I - 4 ACTEURS ET PARCELLAIRE : Une Régulation Contextuelle

Avec les tableaux qui définissent la largeur des différents éléments de la voie, aucune indication n’est donc fournie sur la hauteur des constructions. Actuellement des constructions de cinq à sept étages s’élèvent sur une ruelle étroite, tout comme un compartiment de trois étages le long d’une des contre-allées des nouvelles pénétrantes. Ces dispositions laissent de fait la régulation des nouvelles constructions aux acteurs privés qui construisent, donc à leurs moyens financiers et en parallèle, à la valeur que la population (et à travers elle les prémices d’un marché) accorde aux terrains. Cette notion de valeur prend graduellement du sens à travers les limites de l’organisation du foncier que l’évolution de ces dernières années a mis en évidence.

Nous avons vu que lors de la création d’une Joint Venture, le partenaire vietnamien fournit le terrain. Les premiers investisseurs ont en priorité recherché les grandes parcelles du centre ville. L’une des chances de l’ex-Saigon a été que toutes ces grandes parcelles issues d’anciens équipements municipaux ou d’entreprises coloniales étaient presque exclusivement situées dans l’hypercentre (le centre du premier arrondissement et la partie mitoyenne du troisième). La photo de la maquette522 présentée au rez-de-chaussée du Cabinet de l’Architecte en chef est assez éloquente à ce sujet. Seul un projet a été réalisé à proximité de l’ancien centre de Cholon523. Ce développement ne traduit donc pas dans les réalisations le sentiment d’anarchie dont se plaignent les investisseurs occidentaux.

Cette situation est la conséquence de la création intégrale par le Génie militaire français d’un centre administratif autour duquel Saigon s’est développée. Cette implantation volontaire a aussi pour avantage d’avoir situé tous les grands tènements le long de larges avenues qui les desservent. Ces différents antécédents historiques ont pour l’instant évité la construction d’I.G.H. (Immeuble de Grande Hauteur) au coe ur de tissu au développement endogène. Ce qui est heureux, car les édifices réalisés, tel le Prince Hôtel montrent à quel point l’environnement existant, antérieur à ces nouvelles constructions, n’a absolument pas été pris en compte.

Les nouvelles tours de bureaux, plus hautes que les anciens bâtiments coloniaux tels la cathédrale, le théâtre ou l’ex-hôtel de ville enlèvent beaucoup à la perception que le visiteur ou le citoyen peut en avoir. Mais je ne pense pas que cela gêne réellement les institutions vietnamiennes, si ce n’est dans le discours qu’elles ont vis-à-vis des Occidentaux524.

Le constat de la non adéquation des outils d’urbanisme aux tissus existants, la projection systématique sur la table rase, la non-reconnaissance faite aux voies inférieures à douze mètres de large, permettent d’avancer que les décideurs ne souhaitent pas intégrer le tissu vernaculaire.

Finalement, c’est le contexte de Hô Chi Minh Ville à la fin des années 1980, qui, en l’absence de règles précises a, dans les faits, permis une certaine régulation à travers la structure du foncier et les enjeux financiers. Mais, comme l’illustre le cas de Ha Nôi, cette régulation est par trop liée au contexte : elle ne peut être identifiée comme satisfaisante et érigée en équilibrage interne du système administratif vietnamien.

Notes
522.

cf. photo p. 258.

523.

certes, un projet important : Le Thuan Kieu Plaza shopping center. Une comparaison de ce qui est réalisé avec le projet de départ nous montre qu’une partie du projet a été abandonnée Seules trois tours ont été construites.

Se reporter au paragraphe IV-2 du chapitre VI pour les perspectives du projet et de la réalisation.

524.

L’immeuble qui a fait le plus de bruit et posé le plus de problèmes lors de sa construction est le plus bas du centre ville : la petite tour de 13 étages rue Pasteur. Mais tout d’abord, elle était la première, ensuite elle se situe en arrière plan de la perspective du Comité populaire de la ville. Finalement, le consensus trouvé a été l’adoption d’une couleur vert bleutée pour la façade rideau et la superstructure en béton. Par contre, le Metropolitan, construit à l’angle de la rue Dông Khoi et face à la cathédrale fait l’unanimité alors que son impact visuel dans l’environnement de la cathédrale et de la poste (construite par Eiffel) est autrement plus prégnant. De même, l’extension de l’Hôtel Caravelle, coté sud du théâtre n’a pas rencontré de réelles difficultés, alors que les travaux du bâtiment mitoyen du Continental, sur le coté nord du théâtre ont été arrêtés afin de ne pas (trop) dépasser les deux étages de l’ancien hôtel. Il est difficile de comprendre la logique de toutes ces interventions, restrictions et attitudes, si ce n’est à travers la gestion de compromis et de rapport de forces entre les différents acteurs publics et privés.