V CONCLUSION - L’ARTICULATION
DES PROCESSUS INSTITUTIONNELS ET DES DYNAMIQUES ENDOGENES

Tout l’intérêt, et sans doute la force, du système vietnamien est d’avoir su laisser une place au pragmatisme des exigences (individuelles) du présent au sein d’une organisation dont la rigidité théorique a montré ce qu’elle pouvait produire dans certains pays de l’Est. A Hô Chi Minh Ville tout projet est un amalgame d’accords institutionnels et de solutions contextuelles individuelles. Et je ne fais pas allusion à la corruption car, si parfois elle permet à des accords d’émerger, lorsqu’elle existe au Viêt Nam, elle se présente en doublon des contraintes institutionnelles.

Le quartier, le ph message URL ubarre.gif message URL obarreaccent2.gif ng, dernier échelon des institutions administratives s’est révélé être le niveau privilégié des arrangements, mais non le seul. Il représente à ce titre un intérêt réel qui est certainement à mettre en parallèle avec le peu de pouvoir institutionnel qui lui est conféré, alors qu’au contraire les arrondissements en obtiennent de plus en plus. Cette répartition des responsabilités montre, s’il le fallait, que les décideurs, les responsables du gouvernement, sont au courant de cet état de faits. Mais elle témoigne également de la non-reconnaissance de ces modes d’actions considérés comme un pis-aller.

Cette articulation qui permet au système global de fonctionner est issue de juxtapositions, de superpositions, de tout ces arrangements que cette recherche a relevés. Mais la rigidité du système théorique réapparaît dès qu’il s’agit de reconnaître ces articulations qui alors ne sont plus considérées que comme des arrangements factuels. A plusieurs reprises j’ai relevé cette incapacité des institutions ou de ses représentants à reconnaître ce qui est accepté de tous, voire à évoquer ce qui est toléré par chacun. Or, sans cette reconnaissance préalable, sans l’identification du fonctionnement effectif, réel, comment faire évoluer l’ensemble ? Pourtant la ville change de visage chaque jour et les multiples solutions personnelles apportées aux problèmes individuels ont d’une part un coût réel pour la collectivité, et d’autre part, empêchent le pays de tendre vers son objectif affiché d’industrialisation et de modernité. Là le terme de maîtrise pourrait avoir un sens tout à fait efficient : Faut-il chercher à maîtriser un résultat, l’action des acteurs ou le cadre d’un processus ?

En ce qui concerne le développement urbain, ces considérations sont brûlantes d’actualité, alors que les institutions commencent à planifier des ensembles de logements beaucoup plus importants que les bâtiments construits jusqu’ici, réalisations que le tissu existant et des actions endogènes arrivaient à interpréter. Ce refus de reconnaissance des pratiques à l’oe uvre au sein des dynamiques est du même ordre que la non-prise en compte de la réalité lors de la planification d’un projet. Certes, tous les arrangements sont autant de réponses à ces refus, mais l’amalgame systématique entre les décisions institutionnelles et les actions individuelles procurent une certaine légitimité à ces modes d’actions et montrent que ces écarts à la norme ne sont pas exceptionnels mais inclus dans les cadres d’interventions. Encore une fois l’image projetée du développement en tant qu’objectif joue en défaveur d’une reconnaissance, d’une prise en compte de ces modes d’actions.

Effectivement, les arrangements factuels entre les habitants et les autorités proches de leur quotidien sont caractéristiques des pays les moins développés. J’ai essayé de montrer qu’au Viêt Nam, il s’agit aussi de pratiques culturelles et qu’elles peuvent être rencontrées à tous les niveaux hiérarchiques. Très certainement dans une moindre mesure au sein des services les plus élevés, mais tout est question d’équilibre entre ceux-ci et la machine administrative théorique.

Faut-il accepter une forme de ces pratiques alors qu’aujourd’hui la démocratie, préconisée par les organismes financiers internationaux, implique a priori un état de droit ? Je n’ai aucune prétention à donner ici un fragment de réponse à cette question qui dépasse par trop le cadre de cette recherche, mais elle a trop souvent été présente en filigrane pour ne pas être évoquée.

A travers ces considérations, c’est la planification décisionnelle qui est au coe ur du questionnement, mais surtout les discussions, ou leur absence, qui président à ces choix décisionnels et les supports de celles-ci. Mes propos traduisent un doute sur la teneur de ces discussions au sujet des impacts réels des enjeux et des choix effectués. Pour pouvoir donner un avis plus affirmé, il serait nécessaire de passer du temps au sein des services des instances décisionnelles et de pouvoir rencontrer leurs responsables. Cela ne m’a pas été possible comme je m’en suis expliquée dans le chapitre sur la démarche suivie et les méthodes retenues. Cet état de fait explique pourquoi le chapitre VI sur les programmes d’habitat est plus réduit que celui sur le développement endogène. Ici donc se trouve une limite à cette recherche ... et une porte ouverte pour d’autres travaux.