La construction d’une maison neuve - 60 Bach Van P.5 Q.5

En novembre 1998, la maison est inhabitée, seul le rez-de-chaussée et la mezzanine sont occupés par une compagnie.

Le permis de construire a été déposé au nom de madame Trân. Sur place, un homme m’accueille et se présente comme le frère du (de la) propriétaire de la maison, habite Tân Binh et est originaire de Hai Phong (né en 1948, à Saigon depuis 1955). Il est architecte.

Je n’ai pas vu les plans au Comité populaire du ph message URL ubarre.gif message URL obarreaccent2.gif ng (quartier), où ont été consultés les permis.

Le permis de construire a été déposé le 27-6-95, puis remplacé par une autre demande le 26-7-95. Le document du permis proprement dit est strictement le même : maison d’habitation de grade 2

Rez-de-chaussée (15.8 +16.4) x ½ x 3.8 61.18
Mezzanine (12.3 +12.8) x ½ x 3.8 47.69
Niveaux 1,2,3,4 ((15.8 +16.4) x ½ x 3.8) x 4 244.72
escalier 3 x 3.8 11.40
balcon (1.2 x 3.8) 18.24
Total 383.22

Les observation notées sont :

  • Respecter une distance d’alignement de 10 m. par rapport au centre de la rue Bach Van (totale de la voie 20 m.)

  • Présenter l’approbation du département de la construction

L’homme rapporte que :

  • Le financement de la construction est constitué par un fond d’épargne.

  • Le terrain a été acheté avec une vielle maison à rez-de-chaussée 80 cây 512 d’or

  • Pour changer la propriété du certificat de droit d’usage du sol, il est allé demander un formulaire au quartier, puis est allé au département du logement et du sol pour savoir si l’achat était possible.

  • L’accord du permis de construire a été facile.

  • Il lui a juste été demandé de changer la structure et de l’armer.

  • Tout a été réalisé en 5 mois.

  • Il présente la maison comme ayant 5 étages et 12 chambres avec salle de bains, (deux par étages, plus une au niveau de la terrasse et une au niveau de la mezzanine) en plus du rez-de-chaussée qui comprend la cuisine et la mezzanine. (Le permis ne mentionne que 4 étages).

  • Toutes les pièces ont la climatisation, à cet effet, le réseau électrique a été porté de 60 à 500 A.

  • Le réseau d’adduction d’eau est faible, en conséquence, il a construit en sous sol un réservoir de 4 000 litres, plus un réservoir métallique en hauteur et une pompe.

  • Avant les travaux, des négociations avec les voisins ont été réalisées pour les dédommager en cas de dégât.

  • Il n’y a eu aucun problème durant la construction. Le service adéquat du département de la ville est venu vérifier pendant la construction que la structure était bien réalisée, il aurait dû venir avant que chaque dalle ne soit coulée, mais il n’est venu que pour celle du premier niveau puisqu’elles sont toutes semblables.

  • Les taxes ont été payées au quartier, mais il ne sait pas combien, c’est l’entrepreneur qui se chargeait de toutes ces démarches-là.

  • Le trottoir a été loué à l’arrondissement pour la durée du chantier : 30 000 V.N.D./mois.

  • Pendant les travaux, il a reçu plus d’une dizaine de visites, des agents des Comités populaire du ph message URL ubarre.gif message URL obarreaccent2.gif ng et de l’arrondissement, du service des travaux publics et du service de la sécurité de ce dernier.
  • Si les agents constatent une effraction ils demandent l’arrêt du chantier, car si un procès verbal est établi le permis de construire lui est retiré et il doit aller le redemander à l’arrondissement. Alors, il invite les agents à boire un verre à l’intérieur et ils s’arrangent : il a construit son balcon de 1.4 m. au lieu de 1.2 m., il a donc payé une amende pour les 20 centimètres supplémentaires. (Aucune trace de cette amende au Comité populaire du ph message URL ubarre.gif message URL obarreaccent2.gif ng).
    Il a fait de même, pour éviter des problèmes avec la police si le tas de briques empiète trop sur la voie.
  • Pour les fenêtres (coulissantes) construites sur le pignon le service de la construction lui a demandé une autorisation écrite de la part du voisin, qui l’a donnée sans la faire payer. (Mais cela avait été évoqué durant la négociation d’avant chantier).

  • A l’arrière de sa maison se trouve une ruelle. Il souhaitait ouvrir une porte. Comme la largeur de la ruelle est inférieure à 3 m., il lui fallait l’accord de tous ses occupants, or 5 ont refusé (des voisins de la ruelle interrogés, ont répondu que c’était comme cela avant et que donc il n’y avait aucune raison de changer).
    Si la porte avait existé, il aurait pu la conserver.
    Par contre, il a pu sans problème ouvrir des fenêtres et leur construire des auvents de 60 centimètres sur la façade arrière. Ce qui est gênant est donc l’accès et non l’ouverture.

  • La première idée était de faire un mini hôtel, mais le marché n’est plus très bon, alors il souhaiterait que ses enfants viennent habiter là, un étage pour chacun, mais ils ne sont pas d’accord. Pour l’instant, le rez-de-chaussée et la mezzanine sont loués à une société dont il est le responsable-adjoint.

  • Il précise qu’il n’était pas obligé de tester le sol mais qu’il a préféré le faire. Pour vérifier si les 6 étages prévus étaient possibles.

  • Il n’a pas réalisé de vide sanitaire.

  • Il pense que si on a de l’argent c’est bien de construire ’parce que c’est plus joli’ et qu’ il n’est pas satisfaisant qu’ actuellement beaucoup de maisons soient construites sans architectes, car techniquement elles ne sont pas conçues correctement (ce qui n’est pas le cas de la sienne).

Cet exemple image très bien tout ce qui a été souligné jusque là. Les grandes lignes des cheminements officiels sont suivis, mais les pratiques observées sont issues d’arrangements factuels et individuels. Les documents officiels du droit d’usage du sol et le permis de construire sont incontournables, une fois ce dernier obtenu le constructeur se débrouille pour qu’il n’ait plus à traiter avec les échelons de la ville et de l’arrondissement, il instaure un dialogue de compromis avec les représentants des institutions du quartier.

La raison d’être du permis de construire actuellement à Hô Chi Minh Ville n’est pas la maîtrise de la volumétrie et ne s’intéresse pas à elle tant que celle-ci ne provoque pas de conflit avec les voisins et n’empiète pas sur l’espace public. Ainsi, aucune fondation, aucun poteau n’est accepté sur l’espace public, que ce soit dans une rue ou une ruelle, mais un encorbellement ne pose pas de réel problème. Dans les faits les techniques employées pour la réalisation du porte-à-faux limitent son envergure. De même, dans une ruelle, l’ajout de grille ou la fermeture de cet encorbellement est toléré s’il est temporaire ou du moins en a l’allure.

La façade n’est pas identifiée comme un élément appartenant à la rue, à la collectivité, mais à la maison privée.

La réforme du permis de construire, que Harold Senter directeur adjoint au projet VIE/95/051 a essayé de mettre en place, comprenait pour principaux renseignements supplémentaires demandés des informations sur la façade : hauteur et matériaux employés. Ces deux colonnes n’ont, à de rares exceptions près, jamais été remplies par les demandeurs et ces indications n’ont jamais été exigées par les administrations. Aucune remarque relevée sur les permis de construire consultés ne concerne cet aspect du bâtiment, alors même que le dessin de la façade est exigé. En fait, le seul point d’intérêt porté à l’aspect de la construction est l’adjonction de balcons qui empiéteraient sur la voie et le matériau employé pour la toiture (tôle ou béton) puisque les taxes513 sont calculées sur les surfaces de planchers réalisées (un toit terrasse est considéré comme telle).

Pourtant, l’évolution des façades urbaines, en relation avec l’évolution du rapport à la rue des maisons, est significative de modifications dans le rapport entre l’habitant ou l’usager et son environnement. Ces transformations concernent principalement la porosité de la façade, elles sont manifestes sur l’environnement bâti, et transforment lentement les modes de vies.

Notes
512.

’Il s’agit de l’ancienne monnaie chinoise, le taël, qui équivalait à 36 grammes d’argent. Le Viêt-nam utilise le taël d’or (cây vàng) qui équivaut à 37,5 grammes d’or.’ [Laurent Pandolfi - 2 001 - p. 553]

Les transactions ne se font pratiquement plus en or, mais les prix des maisons sont toujours annoncés en taël voire en dollars américains qui sont les deux systèmes de références stables, face au Dong vietnamien qui fluctue et dont le change est différent au taux officiel des banques et au taux officieux des bijouteries. A remarquer que les deux taux sont indiqués sur le journal.

513.

J’ai souvent entendu parler de ces taxes par les fonctionnaires des administrations, sans que jamais ils ne puissent me donner d’informations plus précises. Les témoignages recueillis ne mentionnent jamais de telles taxes. Les seules qui soient évoquées sont relatives au droit d’usage du sol et calculées suivant un barème établi en fonction de la localisation et de la surface du terrain.

Se reporter à la circulaire N° 50 TC/TCDN du 03/07/1993 du Ministère des finances.