I - 5 La Bureaucratie Communiste - Une Doctrine Unique

Sans remettre en cause la pensée scientifique et les évolutions des techniques, le communisme vietnamien s’est construit contre le capitalisme occidental et son impérialisme. Nous avons vu qu’il a basé sa légitimité en faisant une seule et même cause de l’indépendance, de l’unité du pays et de l’idéal socialiste. Lorsque, avant 1930, Hô Chi Minh fonde ce qui deviendra le parti communiste, l’arrivée des Français a tout juste soixante-dix ans et l’Union Indochinoise, instituée en 1887, à peine quarante. Les bases culturelles sont toujours présentes. Pour les communistes il ne s’agit plus de concours littéraires, mais à travers la doctrine socialiste la pensée unique est réactivée, tout comme la valeur forte liée au service de l’état est mise au service du nationalisme. Si le communisme, comme le confucianisme, permet de fédérer la bureaucratie tandis que le recrutement est toujours assis sur une base populaire⁷⁰¹, le communisme n’a pas réactivé simplement l’ancien système administratif, car la doctrine n’est pas l’enseignement des textes, de leur constante interprétation qui procurait sagesse et aura au lettré.

Ce n’est alors plus la communauté villageoise qui est un élément constitutif de l’empire, et par là un élément de l’harmonie du ciel, par le biais de l’imbrication des cultes, mais le comité populaire du village⁷⁰² qui devient une cellule de la machine administrative gouvernementale. C’est par ce truchement le sens même de l’identification qui change. La pyramide administrative qui gère des collectivités ne fédère pas de communautés où chacun se reconnaît. Dans l’ancien système, les individus se rassemblaient autour des cultes et se plaçaient sous l’administration de l’empereur, mandaté par le ciel. Actuellement pour administrer le pays, l’Etat a établi une pyramide gouvernementale dont chaque niveau contrôle les échelons inférieurs, et ce jusqu’au citoyen. Si le deuxième système s’est surimposé au premier, son fondement est différent : le sens de la relation qui unifie l’ensemble s’est inversé. De bas en haut, elle est actuellement du haut vers le bas, même si la nation et la famille sont toujours des communautés identitaires donc fédératrices.