L’unité du texte et son objet

Le plan d'étude de 1804 est un manuscrit de 25 pages, ayant la forme d'un cahier  162 . Il est intitulé :

Plan d'Etude
Provisoire à l'usage
de la Maison d'Amiens.

A la première page, en haut à gauche, se trouvent les initiales «  A. M. D. G. », utilisées par N. Loriquet pour signer ses ouvrages 163 . En guise d’introduction, est situé ce bref propos : «La réussite d’un Plan d’Etudes dépend essentiellement de la distribution du temps sagement ménagé, de l’ordre des exercices et de la manière d’enseigner». 

Ces trois éléments : distribution du temps sagement ménagé, ordre des exercices et manière d'enseigner sont récurrents dans l'ensemble du texte. La distribution du temps est exposée au chapitre I et III. La manière d'enseigner est développée dans les chapitres IV à X, présentant les didactiques des différents enseignements. L'ordre des exercices est partout présent. Il reçoit même une équivalence de sens avec le concept de distribution du temps, utilisé à l'article 1 du chapitre premier et à l'intitulé du chapitre troisième. L'exergue annonce donc les paradigmes constitutifs du texte.

Cette apparente simplicité de structure peut, ainsi, être représentée :

Distribution du temps sagement ménagé
Ordre des exercices
Manière d'enseigner
Ch.I
art 1. DISTRIBUTION DU TEMPS (voir le règlement des élèves)
art 2. DIVISION DES CLASSES
art 3. OBJET DE L'ENSEIGNEMENT DANS CHAQUE CLASSE
(5e, 4e, 3e, 1e, classe supérieure)
Ch.II. DE L'ADMISSION DANS LES CLASSES
Ch.III. DISTRIBUTION DU TEMPS DANS CHAQUE CLASSE
Ch.IV. DE LA RECITATION DES LECONS
Ch.V. DE LA CORRECTION DES DEVOIRS
Ch.VI. LA LECTURE
Ch.VI. GRAMMAIRE FRANCAISE ET ORTHOGRAPHE
Ch.VII. ARITHMETIQUE
Ch.VIII. HISTOIRE
Ch.IX. GEOGRAPHIE
Ch.X. LITTERATURE

Une inclusion, portant sur la durée des études, apparaît entre le premier et le dernier chapitre du texte. Voici comment la récurrence est formulée :

chapitre I chapitre X
Le Cours d’Etude s’achève en quatre années.
Il est suivi d’un cours d’une ou deux années, sous le nom de Classe Supérieure pour les élèves qui désirent perfectionner leur éducation
  164 .
C’est par ces sortes d’exercices que se terminent les cinq années du Cours d’Education  165 .

Cette inclusion marque l’unité du texte et en suggère l'objet.

Le chapitre I est composé de trois articles intitulés respectivement «  Distribution du temps; Division des classes; Objet de l'enseignement dans chaque classe ». Son étude permet de spécifier cet objet. Sous les trois rubriques, Nicolas Loriquet ouvre, avec un art affiné de la synthèse, un espace éducatif particulier et le circonscrit. Comme si le regard balayait rapidement un édifice pour en définir et en fixer l'architecture, il identifie les éléments essentiels du système éducatif mis en place de 1801 à 1804.

L’article 1er, intitulé «  Distribution du temps»,renvoie sans autre forme de commentaire au Règlement des élèves dont la première partie expose «  l'ordre des exercices ou distribution du temps », par jour et par semaine, avec les particularités propres aux jours de congé, de fête et d'examens. Le cadre général de la vie au pensionnat y est exposé sous une panoplie de dix cas de figures, à savoir l'ordre des exercices :

  • de chaque jour
  • des dimanches et fêtes ordinaires
  • pour les jours de congés ordinaires
  • pour les jours de fête de 1 re classe
  • pour les jours de grands congés
  • pour les jours d'économie domestique
  • propres à certains jours
  • propres à chaque mois
  • propres à chaque trimestre
  • annuels.

Certes, l'élaboration du règlement a dû précéder la rédaction du plan d'Etude. Mais pourquoi J-N. Loriquet se contente-t-il d'une référence, si « l’ordre dans le temps », c'est-à-dire le rythme de la vie scolaire, lui paraît essentiel ? Serait-ce par manque de temps ? Ou ce règlement correspondrait-il à celui des anciens couvents et, en ce sens, ne présenterait-il rien de spécifique ?

La signification de ce choix textuel se dévoile dès les premières lignes de l'article 2, intitulé «  Division des classes », où est déployé l’ensemble du cursus scolaire. Car la dénomination de «  Cours d’étude » ouvre la présentation du plan d'éducation. Ce concept, décliné au moyen de différents termes (classes, cours, objets d'enseignement), apparaît central dans la conception du projet. Il correspond d'ailleurs à l'intitulé de l’ouvrage. Cette appellation de plan d’Etude marque d'ailleurs une rupture par rapport à la tradition où l'accent n'était pas mis sur la formation intellectuelle mais sur la formation pratique de l’élève, en vue d'être une bonne maîtresse de maison. Par là, l'auteur annonce, d'entrée de jeu, ses intentions. Il n'expose pas un traité d'éducation comme il était d'usage encore au XVIII e siècle. Il compose un cours d'études pour les jeunes demoiselles. L'instruction s'y affirme comme un choix spécifique. Et le fait d'avoir élagué ce qui relève du règlement général pour focaliser sur l'enseignement proprement dit souligne cette innovation.

Le troisième article du chapitre I confirme cette intention du rédacteur. Il présente le programme d'enseignement et définit une structure dont les éléments s'ajustent comme par emboîtement, d'une classe à l'autre  166 . Voici les notions au programme d'arithmétique de quatrième classe : le système de numération, la connaissance des chiffres romains et les quatre règles incomplexes. En troisième classe, s'y ajoutent le calcul décimal et métrique, les fractions, les trois premières règles complexes. Puis en seconde, la division complexe et le calcul géométrique. Et, en classe de première, la règle de trois et la tenue des livres de compte. Le programme des autres matières d'enseignement, grammaire française, littérature, histoire et géographie, obéit au même principe de progressivité.

Le premier chapitre du Plan d'études provisoire définit donc le type d'éducation mis en place, de 1801 à 1804, à la Maison d'Amiens : l'éducation par l'instruction. Les chapitres suivants en spécifient la manière de procéder :

  • le chapitre II précise le critère d'admission dans une classe ;
  • le chapitre III présente le déroulement d'une séquence d'apprentissage, appelée «  classe », dans laquelle sont ordonnés, d'une certaine façon, les différents exercices scolaires ;
  • les chapitres IV à X exposent les différentes didactiques.

Mais pour avoir une idée juste de l'enseignement dispensé dans ce cours d'étude, il est bon de recourir à un autre document, édité en 1805.

Notes
162.

Voir annexe I, p.387-405.

163.

Cette information nous a été donnée aux Archives de la Province de France, de la Compagnie de Jésus, à Vanves. A.M.D.G. signifie Ad Majorem Dei Gloriam. Cette formule était utilisée habituellement par les Jésuites en début de rédactions de documents.

164.

Annexe 1, Chapitre I,. Division des Classes, p. 390.

165.

Annexe 1, Chapitre X, Littérature, p. 405.

166.

Cet article 3 est intitulé : « objet de l'enseignement dans chaque classe », voir annexe 1, p. 391.