II - 3.2 ’LE’ MASTER PLAN - ~1988, 1993, 1998
Constance et Continuité du Développement Voulu

Pour l’instant trois documents se sont succédés à ce titre, dont seuls les deux derniers ont été validés, la date du premier est donc très approximative et donnée pour information.

Ces trois plans traduisent la continuité du développement voulu à Hô Chi Minh Ville. Ils sont tous les trois construits autour de la même idée : traverser la rivière, réelle barrière physique, pour que la ville puisse s’étendre au Nord-Ouest de l’agglomération actuelle, le long de la nationale No1, la route de Ha Nôi, et édifier un nouveau centre-ville sur la presqu’île de Thu Thiêm, face à l’hypercentre actuel.

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Afin de régler les problèmes de circulation urbaine, la solution retenue est toujours celle établie lors de la coopération avec Leningrad : un (ou plusieurs) anneaux de rocades autour de la ville. Mais si dans les documents des années 1980, ces premières autoroutes périphériques sont situées loin des secteurs urbanisés, sur les plans de 1998, le développement urbain les a rejointes, sans pour autant qu’elles aient été réalisées dans leur totalité. Elles se trouvent alors projetées en limite ou à l’intérieur de l’agglomération.

Enfin, si à travers chaque référence au master plan un mot d’ordre revient systématiquement : ’dédensifier la ville actuelle’, l’évolution des trois master plan montre une urbanisation continue dont les espaces verts (ou libres) sont grignotés d’un plan sur l’autre. Nous verrons que la densité de construction du sol est une constante et que la tendance à construire sur la totalité des parcelles individuelles n’est jamais remise en question. Derrière ce discours, ce n’est donc pas un objectif en terme d’aménagement du territoire qu’il faut y voir.

Dans le discours établi avec les Occidentaux au sujet du développement urbain à promouvoir, le sujet de l’architecture ou du patrimoine (qui ici sont employés en synonyme) est systématiquement repris. Thu Thiêm est présenté comme le nouveau centre, symétrique contemporain du centre ancien (colonial) conservé en l’état. C’est dans ce centre ancien que s’élève déjà une trentaine de tours :

‘’L’ancien centre de la ville (le 1er arrondissement et une partie du 3ème arrondissement) sera amélioré et rénové, mais son aspect traditionnel sera conservé tel qu’il était autrefois. Des centaines de hauts buildings sont en cours de construction qui augmenteront l’espace utilisable pour les hôtels, salles d’exposition des produits, bureaux de représentations étrangères, commerce des marchandises de haute qualité, bureaux administratifs, banques, sociétés d’assurance...’355

Comment interpréter ces lignes de Nguyên Dinh Dau, historien reconnu ?

Qu’appelle-t-il ’aspect traditionnel’ ? A Hô Chi Minh Ville, les faits montrent que les bâtiments coloniaux, en tant qu’objets exceptionnels 356 identifiés, sont rénovés, et de mieux en mieux, la rue Dông Khoi en est un excellent témoin. Par contre, l’aspect général de la rue n’a plus rien à voir avec son caractère d’origine : l’ambiance du centre ville est issue d’un développement contemporain.

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Dans le discours, la qualité architecturale est toujours présente357. Mais elle ne se réfère pas à une qualité d’ensemble, ni même à une volumétrie. Ce n’est donc pas le rôle du master plan de la réglementer. Le master plan définit des fonctions par secteur, non des valeurs.

Il faut noter que sur les master plan de 88358 et 93359, rien ne sépare le réseau viaire réalisé des voies en projet. Si les secteurs d’habitat ’nouveaux’ sont différenciés des secteurs d’habitat ’existants’, cette distinction n’est pas faite pour les zones industrielles (toutes sont nouvelles) et pour les centres (excepté Thu Thiêm). Aucune carte équivalente au master plan n’a été réalisée, à l’échelle de la ville, pour représenter l’état existant. Cette absence n’autorise pas la comparaison (la confrontation) et permet à un intervenant360 d’expliquer, montrant sur la carte un pont non encore construit, que Saigon s’est développée au croisement des routes Ha Nôi / delta du Mêkong et Vung Tao / Cambodge361. Ce ne pourrait être qu’une anecdote, mais cela montre le malaise de toute personne qui chercherait dans ces plans la vie, le vécu de la ville.

Là n’est donc pas le propos du master plan.

Le master plan est en fait la projection de la ville, l’état qu’elle aura (ou devrait avoir), à l’année annoncée.

Le master plan de 1998362, bien que de conception identique, est moins clair dans ses choix. Tout d’abord, il est très différent en ce sens qu’il englobe tous les anciens arrondissements urbains en un secteur uniforme ’agglomération urbaine existante’ (n message URL opointaccent.gifi thành hi message URL epointaccent.gifn h message URL ubarreaccent2.gifu). Il affirme donc que son rôle n’est pas de maîtriser ou planifier l’évolution de la ville existante, mais bien de répartir les sols de la ville future entre différentes fonctions.

Sur ce plan, les voies sont représentées en traits pleins si elles sont existantes ou en traits pointillés si elles sont en prévision. Mais comme ce plan est toujours la projection d’un état futur, les voies sont dessinées suivant le gabarit qu’elles devront avoir, non suivant celui qu’elles ont. Aucune différence n’est alors faite entre une petite route actuelle qui doit devenir une autoroute, et une autoroute déjà réalisée : elles sont toutes deux dessinées à l’aide du symbole de l’autoroute existante.

Notes
355.

Nguyên Dinh Dau - 1998 - p. 184 (je souligne l’enchaînement).

356.

En opposition à l’architecture vernaculaire, aux ensembles d’habitats, etc. Les bâtiments sont considérés à travers leur individualité, voire leur aspect monumental. La poste, bâtiment indépendant, tout comme la cathédrale ou le théâtre en sont les archétypes. Mais il s’agit aussi de l’Hôtel Continental, du Grand Hôtel, de l’Hôtel Majestic, qui sont des bâtiments construits en alignement continu, et donc mitoyen d’autres bâtiments.

357.

La non correspondance entre le titre des plans de l’existant des arrondissements et districts et les informations fournies a déjà été relevée.

358.

cf. plan p. 210 [master plan de 1988].

359.

cf. plan pp. 212, 213 [master plan de 1993].

360.

Nous l’avons vu, l’une des fonctions de ce grand plan étant d’être présenté aux étrangers.

361.

A l’époque de Bên Nghé, Vung Tao n’était au mieux qu’un petit village de pêcheur et la route pour le Cambodge, fluviale, transitait par le delta du Mékong.

362.

cf. plan p. 214 [master plan de 1998].