Chaque échelon de cette pyramide administrative est donc avant tout chargé de l’application des décisions de l’échelon qui lui est directement supérieur. Du haut vers le bas, le système fonctionne relativement bien. Les principales lenteurs qui peuvent être constatées sont dues aux allers et retours qu’effectuent les dossiers, puisque généralement l’accord de différents services (à différents niveaux) est exigé. Nous avons commencé à apercevoir comment ces cheminements très longs, mais aussi trop compliqués, sont très souvent esquivés.
Dans un même ordre d’idée, c’est en fait la police qui connaît le mieux les habitants et leurs agissements. Ils sont tous des utilisateurs de l’espace public dont elle a la charge, chacun à sa manière. Et aucune histoire de quartier ne lui échappe, que cela concerne les querelles, les tontines274, mais aussi l’espace construit et ses rajouts, les trottoirs et ses petits vendeurs, les routes et la circulation, etc. C’est elle qui au bout de la chaîne est chargée de faire respecter les lois ou plus prosaïquement de faire respecter l’ordre ; au Viêt Nam ces deux notions ne sont pas similaires. C’est elle qui, avec l’armée, connaît chaque individu du secteur dont elle a la charge. Mais l’une comme l’autre n’a aucun renseignement à donner, ce n’est pas leur rôle : elles ne sont pas un maillon de la hiérarchie administrative gouvernementale.
D’autres services tels les diverses associations ou les centres de santé sont proches des habitants, mais seulement de certains, de ceux qui ont besoin d’assistance. L’égalité de chacun devant le système est de moins en moins vraie : l’argent y a nettement fait son entrée.
Chaque individu, habitant, fonctionnaire, policier, héros de guerre, directeur de services, etc. a donc de fait une position d’acteur dans un système qui l’ignore dans son individualité et qu’il ignore dans sa globalité. In fine, l’un s’accommode de l’autre sans difficulté. Et nous allons voir que le fonctionnement rigide de la pyramide hiérarchique laisse l’acteur individuel s’immiscer dans ses interstices.