III - 1 DES ELEMENTS STRUCTURANTS CONSTANTS ... ET NOMADES

La comparaison des différents documents montre des changements de situation (parfois importants) de positionnement des éléments structurants de la ville, les grands axes et les centres de quartiers.

Ces différents positionnements sont possibles, toujours dans le même état d’esprit, grâce au sujet de la carte : présenter un état de l’objet - la ville - à l’année donnée. Ces documents projettent une étape qui, nous l’avons vu, peut suivre l’évolution naturelle, une décision volontaire ou une image utopique.

Ce que traduit la représentation donnée, ce sont les grandes lignes d’un parti établi et un état de la discussion en cours. Qu’une pénétrante ou une rocade soit construite de toute pièce ou emprunte un ancien tracé de voie élargie, est certes différent, mais le caractère de l’axe routier est le même, c’est une pénétrante ou une rocade qui structure un réseau viaire. En ce sens, les trois master plan sont extrêmement cohérents et traduisent la volonté de ceinturer la ville par un réseau autoroutier, une extension à l’Est et un développement autour d’un hyper-centre, devenu bicéphale, et de plusieurs centres secondaires. Dans tous les cas, la ville est dessinée comme une agglomération autocentrée qui se décline du centre vers la périphérie.

L’évolution dans le discours au sujet du réseau viaire est entre autre fonction de la taille de la ville projetée.

• Le premier plan présente un maillage lâche de grands axes à l’intérieur d’une rocade qui ne boucle pas et se termine en pénétrante.

• Le deuxième ferme l’anneau de la rocade et traverse la ville par trois autoroutes qui se superposent à un maillage d’axes secondaires plus serré.

• Le troisième conserve deux axes autoroutiers à l’intérieur de l’agglomération. Chacun d’eux s’arrête sur une rive de la rivière de Saigon. L’un forme une demi-rocade intérieure autour des deux centres, l’autre est une pénétrante.

Dans les faits cette pénétrante, qui est une constante de tous les plans, utilise l’ancien tracé de la nationale No 1 et a été réalisée. La rocade est en cours de construction à l’aide de financements étrangers. Mais à l’intérieur de l’agglomération urbaine, excepté l’élargissement de la rue Diên Biên Phu entre l’arroyo Thi Nghe et le carrefour Hang Xanh, rien n’a été réalisé. Cette constatation traduit entre autre la difficulté des pouvoirs publics à intervenir en milieu urbain dense. Il faut aussi souligner que les plans de planification des arrondissements - à l’échelle desquels sont réalisées les cartes de la situation existante - et les tableaux de dimensionnement des voies ne rendent pas compte de ces hiérarchisations dans le réseau viaire.

De la même manière, l’existence, la taille et le positionnement des centres secondaires varient suivant les documents. Ils sont fonction de la projection de la ville. Dans l’agglomération urbaine, seuls trois d’entre eux ont des situations identiques dans tous les documents. Thu Duc qui, situé de l’autre coté de la rivière de Saigon, ne fait pas partie de l’agglomération urbaine existante, Cho Lon et Gia Dinh. Dans le discours de présentation du master plan de 1995 ces deux derniers sont présentés avec l’hypercentre comme les trois centres de la ville. Ce constat permet de minimiser l’importance de Cho Lon en évinçant la dualité ville coloniale / ville chinoise. Car les tensions³⁶⁸ identitaires et/ou politiques vis-à-vis de son encombrant voisin qu’est la Chine, sont également transcrites dans le master plan qui refuse à Cho Lon la prise en compte de la valeur culturelle de son patrimoine³⁶⁹, et par là même ses spécificités.

Aujourd’hui, la communauté chinoise est toujours très puissante, soutenue par le biais des investissements de Singapour, Taiwan et Hong Kong, les trois plus gros investisseurs étrangers. Le dernier master plan a reconnu à Cho Lon une importance plus en relation avec la réalité. Gia Dinh gardant pour sa part une échelle de centre secondaire.

Les centres de l’agglomération urbaine projetée ne sont donc pas seulement fonction des potentialités du tissu, mais de la volonté politique de promouvoir des lieux et une image de société. Les centres projetés ne correspondent généralement pas aux anciens centres populaires.

Pour les nouveaux secteurs à urbaniser, le dernier master plan ceinture la ville de nouveaux centres secondaires, représentés par des taches rouges et oranges sur un fond jaune (les secteurs d’habitat), tout juste aéré par de petites taches vertes (les secteurs de loisirs) régulières. Il n’existe pas de discontinuité dans la densité de l’occupation du sol. La comparaison des trois master plan fait ressortir l’ampleur que prennent les zones urbanisées et la réduction systématique des grands espaces verts qui s’éloignent du centre ville dans la ville projetée.