Le premier objectif de la politique d’ouverture engagée par le Viêt Nam était économique. Mais son corollaire, le développement urbain, a été immédiat et l’incidence due aux investissements étrangers directs sur l’évolution de l’hypercentre de la ville est un fait acquis. Que les travaux qu’ils engendrent se traduisent par la réalisation d’infrastructures nécessaires à l’implantation d’industries performantes, par la création de zones industrielles ou par l’édification de tours de bureaux en centre ville, la ville est la référence presque exclusive de cette croissance. En dix ans (de 1988290 à 1997 inclus), c’est l’équivalent de 30 milliards de dollars américains que les pays économiquement forts291 ou nouvellement industrialisés ont officiellement engagés au Viêt Nam en investissement étrangers directs (ou I.E.D.).
80 % de ces investissements sont totalisés par les six régions (sur les 58 que comptait alors le Viêt Nam) qui dépassent un milliard de dollars U.S. d’investissement. Hô Chi Minh Ville concentre 30 % des I.E.D., devant Ha Nôi (24 %) et la province Dông Nai, puis Hai Phong et les provinces Binh Duong et Ba Ria - Vung Tau ; c’est-à-dire que les les quatre provinces du triangle de croissance de Hô Chi Minh Ville totalisent plus de la moitié des investissements (52 %). Ces quelques chiffres traduisent la prépondérance de la capitale du Sud et de sa région en terme d’attraction, mais aussi les transformations nécessaires que la ville doit effectuer et assimiler.
La loi initiale (du 29-12-87) sur les investissements étrangers292 fixe quatre procédures pour les investissements étrangers.
Le ’contrat de concession’ ou Built Operate Transfer (B.O.T.) a été introduit (en 1992) pour promouvoir des opérations ayant trait à la modernisation des grandes infrastructures. Bien que promue par des organismes internationaux de financement, cette procédure ne connaît pas encore d’application à H.C.M.V.
Le ’contrat de coopération d’affaires’ définit un partenariat sous la forme de prestations de service ou d’assistance technique, il exclut tout investissement lourd ou pour le long terme. Cette formule n’a donc pas d’impact direct sur le développement urbain.
La ’joint-venture’ est une société293 à responsabilité limitée, dont l’existence est réglementée dans le temps. Après une durée initialement prévue de vingt ans, puis étendue à cinquante ou soixante-dix ans suivant les cas, la totalité des biens immobiliers revient à l’Etat. Cette association d’entreprise a eu, au début des I.E.D., la faveur des investisseurs.
’L’entreprise à capitaux 100 % étrangers’, au départ peu présente, elle se développe de plus en plus. Son essor est à mettre en relation directe avec les déconvenues d’un nombre important de joint-ventures.
Dans le cadre d’un partenariat, n’étaient tout d’abord acceptées que les entreprises d’état. Les sociétés privées et enfin les particuliers sont devenus des associés autorisés. D’où le rôle important joué par tous les organismes d’état créés à l’intérieur de l’administration. Comme nous le verrons, cette dernière se retrouve souvent juge et parti.
Après la libération de Saigon, et la réunification du Viêt Nam, lorsque le nouveau gouvernement s’est installé, il a nationalisé la propriété du sol puis s’est approprié les biens municipaux et les anciennes entreprises. Il s’est alors retrouvé propriétaire de tous les équipements d’importance, biens fonciers ou biens immobiliers, de Saigon. Il en a confié la gestion à diverses institutions gouvernementales. Un peu plus de dix ans plus tard, lorsque les premières lois sur les investissements étrangers sont votées, chacune de ces institutions s’est estimée propriétaire de ces biens et s’est occupée à en tirer profit. De fait, elles en avaient les moyens puisqu’elles ’possédaient’ toutes les grandes parcelles de la ville. Des compagnies294 ont donc été créées par les administrations et en leur sein dans le but de s’associer en joint-ventures.
A travers le mécanisme des entreprises créées en joint-ventures, tous les anciens entrepôts du centre ville ont été remplacés par des tours d’une trentaine d’étages. Puis, les terrains libres comme celui de la mosquée et ceux qui abritaient d’anciens sièges de compagnie, bâtiments coloniaux parfois de qualité, ont également été l’objet d’opérations immobilières. Depuis 1996, la dernière grande parcelle non encore reconstruite, si l’on excepte les bâtiments reconnus patrimoine historique295, est celle du marché Bên Tanh296.
Aujourd’hui, la seule possibilité d’intervention pour un potentiel investisseur est d’arriver à obtenir le droit d’usage du sol sur un ensemble de parcelles. Mais la petite taille de celles-ci, oblige à s’adresser à une multitude de petits propriétaires qui entendent tous tirer profit de cette situation, si au préalable ils sont d’accord. Le Comité populaire a le pouvoir de les obliger à partir, mais cette procédure d’éviction297 est alors très longue et très coûteuse à travers la recherche de compromis et de consensus. Dans le cas d’une Joint Venture, la partie vietnamienne demande à la partie étrangère de régler la facture ce que cette dernière refuse. A ma connaissance, aujourd’hui aucune opération de ce genre n’a été réalisée, même si sur certains îlots du centre ville des prérogatives ont été posées.
A cela il faut ajouter la méfiance qui s’est installée chez de nombreux investisseurs potentiels, suite aux retombées de la crise monétaire de 1997 en Asie du Sud-Est, mais aussi suite aux difficultés rencontrées par les étrangers à travers la coopération avec les acteurs vietnamiens. Dans le contexte actuel, ces désaccords ont conduit les investisseurs à préférer aujourd’hui l’entreprise à capitaux 100 % étrangers.
Ainsi, alors que la constitution a déclaré le sol ’propriété du peuple’ afin de lui en laisser la jouissance et d’en faciliter la gestion, le foncier est devenu source de profit, détournant la perspective initiale.
Année d’entrée en vigueur de la loi sur les investissements étrangers.
cf. figures p.178 [Les investissements étrangers au Viêt Nam].
Qui a connu plusieurs amendements dans le sens de l’assouplissement avant d’être remplacée par la loi de 1996
cf. annexe en infra p. 179 [Les joint-ventures et leurs mises en pratique au Viêt Nam].
Saigontourist émane du Comité populaire de l’arrondissement 1, Ben Thanh tourist du Comité populaire de l’arrondissement 5, l’Industrial promotion compagny du Comité populaire de la ville (zone franche Tan Thuan et Saigon South).
Mais non classés monument historique et ne faisant l’objet que d’une protection de fait et non réglementaire.
Se reporter au paragraphe V-1 du chapitre IV.
A ce sujet, voir le T.P.F.E. de François Tainturier [1998] Investissements étrangers directs et investissements à H.C.M.V., réalisé à la suite de 18 mois comme C.S.N. au Cabinet de l’Architecte en chef (coopération décentralisée de l’AG.UR.CO), puis de 6 mois pour superviser la sortie d’un livre sur H.C.M.V. (Saigon 1698-1998 Architectures urbanisme [1998]) réalisé en coopération entre le Comité populaire de H.C.M.V., la Ville de Lyon (à travers la participation de l’AG.UR.CO) et le Consulat général de France à H.C.M.V.
Principalement lorsqu’il s’agit de propriétaires légaux qui peuvent présenter un acte de propriété (du bâtiment), propriétaires généralement bien informés aujourd’hui, ce qui n’était pas toujours le cas au début des années 1990.