I - 6 Conclusion - La Communauté : Lien identitaire et federateur

L’ancien système mandarinal, bâti sur le confucianisme d’état, a souvent été présenté comme un cadre rigide et sclérosant. Il est vrai que la vision immobile du monde que véhicule le confucianisme ne laisse aucune place à l’individualité. Mais sa force était au sein même de sa fermeture que permettait l’unicité de la pensée littéraire. A travers l’étude des textes classiques, l’enseignement vise le renoncement à toute pensée personnelle : il s’agit de s’imprégner de la pensée du maître pour ne s’exprimer qu’à travers elle.

Les différentes communautés emboîtées offraient un cadre référent, où chaque individu était un élément situé, socialement, religieusement, politiquement. Un fort sentiment identitaire d’appartenance en résultait et le respect des règles, dans la conscience de cet ensemble, assurait l’ordre de l’univers.

La cellule familiale, qui respecte toujours le culte des ancêtres, est issue de cette société confucianiste. Absolument tous les écrits affirment son importance, au point de la transformer en tabou. Les témoignages d’amies vietnamiennes m’incitent à rester prudente vis à vis de cette affirmation, du moins à Hô Chi Minh Ville703. Tous concordent pour affirmer les devoirs que chacun doit à un membre de sa famille directe. Mais s’il s’agit de profond respect pour les parents ou les grands parents, les relations entre frères et soe urs sont souvent basées sur des conflits latents704. La famille devient de plus en plus nucléaire705 et elle semble primordiale avant tout comme base du réseau relationnel dont nous avons vu qu’il est essentiel dans les modes d’actions développés.

A ce titre, si aujourd’hui devenir fonctionnaire n’est plus l’idéal de chacun, il reste qu’il est important, dans le cadre d’un fonctionnement par réseau, d’avoir quelqu’un d’influent dans la famille.

Entre la famille et la nation plus aucune communauté ne vient assurer la cohésion de l’ensemble qui se structure alors par le biais des administrations étatiques à travers des rapports de contrôle. En milieu urbain, des communautés factuelles, généralement de voisinage, se créent de façon à remédier au manque de référent du système actuel. Sébastien Wust706 a montré l’importance de ces liens dans les milieux défavorisés, alors que l’illégalité, fréquente, y est généralement synonyme de désengagement complet de l’Etat.

Il n’empêche que, si l’administration se montre incapable de fédérer des collectivités tant humaines que territoriales, en cas de conflit elle reste, par le biais de ses institutions de quartier, le médiateur écouté et reconnu. Et par là même, elle montre la légitimité que la population lui accorde.

Notes
703.

Encor une fois, de par leur histoire différente, récente et ancienne, le Nord et le Sud du pays n’ont pas les mêmes rapports à la communauté familiale.

704.

Se reporter par exemple au témoignage de madame H.

705.

Mais au Viêt Nam, la famille élargie était-elle partout la règle ? le rapport de la commission Guernut (1937-1938) [centre des archives d’outre-mer - Aix en Provence] témoigne que dans la campagne du delta du Mékong, seul un enfant restait avec les parents, les autres s’établissaient plus loin.

706.

S. Wust - 2 000.