Lorsqu’un promoteur, privé ou public, dispose d’un grand terrain pour de l’habitat, s’il destine cet habitat à des Vietnamiens, il divise son terrain en parcelles en lanières et y construit des compartiments.
Ainsi, le Comité populaire de l’arrondissement 5, lors d’une double opération a d’une part réalisé deux immeubles de logements collectifs de neuf étages en centre d’îlot et d’autre part construit une série de compartiments luxueux le long de la rue An Duong Vuong. Cela avait déjà été son attitude dans le cadre de l’ensemble des logements de Hung Vuong, mais alors les compartiments faisaient partie du projet d’ensemble. Dans le cas de An Duong Vuong, le déguerpissement de l’ensemble des populations occupantes a été effectué en une seule intervention, puis deux projets physiquement séparés ont été construits : l’un en rapport avec l’éradication de l’insalubrité, objectif avoué du projet, l’autre à but exclusivement lucratif.
En d’autres termes, les représentants du Comité populaire de l’arrondissement se sont servis d’une opération de logements sociaux, soutenue par la politique actuelle, pour réaliser une autre opération sans but social et sans balance financière entre les deux.
Les représentants du Comité populaire eux-mêmes ne sont donc pas cohérents avec la politique officiellement mise en oeuvre. Ce type d’opération est mené par des organismes publics avec des objectifs identiques à ceux des promoteurs privés. Par contre, l’architecture construite est différente : si elle ne dédaigne pas les pastiches discrets de moulures et colonnes, elle reste monotone et répétitive654. Au total, cet ensemble évoque plus un immeuble collectif non social, qu’un ensemble de compartiments. Finalement, le seul intérêt de cet ensemble est d’être situé en plein centre, ce que peut se permettre un organisme public qui peut maîtriser l’utilisation de terrains sur son territoire et peut s’approprier leurs droits d’usage à son profit. Ce qui n’est normalement pas le rôle d’une institution publique.
Mais qu’y a-t-il de moderne dans cette opération ? Ni l’image qu’elle véhicule655, ni l’habitat qu’elle propose n’y font référence. Rien donc, si ce n’est d’être une opération immobilière à but lucratif : triste réduction du concept de modernité.
Mais surtout cet exemple traduit une double attitude de la part de l’administration. D’une part, dans le cadre du logement social, elle entend éduquer le peuple, d’autre part, dans le cadre d’opération lucrative, elle construit sans réflexion préalable ce qui lui semble être le produit le plus désiré de la part de la population solvable. Comment imaginer qu’une réflexion préalable puisse mener à construire des maisons individuelles sur cinq étages656 avec au minimum 6 chambres657 particulières (ou salons), si ce n’est le moyen de justifier de prix élevés pour la vente de ces compartiments ? Comment peuvent évoluer ces habitations, si ce n’est par le biais de sous-locations ? Seul le futur le dira, car au printemps 2 000, quelques commerces apparaissaient, en toute indépendance des habitations, qui avaient visiblement des difficultés pour se trouver un mode de vie adéquat.
Les mêmes questions d’évolution se posent pour l’ensemble de logements réalisés le long de la rue Ly Thuong Kiêt, par une joint-venture, donc finalement plus en cohérence avec la politique nationale.
cf. photos p. 424 [Les compartiments de An Duong Vuong].
La comparaison avec les compartiments récents, conservés lors de la réalisation de l’opération, est à ce titre intéressante : lequel des deux est le plus moderne ? même si d’une manière certaine ce n’est pas l’extension en hauteur qu’en profite pour réaliser le compartiment existant (cf. photo). En l’occurrence, l’extension construite par le compartiment voisin sur sa terrasse repose de manière récurrente la même question : qu’est-ce que la modernité ?
Rez-de-chaussée, entresol, trois étages et étage partiel en terrasse.
La constitution précise que ’la famille est la cellule de base de la société’ et le planning familial préconise deux enfants au maximum : tout fonctionnaire qui les dépasse se voit sanctionné. A qui est destiné cet habitat qui ne possède qu’une seule cuisine au rez-de-chaussée : liée au commerce donc, alors que souvent cette surface est sous-louée ... ?