Une évocation des origines

Ce second récit de fondation est de Mme de Gramont d’Aster.L'angle d'approche de l’étude de ce document reste l'évolution du paradigme référentiel de la Congrégation. Le titre du manuscrit laisserait entendre qu'il s'agit de quatre récits distincts et successifs.

‘Commencement
des 4 Sociétés.
1°... Les Pères de la foi , à Spolette et à Rome.
2°... Les Pères du Sacré-Cœur, à Haguenfurt, Dilligen.
3°... Les Dilette di Gesù à Padoue et à Rome.
4°... Les Dames Religieuses du Sacré-Cœur de Jésus à Amiens, qui ont été ensuite approuvées par le St-Siège dans l'année 1826.’

En fait, il n'en est rien. Cette évocation est articulée autour de la naissance et du développement de l'Institut des Dames du Sacré-Cœur jusqu'à l'approbation pontificale. Elle fait voir comment, à partir du projet initial, cette histoire est liée à celle de trois Instituts : les deux Sociétés masculines et l'Institut des Dilette di Gesù. Et ce, organiquement, à l'image d'une greffe sur un jeune tronc. L'écriture rend d'ailleurs compte de ces imbrications respectives. Le lecteur est constamment renvoyé à des faits antérieurs. Ce procédé est lié au genre littéraire. Il s'agit, en effet, d'une suite d'annotations numérotées de 1 à 33, ayant pour but de « servir d'éclaircissements à la notice publiée dans 3 N°s du Journal : L'Ami de la Religion, par M r Picot ». Cet ensemble est suivi d'un «  Extrait des Prophéties du Père Nectoux ».

Deux remarques, situées sur la page de garde, sont de l’écriture d’A. Cahier  130 . Elles apportent les indications suivantes :

  • la première identifie la rédactrice : Mme de Gramont d'Aster 131 .
  • la deuxième mentionne la date de parution de la notice et ses références : « Voir l'Ami de la Religion, tome 49è Année 1826. N°s 1268, 1270, 1272, à la date du 4 Octobre, 11, 18 id. ».

La consultation de ce 49 ème tome présente l'objet de la notice de Michel Picot, directeur du Journal  132 . Tout d'abord, l'intitulé : «  Précis historique sur 2 associations qui ont servi au rétablissement des Jésuites ». Et, ensuite, son contenu. La notice commence par évoquer la fondation de l’association des Paccanaristes. Ce qui correspond au plan esquissé à la première page du manuscrit  133 . Le projet de fondation d'un Institut féminin est mentionné au journal du 4 octobre 1826  134 . Mais cette relation témoigne essentiellement de la protection accordée à l’association masculine par l'archiduchesse Marianne, sœur de l'empereur François II et amie de la princesse Louise de Condé 135 . Le journal suivant (n° 1270) ne parle que des Sociétés masculines. Quant au troisième (n° 1272), il retrace la fondation de l'association féminine avec l'archiduchesse Marianne, à Rome. Les détails apportés sont uniquement relatifs à la personnalité de celle-ci. Il n'est nullement fait mention de la communauté française qui s’est fondée à Paris, le 21 novembre 1800. L'on comprend donc sans peine que Mme de Gramont d'Aster ait estimé cette notice trop succincte : « Tout ce que contient cette notice est très exact et très avéré,dit-elle ; mais elle est trop abrégée et prive d'un grand nombre de traits aussi édifiants qu'intéressants 136  ». De fait, ne s’y trouve aucune allusion à la Société des «  Dames du Sacré-Cœur ». Ce qui pourrait bien être l'objet des annotations.

Pour le savoir, parcourons le manuscrit.La note 2 concerne la fondation de la Société des Pères de la Foi, à laquelle est attribuée une finalité inattendue : « Au sortir de la Révolution plusieurs personnes reconnurent que la destruction des Jésuites y avoit contribué, et que le meilleur remède étoit de les rétablir, c'étoit dans cette vue que se fit à Rome une Réunion sous le nom de Pères de la foi, et qui furent appelés Paccanaristes du nom du Père Paccanari, leur chef ».De tels propos connotent une idéologie de restauration.

Quant à la suite des annotations (3 à 33), elle concerne la fondation de la Société des Pères du Sacré-Cœur et celle des Dames. Un phénomène de récurrence est repérable entre la note 14 et la note 31. Il porte sur le lien de filiation entre Saint Ignace et les Pères du Sacré-Cœur  137 .

En voici la formulation :

note 14
Ce fut là que le Père de Tournély reçut tant de lumières et de grâces. Se retirant un jour de devant le Saint-Sacrement (...), il répétait dans un saint enthousiasme : les Pères du Sacré-Cœur sont les enfants de Saint Ignace.
note 31
L'on voit ici qu'en se séparant du Père Paccanari, les Pères de la Foi donnèrent des preuves de leur désir sincère d'entrer dans la Compagnie de Jésus et s'ils ne passèrent pas en Russie, c'est que le Pape lui-même les arrêta par égards pour les besoins de la France.

Dans cette unité textuelle, deux sous-ensembles sont repérables : (notes 14 à 16) ; (notes 29 à 31). Un parallèle y est établi autour d'un même objet : la filiation et l’identité de la Société des Dames du Sacré-Cœur. En voici la représentation :

note fondation note séparation et identité retrouvée
14 Projet de fondation d'une Société de femmes consacrées au Sacré-Cœur de Jésus (objet de la prophétie de Nectoux). 29 Varin, fondateur et supérieur général après la séparation avec Paccanari.
15 Echec de fondation avec la princesse Louise de Condé.
Fondation de la Société des Dilette de Gesù, avec l'archiduchesse Marianne.
30 Séparation des Dames de l'Instruction Chrétienne avec l'Institut des Dilette di Gesù, dirigé par Paccanari.
16 J Varin, successeur de Tournély. 31 Séparation des P.P. de la Foi de Paccanari = désir sincère d'entrer dans la Compagnie ;
En 1815, l'identité apostolique et éducative des Dames de l'Instruction chrétienne est confirmée .

Aux notes 14 et 16, l'unité du premier sous-ensemble est renforcée par la référence aux intuitions spirituelles de Léonor de Tournély, que voici :

note 14. « Ce fut là que le Père de Tournély reçut tant de lumières et de grâces.
Il répettoit dans un saint enthousiasme : les Pères du Sacré-Cœur sont les enfants de St. Ignace.
Ce fut là aussi qu'il fut inspiré de former une Société de femmes consacrées au Sacré-Cœur de Jésus ».’ ‘ note 16. « A la mort de l'abbé de Tournély, en juin 1797, ils élirent pour Supérieur le Père de Varin qui était le confident de toutes les pensées du P. de Tournély et le dépositaire des inspirations et des lumières qu'il avoit reçues de former deux sociétés ».’

Quant à la note 15, sa brièveté fait écho à celle de la note 30. Elle a pour effet de banaliser l'appartenance provisoire à la « Société des Dilette di Gesù ». Par contre, la note 31 brosse les traits "aussi édifiants qu'intéressants"de la Société du Sacré-Cœur en ces termes :

‘« L'on doit bien supposer que dans l'année 1802 et dans les suivantes, les premières Dames de l'Instruction chrétienne réunies à Amiens eurent bien à souffrir pour former leur Société.
Elles étaient dévouées à l'Adoration du Sacré-Cœur de Jésus et devaient en porter le nom, et dans ces temps mauvais, elles ne pouvaient pas encore le prendre.
Elles devaient adopter les Règles des Jésuites, et elles n'osaient ni en parler ni les adapter à leur sexe. On commença cependant à les pratiquer et l'on en saisit l'esprit, si bien que les constitutions qui furent données en 1816, furent pratiquées par des religieuses déjà toutes formées à leur usage.
Elles reçurent de leur fondateur et de ses collègues des règlements très utiles pour la conduite du Pensionnat et un mode d'enseignement qu'elles suivent dans toutes leurs maisons, avec le succès qu'assure l'uniformité.
Elles reconnaissent ici la grande obligation qu'elles ont à cette Compagnie si chère au Cœur de Jésus, à qui elles doivent leur existence et leur perfection » 138 .’

Ces traits, « reçus » des Pères de la Foi, concernent :

  • la spiritualité
  • la forme juridique
  • le service d'éducation.

Ils sont évoqués immédiatement après l’attestation de fidélité des Pères de la Foi au projet de Tournély  139 , comme pour signifier que l'identité relève du projet initial. Cette identité institutionnelle devient effective par la donation du nom et l'attribution de règles élaborées sur le modèle jésuite, adapté aux femmes.

L'ensemble du manuscrit est ordonné à la note 32 où il est fait mémoire de cet événement. L'acte d'écriture porte, dans son geste même, l'affirmation de ce moment-clé. Ce qui précède a été douleurs d'enfantement et séparations des rameaux étrangers éphémères. Le relater permet de comprendre la complexité de ces ramifications entre son origine, le projet de Léonor de Tournély, et son aboutissement : la reconnaissance officielle. Il s’agit donc d’un récit d’origine. La pensée à l’œuvre est mythique. Les différents éléments du discours s'articulent sur un mode d’emboîtements successifs, selon une logique d'engendrement et de filiation. Un autre indice le confirme : la présence d'une intrigue et les modalités de sa résolution. Cette sortie de l’intrigue se réalise par la séparation. Elle est rendue possible par l’intervention de celui qui symbolise le don de la vie, l’origine. L'identité est alors confirmée.

Quant aux Jésuites, ils sont situés comme ceux qui transmettent le nom et les constitutions : « Le P. Varin revenu en France s'occupa avec ses collègues de donner enfin aux Dames de l'Instruction Chrétienne le Nom et les constitutions des Dames du Sacré-Cœur ». A la demande du P. de Clorivière, Julien Druilhet a effectivement contribué à la rédaction des Constitutions, entreprise par Joseph Varin et réalisée en étroite collaboration avec M-S Barat. Quant à dire que les Jésuites ont "donné" le nom de l'Institut, cela n’est pas tout à fait exact, à en juger par cette remarque de S. Barat, adressée à Sambucy de Saint-Estève :

‘« Pour répondre au vœu général de toutes les Maisons, à l'exception de celle d'Amiens qui est moins exigeante, toutes, depuis surtout que la liberté est rendue à la France, veulent l'Institut des Jésuites adapté à des femmes aussi rapproché qu'il pourra l'être.
Il y a encore un article à vous faire observer, c'est au sujet du nom que nous devons prendre. Vous savez (...) que celui du Sacré-Cœur a été agréé par toutes, on pourrait dire dans une espèce d'enthousiasme. Il sera bien difficile de leur en faire goûter un autre (...) Car vous le comprenez bien (...) de même que c'est à la Société de présenter au saint Père ses Constitutions, de même aussi c'est à elle à se choisir son nom ». ’

Le langage de la supérieure générale est au niveau déterminatif et contractuel. Celui de Mme d'Aster se situe à un autre niveau de discours, celui des récits de commencements, dans lequel l'origine et le nom sont reçus d'un Autre, la lignée ou la divinité.

Par là, les propos de la note 31 prennent sens : « Elles reconnaissent ici la grande obligation qu'elles ont à cette Compagnie si chère au Cœur de Jésus, à qui elles doivent leur existence et leur perfection ». L'évocation de l'événement présente une démarche en trois temps :

  • la rédaction des constitutions des Dames du Sacré-Cœur ;
  • l'acceptation des Constitutions par le Conseil général de 1815 ;
  • la réception et la mise en application dans les différentes Maisons.

Cet événement symbolique est un acte collectif qui constitue un moment essentiel du processus de fondation. En renforçant l'unité des membres, il accroît la vigueur de l'Institut et favorise l'extension missionnaire. En effet, « depuis ce jour heureux, la Société du Sacré-Cœur s'est étendue et s'est perfectionnée, le nombre des maisons augmentant rapidement. L'on en compte (en 1827) 16 en France, 2 en Piémont, et 3 dans la Louisiane ».

Mais «  ce jour heureux » en évoque aussi un autre, à savoir le retour des Bourbons. La sortie de l’intrigue a donc deux opérateurs : la restauration des Bourbons et celle de la Compagnie de Jésus, comme le signifie le début et la finale de la note 32, en ces termes :

Début
En 1814 la paix fut rendue à la France par le retour si désiré des Bourbons. C'était le moment fixé pour le bonheur des deux Sociétés...
Finale
Depuis ce jour heureux, la Société du Sacré-Cœur s'est étendue et s'est perfectionnée, le nombre des maisons augmentant rapidement. L’on en compte (en 1827) 16 en France, 2 en Piémont, et 3 dans la Louisiane.

Mais alors qui est « le prince charmant » ? Il semblait que ce fût J. Varin. Ne serait-ce pas plutôt le roi Charles X ? Autrement dit, quel est le destinataire du récit ? Certes, l'interlocuteur a été nommé : « l'Ami de la Religion et du Roi, Journal ecclésiastique, politique et littéraire ». Derrière cette vitrine journalistique officielle, à qui s’adresse réellement la rédactrice ?

Deux indices laissent supposer que ces "éclaircissements", apportés à la notice de M. Picot, ont pour but de contribuer à l'approbation légale définitive  140 .

Le premier indice est la datation du manuscrit : 1827, dans deux incises textuelles  141 . Les annotations de Mme d’Aster sont donc écrites après l'approbation ecclésiale, reçue de Léon XII, le 22 décembre 1826 et l'approbation légale définitive obtenue par Ordonnance royale, le 22 avril 1827 .

Le second indice est situé à la dernière page du document. La rédactrice affirme l'identité nationale de la Société des Dames en des termes qui ne laissent pas d'étonner :« Il paraît assez facile de prouver que tout a été préparé dans les vues de Dieu, pour que la Société du Sacré-Cœur devint une Société française. Il semble que les prophéties viennent à l'appui de cette opinion ». Cette finale des annotations peut, en effet, surprendre. A la page précédente, la note 32 ouvrait à la dimension internationale de la Société en indiquant le nombre des établissements : « 16 maisons en France, 2 en Piémont et 3 dans la Louisiane ». Quelques lignes plus loin, ce caractère international semble occulté. Et d’ailleurs, pourquoi vouloir prouver que la Société du Sacré-Cœur est devenue française ?

L’évocation des prophéties qui «  viennent à l'appui de cette opinion », est un indice supplémentaire. Cet argument semble rechercher l'appui du milieu royaliste de l'époque  142 . En voici les accents significatifs :

‘- «  Le sceptre sera arraché de la main des Bourbons, mais bientôt il retournera au trône !... »
- « La France éprouvera une grande secousse, son résultat sera pour son bonheur, et du trône (les Bourbons) qu'on verra reparaître, sortira une tige (le Duc de Bordeaux) qui étendra ses rameaux ».’

A ce passage de la prophétie fait immédiatement suite la prédiction de la fondation de la Société du Sacré-Cœur : « Une nouvelle Société de femmes fut annoncée par le P. Nectoux, comme devant se consacrer, entre autres bonnes œuvres, à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Elle aura plusieurs maisons florissantes. Le P. Nectoux les prévient : qu'elles soient sans crainte, renfermées dans leurs maisons, qu'il ne leur arrivera aucun mal, parce que la dernière révolution du Royaume sera uniquement politique, et ne regardera pas la religion qui n'en souffrira pas (...). Le tout fut déclaré au P. Drouaud avant son départ, quand il accompagna le P. Nectoux en Espagne en 1763 ou 1764 ».

Cet ensemble d'indices porte à croire que ces annotations ont pour objectif d'expliciter l'identité de l'Institut, en vue d'en favoriser l'approbation légale définitive. Cette hypothèse est vraisemblable. Sous l'empire, les Maisons avaient reçu une autorisation légale provisoire. Mais la conjoncture ministérielle actuelle invite à la rendre définitive.Et le projet d'une telle demande est, en effet, étudié et ratifié par le Conseil général de 1826.

Mais une autre hypothèse est également plausible : les «  éclaircissements » apportés à la notice de M. Picot auraient pour but de préparer l'affiliation de la Société des Dames à celle des Jésuites. La dépendance attestée en ces propos : à la Compagnie de Jésus, «  elles doivent leur existence et leur perfection » semble en frayer le chemin. Une démarche de la fondatrice le signifie également. En 1828, Mme Barat adresse au général de la Compagnie de Jésus, le P. Fortis, cette demande officielle d'affiliation :

‘« Je voudrais pouvoir ici, mon très révérend Père, en vous offrant l'hommage de notre respect, vous dire tout ce que nos cœurs éprouvent de reconnaissance ; nous n'oublierons jamais que c'est dans votre Sacristie, et sous les auspices de St Ignace, que le Souverain Pontife a béni notre petite Société, entièrement à la gloire du Sacré-Cœur de Jésus. Nous sentons vivement tout ce qu'une conduite si particulière de la divine Providence à notre égard nous impose d'obligations : c'est pour nous aider à les remplir, et nous rendre moins indignes des faveurs dont le Seigneur ne cesse de nous combler que je viens à vos pieds, mon très Révérend Père, solliciter des lettres d'affiliation avec votre Société, bien persuadée que nous trouverons dans cette union de prières, une source abondante de grâces qui suppléera à ce qui nous manque, et un moyen d'acquitter au moins en partie la dette immense que nous avons contractée envers le Cœur de Jésus.
Le peu de bien que Dieu a fait jusqu'à présent par notre moyen, nous le devons à nos règles, à ces règles calquées, pour ainsi dire, sur celles de votre Compagnie ; et qui, mieux que les Enfans de St Ignace peuvent nous en donner l'esprit, en nous inspirant ce profond mépris du monde, le dévouement entier et sans réserve aux intérêts et à la gloire du Sacré-Cœur de Jésus, en un mot ces vertus solides que l'on puise chez eux comme dans leur source, et que je désire si vivement voir régner dans les âmes que le divin Cœur a bien voulu confier à mes soins ? » 143 .’

Les deux hypothèses sont donc vraisemblables et l'une n'annule pas l'autre. Notre propos n'est d'ailleurs pas d'affirmer leur complète validité. Il vise à décrypter, dans ce récit d'origine, la culture référentielle de la Société du Sacré-Cœur de Jésus à la fin de l'étape de fondation. Or, dans les représentations comme dans les démarches suggérées, ce récit des «  4 commencements » affirme essentiellement une double identité : ignatienne et française. Il présente donc, par rapport aux récits antérieurs, un renforcement d'une idéologie de restauration, ultramontaine. Et la déclaration de Mme de Gramont d'Aster, affirmant que la Société du Sacré-Cœur est "française", n’est-elle pas l'indice d'une tendance gallicane appartenant à la culture congrégationnelle, le signe avant-coureur de la deuxième crise que traversera l'Institut, douze ans plus tard  144  ?

Au terme de cette étude des temps des commencements, il apparaît que la Société des Dames du Sacré-Cœur a eu des fondateurs. L’altérité est à l’œuvre lors de l'étape de fondation. Léonor de Tournély est le mystique qui conçoit le projet du futur Institut, dont J. Varin est le réalisateur. Quant à Sophie Barat, l'idée primordiale de la petite Société la guide contre vents et marées. Dans un esprit de fidélité à l'Eglise et au pape, avec patience et sens du compromis, elle mène vers sa réalisation la tâche qui lui a été confiée : l'édification de la Société du Sacré-Cœur, dans une spiritualité particulière et une structure apostolique ignatienne. Après bon nombre de pourparlers et grâce au soutien du Supérieur général de la Compagnie de Jésus, le Père Rozaven, elle obtient de ne pas satisfaire à la règle de la clôture papale. La formule d’engagement n’est donc pas celle des vœux solennels, mais des vœux simples. Toutefois elle bénéficie du statut de Congrégation religieuse. En 1826, l'approbation pontificale s'accompagne donc d'un assouplissement du droit canonique.

D'après le récit de Mme d’Aster, en 1827, une autre conviction fait partie des références communes : l’identité éducative est d’obédience jésuite. En effet, si l'on en juge par cette évocation des commencements, « elles reçurent de leur fondateur et de ses collègues des règlements très utiles pour la conduite du Pensionnat et un mode d'enseignement qu'elles suivent dans toutes leurs maisons, avec le succès qu'assure l'uniformité ». Mais une telle affirmation nécessite, pour la vérifier, une étude précise des premiers plans d'études de la Société du Sacré-Cœur de Jésus.

La dissension fomentée par l'Abbé deSaint-Estève n'a-t-elle pas induit une orientation pédagogique, plus semblable à celle de Saint-Cyr qu'à la Ratio studiorum des Jésuites ? Sinon, à quel moment de l’étape de fondation, la tradition ignatienne s'est-elle imposée ? Et quels en sont les réalisateurs ?

Notes
130.

L'identification de l'écriture a été faite par J. de Charry. A. Cahier est historienne et auteur de "La vie de la vénérable Mère Barat". Ce qui garantit l'exactitude de la première remarque: "Ce manuscrit est de la Mère d'Aster ; plusieurs faits ne s'accordent pas avec la vie du P. Varin faite par le R.P. Guidée".

131.

Charlotte-Eugénie de Boisgelin (1766-1836) , veuve du duc de Gramont d'Aster, ancienne dame d'honneur de Marie-Anto,inette. « Pendant la Révolution, la famille s'installa à Londres. Là, avec sa sœur, Madame de Chabannes, Madame de Gramont essaya d'ouvrir une école à Hyde Park. Le Duc de Gramont mourut à Londres en mars 1795, et une année plus tard, Madame de Gramont et ses enfants retournèrent en France. Pendant quelques années, ils vécurent à Amiens, puis s'installèrent à Paris ». Souvenirs de Mlle Herbert. Cité par Phil Kinroy, Une Vie, Cork University Press, Cork, Irlande2000, p.92.

132.

Michel Picot sera ensuite l’animateur de la « Propagation de la Foi », à Paris.

133.

Il est possible de faire correspondre les notes du manuscrit aux faits relatés dans ce journal. Exemple : les notes 14 et 15 commentent ce paragraphe de la page 245.

134.

« L'abbé de Tournély essaya de former une communauté de femmes qui se dévoueroient au service des pauvres et à l'instruction de la jeunesse », L'Ami de la Religion et du Roi, Journal ecclésiastique, politique et littéraire, Tome XLIX, Précis historique sur deux associations qui ont servi au rétablissement des Jésuites, mercredi 4 octobre 1826, N° 1268, Paris, Bibliothèque nationale, notice n° : FRBNF32691240, p. 245.

135.

Le premier essai de fondation fut entrepris avec la princesse Louise de Condé.

136.

Manuscrit, note 1, idem, p.2.

137.

Sur la proposition de Paccanari, les Pères du Sacré-Cœur se sont intégrés le 18 avril 1799 à la Société des Pères de la Foi.

138.

Manuscrit, note 31, ibidem, p. 23.

139.

« L'on voit ici qu'en se séparant du P. Paccanari, les Pères de la foi donnèrent des preuves de leur désir sincère d'entrer dans la Compagnie de Jésus et s'ils ne passèrent pas en Russie, c'est que le Pape lui-même les arrêta par égards pour les besoins de la France », ibid., p. 22.

140.

Ce n'est qu'après bien des hésitations et des délibérations que Madeleine-Sophie Barat et son conseil ont fait la demande auprès du gouvernement français.

141.

La première est à la note 29, page 19 ; la seconde à la note 32, page 27.

142.

D’après sa biographe, la rédactrice avait une réelle audience dans le milieu aristocrate.

143.

Lettre du 15 juin 1828, Paris, ARSJ, Mon. 1 - IV, 1. et AGS-C., Origines et relations, SJ., 6.

144.

Voir au sujet de cette crise gallicane :

- M. Luirard, Madeleine-Sophie Barat, chapitre III, Le choc des années 1839-1843, Nouvelle Cité, 1999,p. 88-98.

- P. Kinroy, Madeleine-Sophie Barat, Une vie, Chap 13 à 21, Cork University Press, Cork, Irlande, 2000.