IV - 2 UTILISER LES AIDES INTERNATIONALES AU DEVELOPPEMENT

Depuis le début des années 1990, les aides au développement se sont multipliées, créant en premier lieu des contacts et des échanges, fréquemment à l’étranger, lors de séminaires ou de voyages officiels. Par ce biais, beaucoup de responsables ont eu l’occasion de visiter d’autres capitales418, d’assister à des formations ayant lieu à l’étranger, souvent pour étudier ou présenter des cas concrets.

Le savoir théorique capitalisé est en fait conséquent. Il suffit de discuter avec certains de ces responsables pour s’en rendre compte. Mais de manière pragmatique, au Viêt Nam, l’approche ne semble pas avoir beaucoup changé, bien qu’elle ait réellement évolué. C’est à dire que le mode de planification est toujours identique, sous la responsabilité des mêmes personnes. La formation de chacun, mais aussi la prise en compte (ou non) de ces formations dans le cadre de la répartition des postes à responsabilité n’a pour l’instant pas changé. Il faut rappeler ici, que pour avoir un poste de cadre, il est indispensable d’être inscrit au Parti.

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L’aide aux projets de développement, apportée par l’ensemble des pays étrangers, se présente de plusieurs manières. La plus importante quantitativement est l’aide internationale sous forme de prêt ou d’aide financière et/ou d’appui technique, pour la réalisation de projets. Dans ce cadre, les institutions vietnamiennes multiplient les consultations auprès des experts internationaux. Pour Ha Nôi, par exemple, la France a, par le biais de l’I.A.UR.I.F. (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de l’Ile de France), produit plusieurs expertises et propositions de planification. A Hô Chi Minh Ville, la France, l’Australie, la Corée se sont penchées sur le type de planification à promouvoir. Le temps passe, doucement mais inexorablement, sans qu’aucune de ces études n’ait abouti à des décisions opérationnelles. Plusieurs raisons peuvent être données. car s’il est certain que le Viêt Nam cherche réellement un mode d’intervention, il a également des objectifs bien précis. Et ceux-ci ne sont pas nécessairement en accord avec les normes promues par l’aide internationale.

A Hô Chi Minh Ville, la solution retenue pour régler les problèmes de circulation urbaine est toujours celle établie lors de la coopération avec Leningrad : un (ou plusieurs) anneau(x) de rocade(s) autour de la ville. Lors d’une coopération avec l’Australie, en vue d’une révision du master plan de 1993, le rapport final419 mettait en évidence une inadéquation entre cette solution de rocades en anneaux et les problèmes urbains. Reprenant les conclusions de ses expertises sur l’état actuel et la volonté de la ville de traverser la rivière, le rapport proposait un scénario optionnel d’un plan linéaire420. Cinq ans après, aucune suite n’a été donné au scénario (qui n’est jamais évoqué et à priori inconnu de la très grande majorité des responsables) ou à la coopération australienne.

Depuis, toutes les coopérations étrangères qui se succèdent à Hô Chi Minh Ville prônent la création de villes nouvelles ou de villes satellites et non la densification de la ville actuelle, fut-ce avec la création d’un nouveau centre ville jumeau. Le ’schéma d’orientation de développement des centres urbains prévus en relation avec la proche région’421 présente cette orientation sans remettre du tout en question la croissance de l’agglomération urbaine de manière centrifuge. Dans les derniers propos entendus, la presqu’île de Thu Thiêm (le nouveau centre d’affaires planifié) était présentée comme une ville nouvelle (!) à développer.

Dans les discours, le gouvernement vietnamien présente donc des projets déjà étudiés et s’adresse à tous les possibles pourvoyeurs, qu’il considère en tant qu’acteurs, pour subvenir à son manque de moyens422 affiché et réaliser la solution qu’il préconise. Au sujet du projet VIE/95/051, plusieurs analyses d’experts intervenants convergent pour dire qu’à travers ce projet, les responsables de la ville cherchent un financeur pour indemniser les déguerpissements le long du canal Tau Hu et non une réelle réflexion sur le développement urbain qui inclurait la prise en compte de ces secteurs d’habitat précaire et spontané423. Quoiqu’il en soit, certains débats engagés montrent qu’une réflexion a eu lieu et qu’elle avance, doucement.

La stabilité des grandes lignes du master plan, le discours tenu aux coopérations en place, les études critiques auxquelles aucune suite n’est donnée, montrent que le Viêt Nam est, et souhaite rester, maître chez lui.

Pour avoir le droit d’exister, tout programme d’aide au développement doit avoir une institution vietnamienne d’accueil. Cet appui local que l’organisme étranger envisage au travers d’une coopération est, pour l’administration vietnamienne, un moyen mis en place afin de maîtriser ces intervenants extérieurs, par le biais d’une place dans la pyramide hiérarchique.

Tout organisme, privé ou d’aide au développement est considéré en tant qu’acteur. Dans tous les cas il est avant-tout considéré comme intervenant étranger et doit donc acquitter les prix et taxes appliqués aux étrangers, y compris lors d’un projet de développement. Par exemple dans ces projets, le sujet le plus sensible est le déguerpissement d’habitants, légaux ou illégaux, afin de retrouver l’usage d’un terrain. Pour ce faire, la loi prévoit des compensations. Compensations dont le montant est différent s’il est payé par le gouvernement vietnamien ou par un organisme étranger, quel qu’il soit. Les aides étrangères estiment intervenir pour aider, donc demandent à ses interlocuteurs vietnamiens d’agir également424, alors même que ces derniers comptaient sur le financement de ces aides pour résoudre (à travers leur propre analyse) les problèmes qu’ils ne peuvent résoudre techniquement, comme ceux auxquels ils n’osent s’attaquer humainement.

Au niveau de l’investissement des personnes à l’intérieur de la coopération tout participant à une journée de formation425 est rémunéré. Cette pratique avait été mise en place par l’administration vietnamienne puisqu’il est reconnu au Viêt Nam qu’un fonctionnaire est mal payé et que l’Etat ne lui fournit pas la totalité de ses ressources, mais une situation lui permettant de participer à des projets rémunérateurs.

Notes
418.
Il suffit de feuilleter la revue Saigon Đ message URL adeuxaccent.gifu T message URL ubarre.gif - Xây D message URL ubarrepoint.gifng (Saigon, investissement et construction : revue officielle du Département de la construction de H.C.M.V.) des années 1993-1997 pour voir au fil des numéros Nguyên Dang Son, alors rédacteur en chef de la revue, à La Défense, à Los Angelès, etc.
419.

Décembre 1994.

420.

En opposition à l’évolution actuelle de la ville autour d’un unique noyau central.

421.

cf. schéma ci-dessus (p. 246) [Schéma de développement des centres urbains autour de H.C.M.V.].

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422.

Principalement depuis 1991 à la suite de l’arrêt de l’aide soviétique.

423.

Certains, comme Henri de Reboul, alors responsable de l’O.N.G. ENDA, engagent plus leur propos et affirment que ce projet de coopération a été sciemment vidé de sa partie la plus intéressante par la partie vietnamienne, qui l’ alors accepté, exclusivement dans le but de financer l’éviction de ce secteur d’habitat.

424.

Y compris lorsque ce sont des actions sociales à réaliser, actions sans bénéfices à la clé.

425.

Les organismes qui ont essayés de ne pas accepter cet état de fait se sont plaints de l’absence des participants. Le seul organisme rencontré qui refuse d’adhérer à ces pratiques est Handicap International. Mais les personnes qui viennent alors à ses formations sont des volontaires-désignés, personnel à qui cette formation n’est pas toujours destinée, et qui de plus ne possède pas toujours les pré-requis nécessaires.