ordre public régnait. Puis les chiffres de l’époque coloniale96 témoignent de l’importance des Chinois, alors que jusqu’à leur réunification administrative Cholon a toujours été plus peuplée que Saigon, et que tout au long de la présence française la population chinoise y a été à peu près équivalente en nombre à la population vietnamienne.
Les Français, trop occupés à construire Saigon se sont désintéressés de Cholon. Jusqu’à leur réunification administrative, chacune des deux villes, érigée en municipalité97, jouissait d’une certaine autonomie, sous la gestion de son conseil municipal98. Comme avant eux les Hollandais en Indonésie ou les Anglais à Singapour et en Malaisie, les Français ont favorisé les relations avec les Chinois d’origine pour tout ce qui a trait aux affaires et au commerce. Il s’agissait aussi par là d’exploiter les tensions entre les différentes communautés pour mieux les contrôler. Comme le fait remarquer François Tainturier, dans les années 1910 grâce à la participation des congrégations, Cholon est finalement mieux pourvue en équipements destinés à la population que Saigon.
Si le projet de ville établi en 1862 par les Français à leur arrivée, prenait en compte les deux agglomérations, il n’a été mis en oe uvre que très partiellement, faute de moyens, et ce uniquement sur le territoire de Saigon. Ainsi, Cholon s’est développée sous le contrôle de la communauté chinoise, avec sa typologie propre, ayant juste à payer au pouvoir colonial un impôt foncier peu élevé.
Les cartes99 de 1882 et 1905 montrent bien la différence de densité de construction de ces deux villes. L’ampleur de cet écart s’impose si l’on garde en mémoire que Cholon est plus peuplée que Saigon.
’Cholon n’en grouillait pas moins. La rue était un affairement incessant, une allée et venue de fourmis diligentes. Et plus la foule était dense, plus les gens se sentaient bien. Ils aimaient être ensemble ; tout ici était échange de sociabilité en même temps qu’affaires.’Une ville chinoise - Gontran de Poncins - 1958 - p. 26].
Les Chinois de la diaspora en Asie du Sud-Est sont issus de la Chine du Sud. La communauté chinoise est organisée autour des congrégations, qui sont des communautés organisées en fonction du lieu d’origine de migration. Encore aujourd’hui, nombre de pagodes sont celles d’anciennes congrégations.
Nguyên Dinh Dau - 1998.
Au total six villes sont érigées en municipalité : Saigon, Ha Nôi, Hai Phong par décret, et Cholon, Tourane, Phnom Penh par arrêtés du Gouverneur de Cochinchine ou du Gouverneur général.
Dont les Français sont exclus. La décision N° 68 du 6 juin 1965 qui détermine l’organisation de la ville de Cholon en 5 quartiers, faisant disparaître les délimitations des villages qui étaient situés sur son territoire, établit également l’organisation de son conseil municipal, élu parmi les notables asiatiques, et qui aura ’les mêmes pouvoirs et les mêmes attributions que les conseils municipaux des villages annamites’. ’Le Ier octobre 1865, le conseil municipal de Cholon était désigné, il comprenait cinq Annamites, cinq Minh huong et quinze Chinois notables’. Jusqu’en 1979, le conseil municipal de Cholon, considérée ville ’indigène’, était sous l’autorité supérieure de l’Inspecteur d’arrondissement. [J. Bouchot - 1928].
cf. cartes p. 59 [20ème arrondissement et ses environs] et p. 69 [Nivellement général de Saigon Cholon et environs en 1905].