La première partie a mis en évidence que la ville telle que nous pouvons l’appréhender aujourd’hui est issue de l’urbanisation effectuée durant la colonie et la guerre du Viêt Nam. De même la mise en place des réseaux techniques a été gérée par les Français pendant leur présence. Comme ailleurs, leur installation s’est appuyée sur la trame viaire qu’elle a renforcée.
Les maisons vietnamiennes sont construites sur des terre-pleins, et non sur des pilotis comme souvent traditionnellement en Asie du Sud Est. Par exemple, en Thaïlande il existe encore quelques quartiers du grand Bangkok (tel Bangkok Nôi) où les espaces publics et de circulation sont lacustres. Même dans une région organisée par l’eau comme celle du delta du Mékong, les établissements humains vietnamiens se sont organisés le long des voies de terres qui longent les voies d’eau482. Certes, Cho Lon s’est initialement organisée autour de canaux, mais ceux-ci entourent des îlots bordés de quais, à l’instar de ce qui existait en Chine du Sud. Dans cette organisation, le quai sur berge est essentiel, qui concentre les activités à destination terrestre comme fluviale.
Lorsque le Génie militaire français a implanté les premières voies de Saigon, des canaux ont été creusés pour drainer l’eau et permettre de créer des plates-formes constructibles, à l’aide de la terre prélevée483. Ces canaux ont servi de voies d’accès fluviales jusqu’à leurs comblements484 qui ont transformé les moyens de transports des différentes marchandises. Mais le cadre bâti est resté le même et les bâtiments qui bordaient des quais s’ouvrent actuellement sur de larges boulevards. Cette typologie, ces différences d’échelles urbaines sont toujours visibles aujourd’hui où, même si le territoire de Hô Chi Minh Ville possède encore de nombreux kilomètres de cours d’eau, l’agglomération urbaine n’a conservé que ses principaux arroyos canalisés.
Les aménagements des berges montrent l’importance donnée à la voirie. Les maisons et édifices de la ville régulière sont implantés et organisés le long de la voie du quai sur laquelle ils s’ouvrent. Lorsque la ville irrégulière a commencé à croître, pour des problèmes de pénurie de terrains ou des raisons administratives (personne ne revendiquait la propriété du sol de l’arroyo), elle s’est développée en-deçà des quais, empiétant sur le cours d’eau proprement dit. Mais ses constructions ont continué à être tournées vers la voie. Dans les secteurs où ces zones se sont agrandies, elles se sont épaissies. Derrières ces constructions déjà précaires, d’autres ont été construites de part et d’autre d’une passerelle, mais toujours ouvrant sur la voie et tournant le dos au canal ou à une construction.
L’opération actuelle le long du canal Thi Nghe - Nhiêu Lôc485 a complètement libéré celui-ci des maisons illégales qui couvraient ses rives et permis la construction d’un large quai. L’avenir seul nous dira si des intervenants (privés ou publics) réinvestissent cet espace dégagé et organisé aujourd’hui pour rester ouvert.
A. Burlat - 1996.
Ce qui est alors la pratique au Viêt Nam. Dans le delta chaque maison est accompagnée de son étang : vivier artificiel issue du prélèvement réalisé pour la création du terre-plein de la maison.
De la même manière que dans certaines villes françaises, avec l’arrivée du train, du tramway ou tout simplement de l’automobile, les canaux ont été comblés, soit pour gagner un espace de circulation, soit pour remédier au resserrement des voies lors du franchissement des canaux. Dans tous les cas, à la fin du siècle qui a vu naître l’hygiénisme, les petits cours d’eau urbains n’avaient pas la faveur des aménageurs.
Se reporter au paragraphe III-3.1 du chapitre IV (photos).