I - 3.2 La Politique d’Urbanisation Forcée Américaine

Après la pléthore d’informations, parfois contradictoires, toujours incomplètes et très partiales, qui correspond à la période coloniale, le vide d’informations concernant la République du Viêt Nam (R.V.N.) dont Saigon devient la capitale est d’autant plus gênant que, pendant cette période, la population de la ville passe de 1 723 360 habitants134 en 1954, à 3 304 000135 en 1974.

Pendant les années de guerre et de présence américaine, la politique appliquée dite des ’hameaux stratégiques’ a consisté à vider la campagne de ses habitants et à les rassembler aux seins de villages contrôlés, sur l’hypothèse que c’est dans le milieu rural que le Vi message URL epointaccent.gift công recrutait ses militants. Cette démarche a eu pour résultat direct de faire affluer à Hô Chi Minh Ville plus d’un million de réfugiés qui se sont installés dans les espaces libres, soit principalement dans cet ’entre-deux villes’ en cours d’urbanisation et au Nord de l’agglomération, en direction de Phu Nhuan et de Gia Dinh. En quelques années, des secteurs de bidonvilles s’imposent, auxquels se sont ajoutés au début des années 1970 ceux créés par les réfugiés du Cambodge en fuite face au régime des Khmers Rouges. Cette immigration massive s’ajoute aux vagues précédentes.

Dès 1961, la présence des Etats-Unis se fait sentir. En 1963, la ville accueille 16 300 ’conseillers’ militaires américains136 et en 1968-1969, jusqu’à 100 000 soldats résideront à Saigon137. Une économie artificielle se développe autour de cette présence militaire, en plus de celle que les américains essaient d’insuffler à coups de dollars afin de créer une classe moyenne sensée prémunir le pays contre le communisme.

Aucun projet de planification urbaine138 n’est établi afin de permettre une certaine maîtrise de l’expansion en cours, dans cette agglomération où les bidonvilles s’étendent. Et pourtant, tous les collectifs anciens visités pendant mes séjours à Hô Chi Minh Ville datent de cette époque, soient qu’ils étaient destinés aux soldats et prenaient alors la forme de résidence hôtelière, soit qu’ils étaient destinés aux familles des cadres de l’administration139, soient qu’ils étaient destinés à la population, qui s’entassait un peu plus chaque jour dans des ensembles comme la chung c message URL ubarre.gif Nguyên Kim.

C’est durant cette période, en 1967, qu’un nouveau système d’adduction d’eau, qui puise l’eau du Dong Nai en amont de la ville, relaye enfin les puits et pompages, alors qu’en 1965 la quantité d’eau disponible par habitant et par jour était tombée à 20 litres. Pour autant, sur 232 000 logements recensés en ville, 135 480140 étaient toujours dépourvus d’accès à l’eau potable. Dans le même ordre d’idée, la consommation électrique a augmenté de 300% entre 1956 et 1966, rendant insuffisantes les centrales électriques de la ville. Et le problème des déchets se pose déjà de manière crucial. Il s’agissait d’évacuer 8 m3 d’ordures par jours. La situation sanitaire est en relation avec ces états de fait141.

A la fin de la guerre, en 1975, la ville avait exacerbé cette dualité de misère et de dynamisme économique142 qui la façonne depuis un siècle.

Notes
134.

Nguyên Dinh Dau - 1998 - p. 137.

135.

Pham Van Trinh, cité par T. Quach Langlet - P.B. Lafond éd. - 1991 - p. 213.

136.

F. Tainturier - 1998 - p. 205.

137.

La violence des combats qui ont fait suite à l’offensive du Têt (1968), les pertes américaines qu’ils ont provoqués, l’état moral des troupes américaines et l’impopularité croissante de cette guerre ont contraint les Etats-Unis à chercher une issue au conflit qui lui permette de s’en désengager. L’objectif de départ, était de contrer l’expansion du communisme, et donc les troupes chinoises ou soviétiques, et non de se battre contre les communistes vietnamiens (du Nord puis du Sud) à la place du régime du Sud.

138.

Francois Tainturier signale l’établissement d’un plan directeur commandé par Ngô Dinh Diêm à l’architecte Ngô Viêt Thu. ’L’élément central de ce projet, un quartier civique qui opère une véritable tabula rasa entre Saigon et Cholon offre l’image d’une composition en plan rigide alternant vastes espaces publics et profusion d’immeubles à redents et d’immeuble barres. La grandiloquence du plan n’est pas sans étonner.’ [F. Tainturier - 1998 - p. 207].

Ce plan, jamais mis en pratique est resté un dessin théorique.

139.

La République du Viêt Nam, était bien un état vietnamien dirigés par des vietnamiens, même si c’était sous influence américaine.

140.

Etaient exclus du système de distribution : 60% des compartiments, 85% des autres logements, 97% des chaumières, et 98% des autres types d’abris [T. Quach Langlet - P.B. Lafond éd. - 1991 - p. 200].

141.

En 1968, le taux de mortalité infantile est de 50‰.[T. Quach Langlet - P.B. Lafond éd. - 1991 - p. 204].

142.

’Du 1-1-1966 au 30-6-1966, sur les 19 entreprises recensées ayant bénéficiées de conditions particulières d’investissement, toutes sauf une se trouvaient dans la région métropolitaine.’ [T. Quach Langlet - P.B. Lafond éd. - 1991 - p. 204].