Un cycle bien ordonné

Seconde classe
  Plan d'étude (1804) Programme des exercices (1805)
 
Catéchisme diocésain
Evangile de mémoire
 

Histoire

Revoir l'histoire ecclésiastique apprise de mémoire en 3ème classe.

- Histoire du peuple de Dieu, rédigée par les élèves d'après une simple lecture.

Langue
française

Explication jusqu'à la construction des phrases exclusivement

- Analyse logique et grammaticale, en insistant sur les règles les plus difficiles.

Arithmétique

Division complexe
Calcul géométrique

- Les 4 opérations. Fractions. Nombres complexes.
- Notions de géométrie.

Eléments de Littérature

Genre historique
Athalie
Fables de la Fontaine(5,6,2)

- Le goût.
- Les 4 genres littéraires. Genre épistolaire. Genre historique.
Réciter :
- des morceaux choisis de poètes français.
- des modèles de lettres d'auteurs anciens et modernes.

Chronologie

Abrégé chronologique de l'histoire moderne (apprendre au moins 2 fois)
Résumer l'histoire romaine et l'histoire de France.

- Abrégé de l'histoire moderne divisée en 9 époques.
- Histoire romaine : de l'origine à la fin de l'empire d'occident.

Mythologie

de mémoire

- Définition. Utilité. Rapport à la vérité.
- Enumération des divinités et des héros de l'antiquité grecque et romaine.

Géographie

Suivre l'un des cours de géographie générale

- Géographie astronomique.
- Géographie physique (voir 3ème classe ou 1ère classe).

De "l’abrégé" en quatrième classe et de la "religion" en troisième classe, on passe à l’étude de "l'histoire du peuple de Dieu", en seconde classe. Les mêmes périodes se retrouvent. Le récit porte sur les grands événements mais le regard s'attarde, d’une façon plus précise, sur les grandes figures. Comme en troisième classe, l'auteur du manuel utilisé n'est pas mentionné  181 . La méthode préconisée est celle du résumé. Exposée au plan d'études, elle reprend, là encore, les conseils didactiques de Rollin pour l'éducation des filles. Voici, respectivement, ces conseils méthodologiques :

Traité de Rollin Plan d'études de la Maison d'Amiens (1804)
« Quand la leçon est finie, la jeune personne repasse ce qui a été expliqué, et en fait l'extrait, qu'elle montre ensuite au maître. Il corrige ce qu'il y a de défectueux, soit pour les pensées, soit pour l'expression ; ajoute ce qui manque au récit, retranche ce qu'il a de superflu ; fait remarquer les fautes de langage et d'orthographe. Je ne sache rien qui puisse être plus utile à de jeunes personnes que cette sorte d'exercice. J'en ai vu plusieurs composer leurs extraits avec beaucoup d'exactitude et de justesse. On n'arrive pas tout d'un coup à cette perfection, mais on y vient peu à peu. L'application et le travail sont toujours suivis ici d'un heureux succès ». «  A la classe suivante, la maîtresse fait lire une ou deux fois le résumé, partie à l'une, partie à l'autre, et observe ce qui a été omis ou transporté mal à propos ou exprimé en mauvais style (...).
Les résumés sont mis par chaque élève dans un cahier destiné à ce seul usage, et tenu proprement. Chaque semaine ou chaque mois, la maîtresse se fait donner les cahiers d'histoire et elle examine à loisir et en particulier : 1° les lacunes s'il y en a, 2° l'écriture, 3° l'orthographe (...).
Quand un traité d'histoire est fini, on le repasse, chaque élève l'étudiant sur les résumés qu'elle en a faits, et en rendant compte à sa manière sans s'astreindre ni aux mêmes tours de phrase ni aux mêmes expressions » 
182 .

Quant à la chronologie, elle intègre l’histoire « moderne » qui se déploie de Jésus-Christ à Bonaparte. Le principe de division est celui de l’emprise de la civilisation chrétienne. Il connote une idéologie royaliste de restauration. Curieusement, l’impasse est faite sur la Révolution française, la dernière notion étant celle de la paix rendue à l’Eglise par le Concordat.

L'étude de la «  Langue française » se substitue à celle de la grammaire. Ce changement de dénomination marque l’accès à une analyse raisonnée du discours. Y sont abordées certaines règles qui font difficulté. A titre d'illustration, voici quelques exemples mentionnés au programme :

‘- « Du participe.- Règle pour l'accord du participe passé dans les verbes réfléchis et réciproques.- Exemples pour résoudre la difficulté au sujet des participes lorsqu'ils sont suivis d'un infinitif.-
- En quel cas de du des ne sont pas préposition, mais article partitif et indéfini.-
- Remarques particulières sur les espèces de mots qui offrent le plus de difficultés.- Indication de quelques fautes dans nos meilleurs poètes ».’

La note suivante indique que l'élève doit procéder à une analyse logique et grammaticale.

‘« Les élèves feront l'application des règles et des principes qu'elles auront énoncés, en écrivant des phrases sous la dictée, sur les règles les plus difficiles du français et de l'orthographe. Elles rendront compte d'une phrase prise à l'ouverture du livre, distingueront ce qu'est chaque mot, et indiqueront la place et la fonction qu'il occupe dans la phrase »  183 .’

Pour la première fois, en arithmétique comme en littérature, lesexamensportent sur le programme de l'année en cours. En arithmétique, l'élève est interrogée sur les nombres décimaux, dits "complexes", et sur les notions de géométrie. En littérature, le programme commence par l’étude du goût, notion devenue à la mode avec Voltaire et Diderot qui différenciaient le goût du génie, entendu comme puissance créatrice. Il aborde ensuite les quatre genres littéraires : épistolaire, historique, poétique et oratoire. Seuls, les deux premiers sont objets d’examen.

Dans l'énumération des notions au programme de la mythologie, se signalent quelques rapprochements avec le christianisme, sans toutefois tomber dans le syncrétisme alors à la mode. Cet enseignement est estimé nécessaire à plus d'un titre. Premièrement, il sert à mettre en perspective la Bonne Nouvelle de l'Evangile. En présentant l'irrationalité et le caractère insensé des formes d’idolâtrie de la civilisation gréco-latine, il met en valeur la libération, en Jésus-Christ, de l'humanité. Il souligne ainsi l'importance à accorder à l'éducation religieuse.

D'après Rollin, telle est la finalité de l'enseignement de la mythologie et de la fable :

« Avant (le Christ), qu'étaient les hommes, mêmes les plus sages et les plus réglés, ces célèbres philosophes, ces grands politiques, ces fameux législateurs de la Grèce, ces graves sénateurs de Rome, en un mot toutes les nations du monde les mieux policées et les plus éclairées ? La Fable nous l'apprend 184  ». A cette considération, l'auteur du Traité joint l’exhortation suivante. « Chaque histoire de la Fable, chaque circonstance de la vie des dieux, doit nous remplir en même temps de confusion, d'admiration, de reconnaissance, et semble nous crier à haute voix ce que Saint Paul disait aux Ephésiens : Souvenez-vous, et ne l'oubliez jamais, qu'étant gentils par votre origine... vous n'aviez point l'espérance des biens promis, et que vous étiez sans dieu en ce monde (2. Eph. II, 12) ». Ainsi, pour Rollin comme pour le rédacteur du Plan provisoire de 1804, l'enseignement de la mythologie est au service de la théologie et de la morale chrétiennes. Il permet de « décrier l'idolâtrie, usage qu'en ont fait, rappelle-t-il, les saints Pères et tous les apologistes de la religion chrétienne »  185 . Par suite, il permet de mieux apprécier les exigences évangéliques. Selon cette approche, il est indicateur de sens.

Deuxièmement, l'étude de la mythologie est nécessaire à l’histoire de l’art et à la littérature. En effet, elle favorise l'intelligence des auteurs et ouvre à l'interprétation d'œuvres d'art. « Il est d'autres espèces de livres exposés aux yeux de tout le monde, les tableaux, les estampes, les tapisseries, les statues,remarque Rollin. Ce sont autant d'énigmes pour ceux qui ignorent la Fable, qui souvent en est l'explication et le dénouement. Il n'est pas rare que dans les entretiens on parle de ces matières. Ce n'est point, ce me semble, une chose agréable, que de demeurer muet et de paraître stupide dans une compagnie, faute d'avoir été instruit, pendant la jeunesse, d'une chose qui coûte fort peu à apprendre » 186 . Dans ces propos, Rollin ne se présente-t-il pas comme le précurseur du bon usage des documents médiatiques contemporains ?

Le style d'éducation mis en place par Sophie Barat et ses premières compagnes est un enseignement de culture, dont les références circonscrivent un espace où les facultés humaines - la sensibilité, l'imagination, l'intelligence et la mémoire - sont sollicitées tour à tour par l'acte éducatif.En ce sens, la formation des jeunes demoiselles peut être dite intégrale. Les enseignements au programme de cette seconde classe lui donnent l’allure d'une classe d'humanités. C’est ce que présente sans équivoque le niveau de la classe suivante, avec l’étude de la poésie, du genre oratoire et de la géographie astronomique.

Classe de première
  Plan d'étude (1804) Programme des exercices (1805)

Religion

Evangile
Catéchisme diocésain

- Histoire de l'Eglise (rédigée par elles-mêmes d'après une simple lecture) : depuis la prédication de l'Evangile jusqu'en 1802.

Histoire

Histoire moderne par résumés

- Histoire de France : des origines à la guerre d'indépendance d'Amérique.

Langue française

revoir la grammaire; construction des phrases

- Introduction au genre oratoire : des éléments du discours aux règles de composition et d'expression.

Arithmétique

règle de trois
tenue des livres de compte

Géométrie. Calcul métrique. Fractions décimales. Règles de trois simples et composées. Intérêt. Escompte. Tenue des livres de compte.

Littérature

genre poétique de mémoire ; lettres et narrations à composer
Poème de la Religion de mémoire
Fables de la Fontaine (Livres 7-8)

- Genre poétique : Poésie pastorale - didactique - lyrique - dramatique - épique.
- Morceaux choisis de poètes anciens et modernes, français et étrangers( anglais, italien, espagnol, allemand).

Géographie

Suivre l'un des cours de géographie astronomique et de géographie générale

- 1er cours de géographie astronomique : Etoiles. Constellations. Soleil. Planète. Comète. Lune. Calendrier. Eclipse du soleil et de la lune. La terre. Les saisons et le rythme des marées. Réflexion sur la place de la terre et de l'homme dans l'univers.
- Géographie physique et politique : Empire et royaumes dans les différentes parties du monde.
La France.
Initiation théologique

Science naturelle
Si l'on peut, résumer :
La Doctrine chrétienne de l'homme.
Les leçons de la nature de Cousin DESPREAUX.
 

L’histoire de l’Eglise reprend, d’une manière plus développée, les notions de la Chronologie du programme de seconde. L’enseignement de la grammaire a disparu. Elle fait place aux règles de la rhétorique. Le calcul métrique est finalisé à la tenue du « livre de compte ». Ce dernier prenait, à cette époque, soit la forme du «  Grand livre » pour le bilan commercial, soit celle du «  Journal » de famille, appelé aussi «  Livre de raison », dans lequel dépenses, recettes et événements familiaux étaient relatés au jour le jour.

Sous le titre de "Géographie physique et politique", est développé un cours d'initiation aux sciences de l’homme et à la philosophie morale et politique, comme l'indiquent les notions suivantes :

‘« Précis de l'histoire des Empires, Royaumes, Républiques qui se trouvent dans les différentes parties du monde.- Leur division géographique. - Leurs noms anciens et modernes. - Etendue. - Situation. - Limites. - Climat. - Sol. - Montagnes. - Forêts. - Lacs. - Fleuves. - Rivières. - Religions. - Gouvernements. - Souverains. - Langues. - Sciences et Arts. - Grands hommes de chaque pays. - Universités. - Population. - Revenus. - Forces de terre et de mer. - Moeurs et Coutumes. - Antiquité. - Navigation. - Commerce. - Manufactures, etc... ».’

Mais l'étude de la géographie n'est pas cantonnée à un niveau purement descriptif, à finalité historique. Elle intègre aussi certaines notions de physique qui étaient au programme de la classe de philosophie des jeunes gens au XIXe siècle 187 . Cette question finale du programme de géographie en est, à la fois, la synthèse et l'aboutissement : « "N'y a t-il pas quelques réflexions à faire sur la place que la terre occupe parmi les planètes, sur la disposition de ses parties, et sur la place que nous y occupons nous-mêmes ». Par cette invitation s'achève l'énoncé du programme de géographie astronomique.

Quant au programme de littérature, en première et en classe supérieure, il confirme l'orientation prise, d'un enseignement de culture. L'étude du genre poétique comprend : «  l’apologue », «  la poésie pastorale », «  la poésie didactique », «  la poésie lyrique », «  la poésie dramatique » et «  la poésie épique ». Le français y est mis sur le même plan que le grec et le latin.

Un second choix novateur s'affirme : l'intégration de l'étude du genre oratoire. Jusqu'alors, l'enseignement de la rhétorique était réservé à la formation des jeunes gens.

Classe supérieure
Plan d'étude (1804) Programme des exercices (1805)

Selon les besoins des élèves, revoir ce qu'on a étudié dans les autres classes

- Rendre compte des sciences apprises dans les cours précédents : histoire de la religion; langue française; arithmétique; chronologie; mythologie.
Rhétorique - Littérature :
Le genre oratoire (Rhétorique. Invention, disposition et élocution oratoires). La prosodie.
- Réciter des morceaux choisis des poètes et des orateurs étudiés.
Histoire naturelle (résumés).  
Fondements de la foi (lecture et résumés).  

Ce cours complémentaire, appelé Classe supérieure, présente deux axes principaux : la synthèse personnelle des enseignements antérieurs et l’apprentissage de la rhétorique. Cette dernière vient couronner la formation intellectuelle. « C’est, en effet,par ces sortes d’exercices que se terminent les cinq années du Cours d’Education » 188 . A la géographie astronomique est joint l'art de discourir avec élégance et persuasion. Deux enseignements considérés comme deux moyens adaptés à la fin que se propose le nouvel Institut. Reconnaître personnellement le dessein de Dieu à l'œuvre dans l'univers, ne suffit pas pour "glorifer le Cœur du Christ". Encore faut-il communiquer cette "Bonne Nouvelle" à d'autres, au plus grand nombre possible, par-delà les mers.

Une transformation de certaines représentations culturelles est ainsi opérée. L'aptitude des jeunes filles à communiquer rationnellement un art de vivre et les raisons de leurs engagements, est affirmée dans ce Plan d'Etude provisoire à l'usage de la Maison d'Amiens. Telle est la cohérence que laisse apparaître l'étude du premier chapitre du manuscrit,accompagnée de celle du Programme de 1805. Mais quel est le modèle inspirateur de ce Cours d'études ?

Notes
181.

Il s'agit, en fait, du rédacteur du plan d'études, J-N. Loriquet, comme le mentionneront les textes ultérieurs.

182.

Plan d'Etude provisoire à l'usage de la Maison d'Amiens, Annexe 1, p. 402-403.

183.

Ibid., Annexe 1, p.400.

184.

Ibid., p. 135.

185.

Ibid., p. 136.

186.

Idid., p. 137.

187.

« Peut-on raisonnablement, faisait remarquer Rollin, laisser ignorer aux jeunes gens de telles merveilles, et ne point les instruire des autres matières qui se traitent en physique, et qui occupent pour l'ordinaire une bonne partie de la seconde année de la philosophie ? » , ibid., p. 187.

188.

Annexe 1, Chapitre X, Littérature, p. 405.