En faisant une seule et même cause de la victoire du Viêt Nam sur les pays occidentaux colonisateurs et de la victoire du communisme (vietnamien) sur le capitalisme (occidental), le territoire vietnamien s’est unifié autour d’un sentiment patriotique dont le Parti communiste s’impose propriétaire et garant.
L’appartenance au pays, la croyance dans le Parti, le fait de se sentir Vietnamien ne font qu’un. Ce raisonnement, ce mécanisme, a plusieurs corollaires. Tout d’abord, il permet à un pays à deux têtes d’être uni. Ensuite, à travers l’ouverture économique actuelle du Viêt Nam, c’est l’Etat planificateur qui est remis en cause, non la doctrine de la Nation. Enfin, il impose la suprématie de la Nation (à rapprocher de la Patrie) par rapport à L’Etat. La distinction que je fais entre ces deux termes est bien dans le sentiment d’appartenance, la conscience de l’unité. Dans ce que j’appellerais une communauté en opposition à une collectivité.
Les définitions encyclopédiques212 de ces deux termes précisent:
‘Nation : ’L’idée de la nation ne s’est dégagée et distinguée que peu à peu de celle de l’Etat. définie d’abord par l’unité de gouvernement, d’administration et de langue (Dict. de l’acad., 1694) existant sur un même territoire, la nation désigne à partir du XVIIIe s., l’ensemble des citoyens qui, de leur propre consentement, désirent vivre en commun. Désormais, la nation se distingue nettement de l’Etat, considéré comme gouvernement et administration de la société (...)’’ ‘Etat : ’Tant que les individus ou même les familles vivent sans reconnaître une autorité supérieure continue, il n’y a pas d’Etat. A partir du moment où un chef peut se faire obéir par un groupe qui, au lieu de se disperser à sa mort, continue d’observer une même autorité commune, à partir de ce moment l’Etat existe. Les grecs le nommaient polis, et les romains civitas, le même mot désignant l’Etat et la ville, parce que le territoire de l’Etat commence tout naturellement à se confondre avec le territoire plus ou moins élargi de la cité. Machiavel emploi le mot stato ; Bodin, celui de république ; mais c’est le mot Etat - stato, staat, state - qui l’emporte.’’La Nation est cette communauté fermée à laquelle chacun appartient à travers un sentiment d’appartenance, alors que l’Etat est cette collectivité213 ouverte dont tout individu qui reconnaît l’autorité en place peut faire partie. J’insiste sur ces distinctions, car l’un des éléments de la thèse soutenue ici, est qu’au Viêt Nam, un espace collectif ne fait pas sens, qu’il n’existe qu’à travers l’appropriation que chacun en fait, alors que tout espace marqué par une communauté est respecté.
Extraits des définitions du Grand Larousse encyclopédique en dix volumes - Paris: Larousse - 1961.
Le Petit Robert introduit les termes de conscience, de sentiment d’appartenance.
NATION, du latin natio, naissance, race :
- Groupe humain, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun.
- Groupement humain constituant une communauté politique, établie sur un territoire (ou un ensemble de territoires) défini(s), et personnifiée par une autorité souveraine.
ETAT, du latin status, se tenir debout :
manière d’être d’un groupement humain :
- Autorité souveraine s’exerçant sur l’ensemble d’un peuple, et d’un territoire déterminé.
- Ensemble des services généraux d’une Nation, par opposition aux pouvoirs et aux services locaux.
- Groupement humain fixé sur un territoire déterminé soumis à une même autorité et pouvant être considéré comme une personne morale.
PATRIE, du latin patria, pays du père
Nation, communauté politique à laquelle on appartient ou à laquelle on a le sentiment d’appartenir. Pays habité par cette communauté.
J’ai préféré ce terme à celui de ’société’ employé par Max Weber, parce qu’il me paraît mieux traduire cette petite différence qui est si primordiale au Viêt Nam, par rapport à celui de communauté avec lequel il est mis en vis-à-vis.