II. 2 : Dans la ligne de la Ratio studiorum

Le décret de Messidor (22 juin 1804) a dissout l'association des Pères de la Foi  219 dont les écoles secondaires semblent porter ombrage à la réputation des lycées d'Etat  220 . « Les collèges des Pères, à Amiens, Belley et Roanne, sont en effet florissants et d'autres fondations se préparent avec l'appui des familles et des autorités locales », signale Diriès . A. Guidée apporte le même écho. « Le succès qu'obtint l'Ecole secondaire de l'Oratoire, dans laquelle le P. Loriquet professa successivement les classes de septième, de sixième et de cinquième, éveilla la jalousie à tel point qu'après deux années seulement d'existence cet établissement fut supprimé » 221 . Aussi, en 1806, sont-ils contraints de quitter le Collège de St-Acheul, près d’Amiens, pour s’installer à Montdidier. Un an après, ils sont sommés d'aller exercer leur ministère dans leur paroisse d’origine.

Parmi les congrégations masculines, seuls les Frères des Ecoles chrétiennes obtiennent une autorisation légale. Ils sont même incorporés « à l'Université, comme maîtres de l'enseignement primaire », par le décret du 17 mars 1808  222 . Napoléon craint la concurrence des autres congrégations. Pour neutraliser leur impact, il leur interdit purement et simplement l'exercice  223 .

C'est dans ce contexte que J-N. Loriquet est appelé, en 1805, par le cardinal Fesch, oncle de l'empereur, dans le diocèse de Lyon pour y ouvrir un nouvel établissement à l'Argentière. Il y exerce le rôle de préfet des études et rédige un plan d’études. « En peu de temps, ce séminaire-collège acquit une renommée presque nationale, précise son biographe. On y venait de toute part pour y puiser les principes d'une éducation forte et religieuse ». Procéder à une comparaison entre ce nouveau plan d'études et celui à l'usage de la Maison d'Amiens,du même auteur, favorisera leur identification. A quelle tradition éducative se réfère J-N. Loriquet pour obtenir de tels résultats scolaires et susciter de telles animosités ? Le plan d'études du pensionnat de jeunes filles est-il composé selon les mêmes "principes" que celui des garçons ?

Notes
219.

Dans son article I, le décret stipule la dissolution de "L'agrégation ou asssociation connue sous le nom de Pères de la Foi, d'Adorateurs de Jésus ou Paccanaristes, actuellement établie à Belley, à Amiens et dans quelques autres villes de l'Empire". L'article 4 étend l'interdiction : "Aucune agrégation ou association d'hommes ou de femmes ne pourra se former à l'avenir sous prétexte de religion à moins qu'elle n’ait été formellement autorisée par un décret impérial, sur le vu des statuts et réglements sous lesquels on se proposerait de vivre dans cette agrégation ou association". Cité par J. de Charry, idem, 2è édition, p. 364.

220.

"On reproche aux écoles centrales l'absence d'internat, d'enseignement religieux, l'insuffisance de l'éducation morale, et la liberté presque totale dont jouissent les élèves. C’est sans doute pour ces raisons en partie, et parce qu'elles ont été conçues comme des bastions d'esprit laïque, que Napoléon renonce au système imaginé par la Convention et revient avec les lycées, à un modèle finalement plus proche des collèges de l'Ancien Régime". Histoire mondiale de l'Education, chapitre III, Origines, utopies et principes, Les commencements révolutionnaires, p. 68.

221.

A. Guidée, supra, idem, p.77.

222.

Ibidem, p. 366.

223.

Cette prérogative de l'Etat ne fera que s'affirmer tout au long du XIXe siècle. Cela est dû au rôle attribué à l'institution scolaire. « C'est là seulement, pense-t-on, que l'instruction peut se faire avec ordre et avec la plus grande efficacité. Se pose alors la question du contrôle de cette institution. De la passion de l'école à la lutte scolaire, il n'est qu'un pas, rapidement franchi là où l'Etat entend affirmer des prérogatives, nouvelles en somme pour lui, face à l'Eglise qui considérait l'enseignement comme une de ses missions traditionnelles. Le sens même de l'instruction s'en trouve modifié. Elle cesse dès les débuts de la période d'être l'œuvre de charité qui avait justifié et justifie encore au long du siècle le monde catholique dans la fondation d'écoles paroissiales et de congrégations enseignantes. Elle devient un devoir autant qu"un droit de l'Etat qui la transforme en service public ». Histoire mondiale de L'Education, idem, p.12.