Madame K. et son nouveau propriétaire

Madame K. travaillait avant 1975 pour un patron qui lui avait proposé de la loger sur un terrain qu’il possédait à la sortie Nord-Ouest de Saigon. Au moment de la libération de la ville, ce chef d’entreprise décide de partir et vend son terrain à un propriétaire qui ne s’est jamais manifesté et qui lui-même le revendra à un autre qui le cédera à un policier gradé du Nord au moment de son immigration au Sud du pays en 1986. Voulant prendre possession de son bien, ce policier tente de déloger madame K., qui habitait toujours au même endroit. Madame K. fait appel au Comité populaire expliquant que cela fait plus de dix ans qu’elle habite cet endroit et que de ce fait elle a acquis le droit d’y résider539. Après plusieurs allers-retours, en 1996 un premier jugement lui donne raison :: le terrain appartient bien au policier, mais madame K. a le droit de résider sur la partie qu’elle occupe. Le policier fait appel, après une première confirmation du jugement, le policier s’adresse à des institutions de Ha Nôi et le jugement final en 1999 lui donne raison en ce sens que madame K. doit partir. Mais pour la dédommager de son droit à résider, qui n’a visiblement jamais été remis totalement en cause, le policier doit lui verser une indemnité de 58 millions de V.N.Dongs. En parallèle le Comité populaire de l’arrondissement lui propose la possibilité d’habiter un appartement dans un immeuble collectif nouvellement construit par ses services, au tarif préférentiel réservé aux relogés. Elle acceptera et achètera son appartement de 54 m2 72 millions de V.N.Dongs. Madame K. est donc devenue propriétaire légale d’un appartement neuf de 54 m² (dont la valeur sur la marché est bien supérieure à 72 millions de V.N.Dongs) pour 14 millions de V.N.Dongs.

Cet exemple est représentatif de la latence qui s’est produite entre 1975 et 1986, et de l’impact qu’elle a aujourd’hui dans la gestion de l’occupation des lieux. Il montre la reconnaissance des différents statuts de propriétaire et d’occupant en place, ainsi que l’évolution du gouvernement en faveur des propriétaires, même si le droit de l’occupante a toujours été reconnu. Il fait aussi intervenir un acteur qui se retrouve dans tous les conflits  : l’administration. Généralement, il s’agira comme ici du Comité populaire de l’arrondissement quand il est nécessaire de prendre des décisions opérationnelles ; mais lors de conflit de voisinage, c’est généralement la police ou le Comité populaire du quartier qui servira de conciliateur. Parce que l’enjeu, nous le verrons dans tous les exemples, se pose bien en ces termes : trouver un terrain pour la conciliation, un consensus que les deux parties puissent accepter.

Notes
539.

Son livret de résidence est bien entendu enregistré à cette adresse.