Ce paragraphe avait pour objectif d’aborder la principale caractéristique retenue pour la ville future qui se devra d’être moderne, en référence à l’urbanisme issu du mouvement moderne comme aux centres d’affaires des grandes métropoles actuelles. Mais plus qu’une éventuelle définition de la modernité, c’est surtout la forme qu’elle revêt au Viêt Nam que je souhaitais atteindre. Pour ce faire j’ai convoqué, de manière assez hétéroclite car volontairement diversifiée, les attitudes des habitants face à des objets, des espaces, des discours d’aujourd’hui et en décalage avec ceux d’hier afin d’appréhender l’interprétation de tous ou chacun.
Finalement, la modernité est entendue par fragments de référents. Chacun a en tête une image de la ville moderne, des tours du centre d’affaire aux voitures climatisées. La modernité est incluse au sein de tous ces référents, dont les seules caractéristiques communes sont d’être exogènes, puis réinterprétés. Si la télévision ou la moto sont plus des signes extérieurs de richesse qu’une référence à cette modernité, c’est peut-être parce que les programmes des médias, comme la conduite à Hô Chi Minh Ville restent tout à fait vietnamiens.
Ecrire que la modernité est comprise à Hô Chi Minh Ville comme le reflet d’une société économiquement forte et que tout indicateur moderne est donc intimement lié à l’argent, peut paraître une banalité. Et pourtant, les exclusions de cette phrases sont lourdes de sens. Car la modernité est comprise comme un aboutissement, c’est Singapour aujourd’hui. Jamais elle n’est imaginée comme un processus où serait moderne ce que demain produira. Cet objectif finalement très statique de modernité n’engage alors jamais le débat idéologique. La ville moderne est constituée de pièces, d’éléments, eux même estampillés modernes qu’il s’agit d’intégrer, sans plus d’attention pour l’ensemble.
‘Mais, ’dans la mesure où la modernisation urbaine constitue la norme de référence du schéma directeur, l’urbanisation accélérée n’est pas synonyme de dégradation urbaine et de destruction, mais au contraire de valorisation. Chaque réalisation immobilière constitue, pour l’acteur public une avancée qui permet d’atteindre l’objectif de modernisation.’668 ’A Hô Chi Minh Ville aujourd’hui, la modernité prend forme par la reproduction de modèles partiels.
Parallèlement l’une des caractéristiques déjà relevée, de la ville et de ses habitants, est cette capacité à interpréter, à digérer, j’aurais envie de dire à vietnamiser, tout apport exogène. Sans doute cela est possible justement parce qu’il s’agit de fragments. Par la force des pratiques liées à l’habitat et au quotidien, la modernité s’expose sur les grands boulevards, axes de représentation, mais laisse à chacun les marchés de rue et les ruelles.
Finalement, il s’agit toujours de cette même dualité-complémentarité. D’une part, ce développement endogène qui correspond aux pratiques individuelles de l’habité et d’autre part, cet objectif de développement économique voulu par la collectivité. Chacun est l’un et l’autre à la fois, du fonctionnaire redevenu utilisateur de la ville à la sortie des bureaux, à l’habitant qui commente toute nouvelle construction par un ’c’est neuf donc c’est bien’ sans équivoque.
L’ensemble se juxtapose, se superpose au sein d’un seule attitude, même si parfois des éléments sont exclus, comme les résidences hôtelières, éléments d’une ville à laquelle elles ne participent pas.
L. Nguyên - 1998 - p. 214.